Nouvelle mesure de l’incapacité dans les enquêtes : questions d’identification des incapacités (QII)
3. Élaboration des QII

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La première version des QII a été élaborée sur une période de deux ans; les travaux ont commencé au printemps 2010 par un examen des modules sur les incapacités utilisés antérieurement au Canada (comme les questions de l’indice HUI3 ou du Groupe de Washington) et d’autres instruments envisagés ou utilisés dans d’autres pays, comme l’initiative de Budapest ou le questionnaire WHODASNote 1. L’équipe chargée d’élaborer les QII était formée de spécialistes du sujet et d’analystes d’EDSC (RHDCC à l’époque) ainsi que de spécialistes et de méthodologistes de Statistique Canada, sous la direction d’un Groupe consultatif technique (GCT) constitué de spécialistes issus des milieux communautaires et universitaires. À la suite de cet examen, des approches et des questions ont été proposées. On s’est efforcé d’employer les formulations utilisées dans des instruments comme l’indice HUI3, les questions du Groupe de Washington et l’initiative de Budapest afin de favoriser la comparabilité des données. Des essais qualitatifs ont été réalisés par le Centre de ressources en conception de questionnaires (CRCQ) de Statistique Canada en septembre 2010, en mars 2011 et en mai 2011Note 2.

L’un des objectifs était d’élaborer les QII en fonction du modèle social de l’incapacité et en tenant compte des limitations d’activités afin d’identifier les incapacités. De plus, comme les QII devaient être incluses dans les enquêtes auprès de l’ensemble de la population, leur administration ne pouvait pas prendre plus de deux minutes en moyenne. On voulait aussi que les QII permettent de distinguer le plus grand nombre de types d’incapacité possible et de traiter de façon uniformisée tous les types d’incapacité.

3.1. Modèle social de l’incapacité

Le modèle social de l’incapacité reconnaît que même si l’incapacité est liée à une personne et au degré de difficulté d’exécution de certaines tâches, au niveau de déficience ou à l’existence d’un problème de santé, il tient aussi compte du milieu de vie d’une personne comme facteur clé pour déterminer une incapacité.

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Modèle médical et modèle social de l’incapacitéNote 3,Note 4

Le modèle médical de l’incapacité est axé sur les déficiences, les affections ou les handicaps. Il suppose que l’incapacité est causée par une maladie physiologique ou une blessure qui donne lieu à un corps ou à un esprit « endommagé » qui ne fonctionne pas d’une manière considérée comme normale pour un être humain. Il ne tient pas compte du fait que la société s’organise en fonction de certaines suppositions, notamment celle voulant que tout le monde soit physiquement apte.

Selon le modèle social, l’incapacité est un désavantage social imposé par un environnement défavorable qui s’ajoute à la déficience d’une personne. Il examine les façons d’éliminer les obstacles qui restreignent les choix de vie que peuvent faire les personnes ayant une incapacité.

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En vertu du modèle social, il importe de poser des questions à propos non seulement des difficultés qu’une personne peut éprouver pour effectuer certaines tâches, mais aussi à quelle fréquence ces difficultés limitent les activités. Selon ce modèle, une personne peut avoir une déficience fonctionnelle sans avoir une incapacité si ses environnements physique et social sont adaptés de façon que ses activités ne soient pas limitées.

Avant les QII, la définition de l’incapacité utilisée ne tenait pas toujours compte des limitations d’activités. Par exemple, l’EPLA faisait appel à un modèle parfois fonctionnel, parfois social pour identifier les personnes ayant une incapacité, selon le type d’incapacité. L’EPLA comportait des questions à propos des limitations d’activités pour certains types d’incapacité, mais ces limitations n’étaient pas toujours prises en compte pour déterminer s’il y avait ou non incapacité.

3.2. Validité du contenu des QII

La validité du contenu est le degré auquel un instrument mesure ce qu’il est censé mesurer. Dans le cas des QII, la validité du contenu a été évaluée au moyen d’essais qualitatifs de chacune des questions.

Les essais qualitatifs servent à s’assurer que les questions et les réponses captent bien les concepts à mesurer. Ils permettent de déceler des problèmes même pour des questions très simples.

