Série thématique sur l'ethnicité, la langue et l'immigration
Les schémas d’établissement et l’intégration sociale de la population issue de l’immigration dans les régions métropolitaines de Montréal, Toronto et de Vancouver

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par Mireille Vézina et René Houle

Date de diffusion : le 7 mai 2017

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Remerciements

Cette étude a été rendue possible grâce au soutien et la collaboration de plusieurs personnes. Les auteurs tiennent d’abord à remercier Jean-Pierre Corbeil, responsable du programme de la statistique ethnoculturelle, langue et immigration à Statistique Canada, pour avoir appuyé la mise en œuvre de ce projet. Ses suggestions ont aussi contribué à améliorer son contenu. Les premières versions de ce document ont également bénéficié des judicieux conseils de Martin Turcotte et Feng Hou, analystes en recherche à Statistique Canada. Nous tenons également à remercier Deniz Do, Julie Bertrand et Denis Thériault ainsi que le personnel de la Direction des communications et de la diffusion pour leur implication dans la vérification et la mise en page du document.

Faits saillants

La tendance à la hausse de l’établissement de la population immigrante dans certaines municipalités périphériques (la suburbanisation) s’est accentuée au cours des dernières années dans les trois plus grandes régions métropolitaines du pays : Montréal, Toronto et Vancouver. Selon les données des recensements canadiens de 2001 et 2006 et de l’Enquête auprès des ménages (ENM) de 2011, l’établissement de la population immigrante dans les municipalités (subdivisions de recensement) situées en bordure des municipalités centrales affiche une croissance constante entre 2001 et 2011 dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal, Toronto et Vancouver.

Pour la RMR de Montréal, la proportion d’immigrants qui habitaient dans une municipalité périphérique est passée de 26,8 % en 2001 à 32,8 % en 2011. En comparaison, dans la RMR de Toronto plus de la moitié de la population (50,6 %) habitait dans une municipalité périphérique à la municipalité de Toronto, une hausse de 10 points de pourcentage par rapport à 2001 (40,3 %). Quant à la RMR de Vancouver, le taux de suburbanisation est  passé de 66,4 % à 71,6 % au cours de la même période.

La tendance à la suburbanisation de l’immigration touche non seulement les immigrants établis depuis plusieurs années au pays et leurs descendants de deuxième génération, mais aussi les immigrants récents établis depuis 5 ans ou moins. Dans la RMR de Montréal, le pourcentage d’immigrants récents habitant dans une municipalité périphérique est passé de 13,4 % en 2001 à 18,9 % en 2006 pour s’établir à 21,3 % en 2011. Le taux de suburbanisation des immigrants récents de la RMR de Montréal en 2011 est toutefois deux fois plus petit que celui des immigrants établis depuis plus de cinq au pays (42,3 %).

Dans la RMR de Toronto, le pourcentage d’immigrants récents habitant dans une municipalité périphérique est passé de 31,9 % en 2001 à 42,5 % en 2011. Chez les immigrants établis, le pourcentage a aussi augmenté passant de 42,3 % en 2001 à 51,8 % en 2011, soit un pourcentage comparable à ceux des personnes de la deuxième et de la troisième génération et plus (54,3 % et 56,0 % en 2011). Quant à la RMR de Vancouver, les taux de suburbanisation sont plus élevés qu’à Montréal et Toronto tant chez les immigrants récents que chez les personnes de deuxième ou de troisième génération et plus. Leur pourcentage varie peu d’un groupe à l’autre (71,6 % chez les immigrants récents comparativement à 71,2 % chez les immigrants établis et 70,1 % chez les personnes de deuxième génération en 2011).

En plus de la tendance à la suburbanisation chez les différents groupes d’immigrants, la population issue de l’immigration se concentre non seulement dans certains quartiers (secteurs de recensement) des municipalités centrales, mais aussi dans ceux des municipalités périphériques. Quelle que soit la RMR, les valeurs de l’indice de dissimilarité (D) sont plus élevées dans les municipalités situées en bordure des municipalités centrales.

Dans les trois RMR examinées, les populations en provenance des îles britanniques, des États-Unis, de la France et de l’Allemagne, quatre groupes ayant une présence plus ancienne au Canada, sont systématiquement les groupes les moins concentrés. À l’inverse, les groupes dont la présence au Canada est plus récente comme les personnes originaires des Philippines, de l’Inde, du Bangladesh, du Ghana et de l’Iran, sont aussi les plus concentrés en termes de schéma d’établissement.

Selon les données l’Enquête sociale générale de 2013 sur l’identité sociale, les résidents des municipalités périphériques sont moins susceptibles que leurs homologues des municipalités centrales d’avoir des réseaux personnels d’une taille supérieure à 15 personnes.

Sur le plan de la composition ethnique des liens d’amitié, 30 % de la population issue de l’immigration vivant dans une municipalité périphérique estiment qu’au moins la moitié des amis avec qui ils ont communiqué au cours du dernier mois appartient à un groupe ethnique visiblement différent du leur, contre 37 % de celle de la population des municipalités centrales.

Quel que soit leur lieu de résidence, environ le tiers de la population issue de l’immigration a déclaré connaître tous ou la plupart de leurs voisins. Le pourcentage de résidents ayant échangé un service avec l’un de leurs voisins au cours du dernier mois était moins élevé dans les quartiers où la population issue de l’immigration était « très concentrée » (plus de 70 %) que dans les quartiers dispersés (moins de 50 %). Par ailleurs, ces différences disparaissent lorsque l’on tient compte de l’influence d’autres facteurs comme la durée de résidence dans le quartier et d’autres caractéristiques socioéconomiques.  

Les résidents des quartiers où la population issue de l’immigration représente une majorité sont plus susceptibles de faire partie d’un organisme d’immigrants ou ethnique que ceux établis dans les quartiers où le pourcentage de la population issu de l’immigration est inférieur à 50 % (4,2 % contre 7,7%).

La grande majorité des immigrants et des personnes de deuxième génération ont déclaré éprouver un sentiment d’appartenance très fort ou plus ou moins fort à l’égard du Canada et de leur province, de leur ville et de leur communauté locale. Parmi les facteurs qui peuvent renforcer le sentiment d’appartenance exprimé à l’égard de l’un ou l’autre de ces lieux de résidence, les caractéristiques résidentielles, telles que le type de municipalité et le degré de concentration, n’exerçaient pas, en général, une influence statistiquement significative.

Introduction

Que ce soit pour des raisons professionnelles ou économiques, pour rejoindre des membres de la famille ou pour fuir une guerre, des milliers de personnes posent chaque année leur ancre au Canada pour s’y établir. Peu importe le contexte, élire domicile dans un nouveau pays implique plusieurs changements et transitions, notamment sur le plan résidentiel et social. En plus d’emménager dans un logement et un quartier, les immigrants et leurs enfants redéfinissent leurs repères et reconstruisent leurs réseaux personnels à leur arrivée et tout au long de leur vie.  

Sur le plan résidentiel, il est bien connu que les centres de population denses et fortement urbanisés sont le foyer de la majorité de la population immigrante. Selon les données de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, des 6,8 millions d’immigrants du Canada, 63,4 % habitaient dans l’une des trois plus grandes régions métropolitaines du pays : Montréal, Toronto et Vancouver (Statistique Canada, 2013a). Bien que la dimension urbaine de l’immigration ne soit pas un fait nouveau et qu’elle constitue une tendance historiquement lourde en Amérique du Nord, on assiste depuis quelques décennies aux États-Unis et plus récemment au Canada à une hausse de la dispersion régionale et intramétropolitaine des immigrants récents donnant lieu à l’émergence de « nouvelles portes d’entrée » dans certaines provinces et périphéries des régions métropolitaines (Singer, 2004; Li, 1998; Hiebert, 2015;  Alba et coll. 1999). Par ailleurs, cette dispersion intramétropolitaine s’opère également selon différents lieux et degrés de concentration des populations issues de l’immigration. À cet effet, mentionnons l’émergence de concentrations « ethniques » (ethnoburb) en bordure des municipalités centrales (subdivisions de recensement) (Hiebert, 2015; Murdie et Ghosh 2010; Li 1998). 

Dans un contexte où les schémas d’établissement de la population issue de l’immigration peuvent se réaliser selon différentes modalités, on peut se questionner sur les tendances récentes dans les régions métropolitaines canadiennes, mais aussi sur le rôle des caractéristiques résidentielles en matière d’intégration sociale, c’est-à-dire les liens et les rapports sociaux développés au pays en tant que tel. À cet effet, les liens familiaux et d’amitié, les relations de voisinage, la participation sociale et l’engagement communautaire ainsi que le sentiment d’appartenance à l’égard du lieu de résidence et des collectivités canadiennes fournissent d’importants renseignements sur les expériences sociales que les immigrants et leurs descendants de deuxième génération vivent dans leur environnement où ils sont établis. Diverses études ont montré l’importance du rôle de la qualité des liens développés au pays et du soutien que les immigrants récents peuvent recevoir dans leur environnement immédiat pour leur intégration et pour contrer les risques d’isolement et de discrimination économique, sociale et spatiale (Franke, 2005; Cadge et Ecklund, 2007; Hirschman, 2004; Thomas, 2011, 2012).

La présente étude a deux principaux objectifs. Le premier est de présenter les tendances récentes de 2001 à 2011 des schémas d’établissement de la population issue de l’immigration dans les trois plus grandes régions métropolitaines canadiennes de recensement (RMR) Montréal, Toronto et Vancouverr. Le deuxième objectif est d’examiner les caractéristiques des modalités d’établissement selon certaines composantes de l’intégration sociale des immigrants et de la deuxième génération qui en est issue. Le rapport se divise en quatre parties.

Dans la première partie, nous passons brièvement en revue les travaux américains et canadiens qui ont porté sur l’analyse des schémas d’établissement et ce qu’ils signifient en matière d’intégration sociale. À cet effet, nous présentons d’abord deux perspectives, soit celle du modèle de l’assimilation spatiale et celle émanant de travaux canadiens sur ce que l’on nomme souvent la nouvelle géographie sociale. Nous nous attardons ensuite au concept d’intégration sociale proprement dit.

La deuxième partie est consacrée à la présentation des sources de données, des populations à l’étude et de la terminologie utilisée.

Dans la troisième partie nous examinons, à partir des données de l’ENM de 2011 et des recensements canadiens de 2006 et de 2001, trois tendances récentes qui caractérisent les schémas d’établissement de la population immigrante, soit : 1) leur dispersion régionale; 2) leur dispersion intramétropolitaine (leur suburbanisation); et 3) leur niveau de concentration spatiale mesurée à l’échelle des quartiers (secteurs de recensement) dans les municipalités centrales et périphériques (subdivisons de recensement) pour les trois plus grandes régions métropolitaines canadiennes de Montréal, Toronto et Vancouver.

À la lumière de ces tendances, on examine dans la quatrième partie de ce rapport, dans quelle mesure les caractéristiques des différents schémas d’établissement sont des facteurs contextuels qui favorisent ou qui entravent l’intégration sociale des immigrants et de la deuxième génération qui en est issue. Plus précisément, cette dernière partie du rapport a pour objectif de répondre à la question suivante : dans quelle mesure les caractéristiques des schémas d’établissement, mesurées par l’emplacement géographique du lieu de résidence (centre ou périphérie) et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier (secteur de recensement), se superposent-elles au fait d’établir « ses racines » sociales?

Nous examinons cette question à partir des données de l’Enquête sociale générale de 2013 sur l’Identité sociale. Au moyen de modèles de régression logistique, nous analysons les caractéristiques des schémas d’établissement et d’autres facteurs socioéconomiques selon quatre ensembles d’indicateurs d’intégration sociale soit: A) les caractéristiques des réseaux personnels développés au Canada; B) les relations de voisinage; C) le bénévolat et l’engagement communautaire; et D) le sentiment d’appartenance au lieu de résidence et aux personnes partageant des caractéristiques communes telles que le pays d’origine, l’origine ethnique ou culturelle et la langue maternelle. 

Partie 1. Les schémas d’établissement et l’intégration sociale 

L’étude des schémas d’établissement, et plus particulièrement celle de la formation des quartiers dits « ethniques » et du degré de concentration et de dispersion des populations issues de l’immigration, suscite depuis de nombreuses décennies l’intérêt des sociologues et des géographes américains. En effet, cette question est importante puisqu’elle soulève des enjeux associés à la « ségrégation résidentielle » comme la marginalisation, l’exclusion, la discrimination économique sociale et résidentielle ainsi que des problèmes de pauvreté et de criminalité (Duncan, 1957, Massey, 1985; Massey et Denton, 1988b; Logan et Zhang, 2002). Il sera question dans cette partie de la théorie de l’assimilation spatiale et de quelques travaux réalisés dans le cadre de la « nouvelle géographie sociale » canadienne.   

1.1 La théorie de l’assimilation spatiale et la nouvelle géographie sociale

La théorie de l’assimilation spatiale s’inscrit dans le courant de pensée et la tradition de l’École de Chicago et fut reprise par l’écologie urbaine (Alba et Logan, 1991). Les travaux de cette école ont longtemps mobilisé l’idée suivant laquelle la succession et le remplacement des groupes de population fonctionnaient selon la même logique que celle du monde végétal (Burgess, 1928; Park, 1926). Ce modèle a servi par la suite à l’étude de la formation de divers groupes minoritaires à l’échelle des quartiers, ce qui a donné naissance au concept « d’enclave ethnique ». Celles-ci sont définies comme des espaces résidentiels où des groupes minoritaires, généralement issus de l’immigration récente, s’installent à leur arrivée dans certains quartiers en raison de leurs ressources économiques limitées, de l’existence de logements abordables et d’un certain « confort culturel » (Alba et Logan, 1999).

On peut identifier deux catégories « d’enclaves » : a) les enclaves dites « traditionnelles » définies comme des espaces de marginalisation et souvent caractérisées par des problèmes de pauvreté et de criminalité et; b) les enclaves caractérisées par une forte concentration d’un même groupe ethnique, mais dont les ressources financières sont suffisantes pour choisir des logements de meilleure qualité (Massey and Denton 1988b; Massey, 1985, Alba et coll., 1999). Ce type d’enclave est aussi connu sous l’appellation de « communauté ethnique » et souvent décrite comme étant constitué de lieux d’entraide et de solidarité. Certaines sont dotées de services offerts ou adaptés aux membres de la communauté (association d’immigrants et ethnique, service de santé, de garde des enfants, services immobiliers et de voyage, etc.) et d’économies ethniques dans des domaines variés comme la construction, les services personnels, la restauration et l’alimentation. Peu importe le type, les enclaves ethniques décrites dans les travaux de l’École de Chicago ont généralement comme caractéristiques communes de comprendre une concentration élevée de populations dont les traits culturels sont différents de ceux de la majorité, de disposer de ressources économiques plus limitées, d’être situées dans les quartiers des municipalités centrales des régions métropolitaines et de constituer des lieux de transition dans le processus de dispersion spatiale et d’intégration sociale qui s’en suit.

