Enquête auprès des peuples autochtones de 2012
Pensées suicidaires au cours de l’année précédente parmi les Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits âgés de 18 à 25 ans : prévalence et caractéristiques connexes

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par
Mohan B. Kumar
(Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada)
Amy Nahwegahbow (L'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC))

Date de diffusion : le 13 octobre 2016

Résumé

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs font état de hauts taux de suicide chez les jeunes autochtones, et ces taux sont beaucoup plus élevés que ceux observés chez les jeunes non autochtones. À l’aide des données de l’Enquête auprès des peuples autochtones de 2012, le présent article fournit des estimations de la prévalence des pensées suicidaires chez les adultes des Premières Nations vivant hors réserve, métis et inuits âgés de 18 à 25 ans. On y examine les associations entre les pensées suicidaires au cours de l’année précédente et les troubles mentaux ainsi que les facteurs liés à la personnalité, les expériences vécues durant l’enfance et les caractéristiques familiales; de même que les caractéristiques sociodémographiques liées à des pensées suicidaires dans d’autres populations.

Parmi les Premières Nations, les Métis et les Inuits, environ 1 jeune adulte sur 20 et 1 jeune adulte sur 10 a indiqué avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois, et près de 1 personne sur 5 à 1 sur 4 a indiqué avoir déjà eu des idées suicidaires au cours de sa vie. La prévalence des idées suicidaires était deux fois supérieure chez les jeunes adultes autochtones vivant hors réserve que chez les jeunes adultes non autochtones. Dans les trois groupes autochtones visés par l’enquête, les jeunes adultes ayant indiqué avoir des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, avoir consommé de la drogue ou éprouver un sentiment de désespoir étaient plus susceptibles que ceux n’ayant pas déclaré ce type de renseignements d’avoir eu des idées suicidaires au cours de la dernière année. Toutefois, les jeunes adultes ayant indiqué avoir un niveau élevé d’estime de soi étaient moins susceptibles que ceux ayant un faible niveau d’estime de soi d’avoir des idées suicidaires. D’autres facteurs sont associés aux idées suicidaires chez certains groupes de jeunes adultes, mais pas dans tous les groupes.

La détermination des facteurs de risque de pensées suicidaires dans ces populations viendra s’ajouter aux ouvrages déjà publiés sur le sujet et pourra éclairer l’élaboration ou l’évaluation de politiques et de programmes de prévention.

Introduction

Les peuples autochtones, qui comprennent les Premières Nations vivant dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci, les Métis et les Inuits, affichent un taux de suicide plus élevé que celui observé chez les non-Autochtones, une perte qui devient source de souffrance et de deuil pour la famille et les amis. Un suicide représente une perte considérable pour la collectivité, tout particulièrement lorsque la victime est une jeune personneNote 1.

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs font état de taux de suicide élevés chez les jeunes autochtones. Parmi les enfants et les jeunes, au cours des périodes allant de 2000 à 2002 et de 2005 à 2007, les taux de mortalité résultant de blessures auto-infligées étaient 7 fois et 10 fois plus élevés chez les hommes et 16 fois et 22 fois plus hauts chez les femmes dans les régions comptant un pourcentage élevé de Premières Nations, comparativement aux régions à faible pourcentageNote 2. Chez les Inuits, les taux étaient encore plus élevés : au cours de la période allant de 1994 à 1998, le taux de suicide chez les enfants et les jeunes de la patrie inuiteNote 3, l'Inuit Nunangat (qui comprend un certain nombre de non-Inuits : 5 % des personnes de moins de 25 ans), était 18 fois plus élevé que dans le reste du CanadaNote 4. Une décennie plus tard, le taux relatif était 33 fois plus élevé en raison du fléchissement des taux de suicide dans le reste du Canada, alors qu’ils demeuraient inchangés dans l’Inuit NunangatNote 4.