La première version longue des QII est passée par trois rondes d’essais qualitatifs d’envergure à six endroits au Canada. Environ 125 interviews individuelles et quatre groupes de discussions ont été menés. Le recrutement des répondants pour les interviews en profondeur s’est fait en fonction de plusieurs facteurs; l’échantillon était composé d’un mélange :

  • d’anglophones et de francophones;
  • d’hommes et de femmes;
  • de personnes appartenant à différents groupes d’âge (20 ans ou plus)Note 5;
  • de personnes ayant différents niveaux de scolarité et revenus du ménage et appartenant à des ménages de différentes tailles;
  • de personnes ayant divers types d’incapacité (d’après les questions posées à l’étape du recrutement).

Les résultats de chaque ronde d’essai qualitatif ont permis d’améliorer les questions de la ronde suivante. De plus, les résultats obtenus au premier endroit dans une ronde particulière ont souvent servi à améliorer les questions posées aux endroits suivants au cours de la même ronde.

Le reste de la section présente un aperçu des principaux résultats de chaque ronde d’essai. Le libellé de chaque question mise à l’essai n’est pas précisé; seule l’idée générale et les décisions principales concernant la conception du questionnaire sont indiquées. Le libellé final retenu pour chaque question d’identification des incapacités est présenté à la section 4.3.

Au début des essais qualitatifs, les QII s’appelaient « Disability Identification Questions ». Les rapports du CRCQNote 6 rédigés dans le cadre des deux premières rondes d’essais font donc référence à ce nom, alors alors que le dernier parle des QII.

Première ronde d’essais qualitatifs – Septembre 2010

La première ronde d’essais a commencé par 15 interviews en anglais réalisées à Vancouver, suivies de 15 interviews en anglais à Ottawa, puis de 16 interviews en français à Montréal.

Les questions de la première ronde portaient sur tous les types d’incapacité inclus dans l’EPLA de 2006. Elles étaient toutefois divisées en deux sections.

Les questions de la première section portaient sur la difficulté à effectuer certaines tâches pour certains types d’incapacité, alors que pour d’autres types d’incapacité, elles portaient sur les difficultés qui réduisaient la quantité ou le genre d’activités que la personne pouvait faire (par exemple : « Avez-vous un trouble d’apprentissage qui réduit la quantité ou le genre d’activités que vous pouvez faire? Des exemples de troubles d’apprentissage sont les troubles d’attention, l’hyperactivité et la dyslexie. »). On espérait que les dernières questions permettraient de gagner du temps en ne posant pas deux questions séparées — l’une portant sur la présence d’une difficulté et l’autre sur la limitation d’activité qui en découle. Ces questions n’ont pas donné de bons résultats parce que le fait de demander en même temps au répondant s’il avait des difficultés et si ces difficultés réduisaient ses activités créait de la confusion.

La deuxième section du questionnaire d’essai visait à déterminer si les limitations déclarées à la première section créaient des difficultés dans des domaines particuliers : trouver ou garder un emploi, fréquenter l’école, se déplacer, accomplir des tâches ménagères, s’occuper de ses soins personnels, avoir des activités en dehors de la maison, communiquer, s’entendre avec les autres et participer à d’autres activités. L’objectif était de couvrir les domaines prévus dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. L’EPLA de 2006 mentionnait aussi des domaines spécifiques en rapport avec certains types d’incapacité, mais cela était fait immédiatement après chaque question sur une difficulté relative à un type d’incapacité particulier, plutôt que dans une section distincte après avoir posé toutes les questions sur les difficultés pour tous les types d’incapacité. De plus, un ensemble restreint de domaines (maison, école ou travail, ou autre) était pris en considération dans l'EPLA.

Cette deuxième section posait problème parce que les répondants ne savaient pas comment tenir compte des limitations pour plusieurs types d’incapacité lorsqu’ils répondaient à des questions relatives à un domaine spécifique. Par exemple, si dans la première section du questionnaire une personne déclarait des difficultés attribuables à un problème de santé mentale et d’autres difficultés attribuables à un manque de flexibilité, elle avait du mal à évaluer le degré de difficulté éprouvé à l’égard de chaque domaine (trouver un emploi, garder un emploi, fréquenter l’école, etc.) à la deuxième section. Le problème de santé mentale de cette personne pouvait lui donner un peu de difficulté dans certains domaines et beaucoup dans d’autres, alors que son manque de flexibilité ne touchait pas nécessairement les mêmes domaines.