La théorie de « l’assimilation spatiale » repose sur l’idée selon laquelle l’acquisition d’un statut socioéconomique et d’un niveau d’acculturationNote 1 élevés est généralement suivie d’une mobilité résidentielle qui s’opère à l’extérieur des enclaves et qui débouche sur une dispersion spatiale plus accrue des lieux de résidence. Cette dispersion se réalise généralement dans les quartiers périphériques où la population qui forme le groupe majoritaire réside et dont le statut socioéconomique est en général plus élevé. Selon ce modèle, la dispersion géographique des groupes minoritaires dans les régions périphériques est une étape intermédiaire qui conduit à « l’intégration sociale ». Ainsi, en étant dispersés et sortis des enclaves, les groupes minoritaires sont plus exposés au reste de la population et donc plus susceptibles de s’y mêler, d’établir des contacts, de former des unions et des mariages avec le groupe qui forme la majorité et donc de s’y intégrer (Alba et coll. 1999). Le modèle de l’assimilation spatiale fait surtout référence aux schémas résidentiels et économiques des immigrants aux États-Unis, principalement issus des vagues européennes d’avant les années 1980. À leur arrivée, ces populations détenaient en général un statut socioéconomique moins élevé et la plupart d’entre eux occupaient des emplois dans le secteur manufacturier. Ils s’installaient d’abord dans les quartiers centraux des villes, « les enclaves », pour ensuite migrer à l’extérieur de leur communauté ethnique et se fondre dans la majorité, généralement dans les zones périphériques. Cette mobilité se réalise seulement après qu’un statut socioéconomique relativement élevé ait été atteint, ce qui peut prendre plusieurs années, voire même s’étaler sur plus d’une génération.

Contrairement aux vagues d’immigration plus anciennes en provenance de l’Europe, les immigrants des dernières vagues ont comme caractéristiques communes de détenir des  niveaux de scolarité plus élevés, d’occuper des emplois qualifiés et de parler la langue du pays d’accueil (Alba et coll. 1999). Selon l’hypothèse de la théorie de l’assimilation spatiale, ils disposeraient dès leur arrivée de ressources économiques et culturelles qui favoriseraient leur dispersion et leur établissement à l’extérieur des enclaves ethniques. Les populations issues des récentes vagues d’immigration seraient donc, selon la logique du modèle de l’assimilation spatiale, plus susceptibles d’accéder à la propriété, d’être plus dispersées sur le territoire et donc d’être plus exposées au groupe qui forme la majorité et de s’y s’intégrer plus rapidement (Massey 1985;  Alba et coll. 1999; Alba et Nee 1997).

Dans le contexte actuel des régions métropolitaines canadiennes, les schémas d’établissement des groupes issus de l’immigration récente et ceux établis depuis plusieurs années, voire des générations, n’ont pas nécessairement suivi un modèle de dispersion des groupes vers les quartiers plus éloignés de la municipalité centrale. En effet, l’établissement des populations immigrantes issues des vagues des 30 dernières années s’est plutôt effectué suivant un processus de concentration de certains groupes dans les quartiers périphériques (Hiebert, 2000; 2015; Li 1998). Ainsi, la mobilité résidentielle vers les quartiers périphériques n’a pas débouché sur une dispersion, mais plutôt sur l’émergence de nouvelles  concentrations « ethniques » (Li, 1998; Hiebert, 2000; Teixeira, 2015). Ce contexte a alimenté plusieurs travaux de recherche et débatsNote 2 qui ont remis en question le modèle de l’assimilation spatiale, et tout particulièrement le rôle des enclaves ethniques dans l’intégration sociale des immigrants au sein des municipalités canadiennes (Hiebert, 2000; 2015; Murdies et Ghosh, 2010).

La recherche actuelle réalisée dans le contexte canadien reproche au modèle de l’assimilation spatiale d’être, entre autres, inadéquat en raison de l’existence de la diversité économique, démographique et culturelle des quartiers périphériques et de la présence d’enclaves sur l’ensemble du territoire des grands centres urbains canadiens (Hiebert, 2000; 2015). Divers travaux ont nuancé les effets négatifs qu’on attribue aux enclaves ethniques dans les travaux appuyant la théorie de l’assimilation spatiale (Teixeira, 2015; Kataure et Walton-Robert, 2015; Murdie et Ghosh, 2010). Les « enclaves » ne sont pas nécessairement un synonyme de pauvreté et d’exclusion. On avance aussi l’idée que le fait de vivre dans une enclave diversifiée économiquement et culturellement pourrait être bénéfique et propice au développement d’un capital social étendu, ce qui favoriserait une meilleure intégration économique et sociale (Heibert, 2015; Li 1998). De plus, divers travaux de recherche ont montré l’influence des réseaux personnels et familiaux dans le choix d’un lieu de résidence (Boyd, 1989; Kataure et Walton-Robert, 2015; Teixeira, 2015, 2010; Massey et Aysa-Lastra, 2011). Les familles immigrantes ont tendance à s’établir dans les mêmes quartiers lorsqu’ils ont la possibilité de le faireNote 3.

Dans ce contexte, l’intégration sociale pourrait plutôt varier en fonction des liens développés à l’intérieur ou à l’extérieur des « enclaves » ainsi que des caractéristiques individuelles comme le revenu ou la structure familiale plutôt qu’en fonction de leur dispersion géographique dans les quartiers périphériques, comme le suggère le modèle de l’assimilation spatiale.

1.2 La notion d’intégration sociale

La théorie de l’assimilation spatiale et les travaux plus récents déjà cités entretiennent l’idée suivant laquelle l’intégration sociale implique une intégration économique préalable, le développement d’un capital social diversifié et constitué de liens avec des membres du groupe majoritaire. Contrairement à l’intégration économique qui est généralement mesurée au moyen du revenu, de l’activité sur le marché du travail, du type de profession occupée et du niveau de scolarité atteint, l’intégration sociale n’est pas définie en fonction d’une liste exhaustive d’indicateurs comme telle ou n’est pas mesurée de façon précise suivant une approche qui fait consensus. L’objectif de la présente étude n’est donc pas de fournir une revue exhaustive du concept d’intégration sociale, mais d’en identifier certaines caractéristiques et d’examiner dans quelle mesure les tendances récentes en matière d’établissement dans l’espace urbain peuvent fournir un éclairage sur le sujet.

Un des textes fondateurs dans les études sur l’intégration (ou assimilation, dans la tradition américaine) est l’ouvrage de Gordon (1964). L’auteur identifie sept processus qu’il incorpore à autant de types ou d’étapes d’intégration. Ce qu’il nomme l’assimilation culturelle consiste en l’adaptation à court et moyen terme de l’immigrant aux pratiques courantes dans le pays d’accueil, ce qui se traduit, entre autres, par l’apprentissage de la ou des langues du pays et la participation au marché du travailNote 4. Trois autres processus mentionnés par Gordon sont pertinents pour notre propos : 1) le développement d’un capital social et tout particulièrement de liens avec la population du pays d’accueil; 2) les mariages mixtes (entre un immigrant et un citoyen de naissance); 3) le développement d’un sentiment d’appartenance à l’égard du pays d’accueil (et à l’inverse, la rétention du sentiment d’appartenance envers le pays d’origine).

Plus récemment, Entzinger et Biezeveld (2003) ont identifié quatre champs d’intégration : l’intégration socio-économique, l’intégration culturelle, l’intégration politique et l’attitude du pays d’accueil (discrimination, rôle des médias, etc.). Il ne s’agit pas ici d’une approche séquentielle où chacune des étapes se succède pour aboutir à une intégration complète comme chez Gordon, mais plutôt une approche selon laquelle divers domaines d’intégration peuvent se chevaucher sans qu’aucun d’eux ne soit nécessairement un préalable à la migration vers un autre.

Lorsqu’on se réfère aux textes qui abordent spécifiquement la notion d’intégration sociale, on constate que celle-ci est définie de façon très variable. Ainsi, Martinovic, van Tubergen et Maas (2009) définissent l’intégration sociale comme l’ensemble des interactions sociales fortes ou faibles qu’entretiennent les immigrants avec les citoyens de naissance. Une approche similaire est retenue par Wu, Schimmele et Hou (2010) qui associent l’intégration sociale au « mélange (blending) des groupes », c’est-à-dire au développement d’interactions sociales avec le groupe majoritaire, ce que les auteurs identifient explicitement à l’assimilation structurelle de GordonNote 5. Par contre, Kitchen, Williams et Gallina (2015) s’appuient sur une définition beaucoup plus large (reprise de Frideres, 2008), soit le processus par lequel les immigrants deviennent une partie intégrante du tissu social, culturel et institutionnel de la communauté d’accueil sans compromettre ou renoncer leur identité culturelle. Le niveau d’intégration sociale dépend par ailleurs du fait que les liens sociaux sont développés avec les membres du même groupe, avec la population locale ou avec les deux, et l’intégration sociale ne progresse que si la quantité et la qualité des liens sociaux avec la population locale s’accroissent. Wu, Schimmele et Hou (2010), de même que Kitchen, Williams et Gallina (2015), mesurent cette intégration sociale au moyen d’un « proxy », soit le sentiment d’appartenance à la communauté.

À la lumière de ces travaux, nous pouvons identifier deux caractéristiques clés de l’intégration sociale : d’une part, l’intégration sociale est un concept qui comporte plusieurs dimensions non mutuellement exclusives. D’autre part, les travaux s’accordent sur le fait que l’intégration sociale dépend en grande partie des interactions et des liens sociaux développés avec les membres de la société hôte. En plus de ces liens, l’intensité du sentiment d’appartenance apparaît dans d’autres études comme une mesure qui permet, en quelque sorte de capter le résultat (outcome) de l’intégration sociale, telle que le suggère Wu, Schimmele et Hou (2010). Pour notre propos, les liens sociaux peuvent prendre différentes formes telles que le fait d’avoir des amis et des connaissances dans le pays d’accueil, d’avoir des relations de voisinage et de pratiquer des activités communautaires (par exemple, le bénévolat et la participation au sein d’un organisme de quartier ou d’une association d’immigrants). À ces liens, s’ajoute le sentiment d’appartenance à l’égard du lieu de résidence et à l’endroit des personnes partageant des caractéristiques communes comme le pays de naissance pour les immigrants, le groupe ethnique ou la langue maternelle.

Les liens sociaux et le sentiment d’appartenance peuvent être ainsi être considéré comme des indicateurs d’intégration sociale puisqu’ils informent sur l’étendue, la diversité et la qualité des rapports sociaux développés au pays. C’est précisément sur les dimensions des liens sociaux développés au pays que portent les analyses sur l’intégration sociale. Les analyses de ce rapport ciblent, à partir des données de l’Enquête sociale générale de 2013, quatre composantes de l’intégration sociale regroupées à l’intérieur de quatre sous-ensembles d’indicateurs : 1) les réseaux personnels; 2) les relations de voisinage; 3) la participation sociale et à des activités associatives et; 4) le sentiment d’appartenance au lieu de résidence et aux personnes de même origine culturelle ou de même langue maternelle.

Partie 2. Source de données et population à l’étude

Les résultats présentés dans cette étude proviennent des recensements canadiens de 2001 et 2006 ainsi que de l’ENM de 2011 d’une part, et d’autre part de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2013 sur l’Identité sociale, une enquête menée par Statistique Canada auprès d’environ 27 700 Canadiens âgés de 15 ans ou plus et vivant dans les ménages privés des 10 provinces. Pour la première fois, cette enquête a suréchantillonné la population immigrante, permettant de réaliser des analyses plus détaillées à son sujet. Les analyses réalisées dans la présente étude avec les données de l’ESG reposent sur un échantillon de 3 320 personnes âgées de 15 ans ou plus et vivant dans l’une ou l’autre des régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal, Toronto et Vancouver, représentant 4,2 millions de Canadiens issus de l’immigration. La population à l’étude est composée de personnes ayant déjà obtenu le statut d’immigrant reçu et de personnes nées au Canada de deux parents nés à l’étranger (deuxième génération). Les personnes ayant un parent né au Canada et un parent immigrant sont exclues de la population à l’étudeNote 6.

Il est bien connu que l’étendue de la période de temps vécu au pays et le fait d’être né dans le pays d’accueil au sein d’une famille immigrante ont une influence sur l’intégration économique et sociale (Boyd, 1998; Picot 2008). En général, les travaux ont montré que la population de la deuxième génération est mieux intégrée économiquement que les immigrants établis et récents sur le plan économique. Comme d’autres travaux portant sur l’intégration sociale des populations immigrantes l’on fait (Wu et coll. 2010), l’inclusion des personnes de deuxième génération dans la population à l’étude permet non seulement d’examiner l’influence de la dimension temporelle sur l’intégration sociale selon la perspective du temps vécu au pays, mais aussi selon la perspective générationnelle. Parce qu’elles sont nées au pays, les personnes de deuxième génération se trouvent dans un contexte hybride pour le développement de liens sociaux et du sentiment d’appartenance, ce qui s’avère un élément crucial pour notre étude.

Bien que les personnes de deuxième génération puissent se distinguer des autres personnes nées au Canada de parents nés au Canada en raison de leur expérience particulière, nos analyses préliminaires ont montré que pour la plupart des indicateurs d’intégration sociale, le profil de la population de la deuxième génération était similaire à celui des autres personnes natives du Canada (génération 3+). C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles nous avons exclu les personnes de troisième génération ou plusNote 7. Une autre raison tient au fait qu’on ne peut pas attribuer un autre pays de naissance que le Canada aux personnes de troisième génération comme on le fait pour les personnes de deuxième génération à partir du lieu de naissance de la mère.

2.1 Principaux concepts utilisés dans la présente étude :

Immigrants récents. Dans les recensements canadiens et l’ENM, les immigrants récents sont ceux qui ont obtenu le statut d’immigrant reçu au cours des cinq années précédant l’enquête (entre 2006 et 2011 dans le cas de l’ENM de 2011, par exemple). Dans l’ESG de 2013, très peu de répondants avaient obtenu le statut d’immigrant en 2012 ou en 2013. Pour cette raison, nous désignons les immigrants récents dans l’ESG comme les personnes ayant obtenu le statut d’immigrant reçu entre 2006 et 2013.

Immigrants établis. Les immigrants établis désignent les personnes qui ont déjà obtenu le statut d’immigrant reçu en 2005 ou avant, plus généralement ceux ayant résidé plus de cinq ans au pays.

Deuxième génération. Celle-ci est définie comme l’ensemble des personnes nées au Canada et dont les deux parents sont nés à l’extérieur du Canada. Nous utilisons les termes  « 2e génération » et « personnes nées au Canada de parents immigrants » indistinctement pour désigner ce groupe (voir la note 6 pour plus d’information).

Population issue de l’immigration. La population issue de l’immigration représente les immigrants récents, les immigrants établis et la deuxième génération. Ces trois groupes constituent la population à l’étude.

Région métropolitaine de recensement et territoires à l’étude. Une région métropolitaine de recensement (RMR) est formée d'une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d'un centre de population (aussi appelé le noyau). Une RMR doit avoir une population d'au moins 100 000 habitants et son noyau doit compter au moins 50 000 habitants. Dans cette étude, les limites des RMR et des municipalités qui les composent sont définies selon celles de 2011.  

Subdivision de recensement (SDR). Subdivision de recensement est un terme générique qui désigne les municipalités (telles que définies par les lois provinciales/territoriales) ou les territoires considérés comme étant des équivalents municipaux à des fins statistiques (p. ex., les réserves indiennes, les établissements indiens et les territoires non organisés).