Il a été démontré que les pensées suicidaires, qui sont à la fois des prédicteurs et des précurseurs des suicides et des tentatives de suicideNote 5Note 6Note 7Note 8Note 9, sont prévalentes à des niveaux significativement plus élevés chez les jeunes autochtones. En 2010, 23 % des adolescents des Premières Nations vivant dans une réserve du Conseil tribal de Saskatoon avaient déclaré avoir eu des pensées suicidaires, comparativement à 9 % des adolescents de la région urbaine de SaskatoonNote 10. Aussi, en 2006, 10 % des jeunes adultes métis avaient déclaré avoir eu des pensées suicidairesNote 11. En 2004, 45 % des Inuits âgés de 15 à 24 ans au Nunavik (Québec) ont indiqué avoir eu des pensées suicidaires à un moment donné de leur vie, et 24 % avaient déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente.

Les taux de suicide élevés chez les jeunes autochtones, par rapport à ceux observés chez les jeunes non autochtones, font ressortir la nécessité de mieux comprendre la portée des pensées suicidaires et les facteurs qui leur sont associés. La présente étude vise à estimer la prévalence des pensées suicidaires au cours de l’année précédente et au cours de la vie, et à examiner la santé mentale, la personnalité (faible niveau d’estime de soi et sentiment d’impuissance) ainsi que les facteurs démographiques et socioéconomiques associés aux pensées suicidaires au cours de l’année précédente chez les adultes des Premières Nations vivant hors réserve, métis et inuits âgés de 18 à 25 ans. La mise en lumière des facteurs de risque de pensées suicidaires au sein de ces populations viendra s’ajouter aux ouvrages déjà publiés sur le sujet et pourra éclairer l’élaboration ou l’évaluation des programmes et politiques de prévention.

Facteurs de risque de pensées suicidaires

Différents facteurs de risque de pensées suicidaires, de tentatives de suicide et de suicides chez les adolescents et les jeunes adultes ont été cernés dans différentes populations. Plusieurs modèles conceptuels ont tenté de décrire les relations entre les facteurs de risque de comportement suicidaire et les suicides réels. Selon un modèle proposé par BeautraisNote 12, des domaines multiples de facteurs de risque interagissent pour influer sur la vulnérabilité d’une personne à des comportements suicidaires (figure 1). Cela comprend notamment les facteurs génétiques et biologiques, les facteurs sociaux et démographiques, les caractéristiques familiales et les expériences vécues durant l’enfance, les facteurs liés à la personnalité tels qu’un faible niveau d’estime de soi et un sentiment d’impuissance, les événements traumatisants au cours de la vie et des troubles psychiatriques.

Figure 1 Modèle conceptuel des facteurs de risque de suicides et de tentatives de suicide chez les jeunes proprosé par Beautris (2000)

Description de la Figure 1

Dans le diagramme, les relations hypothétiques entre différents domaines de facteurs de risque et le comportement suicidaire sont décrites. Les domaines comprennent (1) les facteurs génétiques et biologiques, (2) les facteurs sociaux et démographiques composés de l’âge, du sexe, de l’ethnicité, du statut socioéconomique et du niveau de scolarité, (3) les caractéristiques familiales et les expériences pendant l'enfance constituées par la psychopathologie parentale, les difficultés conjugales, la perte parentale, les caractéristiques de soins des parents, les expériences d'abus, les autres dysfonctionnements familiaux, (4) les traits de personnalité et les styles cognitifs, (5) les facteurs environnementaux, comme les événements de la vie, les facteurs de déclenchement, les facteurs d’imitation et de contagion, l’influence des médias et l’accès aux méthodes, et (6) la morbidité psychiatrique, y compris les troubles mentaux, les troubles de la personnalité, la comorbidité, les tentatives de suicide antérieures et les soins psychiatriques antérieurs. On a émis l’hypothèse que les quatre premiers domaines contribuent aux facteurs environnementaux qui, à leur tour, contribuent au comportement suicidaire. De plus, les facteurs génétiques et biologiques, les caractéristiques familiales et les expériences de l’enfance, et les traits de personnalité et les styles cognitifs contribuent aux facteurs environnementaux et à la morbidité psychiatrique qui, à leur tour, contribuent au comportement suicidaire. On a également émis l’hypothèse que les quatre premiers domaines contribuent directement au suicide et aux tentatives de suicide; de plus, on a laissé entendre qu’ils contribuaient l’un à l’autre.