La première ronde d’essais a débouché sur plusieurs constatations et décisions d’ordre général :

  • Certaines questions étaient complexes et il était difficile d’y répondre; les intervieweurs s’entendaient généralement sur les questions qui étaient trop verbeuses et difficiles à administrer.
  • Les participants n’interprétaient pas toujours correctement les questions.
  • La définition du contexte des questions posait aussi parfois problème, par exemple à cause de la difficulté pour les participants à se rappeler de la période de temps requise (six mois/long terme). En outre, certains participants ne savaient pas s’ils devaient tenir compte de facteurs comme des appareils fonctionnels (par exemple, déambulateur ou canne) ou des médicaments lorsqu’ils répondaient à certaines questions.
  • Les participants n’établissaient pas toujours une correspondance entre les réponses qui leur venaient en tête et les catégories de réponse offertes. Cette situation s’expliquait par le choix de l’échelle de réponse ainsi que par le nombre de points offerts sur l’échelle.
  • L’utilisation d’une terminologie non uniformisée et mal comprise peut entraîner des problèmes d’interprétation, par exemple « difficulté », « problème », « limitations », « incapacité ou trouble ».
  • Pour tenter d'avoir un module le plus court possible, on a sélectionné bon nombre de questions et de choix de réponse de d’autres outils d’enquête, puis on les a combinés. Il est possible que les subtilités de l’élaboration et de la conception des questions aient été négligées.
  • On a tenté d’utiliser des questions provenant d’autres enquêtes. Par exemple, la question initialement proposée pour déterminer une mobilité réduite était principalement fondée sur l’ensemble abrégé des questions du Groupe de Washington, qui portait entre autres sur la « difficulté à marcher ou à monter et descendre des escaliers ». Les essais qualitatifs ont révélé que les participants avaient du mal à répondre à cette question à deux volets, posée comme question de sélection finale. Il a été recommandé de la diviser en deux questions.
  • Particulièrement en ce qui a trait aux incapacités liées à la santé mentale, les répondants qui avaient vécu des difficultés épisodiques étaient réticents à déclarer un problème s’ils ne l’avaient pas éprouvé continuellement pendant six mois ou plus. La question initialement mise à l’essai provenait directement de l’EPLA. Toutefois, certaines personnes avaient des antécédents de limitations attribuables à des problèmes de santé mentale ayant duré plus de six mois, mais ce n’était plus le cas. Le libellé a été modifié pour préciser que la condition avait duré six mois ou plus, même si les symptômes n’étaient pas nécessairement présents pendant tout ce temps.
  • Certaines questions de l’EPLA donnaient des exemples qui posaient problème. Par exemple, le mot « phobie » à la question concernant les incapacités liées à la santé mentale n’était pas interprété comme prévu. Les répondants avaient tendance à interpréter une « phobie » comme quelque chose que l’on déteste vivement, plutôt que comme une peur ou une aversion maladive.
  • Les questions de la deuxième section étaient souvent mal comprises, particulièrement lorsque le répondant avait plusieurs incapacités légères.

Les questions ont été largement remaniées avant la deuxième ronde d’essais. Les changements les plus importants étaient les suivants :

  1. Élimination de la deuxième section, dans laquelle on posait des questions à propos des difficultés dans plusieurs contextes;
  2. Ajout de questions filtres au début du questionnaire pour éliminer tout de suite les personnes qui ne sont pas susceptibles d’avoir une incapacité, afin de réduire la durée du questionnaire.

La formulation des questions a été révisée en fonction des résultats de la première ronde d’essais; par exemple, le choix de réponse « Rarement » a été ajouté pour les questions sur les limitations d’activités; dans la première ronde, les choix de réponse étaient « Non », « Parfois », « Souvent » et « Toujours ».

Deuxième ronde d’essais qualitatifs – Mars 2011

La deuxième ronde d’essais des QII a eu lieu en mars 2011. On a réalisé 17 interviews en anglais à Toronto, 16 interviews en français à Montréal, et 16 interviews en anglais à Ottawa. Deux groupes de discussion ont aussi été tenus à Montréal, et deux autres à Ottawa; dans chaque ville, l’un des groupes était réservé aux personnes ayant un problème de santé mentale et l’autre, aux personnes ayant un trouble d’apprentissage.

L’ajout de questions filtres au début du questionnaire permettait de distinguer les personnes les plus susceptibles d’avoir une incapacité de celles qui ne l’étaient pas. On posait ensuite une série de questions de sélection plus précises aux personnes considérées comme étant susceptibles d’avoir une incapacité pour déterminer si c’était vraiment le cas et, dans l’affirmative, de quel type d’incapacité il s’agissait. Cette stratégie était nécessaire pour réduire la durée moyenne des interviews, surtout en raison de la prévalence relativement faible des incapacités dans la population et du grand nombre de questions nécessaires pour identifier les incapacités.