Municipalités centrales et municipalités périphériques. La municipalité centrale (subdivision de recensement) est celle qui donne son nom à une région métropolitaine de recensement. Dans le cadre de cette étude, le territoire des municipalités centrales correspond aux subdivisions de recensement de Toronto et de Vancouver. Pour la RMR de Montréal, les municipalités de Montréal, Montréal-Est, Montréal-Ouest, Westmount, Côte-Saint-Luc, Hampstead et Mont-Royal ont été regroupées pour désigner la municipalité centrale de la RMR de Montréal par souci de continuité spatiale.

Les termes « municipalité périphérique » désignent toutes les autres municipalités non centrales (subdivision de recensement) faisant partie de la région métropolitaine (celles-ci sont parfois nommées, dans d'autres sources, municipalités de banlieue, municipalités avoisinantes, couronnesNote 8.

Dans cette étude, la suburbanisation réfère à la tendance à la hausse de l’établissement de la population immigrante dans certaines municipalités périphériques de taille moyenne.

Le taux de suburbanisation : Pourcentage de la population immigrante qui habite une municipalité périphérique dans la région métropolitaine de recensement.

Quartier : Les frontières d’un quartier peuvent varier selon la perspective sociale ou analytique. Dans cette étude le terme quartier réfère à un secteur de recensement (SR). Les SRs sont des petites régions relativement stables. Les SRs comptent habituellement une population de 2 500 à 8 000 habitants. Ils sont situés à l'intérieur de régions métropolitaines de recensement et d'agglomérations de recensement dont le noyau compte 50 000 habitants ou plus.

Partie 3. Les schémas d’établissement de 2001 à 2011

Dans cette partie nous présentons trois tendances qui caractérisent les schémas d’établissement de la population immigrante au cours de la période de 2001 à 2011, soit : 1) l’évolution récente de la distribution nationale de l’immigration à l’échelle provinciale et métropolitaine; 2) la suburbanisation de l’immigration dans les trois régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal, Toronto et Vancouver; 3) et la concentration urbaine de l’immigration dans ces mêmes trois RMR en 2011 selon la perspective centre-périphérie. L’examen de ces tendances permettra de revisiter la distinction centre et périphérie et le rôle de la concentration spatiale dans l’analyse des composantes de l’intégration sociale des groupes immigrants en milieu urbain.

3.1 Distribution métropolitaine de l’immigration

En 2011, le Canada dénombrait 6,8 millions d’immigrants, dont 63,4 % avaient choisi d’habiter dans l’une des trois plus grandes RMR du pays: Montréal (12,5 %), Toronto (37,5 %) et Vancouver (13,5 %). Malgré cette concentration dans les trois RMR, on remarque depuis le début des années 2000 une dispersion dans la distribution de la population immigrante à travers les provinces et les régions métropolitaines de recensement.

À l’échelle provinciale, cette dispersion est attribuable aux changements dans les programmes de sélection qui touchent particulièrement les immigrants arrivés au Canada par le biais du programme de candidats des provinces (PCP) et aux pays sources des immigrants (Bonikowska et coll., 2015). Le programme PCP permet aux gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral de sélectionner des immigrants pour répondre à des besoins spécifiques sur le plan démographique et économique, ce qui rééquilibre la répartition des immigrants au pays. Ce programme a ainsi contribué à la hausse du nombre de nouveaux immigrants en Saskatchewan, au Manitoba (à Winnipeg surtout) et en Alberta (en dehors de Calgary et d’Edmonton), des provinces qui reçoivent généralement moins d’immigrants que l’Ontario et la Colombie-Britannique. L’étude de Bonikowska et coll. (2015) a aussi montré que les changements dans la provenance géographique de l’immigration sont un autre facteur qui a contribué à la diminution de l’immigration à Toronto et de son augmentation à Montréal.

À l’échelle métropolitaine, laquelle représente l’intérêt premier du présent rapport, le nombre d’immigrants a augmenté dans toutes les RMR dont la population totale était égale ou supérieure à 200 000 habitants en 2011. Comme l’indique le tableau 1, des RMR comme Québec, Calgary, Edmonton, Saskatoon et Halifax ont vu augmenter le nombre et le poids de leur population immigrante de manière plus importante que Toronto, Vancouver et d’autres régions métropolitaines du sud de l’Ontario comme Hamilton, London et Windsor. La RMR de Toronto a enregistré une croissance absolue d’un peu plus de 507 000 immigrants en 10 ans, pour un taux de croissance de 20,0 %, soit un taux similaire à celui de Vancouver (19,2 %). En comparaison, le taux de croissance de la population immigrante s’établissait à 26,6 % dans la RMR de Montréal, à 37,2 % dans celle de Calgary, à 29,0 % à Edmonton et à 21,6 % dans celle d’Ottawa-Gatineau.

Quant à la répartition de l’immigration entre les RMR, on remarque une diminution des parts relatives des RMR de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. En effet, la part relative de l’ensemble de l’immigration des RMR de l’Ontario (sauf Ottawa-Gatineau) est demeurée stable ou a légèrement diminué entre 2001 et 2011, tandis que celle des autres RMR s’est accrue. Par exemple, le pourcentage de la population immigrante du Canada établie à Toronto est passé de 37,3 % en 2001 à 37,5 % en 2011. À Vancouver ce pourcentage est passé de 13,6 % à 13,5 % au cours de la même période, alors qu’à Calgary il passait de 3,6 % à 4,6 %.

Tout comme les résultats présentés à l’échelle provinciale, les tendances sont encore plus accentuées lorsqu’il s’agit des immigrants récents (tableau 2). En effet, les RMR de Toronto et de Vancouver sont les deux seules RMR (à l’exception de Windsor) à avoir connu une décroissance du nombre d’immigrants récents sur leur territoire. Ainsi, à Toronto, l’effectif des immigrants récents a diminué de 33 000 entre 2001 et 2011, soit une baisse de 8,7 %. Pour la RMR de Vancouver, cette baisse s’établit à 9,1 % pour la même période. À l’inverse, les RMR de Montréal, Calgary Edmonton et Ottawa-Gatineau ont quant à elles enregistré des croissances respectives de 39,9 %, 48,6 %, 58 % et de 6,0 %. 

3.2 La suburbanisation de l’immigration

Si l’on observe une hausse de la dispersion de la population immigrante à l’échelle nationale, il en est de même à l’échelle des régions métropolitaines. Ce phénomène est connu sous le nom de la suburbanisation de l’immigration et se traduit par une croissance de la population immigrante dans certaines municipalités périphériques de taille moyenne au détriment des municipalités centrales plus densément peuplées et qui constituent les pôles historiques et les plus traditionnels en matière d’établissement chez les immigrants. Cette tendance n’est pas propre au Canada ni propre à la période actuelle. Aux États-Unis, la suburbanisation des populations immigrantes a été observée depuis longtemps (Massey et Denton, 1988b; Alba et Logan, 1991; Alba, Logan et coll., 1999; Singer, 2004; Waters et Jiménez, 2005). Au Canada, des études sur Montréal, Toronto et Vancouver permettent de constater que le phénomène de suburbanisation de l’immigration existe aussi depuis longtemps et qu’il fait partie du mode de peuplement et de la dynamique urbaine de ces trois grands centres (Ray 1998; Hiebert 1999; Germain, Rose et Richard, 2012).

Dans cette partie, nous examinons la suburbanisation de l’immigration dans les trois plus grandes RMR du  pays, soit Montréal, Toronto et Vancouverr, qui présentent le développement urbain périphérique le plus dense et le plus ancien.

Selon les données de l’ENM et des recensements canadiens, on observe que la suburbanisation de la population immigrante des RMR de Montréal, de Toronto et de Vancouver a affiché une croissance constante entre 2001 et 2011 (tableau 3). Pour la RMR de Montréal, la proportion d’immigrants qui habitaient dans une municipalité périphérique est passée de 26,8 % en 2001 à 32,8 % en 2011. En comparaison, dans la RMR de Toronto plus de la moitié de la population (50,6 %) habitait dans une municipalité périphérique, une hausse de 10 points de pourcentage par rapport à 2001 (40,3 %). Le taux de suburbanisation de la RMR de Vancouver est quant à lui passé de 66,4 % à 71,6 % au cours de la même période.

Ces tendances à la suburbanisation se traduisent par une hausse du pourcentage de la population immigrante de certaines municipalités périphériques au détriment des municipalités centrales. Ainsi, à l’échelle des municipalités qui composent les trois plus grandes RMR du pays, les municipalités périphériques de plus de 40 000 habitants ont connu une hausse du pourcentage de leur population immigrante supérieure à celle observée dans la municipalité centrale entre 2001 et 2011. Dans la RMR de Montréal, le pourcentage de la population immigrante de la municipalité centrale est passé de 27,6 % à 33,4 %, une hausse de 5,8 points de pourcentage en dix ans (tableau 4). En comparaison, la municipalité de Laval a vu sa part d’immigrants passer de 15,5 % à 24,6 %, soit une augmentation de 9,1 points de pourcentage. Ainsi avec près de 25 % d’immigrants, Laval compte parmi les municipalités ayant le pourcentage le plus élevé d’immigrants au sein de la RMR de Montréal. Les municipalités de Brossard et de Dollard-des-Ormeaux sont les autres municipalités qui comptaient les plus fortes proportions d’immigrants tant en 2001, 2006 qu’en 2011, variant d’environ 30 % à 40 %. En 2001, ces deux municipalités affichaient des proportions comparables à celles de la municipalité centrale, alors qu’en 2011 ces proportions ont surpassé celle de la ville de Montréal et s’établissaient à 36,6 % dans la municipalités de Brossard et à 39,5 % pour la municipalité de Dollard-des-Ormeaux.

Tout comme dans la RMR de Montréal, les pourcentages d’immigrants des municipalités de la RMR de Toronto ont, entre 2001 et 2011, augmenté et même dépassé celui de la municipalité centrale (tableau 5). Ainsi, quatre municipalités périphériques de la RMR de Toronto avaient une population totale constituée de plus de la moitié d’immigrants en 2011, seuil que n’atteint pas la municipalité centrale (48,6 %). C’est le cas de Markham (57,9 %), Richmond Hill (54,9 %), Mississauga (52,9 %) et de Brampton (50,6 %).

Dans la RMR de Vancouver, le pourcentage de la population immigrante de la municipalité centrale (Vancouver) est passé de 45,9 % en 2001 à 43,8 % en 2011 (tableau 6). Il s’agit de la seule municipalité, à l’exception de North Vancouver DM, qui a connu une diminution de la part de sa population immigrante en dix ans. En 2011, la municipalité de Richmond était la municipalité qui détenait la plus forte proportion d’immigrants (59,6 %), une hausse de 5,6 points de pourcentage par rapport à 2001. La municipalité de Burnaby est quant à elle la deuxième municipalité qui détenait le pourcentage d’immigrants le plus élevé en 2011, soit 50,5% comparativement à 47,5 % en 2001.

On trouve ensuite trois municipalités périphériques ayant un pourcentage d’immigrants comparable à celui de Vancouver en 2011. Il s’agit de Coquitlam (41,7 %), West Vancouver (40,7 %) et de Surrey (40,5 %). Par rapport à 2001, c’est la municipalité de Surrey qui a vu sa part d’immigrants augmenter le plus, celle-ci était de 33,2 % en 2001.

On constate également la présence non négligeable des nouveaux immigrants dans de nombreuses municipalités périphériques de la RMR de Vancouver: presque 10 % d’immigrants récents à Richmond, près de 9 % à Burnaby, 8,4 % à North Vancouver CY, alors que ce pourcentage n’est que de 7,2 % dans la municipalité centrale. Par ailleurs, pour la plupart des municipalités de la RMR de Vancouver, le pourcentage d’immigrants récents a diminué ou est demeuré relativement stable entre 2001 et 2011.

Dans la RMR de Montréal, on observe que le pourcentage d’immigrants récents de la municipalité centrale est passé de 6,0 % en 2001 à 8,8 % en 2011, soit l’augmentation la plus importante en points de pourcentage par rapport aux autres municipalités avoisinantes de cette RMR. Les municipalités de Longueuil, Brossard et Laval sont celles dont le pourcentage d’immigrants récents a augmenté le plus sur leur territoire parmi les municipalités périphériques. Contrairement à ce que l’on observe dans la RMR de Montréal, le pourcentage d’immigrants récents observé dans l’ensemble de la RMR de Toronto ainsi que dans ses municipalités a connu un recul soutenu. Le pourcentage d’immigrants récents est passé de 11,4 % en 2001 à 8,4 % en 2011 dans la municipalité centrale de la RMR de Toronto. Les municipalités de Richmond Hill et Markham ont aussi vu ce pourcentage diminuer au cours de la même période passant de près de 10 % en 2001 à moins de 7 % en 2011. Des baisses similaires s’observent dans la RMR de Vancouver : Richmond, Burnaby et Coquitlam ont vu leur pourcentage d’immigrants récents se réduire de quatre à cinq points de pourcentage entre 2001 et 2011.

La dimension temporelle des schémas d’établissement

Une des hypothèses classiques de la théorie de l’assimilation spatiale stipule que la dispersion des groupes immigrants dans l’espace métropolitain n’atteint son plein déploiement qu’au fil des générations en raison du temps que peut prendre l’acquisition d’un statut socioéconomique qui permet d’accéder à la propriété et de s’établir dans des quartiers à l’extérieur des enclaves, généralement dans les périphéries (Alba, Logan et coll., 1999). L’exemple de Vancouver, où les immigrants, tant nouveaux qu’établis au Canada depuis plus de cinq ans, s’établissent principalement dans les quartiers des municipalités périphériques, montre que cette hypothèse ne s’applique peut-être plus aux immigrants récents, ou que les notions de banlieue (périphérie) et de suburbanisation n’ont plus la même signification que par le passé (Alba et Nee, 1997; Hiebert, 2000). De plus, plusieurs quartiers de la municipalité centrale détiennent un statut socioéconomique plus élevé que ceux des les municipalités périphériques, ce qui redéfinit le contexte et les mécanismes sous-jacents aux schémas d’établissement dans les quartiers des municipalités centralesNote 9.

Afin de capter la dimension temporelle de la suburbanisation, notre examen distingue cinq groupes qui représentent le temps passé au pays et le temps générationnel. Ces cinq groupes sont d’une part : a) les immigrants récents et b) les immigrants établis, et d’autre part, c) les Canadiens de naissance de deuxième génération (deux parents nés à l’étranger), d) de génération mixte ou 2,5 (un parent né à l’étranger et un parent né au Canada) et e) les Canadiens de troisième génération ou plus (deux parents nés au Canada). L’analyse porte sur les personnes âgées de 15 ans ou plus en 2001, 2006 et 2011Note 10.

Les trois RMR présentent un profil différent selon la génération observée (tableau 7). Celui de Montréal est le plus distinctif des trois. C’est aussi celui qui semble le mieux s’accorder avec la théorie de l’assimilation spatiale en ce qui a trait au temps passé au pays et au temps générationnel comme facteurs d’établissement dans les quartiers périphériques.  L’exemple de la RMR de Montréal permet de constater, d’une part, que pour chacun des cinq groupes, les taux de suburbanisation augmentent à chaque année censitaire et tout particulièrement pour les immigrants récents. En effet, le pourcentage d’immigrants récents habitant dans une municipalité périphérique est passé de 13,4 % en 2001 à 18,9 en 2006 pour s’établir à 21,3 % en 2011. D’autre part, le taux de suburbanisation de la population de 15 ans ou plus augmente d’un groupe à l’autre selon un gradient « d’ancienneté » allant des taux les plus bas chez les immigrants récents aux taux les plus élevés chez la troisième génération, avec un écart important entre les deux extrêmes du gradient. Ce gradient se répète à chacune des trois années de recensement en présentant des taux qui progressent d'une année censitaire à l'autre. En 2011, l’écart entre le taux des immigrants récents et celui de la troisième génération ou plus atteint 45 points de pourcentage, en baisse cependant par rapport à 2001 (47 points d’écart), ce qui semble traduire des schémas d’établissement différents puisque certains immigrants récents s’établissent directement dans les périphéries.

L'effet du temps historique combiné à celui du temps générationnel sur le taux de suburbanisation est moins marqué à Toronto et Vancouver qu’il ne l’est à Montréal. À Vancouver, les taux de suburbanisation sont plus élevés qu’à Montréal et Toronto chez tous les groupes et les variations sont moins marquées d’un groupe à l’autre (de 72 % à 78 % en 2011). À Toronto, exception faite des immigrants récents, les quatre autres groupes présentent des taux de suburbanisation similaires qui variaient entre 52% et 56% en 2011.

3.3 La concentration urbaine de la population issue de l’immigration

La tendance de la suburbanisation observée depuis le début des années 2000 s’accompagne de la concentration des populations immigrantes et de leurs descendants de deuxième génération à l’échelle des quartiers (secteurs de recensement) dans les municipalités périphériques des régions métropolitaines. La concentration urbaine de l’immigration et la formation de quartiers ethniques dans les grandes villes d’immigration sont des phénomènes qui ont été observés à la fois en Europe, en Amérique du Nord et en Australie (Massey, 1985). Comme nous le verrons dans ce qui suit et comme d’autres travaux l’ont aussi constaté, la concentration de la population issue de l’immigration n’est pas une caractéristique unique aux municipalités centrales, elle est également présente dans les municipalités avoisinantes (Hou 2004; Li, 1998; Hiebert 2015). 

Dans cette partie, nous présentons d’abord la répartition spatiale de la population issue de l'immigration sur le territoire des RMR de Montréal, de Toronto et de Vancouver à partir de cartes illustrées dans les figures 1, 2 et 3. Nous examinons ensuite la concentration à l’aide de l’indice de dissimilaritéNote 11. Les résultats sont d’abord présentés selon le type de municipalité habitée (centrale et périphérique) et ensuite selon le lieu de naissance de l’immigrant (ou de la mère dans le cas de la deuxième génération) pour chacune des RMR de Montréal, Toronto et Vancouver.

La répartition de la population issue de l’immigration au sein des RMR de Montréal, Toronto et VancouverNote 12 montre qu’il existe des poches de concentration de cette population, et que ces poches se situent non seulement dans les municipalités centrales, mais aussi dans les municipalités périphériques (figures 1, 2 et 3; tableaux 8, 9 et 10).

Dans la RMR de Montréal, les quartiers où le degré de concentration de l’immigration est le plus élevé sur l’île de Montréal sont représentés par les zones de couleur grise et noire sur la carte. On constate que les secteurs de Saint-Léonard, Ville St-Laurent, Dollard-Des-Ormeaux et les zones immédiatement environnantes sont celles où le degré de concentration y est le plus élevé. La carte permet aussi de remarquer que la population issue de l’immigration est moins présente en périphérie. En effet, on peut identifier deux zones à l’extérieur de l’île de Montréal qui présentent une proportion de la population issue de l’immigration un peu similaire à celle que l’on retrouve sur l’île de Montréal : il s’agit de Laval d’une part, et de Brossard, Saint-Lambert et Longueuil sur la rive sud d’autre part. En dehors de ces foyers, la majorité des municipalités faisant partie des les municipalités périphériques de Montréal comptent moins de 15 % de la population issue de l’immigration (tableau 8).

À Toronto, les secteurs de recensement où la majorité de la population est issue de l’immigration forment un arc qui chevauche la municipalité de Toronto et ses municipalités voisines (immédiates) de Mississauga, Brampton, Vaughan, Richmond Hill et Markham. Ces six municipalités affichent des pourcentages qui varient entre 70 % et 80 %, sauf pour la municipalité de Toronto qui en compte 68 % (tableau 9). Les zones de la RMR qui détiennent une proportion plus petite de la population issue de l’immigration sont celles qui sont les plus éloignées de la municipalité centrale. Parmi les municipalités de 40 000 habitants ou plus en 2011, deux municipalités présentent un pourcentage de la population issue de l’immigration inférieur à 30 %, Georgina (19,3 %) et Halton Hills (25,4 %), alors que Newmarket et Caledon détiennent des pourcentages respectifs de 37,5 % et de 39,3 %.

Comme Toronto, la majorité de la population de la RMR de Vancouver est issue de l’immigration (56 %) (tableau 10). La répartition de cette population dans l’espace s’apparente également à celle qui caractérise la RMR de Toronto, dessinant un grand arc constitué de secteurs de recensement habités par des populations majoritairement issues de l’immigration. L’arc s’étend de la municipalité de Vancouver à Surrey, en passant par Richmond et Burnaby. La population de ces quatre subdivisions de recensement périphériques, ainsi que Coquitlam, est composée d’au moins 50 % de personnes issues de l’immigration.

La concentration de l’immigration à l’échelle des quartiers semble toutefois moins importante dans la RMR de Vancouver qu’à Toronto, et encore moins qu’à Montréal. Ce constat concorde avec d’autres travaux sur la ségrégation résidentielle des groupes ethniques et immigrants dans les grandes villes canadiennes: Balakrishnan (1976) pour les données des recensements de 1951 et 1961; Ray (1998) et Balakrishnan et Hou (1999) pour les données des recensements de 1981 et 1986 et 1991.

La concentration centre/périphérie

Comme on a pu le voir aux figures 1, 2 et 3 et aux tableaux qui les accompagnent, la concentration de la population issue de l’immigration ne se limite pas à la municipalité centrale, mais caractérise également les municipalités périphériques. Dans cette section nous présentons les résultats de deux calculs de l’indice de dissimilarité (D) effectués à l’échelle des secteurs de recensement de 2011: le premier est l’indice de concentration des immigrants par rapport aux Canadiens de naissance et le deuxième est l’indice de dissimilarité de la population issue de l’immigration par rapport à la population dont au moins un des parents est né au Canada. Chaque indice est calculé pour les trois RMR de Montréal, Toronto et Vancouver, pour la municipalité centrale et les municipalités périphériques séparément.

Les résultats présentés dans le tableau 11 donnent d’abord l’impression que la concentration résidentielle des immigrants seulement ou celle qui inclut la deuxième génération, est plus grande à Montréal qu’à Toronto et Vancouver. On remarque aussi que Toronto présente une concentration plus forte que Vancouver. Ensuite, le tableau indique que les valeurs de l’indice de dissimilarité (D) sont plus élevées pour l’ensemble de la population issue de l’immigration que pour celle des immigrants dans chaque RMR. Enfin, on constate que l’indice de dissimilarité (D) atteint des valeurs plus élevées dans les municipalités périphériques que dans les municipalités centrales. Ces deux derniers résultats vont à contresens des hypothèses de la théorie de l’assimilation spatiale qui associent l’établissement dans les périphéries des grandes villes à une dispersion plus accrue des groupes issus de l’immigration.

Comme nous l’avons présenté dans la partie 1 de notre étude, la formation des enclaves immigrantes est le point de départ de la théorie de l’assimilation spatiale (Massey, 1985). Selon le modèle traditionnel d’établissement des immigrants, tiré des travaux de l’École de Chicago, ces enclaves se forment avec l’arrivée des immigrants qui s’établissent dans le cœur des villes, souvent dans les quartiers délaissés par le reste de la population, et grossissent par le biais du processus de succession écologique qui permet aux nouveaux immigrants de s’installer dans ce même quartier ou dans les quartiers adjacents à mesure que les résidents d’origine (par exemple, les Canadiens de naissance) migrent et que le nouveau groupe immigrant croît par l’intermédiaire des réseaux d’immigration entretenus avec son pays d’origine. Les enclaves se caractérisent, entre autres, par la présence d’une vie communautaire basée sur une origine nationale, une langue, une religion ou tout autre trait commun. Avec le temps, les immigrants ou les personnes de la deuxième génération qui atteignent un statut économique plus élevé (et qui souvent maitrisent mieux la langue du pays d’accueil) quittent les quartiers centraux pour s’établir dans les municipalités périphériques. Selon la théorie de l’assimilation spatiale, ce processus devrait en principe se dérouler sans créer de concentration urbaine dans les municipalités périphériques et du même coup contribuer à « l’assimilation » spatiale (la dispersion) des groupes issus de l’immigration dans l’espace urbain, ce qui semble s’être produit pour les vagues d’immigration les plus anciennes aux États-Unis (Massey et Denton, 1988b). Les résultats présentés ici appuient cependant une hypothèse alternative : la diversification des les municipalités périphériques et le développement de concentrations suburbaines. Nos résultats semblent donc concorder avec les travaux qui ont montré que la disponibilité de résidences abordables en périphérie ainsi que la présence d’un réseau personnel et familial et de groupes déjà établis exerceraient une influence sur les schémas d’établissement de la population issue de l’immigration dans les quartiers des les municipalités périphériques (Murdie et Teixera, 2015; Li, 1998; Massey et Aysa-Lastra, 2011). 

La concentration selon la RMR et les pays d’origine des groupes issus de l’immigration

Les différents groupes issus de l’immigration présentent des niveaux très variables de concentration spatiale (tableaux 12, 13 et 14). À Montréal, l’indice varie de 0.347 pour les personnes originaires de la France à 0.727 pour ceux des Philippines. À Toronto, il varie de 0.308 pour ceux du Royaume-Uni à 0.659 pour ceux du Ghana et à Vancouver de 0.262 aussi pour ceux du Royaume-Uni à 0.622 pour ceux de l’Inde. Chez la plupart des groupes, la concentration est plus forte dans les municipalités périphériques que dans la municipalité centrale. Il y a cependant de nombreuses exceptions, surtout à Toronto et, dans une moindre mesure, dans la RMR de Montréal. Il reste que les exceptions sont souvent le fait des groupes originaires d’Europe. Toronto présente une situation un peu différente étant donné que de nombreux groupes non européens suivent aussi cette tendance. Dans tous les cas, la différence entre le centre et la périphérie n’est jamais grande.

Dans les trois RMR, les populations en provenance des îles britanniques, des États-Unis, de la France et de l’Allemagne, quatre groupes ayant une présence plus ancienne au Canada, sont systématiquement les moins concentrés, avec des valeurs de l’indice allant de 0.260 à 0.420Note 13. Les groupes les plus concentrés sont plus diversifiés en termes d’origine, bien que les groupes asiatiques soient les plus nombreux dans cette situation. De plus, ce sont tous des groupes dont la présence au Canada est importante et beaucoup plus récente, ne datant que de quelques décennies : Philippine, Inde, Bangladesh, Ghana, Iran. À Montréal, les groupes grec et italien issus de la vague migratoire sud-européenne de la période 1950-1970 demeurent concentrés dans une mesure similaire à celles des groupes asiatiques les plus concentrés de la RMR comme ceux originaires du Vietnam, du Liban et des Philippines. Entre ces deux extrêmes, on observe que certains groupes d’arrivée récente dans les trois RMR sont relativement peu concentrés. Cela dit, à part les groupes grecs et italiens à Montréal, les groupes d’établissement plus anciens y sont généralement les moins concentrés.

Cette revue des tendances récentes de la distribution spatiale de la population issue de l’immigration a permis de mettre en lumière un phénomène déjà documenté dans d’autres travaux (par exemple, Hiebert, 1999 pour le cas de Vancouver; Alba et Nee, 1997 pour le cas des États-Unis), à savoir que la dynamique métropolitaine d’établissement de l’immigration dans les grandes agglomérations urbaines est différente de celle qui prévalait dans le passé. De plus, la tendance à la suburbanisation et celle de la concentration de la population issue de l’immigration se sont accentuées au cours des dernières années.

D’abord, on a observé un « déplacement » de l’immigration récente de Toronto et du sud de l’Ontario, ainsi que de Vancouver et du reste de la Colombie-Britannique, vers les autres RMR du pays, que ce soit dans l’Atlantique, au Québec, à Ottawa-Gatineau et dans les trois provinces des prairies.

Ensuite, l’examen des données des recensements de 2001 et 2006 et de l’ENM de 2011 a illustré que l’établissement initial des immigrants dans la municipalité centrale et les processus de succession et de suburbanisation qui s’ensuivent ne représentent plus le mode d’établissement prédominant des immigrants ni un schéma d’occupation progressif de l’espace. En effet, au cours de leurs cinq premières années de résidence, de plus en plus de nouveaux arrivants s’établissent en périphérie de la municipalité centrale, le plus souvent dans les municipalités situées tout juste en bordure de celle-ci (une première couronne périphérique en quelque sorte). On a pu constater que cette tendance générale de la suburbanisation prévaut dans les trois principales RMR du pays, bien que cette tendance soit plus accentuée dans les RMR de Toronto et de Vancouver. Comparativement aux immigrants récents, la population des immigrants établis au Canada a depuis longtemps poursuivi une tendance similaire: un pourcentage croissant d’immigrants établis habitent la périphérie, mais la progression entre 2001 et 2011 a été moins soutenue que chez les immigrants récents.

À cette tendance de la suburbanisation se superpose celle de la concentration de la population issue de l’immigration à l’échelle des quartiers. On remarque que la concentration est plus accentuée dans la municipalité centrale de la RMR de Montréal que dans celles de Toronto et de Vancouver, et ce tant pour la population immigrante que pour l’ensemble de la population issue de l’immigration.

Enfin, les valeurs des indices de dissimilarité des groupes issus de l’immigration ne présentent pas un contraste marqué entre la municipalité centrale et la périphérie, un constat qui, à quelques exceptions près, se vérifie à tous les niveaux d’intensité de concentration. Les différences selon les pays d’origine sont d’ailleurs plus marquées que les différences entre la municipalité centrale et la municipalité périphérie.

Cela nous amène donc à conclure que les schémas d'établissement initiaux, alimentés par les différentes vagues d’immigration ne sant pas uniquement l’apanage de la municipalité centrale, mais se sont « étendus » dans les  les municipalités périphériques.

Partie 4. Établir ses racines sociales : le lieu de résidence fait-il une différence ?

Dans un contexte où la suburbanisation de l’immigration est à la hausse et que cette tendance s’accompagne d’une concentration de certains groupes de la population immigrante dans les quartiers (secteurs de recensement) des municipalités périphériques et centrales (subdivisons de recensement), on peut se questionner sur le rôle du lieu de résidence en matière d’intégration socialeNote 14.