Ces questions filtres devaient satisfaire plusieurs conditions :

  • avoir une durée totale minimale, puisque les questions devaient être posées à tous les participants;
  • avoir une portée suffisamment vaste pour inclure les personnes ayant des incapacités de tous les types et de tous les niveaux, sans toutefois accroître inutilement le taux de sélection;
  • sélectionner comme il se doit les personnes ayant des incapacités non physiques;
  • réduire le nombre de faux négatifs afin d’éviter d’exclure des personnes ayant une incapacité.

Ces questions filtres, tout comme les questions filtres du recensement, ne visaient pas à mesurer l’incapacité. Elles étaient délibérément un peu vagues afin d’inclure les personnes susceptibles d’avoir une incapacité. Ce sont les questions de suivi (ou de sélection) qui identifient comme il se doit les personnes ayant une incapacité.

Le questionnaire mis à l’essai commençait par cinq questions filtres; des questions de sélection étaient ensuite posées si le participant répondait « oui » à au moins une des questions filtres.

Deux versions des questions de sélection relatives à l’incapacité visuelle ont été mises à l’essai. Celle qui a donné les meilleurs résultats parlait de la capacité de voir, plutôt que de la difficulté à voir. Cette formulation a été retenue dans la version finale des QII. Pour conserver la même structure, la question sur l’ouïe parlait aussi de la capacité d’entendre plutôt que de la difficulté à entendre. Ce sont les deux seuls types d’incapacité pour lesquels la version finale des QII parle de capacité plutôt que de difficulté.

À l’issue de la deuxième ronde d’essais, il a été décidé de remplacer la question filtre visant à identifier les personnes ayant une condition reliée à la santé mentale par la première question de sélection relative à ce type d’incapacité. La question filtre mise à l’essai était trop générale; elle ne permettait pas d’identifier les personnes ayant une condition reliée à la santé mentale, alors que la question de sélection, qui donnait des exemples plus précis, le permettait. En conséquence, on pose d’abord aux répondants la question filtre, puis on pose de nouveau à certains d’entre eux la même question comme question de sélection (voir la section 4.3.4).

Après la deuxième ronde d’essais, le type d’incapacité « Communication » a été retiré des QII. Quelques variantes de la question ont été explorées, mais toutes suscitaient diverses interprétations. Quand les intervieweurs ont exploré les questions auprès des répondants, il était clair que les questions étaient interprétées et les réponses formulées avec une connotation culturelle.

La cinquième question filtre (« Avez-vous tout autre problème de santé ou condition à long terme qui dure depuis six mois ou qui pourrait durer six mois ou plus? ») avait tendance à inclure trop de faux positifs. Pour réduire le nombre de faux positifs, une sixième question filtre a été ajoutée : « À quelle fréquence ce problème de santé ou condition à long terme limite-t-il vos activités? ». Ceux qui répondaient « Rarement », « Parfois », « Souvent » ou « Toujours » étaient retenus et on leur posait ensuite les questions de sélection.

Troisième ronde d’essais qualitatifs – Mai 2011

La troisième ronde d’essais qualitatifs des QII a eu lieu en mai 2011 et comprenait 22 interviews : 8 en anglais et 6 en français à Moncton, et 8 en anglais à Vancouver.

D’après le rapport d’observation du CRCQ :

  • En règle générale, les participants n’avaient pas de mal à répondre aux questions.
  • Il s’agit de loin de la version la plus efficiente des QII mises à l’essai depuis septembre 2010.
  • Dans de rares cas, les répondants ne savaient pas s’ils devaient signaler des problèmes qu’ils avaient eus dans le passé (par exemple, une personne ayant eu des problèmes de vue il y a trois ans qui a subi une chirurgie depuis et qui voit maintenant sans problème).
    • Recommandation : Si un répondant a des doutes, l’intervieweur doit consigner les difficultés et problèmes actuels.
  • Le remplacement de la formulation « activités quotidiennes » employée dans le cadre des essais de mars par « activités » a donné de bons résultats auprès des répondants francophones. Quand on leur posait des questions d’approfondissement, ils donnaient un grand éventail d’exemples comme les tâches ménagères, le travail, les courses, etc., ce qui se rapproche de l’expression « daily activities » en anglais.

Les recommandations formulées par le CRCQ après cette ronde d’essais concernaient une meilleure utilisation du texte dynamiqueNote 7 dans les libellés des questions, une légère modification des catégories de réponse, l’insistance sur certains mots dans les questions et de meilleures directives à l’intention des intervieweurs.

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