Divers travaux ont fait ressortir le fait que les enclaves ethniques canadiennes dans les régions métropolitaines sont en général diversifiées économiquement et culturellement. Cette diversité pourrait être bénéfique au développement d’un capital social étendu et à une meilleure intégration économique et sociale à la société d’accueil (Teixeira, 2015; Murdie et Ghosh, 2010; Heibert, 2015; Li 1998). D’un autre côté, selon la théorie de l’assimilation spatiale, la dispersion géographique des groupes minoritaires dans les régions périphériques est une étape intermédiaire qui conduit à « l’intégration sociale » et au développement de liens avec la société d’accueil (Alba et coll. 1999). Comme nous l’avons constaté dans la partie 3 de ce rapport les schémas d’établissement initiaux se réalisent selon différentes modalités. Dans ce contexte, on peut se demander dans quelle mesure les différents schémas d’établissement sont associés ou non à des contextes qui peuvent favoriser l'intégration sociale du point de vue des liens sociaux développés au pays. L’intégration sociale peut être analysée selon différentes perspectives. Dans cette étude, nous explorons la dimension sociale de l’intégration, soit celle des liens sociaux développés et maintenus au paysNote 15.

Dans cette partie de notre étude, nous examinons spécifiquement les schémas d’établissement selon quelques composantes de l’intégration sociale des immigrants et de la deuxième génération qui en est issue. Plus précisément, cette partie de l’étude a pour objectif de répondre à la question suivante : dans quelle mesure les caractéristiques des modalités d’établissement, mesurées par l’emplacement géographique (centre ou périphérie) et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans un même quartier, se superposent-elles au fait d’établir « ses racines » et de s’intégrer « socialement » par l’entremise des réseaux personnels, des pratiques de voisinage, de la participation à des activités sociales de solidarité et du sentiment d’appartenance à l’égard de ce lieu de résidence. Par exemple, les immigrants et les personnes de deuxième génération sont-ils plus ou moins susceptibles d’avoir des réseaux personnels plus étendus, d’échanger des services avec leurs voisins, de faire du bénévolat et d’avoir un fort sentiment d’appartenance à l’égard de leur communauté locale lorsqu’ils habitent dans un quartier où la concentration de la population issue de l’immigration est élevée et lorsque l’on neutralise l’influence d’autres facteurs socioéconomiques et démographiques? 

Comme nous l’avons mentionné dans la deuxième section de notre étude, nous examinons cette question à partir des données de l’Enquête sociale générale de 2013 sur l’Identité sociale. La population à l’étude est âgée de 15 ans ou plus et comprend les immigrants récents arrivés entre 2006 et 2013, les immigrants établis arrivés en 2005 ou avant, ainsi que les personnes nées au Canada de deux parents immigrants ou nés à l’étranger résidant dans l’une ou l’autre des trois plus grandes RMR du pays, soit Montréal, Toronto et Vancouverr. Comme on a pu le constater jusqu’ici, la tendance générale de la suburbanisation prévaut dans ces RMR et la population issue de l’immigration se répartit inégalement sur le territoire des villes périphériques. Les nouveaux arrivants tendent à s’établir davantage en périphérie de la municipalité centrale, le plus souvent dans les municipalités situées en bordure de celle-ci. Pour cette raison, nous avons choisi de séparer les municipalités périphériques en deux catégories soit : 1) les municipalités adjacentes à la municipalité centrale que nous nommons les municipalités périphériques de la première couronne et; 2) les municipalités périphériques de la deuxième couronne. Celles-ci réfèrent aux autres municipalités de la RMRNote 16.

La perspective centre/périphérie selon l’utilisation des frontières administrative

L’utilisation des frontières administratives pour comparer les lieux de résidence selon la perspective centre/périphérie au sein des RMR comporte certaines limites. En effet, les municipalités centrales ont non seulement sur leur territoire des quartiers typiquement centraux, c’est-à-dire densément peuplés dans lesquels les modes de vie piétonniers prédominent, mais aussi des quartiers relativement similaires à ceux des les municipalités périphériques, caractérisés par la présence de maisons unifamiliales et d’une utilisation accrue de l’automobile pour accéder aux services et espaces publics, ce qui remet en question la signification même de cette opposition centre/périphérie. Malgré le fait que le cadre bâti soit relativement hétérogène sur le territoire des municipalités centrales, on constate néanmoins que certaines caractéristiques propres au clivage centre/périphérie persistent, soit l’utilisation accrue de l’automobile pour se rendre au travail et la prévalence des maisons unifamiliales et de couples avec enfants dans les municipalités périphériquesNote 17.

Pour notre propos, l’utilisation des frontières administratives permet d’examiner dans quelle mesure certaines composantes de l’intégration sociale varient selon les caractéristiques des schémas d’établissement présentées dans la partie 3 de notre étude.

Comme le tableau 15 l’indique, la distribution des données de l’ESG de 2013 selon le type de municipalité varie selon la RMR habitée. On constate que 45 % des résidents de la RMR de Toronto habitaient dans une municipalité centrale et que c’est le cas de 54 % dans la RMR de Montréal et de 27 % à Vancouver.

Le degré de concentration de la population issue de l’immigration

Pour examiner l’influence que peut exercer la  concentration de la population issue de l’immigration sur les composantes de l’intégration sociale, nous avons utilisé le pourcentage que cette population représentait dans un secteur de recensement lors de l’Enquête nationale auprès de ménages (ENM). Nous avons créé une échelle qui rend compte du poids démographique de la population issue de l’immigration dans le secteur de recensement (ou quartier). Cette échelle est constituée de trois catégories correspondant au pourcentage que la population issue de l’immigration représente dans le quartier : 0 à moins de 50 %, 50 % à moins de 70 % et 70 % ou plus.  Cette mesure s’apparente à celles utilisées dans d’autres travaux ayant porté sur la concentration des populations issues de l’immigration et leurs caractéristiques socioéconomiques (Hiebert, 2015).

Au total, 43 % de la population à l’étude et comprise dans le fichier de données de l’ESG habitait dans un quartier dont la population issue de l’immigration représentait plus de 70 %, 31 % habitait dans un quartier moyennement « concentré », c’est-à-dire composé de 50 % à 70 % d’une population issue de l’immigration; et  26 % dans un quartier où cette population représentait moins de 50 % (données non montrées).

Comme on peut le voir au tableau 15, la distribution des répondants selon le type de quartier varie d’une RMR à l’autre. Dans la RMR de Toronto, 54 % des répondants de l’enquête habitaient dans un quartier où le poids de la population issue de l’immigration est élevé (plus de 70 %), alors que c’était le cas de 34 % des répondants de la RMR de Vancouver et 18 % dans la RMR de Montréal.

Il importe de mentionner que l’utilisation du poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier comme mesure de concentration ne rend pas compte de la diversité ou de l’homogénéité de la composition culturelle des quartiers. En effet, il est possible que la composition d’un quartier soit le fait d’une population ou d’un groupe spécifique et que d’autres quartiers soient plus hétérogènes sur le plan des lieux de naissance, des religions et des groupes ethniques et linguistiques. Dans notre étude, les caractéristiques ethnoculturelles, démographiques et socioéconomiques de la population à l’étude sont examinées indépendamment du poids démographique de la population issue de l’immigration dans un même quartier. Ces caractéristiques sont examinées à partir des variables de la région de naissance, de la pratique religieuse et d’autres variables démographiques et socioéconomiques comme le revenu médian relatif dans le secteur de recensement (voir l’annexe 2 pour la description de la liste complète des variables indépendantes).

L’existence de groupes homogènes et fortement concentrés dans un même quartier est généralement rare au pays (Hou, 2004; Hiebert, 2015). Comme le soulignent divers travaux, la plupart des « enclaves » des villes canadiennes sont en général non seulement des lieux diversifiés sur le plan des lieux de naissance, du statut d’immigration, des groupes ethnoculturels, mais aussi sur le plan des caractéristiques socioéconomiques (Hou, 2004; Hiebert, 2000; 2015). De plus, Hou (2004) a montré que la formation des quartiers principalement constitués de minorités visibles était surtout attribuable à l’augmentation du nombre de personnes membres d’un groupe minoritaire au sein de la population totale de la municipalité plutôt qu’à l’accentuation d’une concentration résidentielle proprement dite. En d’autres termes, la croissance du nombre de personnes appartenant à un groupe de minorité visible parmi la population immigrante des dernières décennies a eu pour effet de diversifier davantage et d’accentuer la visibilité d’une mosaïque multiculturelle déjà existante dans la structure spatiale du Canada urbain.

Nos analyses préliminaires ont aussi permis de constater que l’homogénéité et la concentration d’un groupe donné issu de l’immigration n’avaient pas d’influence significative sur la plupart des indicateurs de l’intégration sociale sélectionnés. Ces résultats concordent avec ceux de travaux qui ont examiné l’effet de la concentration de groupes spécifiques sur des composantes de l’intégration sociale (Wu et coll., 2010; Hiebert, 2015).

Afin de déterminer dans quelle mesure les caractéristiques des schémas d’établissement résidentiels, en l’occurrence le type de municipalité habitée et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier, sont des contextes  qui peuvent être associés à certaines composantes de l’intégration sociale, nous avons réalisé quatre séries de modèles de régression logistique qui ciblent autant d’ensembles d’indicateurs: 1) les réseaux personnels; 2) les relations de voisinage; 3) le bénévolat et l’engagement communautaire et; 4) le sentiment d’appartenance au lieu de résidence et aux gens.

Les variables qui sous-tendent les indicateurs apparaissent sous deux formes possibles, soit en tant que variables composées de catégories ordonnées, soit en tant que variables binaires ou dichotomiques (oui/non). Les régressions réalisées sont de type logistique binomiale lorsque l’indicateur a deux valeurs possibles (0 ou 1) et de type logistique ordonnée pour les indicateurs en catégories ordonnéesNote 18. La liste complète des indicateurs sélectionnés et leur description sont présentées dans le tableau A1 de l’annexe 1 et la liste des variables indépendantes à l’annexe 2.

Nous ne présentons dans le corps du texte que les résultats des modèles de régression relatifs à quatre variables que nous jugeons d’intérêt, soit la RMR de résidence, le type de municipalité (centrale versus périphérique de la première et de la deuxième couronne), le poids démographique de la population issue de l’immigration au sein des quartiers et le groupe de population (immigrant récent et établi, deuxième génération). Les modèles détaillés d’où sont extraits les résultats présentés dans le corps du texte sont fournis aux annexes 3 à 6. Les autres résultats relatifs aux variables des modèles ne sont pas examinés dans le contexte du présent rapport.

4.1 Les réseaux personnels établis au Canada

Nous présentons dans ce qui suit les résultats de la première série de modèles qui portent sur six aspects des réseaux personnels: la taille du réseau personnel local et de connaissances, le nombre de nouvelles personnes rencontrées, la fréquence des rencontres avec la famille et les amis et la diversité ethnique dans les liens d’amitié. Pour chacun de ces modèles, nous examinons dans quelle mesure les caractéristiques du lieu de résidence sont associées à ces indicateurs d’intégration sociale lorsqu’on isole l’influence que peuvent exercer d’autres facteurs démographiques, économiques et sociaux. 

La taille des réseaux personnels et de connaissances

S’établir dans un nouveau pays peut signifier voir moins souvent des parents et de nombreux amis, mais ce changement peut aussi donner lieu à de nouvelles rencontres ou permettre de reprendre contact avec des liens déjà existants dans la nouvelle ville où l’on s’établit. Les réseaux personnels peuvent constituer une source de soutien pratique, matériel et psychologique. Pour les nouveaux arrivants, ils peuvent jouer des rôles particulièrement importants. Nous définissons les réseaux personnels comme l’ensemble des relations sociales développées et entretenues au Canada, en l’occurrence dans la même ville ou la même communauté locale que celle du répondant. Les relations peuvent être établies à l'intérieur de contextes donnés comme la famille, le voisinage, le travail, les loisirs ou dans le cadre d'autres activités. On ne tient pas compte des relations maintenues dans le cadre de réseaux sociaux virtuels et de celles qui habitent à l’extérieur de la ville ou de la communauté locale du répondant. Dans l’ESG, une seule question permet d’identifier les relations sociales existantes au pays, soit le nombre de parents, d’amis proches et de connaissances qui habitent dans la même ville ou la même communauté locale que le répondant. Les membres de la parenté et les amis proches réfèrent aux personnes qui demeurent dans un autre ménage et avec qui le répondant se sent à l’aise, à qui il peut dire ce qu’il pense et demander de l’aide. Il est donc possible que le répondant ait d’autres liens établis au Canada à l’extérieur de sa ville ou de sa communauté locale. Pour alléger le texte, les termes, « réseaux personnels locaux » et « réseaux personnels » seront utilisés de manière interchangeable.

Dans l’ensemble, la taille médiane des réseaux personnels locaux s’élève à 16 personnes et celle des réseaux de connaissances à 10 personnes. Dans les deux cas, la population des municipalités périphériques est moins sujette que celle des municipalités centrales à avoir des réseaux personnels d’une taille supérieure ou égale à la médiane. Dans les municipalités centrales, environ la moitié (49 %) des répondants ont déclaré avoir plus de 15 personnes dans l’ensemble de leur réseau personnel, comparativement à 46 % dans les les municipalités périphériques de la première couronne et 41 % dans les municipalités de la deuxième couronne (données non montrées). Quant à l’étendue du réseau de connaissances, 47 % des résidents des municipalités centrales ont indiqué un nombre de 10 personnes ou plus dans leur réseau de connaissances, alors que dans les municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne ces proportions sont de 40 % et 38 % (graphique 1).

Plusieurs facteurs comme l’âge, le sexe, la scolarité peuvent influencer la taille du réseau personnel. Lorsqu’on isole l’effet des caractéristiques individuelles et des autres facteurs pouvant être associés au nombre de relations personnelles, les écarts observés entre les trois types de municipalité persistent : les personnes des les municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne demeurent moins sujettes à avoir des réseaux personnels et de connaissances plus développés que les résidents des municipalités centrales (les rapports de cotes selon la municipalité habitée sont de 0,73 et 0,50 pour le modèle sur les réseaux personnels et de 0,71 et 0,44  dans le modèle sur le nombre de connaissances) (tableau 16).

Ces résultats peuvent notamment s’expliquer par le profil des réseaux personnels typiques à chacun des lieux de résidence. Dans les municipalités périphériques, les réseaux personnels sont caractérisés par la prévalence des réseaux familiaux, alors que les liens d’amitié de proximité prédominent dans les municipalités centralesNote 19. Plus spécifiquement, près de la moitié (48 %) des résidents des les municipalités périphériques de la première couronne (graphique 1) ont déclaré avoir au moins trois membres de leur parenté proche habitant dans la même ville ou communauté qu’eux, comparativement à 40 % de leurs homologues des municipalités centrales (graphique 1). En ce qui concerne les amis, on observe un résultat inverse. Les deux tiers (67 %) des personnes demeurant dans les municipalités centrales ont dit avoir au moins trois amis proches comparativement à 57 % et 49 % de celles des les municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne.

La forte présence de personnes issues de l’immigration dans le quartier est associée à un nombre moins élevé de connaissances (rapport de cotes de 0,68). Tout comme dans le cas des municipalités centrales, ce résultat peut s’expliquer par la composition des réseaux personnels propres aux quartiers dont la population issue de l’immigration est plus élevée. En effet, le nombre d’amis et de parents de qui le répondant se à l’aise et à qui il peut demander de l’aide est plus élevé dans les quartiers où la population immigrante est la plus concentrée. Plus spécifiquement, 54 % des résidents de quartiers où la population représente une minorité ont mentionné avoir 3 amis proches ou plus dans leur réseau personnel local comparativement à 65 % chez les résidents des quartiers où la plus population issue de l’immigration représente plus de 50 %. Le même constat s’observe concernant les parents proches : 42 % des résidents dans les quartiers à moindre concentration ethnique ont mentionné avoir 3 parents ou plus de qui ils se sentaient le plus proche, comparativement à 46 % dans les quartiers plus fortement concentrés (données non montrées). Ces données laissent croire à l’existence d’un réseau de proximité de liens forts plus étendu dans les quartiers dont la concentration de la population immigrante est plus élevée que dans les quartiers où la présence de la population issue de l’immigration est moins importante. Ce qui va dans le sens d’autres études sur les enclaves ethniques qui ont mis en évidence la présence des réseaux familiaux et d’amitié chez les populations issues de l’immigration qui habitent dans ce type de quartier (Boyd, 1989; Kataure et Walton-Robert, 2015; Teixeira, 2015, 2010; Massey et Aysa-Lastra, 2011). Il reste que dans l’ensemble la taille totale des réseaux personnels est similaire dans chacun des types de quartier.

Bien que les réseaux personnels et de connaissances soient moins développés dans les municipalités périphériques et les quartiers fortement concentrés sur le plan ethnique, il importe de mentionner que ces résultats se limitent aux liens existants dans la même ville ou la même communauté de résidence. Il est possible que les répondants aient établi des liens avec des personnes résidant ailleurs au Canada. Une autre limite des données est attribuable au fait que les réseaux personnels évoluent et se transforment en fonction de divers évènements vécus tout au long du cycle de vie. Les renseignements recueillis dans l’enquête permettent d’établir un portrait à un moment donné dans la vie des répondants. Tout comme pour ce qui est de l’effet du temps passé au pays, il est impossible de déterminer l’influence d’un changement d’un lieu de résidence à un autre sur la taille et la composition des réseaux personnels locaux. Puisque les données recueillies et analysées dans cette étude portent uniquement sur les réseaux personnels locaux, il n’est pas possible par exemple de déterminer si les personnes qui ont quitté une municipalité centrale vers une municipalité périphérique ont maintenu ou non certaines relations d’amitié qu’elles avaient avant leur mobilité. Des recherches ont bien illustré le lien existant entre les réseaux personnels et le choix d’un lieu de résidence (Kataure et Walton-Robert 2015; Massey et Aysa-Lastra 2011). En général, les populations immigrantes (tout comme les non immigrantes) s’établissent près de leur famille lorsqu’il est possible de le faire. Les résultats semblent traduire des modes de sociabilité propres à chacun de ces territoires où les réseaux familiaux de proximité sont plus présents dans les municipalités périphériques plutôt qu’un manque d’intégration sociale comme tel. C’est ce que l’on peut constater à partir des modèles sur la fréquence des rencontres et de la diversité ethnique au sein des réseaux d’amis et de connaissances.

La fréquence des rencontre

Outre la taille des réseaux personnels, la fréquence des rencontres avec les membres de la famille et les amis constitue une autre facette de l’intégration sociale puisqu’elle reflète en quelque sorte le maintien des liens. Selon les données de l’ESG, 42 % des résidents des municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne ont indiqué qu’ils avaient vu un des membres de leur famille au moins une fois par semaine au cours du dernier mois, contre 34 % chez les résidents des municipalités centrales. En ce qui a trait à la fréquence des rencontres avec les amis, on observe plutôt le phénomène inverse. Les rencontres avec les amis sont plus fréquentes dans les municipalités centrales que dans les quartiers plus éloignés. Dans les quartiers des municipalités centrales, trois résidents sur cinq (60 %) ont vu leurs amis sur une base hebdomadaire, alors que ce pourcentage s’établit à 57 % dans les municipalités périphériques de la première couronne et à 54 % dans les villes de la deuxième couronne. Même en neutralisant l’influence d’autres facteurs comme l’âge et la situation familiale, la fréquence des rencontres avec les membres de la famille reste plus élevée chez les résidents des les municipalités périphériques de la première couronne que chez ceux des municipalités centrales  (rapport de cotes de 1,33). Inversement, on remarque aussi que la fréquence des rencontres avec les amis est moins élevée dans les municipalités périphériques de deuxième couronne que dans les municipalités centrales (rapport de cotes de 0,73). Les résultats sur la fréquence des rencontres avec la famille et les amis sont cohérents avec ceux relatifs à la composition des réseaux personnels. En général, les résidents des municipalités périphériques de première et deuxième couronne ont des réseaux personnels moins étendus, mais composés d’un plus grand nombre de liens familiaux, que les résidents des municipalités centrales.

Diversité ethnique au sein des réseaux d’amis et de connaissances

Le Canada accueille depuis plusieurs décennies des immigrants de tous les continents, ce qui contribue à diversifier le paysage culturel du pays. Dans la présente étude, la diversité ethnique du réseau d’amis est examinée au moyen du nombre d’amis avec qui le répondant a communiqué au cours du dernier mois et qui sont d’un groupe ethnique « visiblement différent du sien ».

Selon les données de l’ESG de 2013, environ 30 % de la population issue de l’immigration vivant dans une municipalité périphérique de la première ou de la deuxième couronne estime qu’au moins la moitié des amis avec qui elle a communiqué au cours du dernier mois appartient à un groupe ethnique visiblement différent du sien, contre 37 % de celle de la population des municipalités centrales. Ces écarts persistent dans l’analyse de régression : le fait de vivre dans une municipalité périphérique diminue significativement la propension d’avoir été en contact avec un grand nombre d’amis d’un autre groupe ethnique (les rapports de cotes sont de 0,75 et 0,74). Il est toutefois possible que les liens d’amitié établis dans les municipalités périphériques soient diversifiés sur d’autres aspects comme la langue maternelle, la religion ou le pays de naissance, mais les données recueillies ne permettent pas de mesurer ces autres dimensions de la diversité. Les résultats de ce modèle vont néanmoins dans le sens de ceux relatifs à la composition des réseaux personnels. Les résidents des les municipalités périphériques ont des réseaux personnels composés d’un plus grand nombre de liens familiaux, que les résidents des municipalités centrales. Les réseaux de parents sont en général moins diversifiés que les réseaux d’amitié sur le plan ethnique.

Aucune association statistiquement significative n’est observée concernant l’influence que pourrait avoir le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier sur le fait d’avoir des amis d’un autre groupe ethnique que le sien.

Le nombre de nouvelles personnes rencontrées

Dans l’ESG, on a demandé au répondant d’indiquer le nombre de nouvelles personnes rencontrées  en dehors d’un contexte scolaire ou de travail au cours du dernier mois et avec qui il entendait rester en contact. Certains contextes et activités sociales sont possiblement plus propices à la rencontre de nouvelles personnes. En ce qui concerne le lieu de résidence, on remarque que, peu importe la RMR ou le type de municipalité habitée, aucune différence n’est statistiquement significative quant à la probabilité de rencontrer un nombre plus élevé de nouvelles personnes. On constate le même résultat pour ce qui est de la variable qui rend compte du poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier : les personnes habitant dans un quartier où la population issue de l’immigration est fortement représentée (70 % et plus) ne sont pas plus sujettes à avoir développé de nouvelles amitiés que celles des quartiers où la population issue de l’immigration représente une minorité. Ce résultat aurait cependant pu différer si l’on avait demandé au répondant de se référer aux six voire même aux 12 derniers mois de l’année au lieu du dernier mois. 

La dimension temporelle de l’immigration et les réseaux personnels

Malgré l’influence que le type de municipalité habitée peut avoir sur l’étendue du réseau de connaissances, la fréquence des rencontres avec les membres de la famille et la diversité ethnique parmi les amis avec qui l’on a été en contact au cours du dernier mois, on remarque que le temps passé au pays est un meilleur déterminant d’intégration sociale sur la plupart des indicateurs des liens sociaux, et tout particulièrement en ce qui concerne le nombre de personnes nouvellement rencontrées. 

Le fait de s’établir dans un nouveau pays s’accompagne en effet de plusieurs changements dans de nombreux domaines d’activité qui favorisent la rencontre de nouvelles personnes. Par exemple, au cours du mois précédant l’enquête, 23 % des immigrants récents ont rencontré au moins 6 nouvelles personnes avec qui ils entendent rester en contact, soit deux fois plus que chez les immigrants établis (11 %) (données non montrées). En comparaison, ce pourcentage est de 18 % chez les personnes de la 2e génération (données non montrées). Lorsque l’on isole l’influence des autres facteurs, l’effet du temps passé au pays persiste seulement pour les immigrants récents. Les immigrants récents sont ainsi plus susceptibles que les immigrants établis et la population de deuxième génération d’avoir rencontré un plus grand nombre de personnes avec qui ils entendent rester en contact au cours du dernier mois (rapport de cotes de 1,49). Par contre, le fait d’être né au Canada et d’avoir des parents immigrants (2e génération) est quant à lui statiquement associé au fait d’avoir des réseaux personnels de plus de 15 personnes. On peut voir ici, dans le cas des immigrants récents, un effet reliéà la reconstruction des réseaux suivant leur établissement initial au pays.

Notons que la fréquence des rencontres familiales est moins élevée chez les immigrants récents que chez les immigrants établis (rapport de cotes de 0,38), alors que c’est l’inverse pour les personnes de deuxième génération qui voient plus souvent les membres de leur famille que les immigrants établis (rapport de cotes de 1,52).

Quant à la diversité ethnique des liens d’amitié, le temps passé au pays apparaît une fois de plus comme un facteur plus déterminant que les caractéristiques des schémas résidentiels. En effet, les immigrants récents sont moins susceptibles que les immigrants établis d’avoir eu des contacts avec des amis d’un groupe ethnique visiblement différent du leur (rapport de cotes de 0,69), ce qui donne à penser qu’avec le temps les réseaux personnels tendent à être relativement plus hétérogènes sur le plan ethnique, et ce, peu importe le degré de concentration de la population immigrante dans le quartier. Ces résultats vont dans le sens d’autres études qui ont mis en évidence le fait que les immigrants récents ont tendance à s’entourer des membres de leur communauté à leur arrivée au pays et à diversifier leur réseau personnel par la suite (Alba et Logan, 1991; Massey, 1985). Ces mêmes études indiquent également que c’est la dispersion dans les quartiers périphériques qui permet la diversification des relations sociales. Or, nos résultats montrent que le degré de concentration d’une population issue de l’immigration au sein du quartier n’est pas significativement associé à la diversité des relations d’amitié, celle-ci relevant plutôt du temps passé dans le pays (pour les immigrants).

Les résultats de cette première série de modèles ont d’abord permis de constater que le type de municipalité (municipalité centrale versus les municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne) constitue un facteur statistiquement significatif associé à certains aspects des réseaux personnels tels que l’étendue des réseaux personnels et de connaissances, la fréquence des rencontres avec les membres de la famille et les amis ainsi que la diversité ethnique des liens d’amitié.

Les résidents des municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne sont ainsi moins susceptibles que leurs homologues des municipalités centrales d’avoir des réseaux personnels de plus de 15 personnes, de compter plus de 10 connaissances et d’avoir eu des contacts avec un nombre plus élevé d’amis d’un autre groupe ethnique au cours du dernier mois. Ils affichent aussi une propension plus grande à voir des membres de leur parenté que les résidents des municipalités centrales. Ces résultats se rattachent, en partie, au profil typique des municipalités périphériques caractérisé par la prévalence de familles avec enfants et laissent croire à l’existence de réseaux de parentés plus développés. Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant de constater d’une part que les réseaux personnels des résidents des municipalités périphériques se composent d’une proportion plus élevée de membres de la parenté habitant à proximité que d’amis et de connaissances et, d’autre part, que la fréquence des rencontres avec la famille soit plus importante.

On a aussi pu constater que les résidents des quartiers dont la population issue de l’immigration était fortement concentrée (70 % et plus) étaient moins sujets d’avoir des réseaux de connaissances plus étendus. Ce résultat s’explique par la prévalence des réseaux de parentés plus développés dans ce type de quartier.

Par l’entremise des réseaux, on peut conclure que l’intégration sociale n’est pas associée tant à la dispersion et à la concentration des groupes d’immigrants, mais qu’elle est plutôt tributaire d’autres facteurs comme la période d’immigration et la génération. De plus, les résultats des modèles sur la diversité ethnique du réseau d’amis semblent indiquer que les municipalité périphériques sont des endroits où la propension à avoir des contacts avec des amis d’un autre groupe ethnique que le sien est moins élevée que dans les municipalités centrales.

4.2 Les relations de voisinage

Divers travaux ont mis en lumière l’importance des voisins comme source d’aide pratique et occasionnelle et de sécurité matérielle et personnelle (Sampson, 2012). Dans certaines municipalités par exemple, des résidents mettent sur pied des plateformes pour permettre aux habitants d’un même voisinage d’entrer en contact afin de faciliter l’échange de services ou des biens matériels en cas de besoinNote 20. Les relations de voisinage sont présentées ici comme des ressources clés pouvant assurer un soutien pratique, une meilleure sécurité et, du même coup pouvant renforcer la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à l’égard de la communauté locale.

Les pratiques de voisinage sont examinées à partir de trois indicateurs : 1) le nombre de résidents connus dans le voisinage; 2) le fait d’avoir rendu ou reçu un service à un voisin au cours du dernier mois; et 3) le nombre de voisins de confiance dans le voisinage.

Le nombre de résidents connus dans le voisinage et les services rendus et reçus

Dans l’ensemble, 62 % de la population issue de l’immigration a dit connaître quelques résidents de son voisinage et le tiers (33 %) a affirmé en connaître de nombreux ou la plupart. Comme on peut le constater au graphique 2, le nombre de résidents connus dans le voisinage varie très peu selon le type de municipalité et de quartier habité. Par exemple, le pourcentage de résidents ayant déclaré connaître de nombreux ou la plupart de leurs voisins est similaire dans chacun des types de municipalité, soit environ le tiers. Lorsqu’on tient compte de l’influence d’autres facteurs comme la durée de résidence dans le voisinage, on n’observe aucune association statistiquement significative entre le type de municipalité, le degré de concentration et le nombre de résidents connus dans le voisinage (tableau 17).

Quel que soit le type de municipalité habitée, la majorité des résidents ont mentionné avoir rendu ou reçu un service au cours du dernier mois, soit 72 %. Dans les quartiers où la concentration de la population issue de l’immigration est élevée (c’est-à-dire 70 % et plus), ce pourcentage est de 69 % comparativement à 74 % dans les quartiers dispersés (données non montrées). Il reste que peu importe la RMR, le type de municipalité habitée ou le poids que peut représenter la population issue de l’immigration dans le quartier, aucune différence n’est statistiquement significative, même lorsqu’on isole l’influence des autres facteurs (tableau 17).

Le nombre de voisins de confiance

La confiance éprouvée à l’égard des résidents du quartier est un indicateur qui reflète la qualité des relations sociales à l’échelle du voisinage. Cet indicateur est notamment utilisé comme mesure de bien-être de la population et comme outil d’intervention dans la prévention de la criminalité à l’échelle des quartiers (Scrivens et Smith, 2013; Morenoff, Sampson and Raudenbush, 1997).

Dans l’ESG, on a demandé aux répondants de mentionner le nombre de résidents de leur voisinage à qui ils font confiance (la plupart, un grand nombre, quelques-unes, aucune). Comme on peut le remarquer au graphique 3, quels que soient le lieu de résidence et le poids démographique de la population immigrante dans le quartier, la majorité des répondants a déclaré faire confiance à un grand nombre ou à la plupart des personnes de leur voisinage. On constate que les deux tiers (63 %) des résidents des quartiers où la population issue de l’immigration représente une minorité (moins de 50 %) ont déclaré faire confiance à un grand nombre ou à la plupart des résidents de leur voisinage, comparativement à 56 % pour les résidents des quartiers où le poids démographique de la population issue de l’immigration est modéré (50 % à 70 %) et 53 % pour ceux des quartiers où la présence de personnes issue de l’immigration est très élevée (plus de 70 %).

Malgré le fait que ces données laissent croire à l’existence d’une corrélation entre la confiance et la présence élevée d’une population issue de l’immigration dans le quartier, la corrélation disparaît complètement lorsqu’on isole l’influence des autres facteurs. Tout comme pour le type de quartier habité, le type de municipalité habitée n’est pas associé au nombre de personnes dans le voisinage à qui le répondant a dit faire confiance.

Dans la RMR de Montréal, la propension à faire confiance à un grand nombre de voisins est moins élevée que dans la RMR de Toronto, alors que la RMR de Vancouver n’affiche pas de différence statistiquement significative par rapport à Toronto (rapport de cotes de 0,54).  Le pourcentage de personnes ayant déclaré faire confiance à un grand nombre ou à la plupart des résidents de leur voisinage est de 46 % dans la RMR de Montréal, contre  58 % et 60 % dans les RMR de Toronto et de Vancouver.

Les résultats présentés dans cette série de modèles sur les pratiques de voisinage et les perceptions ont montré que le type de quartier et la municipalité habitée ne sont pas en soi des facteurs contextuels associés à des relations de voisinage plus denses et dynamiques. Le même constat est observé en ce qui concerne le temps passé au pays et la génération. En revanche, d’autres facteurs tels que l’intégration dans un réseau personnel local et la pratique religieuse sont de meilleurs déterminants d’une connaissance accrue du nombre de résidents dans le voisinage, l’échange de services et la confiance à l’égard des voisins (résultats présentés dans le tableau A4).

4.3 Les activités bénévoles et l’engagement communautaire

Les activités bénévoles ou associatives peuvent être de nature différente et varier selon les goûts et les préférences de chacun. Peu importe leur nature, la pratique du bénévolat et l’engagement communautaire pour des associations peuvent non seulement s’avérer une occasion d’élargir le nombre de contacts sociaux et de maintenir des liens avec des personnes qui partagent des valeurs et des objectifs communs. Ces activités peuvent aussi constituer une précieuse source de soutien et d’intégration.

Des recherches ont montré que la pratique du bénévolat peut servir d’indicateur d’intégration sociale chez les immigrants en raison des bienfaits qui lui sont associés (Joseph, 1995; Osili, 2005). Selon le rapport des Nations Unies sur les conditions socioéconomiques des migrants, la participation sociale et la pratique du bénévolat permettent de renforcer le sens de la communauté, de créer des liens entre des membres de différents groupes qui ne sont habituellement pas en contact (UNECE, 2015).

Nous examinons dans cette section la pratique du bénévolat et la participation à des activités de nature associatives en tant qu’indicateurs d’intégration sociale. À l’aide de trois modèles de régression logistique, nous étudions l’association entre le type de schéma d’établissement et les activités suivantes: 1) la pratique du bénévolat; 2) la participation à une association de quartier ou communautaire et; 3) l’engagement au sein d’un organisme destiné aux immigrants ou à un groupe ethnique.

La pratique du bénévolat et la participation à des activités associatives

Plusieurs motifs personnels et facteurs contextuels peuvent inciter les personnes à donner de leur temps en tant que bénévole ou à s’engager dans une association de type communautaire dans le quartier ou dans un organisme œuvrant auprès des immigrants ou d’un groupe ethnique spécifique.

Quel que soit le type de municipalité ou de quartier habité, environ 30 % de la population à l’étude a consacré du temps comme bénévole dans un organisme sans but lucratif. La propension à pratiquer le bénévolat n’est toutefois pas statistiquement associée au type de municipalité et de quartier habité.

Quant à la participation associative, 18 % de la population issue de l’immigration a indiqué qu’elle est impliquée dans une  association de quartier et 7 % dans une association immigrante ou ethnique.

On remarque que le pourcentage de personnes membres d’une association communautaire ou de quartier dans les municipalités centrales est similaire à celui des municipalités périphériques de la première couronne (20 % et  17 %). En revanche, ce pourcentage est de 13 % dans les municipalités de la deuxième couronne. Lorsque l’on contrôle l’influence que peut avoir d’autres facteurs sur l’engagement dans une association de quartier ou communautaire les écarts observés entre la municipalité centrale et celles de la deuxième couronne disparaissent (tableau 18).

Le taux de participation à un organisme qui s’adresse aux immigrants ou à un groupe ethnique en particulier est similaire dans les municipalités centrales et dans les municipalités périphériques (de la première ou de la deuxième couronne), soit environ 7 %. Tout comme le modèle sur la pratique du bénévolat et l’engagement dans une association de quartier ou communautaire, aucune association n’est statistiquement significative entre la participation à une association et le type de municipalité habitée. 

Quant à l’influence du poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier, on remarque que les résidents des quartiers où la concentration de la population issue de l’immigration est modérée (50 % à 70 %) sont plus susceptibles de faire partie d’un organisme d’immigrants ou ethnique que leurs homologues des quartiers où la population issue de l’immigration est minoritaire (rapport de cotes de 2,09)Note 21. Il s’agit cependant du seul organisme où l’on remarque une influence statistiquement significative de la concentration de la population issue de l’immigration dans le quartier sur la participation sociale. 

La propension à pratiquer le bénévolat est plus élevée dans la RMR de Vancouver que dans la RMR de Toronto (rapport de cotes de 1,59). Dans la RMR de Montréal, on remarque que les résidents sont moins sujets à pratiquer le bénévolat et d’être membre d’un organisme communautaire ou de quartier que les résidents de la RMR de Toronto (rapport de cotes de 0,60 et de 0,53).

Cette troisième série de modèles met en évidence l’effet mitigé des schémas d’établissement sur la propension à pratiquer des activités bénévoles et de nature associative pour un organisme de quartier ou d’une association destinée à un groupe qui partage des caractéristiques ethnoculturelles communes. D’une part, la localisation du lieu de résidence (centrale/périphérique) n’est pas en soi statistiquement associée à la pratique du bénévolat, l’engagement dans une association communautaire et dans une association destinée aux immigrants ou à un groupe ethnique. D’autre part, les résidents des quartiers où la population issue de l’immigration représente entre 50 % à 70 % de la population sont plus susceptibles de faire partie d’un organisme d’immigrants ou ethnique. Ce dernier résultat tend néanmoins à confirmer les travaux sur les enclaves ethniques selon lesquelles quartiers ayant une forte présence immigrante sont généralement des lieux d’entraide. Cette conclusion est renforcée par le fait que la participation aux organismes d’immigrants ou ethniques est également élevée (même si non significative) dans les quartiers affichant les plus fortes proportions de population issue de l’immigration (70 % et plus).

4.4 Le sentiment d’appartenance

Le sentiment d’appartenance constitue une autre facette de l’intégration sociale, cette fois-ci du point de vue du répondant. Il reflète en quelque sorte la manière dont les gens perçoivent leur place au sein d’une collectivité ou d’un groupe de personnes, ainsi que la manière dont ils expriment leur identité par rapport à ce groupe.

Dans cette quatrième série de huit modèles statistiques, nous examinons en premier lieu l’influence des schémas d’établissement sur le sentiment d’appartenance exprimé à l’égard du lieu de résidence sur une échelle qui se décline en quatre niveaux géographiques, soit la communauté locale, la ville, la province et le pays (le Canada). En deuxième lieu, nous examinons le sentiment d’appartenance exprimé à l’égard des personnes partageant des caractéristiques ethnoculturelles communes, soit le pays d’origine, l’origine ethnique ou culturelle et la langue maternelle.

Dans l’ensemble, la grande majorité des immigrants et des personnes de deuxième génération ont dit éprouver un sentiment d’appartenance très fort ou plus ou moins fort à l’échelle nationale, provinciale, municipale et locale, mais des variations selon le type d’échelle résidentielle sont observées. Plus spécifiquement, 94 % des personnes issues de l’immigration ont exprimé un sentiment d’appartenance très fort ou plus ou moins fort à l’égard du Canada, alors que pour la province et la ville les pourcentages correspondants sont de 85 % et 86 % (tableau 19). Pour ce qui est de la communauté locale, la majorité des répondants ont aussi qualifié leur sentiment d’appartenance de très fort ou de plus ou moins fort, mais dans une proportion moindre que les autres niveaux géographiques, la proportion correspondante étant de 81%.

Ces résultats peuvent signifier que l’attachement à une unité géographique donnée correspond à des expériences et des perceptions différentes. En effet, pour les immigrants en particulier, le Canada peut revêtir un sens symbolique particulier en tant que pays d’accueil et type de société qu’ils ont choisi pour y mener une nouvelle vie, ce qui peut expliquer pourquoi l’attachement national est plus élevé que celui associé aux autres niveaux géographiques. À l’autre extrémité du spectre, la communauté locale représente un espace résidentiel plus concret et aux multiples fonctions, celles-ci pouvant être à la fois de nature sociale, domestique, pratique et symbolique (Authier, 2010). Les expériences vécues risquent, dans cette perspective, d’être plus variées et pourraient expliquer en partie pourquoi le sentiment d’appartenance à l’égard de la communauté locale est en général moins élevé que celui éprouvé à l’égard du Canada, de la province et de la ville.

Le sentiment d’appartenance à l’égard des personnes de même langue maternelle et de même origine ethnique ou culturelle est qualifié de plus ou moins fort ou de très fort par l’ensemble de la population à l’étude. Ainsi, 89 % de la population issue de l’immigration a déclaré que son sentiment d’appartenance aux personnes de même langue maternelle était plus ou moins fort ou très fort, comparativement à 85 % pour l’attachement aux gens de la même origine ethnique ou culturelle. Chez les immigrants récents et établis, 73 % ont exprimé un sentiment d’appartenance très fort ou plus ou moins fort à leur pays d’origine.

En regard des caractéristiques résidentielles, on peut constater au tableau 19 que les résidents des municipalités centrales ont en général un profil similaire à celui des résidents des les municipalités périphériques. Il n’y a aucune corrélation apparente entre la proportion de la population issue de l’immigration dans le quartier et le sentiment d’appartenance à l’égard du lieu de résidence ou des personnes partageant des caractéristiques communes.

Les résultats des analyses de régression renforcent cette observation (tableau 20). Seul le modèle sur le sentiment d’appartenance à l’égard de la ville montre une association statistiquement significative, à savoir que les résidents des municipalités périphériques tendent à exprimer un attachement plus faible à l’égard de leur ville que leurs homologues des municipalités centrales (rapport de cotes de 0,64 pour les municipalités périphériques de première couronne et de 0.52 pour la deuxième couronne). Contrairement aux municipalités périphériques, les municipalités centrales sont celles qui portent le nom de leur région métropolitaine et qui sont le lieu de nombreuses activités économiques, artistiques et d’évènements sportifs d’envergure nationale et internationale. Ces éléments contribuent en quelque sorte à définir l’âme et la personnalité d’une région métropolitaine et semblent renforcer l’attachement qu’on y porte. Dans ce contexte, le fait de demeurer dans la municipalité centrale et d’y travailler pourrait, en partie, expliquer pourquoi le sentiment d’appartenance à l’égard de la ville y est plus fort que dans les municipalités périphériquesNote 22. Les répondants des RMR de Montréal et de Vancouver se montrent également plus susceptibles que les résidents de la RMR de Toronto d’exprimer un sentiment d’appartenance élevé à l’égard de leur ville (rapport de cotes de 1,44 et 1,40).

En ce qui concerne le poids démographique de la population immigrante au sein du quartier, aucune association statistiquement significative n’est observée dans les modèles statistiques.

L’effet du temps écoulé depuis l’arrivée au pays et la génération n’est statistiquement significatif que dans les modèles qui traitent du sentiment d’appartenance à l’égard des personnes partageant des caractéristiques communes. Les immigrants récents sont ainsi plus sujets que les immigrants établis à affirmer un sentiment d’appartenance élevé à l’égard de leur pays d’origine (rapport de cotes de 1,92). Le même constat prévaut dans les modèles qui rendent compte de l’expression d’un sentiment d’appartenance élevé à l’égard des personnes de même origine ethnique ou culturelle (rapport de cotes de 1,33).

Les personnes nées au Canada de parents immigrants ont également une propension plus élevée que les immigrants établis à éprouver un attachement fort aux gens de même origine ethnique ou culturelle et de même langue maternelle (rapports de cotes de 1,55 et 1,60). Ces résultats donnent à penser que la transmission culturelle en général, et celle de la langue maternelle des parents en particulier, est un facteur déterminant dans l’affirmation de l’identité de la deuxième génération. Divers travaux ont mis évidence l’importance du rôle la mère dans la transmission de la langue maternelle (Vézina et Houle, 2014; Bouchard-Coulombe, 2011). La mère est généralement le parent qui est le plus susceptible de transmettre sa langue maternelle, même s’il s’agit d’une langue minoritaire dans le milieu où elle vitNote 23.

En résumé, cette quatrième série de modèles a montré que l’association entre le lieu de résidence et le sentiment d’appartenance exprimé à l’égard de différentes unités géographiques et des personnes partageant des caractéristiques communes est faible, voire inexistante. Les résultats des régressions logistiques ont ainsi montré que le type de municipalité habitée et la RMR exercent une influence sur l’attachement à l’égard de la ville habitée. Dans cette série de huit modèles, il s’agit du seul modèle où une corrélation statistiquement significative du lieu de résidence est observée.

Conclusion

Cette étude avait pour objectif d’examiner, d’une part, les tendances récentes en matière d’établissement de la population issue de l’immigration et, d’autre part, le rôle du lieu de résidence en matière d’intégration sociale examinée selon quatre composantes : les caractéristiques des réseaux personnels, les relations de voisinage, la pratique du bénévolat et l’engagement communautaire ainsi que le sentiment d’appartenance.

Les résultats de la troisième partie ont mis en évidence que les modèles d’établissement de la population issue de l’immigration dans les grandes agglomérations urbaines sont différents de ceux qui prévalaient dans le passé, et que cette différenciation s’est accentuée au cours des dernières années. Les données des recensements de 2001 et 2006 et de l’ENM de 2011 ont permis d’observer que l’établissement initial des immigrants dans la municipalité centrale et les processus de suburbanisation qui s’ensuivent ne représentent plus le mode d’établissement prédominant des immigrants. Les nouveaux arrivants tendent à s’établir davantage en périphérie de la municipalité centrale, le plus souvent dans les municipalités situées en bordure de celle-ci. On a pu ainsi constater que la suburbanisation entraîne l’éclosion de nouvelles concentrations immigrantes dans la municipalité centrale et périphériques, ce qui semble s’accompagner d’un déplacement des schémas d’établissement au sein des périphéries des trois grandes RMR du Canada. Le sujet mériterait certainement une étude plus approfondie.

Les résultats des analyses réalisées à partir des indices de dissimilarité des pays d’origine  ont mis en évidence qu’il n’y a pas de contraste marqué entre le centre et la périphérie, et que les différences entre les groupes de la population issue de l’immigration sont plus importantes que la différence entre les municipalités centrales et périphériques. Les analyses de la première partie ont permis de confirmer l’idée, avancée par d’autres travaux, selon laquelle les municipalités périphériques sont des espaces diversifiés en raison de la suburbanisation des populations issues de l’immigration et de l’émergence des concentrations qui accompagnent cette suburbanisation. Dans ce contexte, la théorie de l’assimilation spatiale selon laquelle l’établissement dans des municipalités périphériques s’accompagne d’une dispersion n’est pas confirmée ici. Par ailleurs, selon les hypothèses de la théorie de l’assimilation spatiale, la dispersion des groupes doit s’accompagner de l’acquisition d’un statut socioéconomique plus élevé et de la maîtrise des langues officielles du pays, éléments que nous n’avons pas examinés dans les processus d’établissement dans les périphéries des RMR. Néanmoins, l’examen de ces tendances nous a permis de remettre en question l’influence des schémas d’établissement sur certaines composantes de l’intégration sociale des immigrants et de la population de deuxième génération qui en est issue.

Plus précisément, nous avons examiné dans quelle mesure l’emplacement géographique du lieu de résidence (centre ou périphérie) et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier étaient associés au fait d’établir « ses racines » et de s’intégrer socialement. Nous avons examiné l’intégration sociale par l’entremise des réseaux personnels, des relations de voisinage, de la participation à diverses activités sociales culturelles et de solidarité et du sentiment d’appartenance à l’égard du lieu de résidence et des personnes partageant des caractéristiques communes.

L’ensemble des résultats présentés à partir des quatre séries de modèles de régression ne nous permet pas de conclure que les caractéristiques des schémas d’établissement présentées dans cette étude sont les déterminants les plus associés aux composantes de l’intégration sociale examinées.

D’abord, l’analyse des réseaux personnels a mis en évidence que la propension à détenir un nombre plus élevé de liens sociaux dépendait surtout de la période d’immigration et de la génération. Nous avons toutefois pu constater que les résidents des municipalités périphériques de la première et de la deuxième couronne étaient moins susceptibles que leurs homologues des municipalités centrales d’avoir des réseaux personnels de plus de 15 personnes et de compter plus de 10 connaissances. Une des explications tient aux liens familiaux qui composent principalement les réseaux personnels de proximité des résidents des municipalités périphériques. Le nombre de parents proches déclarés est en général plus petit que celui des liens d’amitié. Ces résultats semblent traduire des modes de sociabilité différents et la prévalence de réseaux familiaux de proximité dans les municipalités périphériques, plutôt qu’un manque d’intégration sociale comme tel. L’analyse de la fréquence des rencontres avec les membres de la famille et des contacts avec des amis d’un autre groupe ethnique ont permis de renforcer cette idée. On a ainsi remarqué que les rencontres avec des membres de la parenté et le nombre d’amis d’un autre groupe ethnique avec lesquels on a eu des contacts étaient plus élevés dans les municipalités périphériques que dans les municipalités centrales.

En ce qui concerne l’examen des pratiques de voisinage, nous ne pouvons pas conclure que les caractéristiques résidentielles sélectionnées dans cette étude ont une influence statistiquement significative sur la propension à connaître un nombre plus élevé de voisins, à échanger des services et à faire confiance à un plus grand nombre de résidents du voisinage. Quel que soit le schéma d’établissement, environ le tiers de la population issue de l’immigration a déclaré connaître tous ou la plupart de ses voisins. Nous avons toutefois constaté que le pourcentage de résidents ayant échangé un service avec l’un de leurs voisins au cours du dernier mois était moins élevé dans les quartiers à forte concentration ethnique que dans les quartiers dont la concentration est plus faible. Nous avons aussi remarqué que dans les quartiers où le poids de la population issue de l’immigration est moins important, les résidents étaient plus sujets à faire confiance à un grand nombre ou à la plupart des résidents de leur voisinage que dans les quartiers moyennement concentrés et très concentrés. Selon ces données, on pourrait croire que les quartiers où la population issue de l’immigration est fortement représentée sont des endroits moins propices à échanger de services et à faire confiance à de nombreux voisins. Lorsque nous avons isolé l’influence des autres facteurs, aucun effet n’était statistiquement significatif pour ces indicateurs. Quant au type de municipalité habitée, les résultats de l’analyse de régression ont aussi montré que les pratiques de voisinage n’étaient pas associées à cette caractéristique.

L’examen des activités bénévoles et de nature associative a mis en lumière la faible influence des caractéristiques des lieux de résidence sur ces activités. D’une part, la pratique du bénévolat et l’engagement dans un organisme communautaire ou de quartier n’étaient associés au type de municipalité (centrale/périphérique de première ou de deuxième couronne) et de quartier habité. D’autre part, nous avons pu voir que les probabilités d’engagement dans une association immigrante étaient plus élevées dans les quartiers où la population issue de l’immigration est majoritaire. Ce résultat confirme les conclusions de divers travaux qui ont porté sur les enclaves ethniques comme lieu d’entraide, de soutien et de source d’aide pratique.

En plus de l’examen des liens sociaux développés au pays, nos analyses montrent que les caractéristiques des lieux de résidence examinées ne constituaient pas les principaux déterminants du sentiment d’appartenance à l’égard des lieux de résidence et des collectivités canadiennes. La grande majorité des immigrants et des personnes de deuxième génération ont déclaré éprouver un sentiment d’appartenance très fort ou plus ou moins fort à l’égard du Canada et de leur province, de leur ville et de leur communauté locale. Parmi les facteurs qui peuvent renforcer le sentiment d’appartenance exprimé à l’égard de l’un ou l’autre de ces lieux de résidence, les résultats ont montré que l’influence des caractéristiques des schémas résidentiels n’était pas, dans la majorité des cas, significative. Seuls les résidents des municipalités périphériques tendent à exprimer un attachement plus faible à l’égard de leur ville.

En conclusion, les schémas d’établissement, et tout particulièrement l’emplacement géographique du lieu de résidence (centre ou périphérie) et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier, ne sont pas les caractéristiques contextuelles plus déterminantes dans le développement des liens sociaux au pays et de l’intégration sociale des groupes immigrants.

Dans l’ensemble, le sentiment d’appartenance à l’égard de la communauté locale est plus fort lorsque les personnes de première et de deuxième génération font partie d'un réseau personnel élargi. On peut faire le même constat concernant les relations de voisinage et la participation sociale. Les immigrants et leurs descendants intégrés dans un réseau local plus large et participant à des activités communautaires comme la pratique religieuse dans un lieu de culte sont plus sujets d’avoir une connaissance plus accrue des résidents de leur voisinage,  d’éprouver une plus grande confiance à leur égard et de faire des activités bénévolesNote 24. Comme d’autres travaux l’ont mentionné, l’intégration sociale est un processus complexe qui s’inscrit dans le temps et à travers la qualité des interactions et des liens sociaux développés au sein de la société d’accueil.

Appendix 1

Appendix 2

Les variables indépendantes comprennent trois types de facteurs : les caractéristiques des schémas d’établissement, les caractéristiques individuelles et les variables associées à la sociabilité (telles que l’étendue des réseaux personnels, la pratique du bénévolat et religieuse et la discrimination). La répartition des répondants selon chacune de ces variables est présentée dans le tableau A2. Le tableau compare les caractéristiques des immigrants récents, des immigrants établis et de la population de deuxième génération.

Characteristics of settlement patterns

Nous examinons deux caractéristiques des schémas d’établissement afin de déterminer dans quelle mesure certains contextes peuvent être associés ou non aux composantes de l’intégration sociale. Dans l’analyse des résultats, nous examinons successivement le type de municipalité (centrale et périphérique de la première et de la deuxième couronne) et le poids démographique de la population issue de l’immigration dans le quartier.

Les municipalités suivantes ont été regroupées pour désigner les municipalités de la première couronne : Dans la RMR de Montréal, elles correspondent à Dollard-Des-Ormeaux, Dorval, l’île Dorval, Pointe-Claire, Kirkland, Saint-Anne-de-Bellevue, Baie-d’Urfé, Senneville, Beaconsfield, Laval, Boucherville, Longueil, Saint-Lambert et Brossard. Toutes les autres municipalités à l’exception de celles qui font partie de la  municipalité centrale   désignent les villes de la deuxième couronne.

Dans la RMR de Toronto, les municipalités suivantes sont regroupées dans les municipalités périphériques de la première couronne : Mississauga, Brampton, Vaughan, Markham, Pickering, Richmond Hill et Ajax.  À l’exception de la municipalité de Toronto,  les autres municipalités de la région métropolitaine de Toronto sont regroupées pour désigner les municipalités périphériques de la deuxième couronne.

Dans la RMR de Vancouver, les municipalités de Richmond, Greater Vancouver A, Burnaby, West Vancouver, North Vancouver désignent les municipalités périphériques de la première couronne. Outre la municipalité de Vancouver, les autres municipalités de la RMR sont regroupées dans les municipalités périphériques de la deuxième couronne. 

Le revenu médian de la population du quartier est aussi pris en compte dans nos analyses comme variable contextuelle de contrôle. Nous avons calculé, à partir des données de l’ENM, le revenu total médian relatif de la population du secteur de recensement où le répondant vit. Le revenu médian de chaque secteur de recensement a été divisé par le revenu médian de l’ensemble de la population de la RMR de façon à obtenir une valeur relative qui neutralise les différences de revenu entre les trois RMR à l’étude.

Par ailleurs, étant donné que le revenu individuel recueilli dans l’ESG sur l’identité sociale compte un nombre trop élevé de valeurs manquantes, nous avons préféré ne pas retenir cette information et lui substituer le revenu médian relatif de secteur de recensement de résidence.

Les caractéristiques individuelles

Le temps passé dans le pays d’accueil et le fait d’être né au Canada de parents immigrants a certainement une influence sur l’intégration sociale. Pour tenir compte de cette dimension temporelle dans les modèles, nous distinguons les trois groupes de population suivants: les immigrants récents, les immigrants établis et la population de deuxième génération. Le temps est mesuré dans cette perspective selon la période d’immigration et la génération. Les données de l’ESG ne permettent évidemment pas de suivre les mêmes personnes au fil du temps. Nous comparons néanmoins les personnes arrivées entre 2006 et 2013 à celles arrivées en 2005 ou avant et à la deuxième génération. Ce type de comparaison permet d’une certaine façon d’examiner l’influence de la dimension temporelle de l’immigration sur l’intégration, mais ne peut pas déterminer l’effet réel du passage d’une période à l’autre ou d’une génération à la suivante.

Nos analyses neutralisent l’effet d’autres caractéristiques sociodémographiques telles que le sexe, l’âge, le fait de vivre seulNote 25, la scolarité atteinte, l’occupation d’un emploi et la région de naissance du répondant (ou de sa mère pour la deuxième génération). Les pays de naissance sont regroupés en neuf catégories : l’Amérique du Nord (les États-Unis), les Caraïbes, l’Amérique centrale et du sud, l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie de l’Ouest, l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-est et Océanie.

La pratique religieuse

La pratique religieuse est une caractéristique individuelle et culturelle qui peut jouer un rôle dans le développement de liens sociaux et l’intégration sociale. En effet, des études américaines ont montré que la participation à des activités religieuses permet non seulement aux immigrants de pouvoir utiliser leur langue ancestrale, mais qu’elle est aussi une source où des pratiques d’entraide et de solidarité y sont déployées sur le plan économique sociale et linguistique tout particulièrement pour les immigrants récents (Cadge et Ecklund, 2007 ; Hirschman, 2004). Ces études ont notamment montré que les lieux de culte peuvent fournir formellement ou informellement de l’aide dans la recherche d’un logement, l’utilisation de la langue du pays d’accueil et la scolarité des enfants (Hirschman, 2004).

La pratique religieuse est mesurée au moyen d’une question par l’entremise de laquelle on demande au répondant la fréquence à laquelle il a participé à des activités ou assisté à des réunions ou à des services religieux au cours de la dernière année. Les rites de passage comme les mariages, les funérailles, les baptêmes, les bar-mitzah sont exclus. Comme chacune des religions a ses propres prescriptions, nous avons regroupé cette variable en deux catégories : 1) pas du tout; 2) au moins une fois par année. Des analyses préliminaires ont montré que même si la pratique religieuse se limite à quelques fois par année, elle peut quand même contribuer au développement et au maintien d’un plus grand nombre de relations sociales de même qu’au renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté locale. 

La taille des réseaux personnels et la pratique du bénévolat

Nos analyses préliminaires ainsi que d’autres travaux ont démontré que la pratique du bénévolat est une pratique qui contribue au développement de réseaux personnels plus étendus et diversifiés (UNECE, 2015). Selon la perspective inverse, les relations sociales peuvent jouer un rôle incitatif et d’influence sur la participation à certaines activités de groupe comme le bénévolat.

La taille du réseau personnel et la pratique du bénévolat sont ainsi des variables qui peuvent être analysées selon une perspective à double sens. Dans cette étude, la taille des réseaux personnels et la pratique du bénévolat sont d’une part examinées comme indicateurs d’intégration sociale (variable dépendante) dans la première et la troisième série de modèles portant sur les réseaux personnels et la participation sociale et des activités associatives. D’autre part, elles sont utilisées comme variables indépendantes dans les autres modèles lorsqu’il est approprié de le faire.

Le fait d’avoir été victime de discrimination ou traité injustement

Cette variable reflète une autre dimension de l’intégration sociale, soit la réceptivité de la population d’accueil, et rend compte de la qualité de certains rapports sociaux avec la société d’accueil (Entzinger et Biezeveld, 2003; Wu. et all., 2010). Dans la présente étude, la variable « discrimination » est utilisée comme une variable de contrôle. Dans l’ESG, le fait d’avoir été victime de discrimination ou traité injustement par d’autres personnes est un évènement qui peut avoir eu lieu au cours des cinq dernières années précédant l’enquête en raison de l’une ou l’autre des causes suivantes : l’appartenance ethnique ou culturelle, l’apparence physique, la religion ou la langue. Au total, 30 % de la population à l’étude a déclaré avoir été victime de discrimination pour l’une ou l’autre de ces raisons. Cette expérience sociale est prise en compte comme variable indépendante dans tous les modèles de régression.

Appendix 3

Appendix 4

Appendix 5

Appendix 6

Références

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