Un autre modèle, celui de stresseur-diathèseNote 13, propose quant à lui que des facteurs sources de stress, comme des conflits entre les besoins psychologiques d’une personne et les besoins de la société, la détérioration d’une maladie mentale, des facteurs liés à la personnalité tels qu’un sentiment d’impuissance et l’impulsivité, les facteurs familiaux ou génétiques, des expériences vécues durant l’enfance, le tabagisme et l’abus d’alcool sont des facteurs de risque de comportement suicidaire. Bien que ces modèles incorporent de nombreux facteurs de risque qui ont été cernés au sein des groupes autochtones, ils ne tiennent pas compte d’autres facteurs tels que les expériences liées à la fréquentation d’un pensionnat et la marginalisation, dont l’association à un comportement suicidaire a été démontréeNote 14.

Un grand nombre des facteurs de risque qui sont liés à des suicides et à des tentatives de suicide au sein d’autres populations le sont également chez les Autochtones. Cependant, les facteurs de risque varient selon le groupe autochtone et le sexe. Par exemple, les facteurs de risque de tentative de suicide chez les jeunes inuits comprennent ce qui suit : le fait d’être de sexe masculin; d’avoir un ami ayant fait une tentative de suicide ou qui s’est suicidé; d’avoir des antécédents d’abus physique; d’avoir des antécédents d’abus de solvants; d’avoir des parents ayant un problème d’alcool ou de drogueNote 15. Chez les adolescents des Premières Nations vivant dans une réserve au Manitoba, un comportement suicidaire était associé à plusieurs facteurs : le fait d’être de sexe féminin, la dépression, les mauvais traitements subis ou la peur de mauvais traitements, un séjour à l’hôpital et la consommation de drogueNote 16. Parmi les autres facteurs, on compte les effets transgénérationnels des changements de culture rapides comme la sédentarisation, la marginalisation économique et politique, l’isolement géographique et le manque de débouchés au plan personnel ou de la carrière (pour un examen de ces facteurs, voir Fraser et autres, 2015)Note 14. En ce qui concerne les différences entre les sexes, chez les jeunes inuits, la consommation de marijuana et la participation aux activités de chasse étaient associées aux tentatives de suicide chez les femmes, alors que chez les hommes, cela était plutôt la consommation abusive d’alcool qui y était associée. Cependant, chez les deux sexes, la détresse psychologique, les abus sexuels et la violence physique étaient associés aux tentatives de suicideNote 14.

Les pensées suicidaires ont de nombreux facteurs de risque en commun avec les tentatives de suicide et les suicides. Certains de ces facteurs, notamment la qualité des soins assurés par les parents, sont spécifiques au début de l’âge adulte (de 18 à 25 ans), alors que les personnes sont davantage vulnérables à certains problèmes de santé mentale comme la dépressionNote 17Note 18Note 19. Cela est particulièrement le cas chez les personnes appartenant à des groupes raciaux et ethniques minoritairesNote 20Note 21. Dans les paragraphes qui suivent, on présente un sommaire des facteurs de risque de pensées suicidaires, applicables plus particulièrement aux jeunes adultes et, pour certains facteurs de risque, aux jeunes adultes autochtones.

Expériences vécues durant l’enfance et caractéristiques familiales

La fréquentation des pensionnats a eu plusieurs répercussions négatives pour bon nombre de personnes qui les ont fréquentés. Celles-ci ont été séparées de leur famille et dans certains cas ont subi des abus physiques et/ou sexuels. Elles ont aussi vécu une suppression systématique de leur langue et de leur identité culturelleNote 22Note 23Note 24Note 25. Par conséquent, la fréquentation d’un pensionnat a été liée à des compétences parentales inadéquates, à la rupture de famillesNote 26Note 27, à des problèmes de santé mentale, à l’alcoolismeNote 28, et à la violence envers les enfantsNote 90, qui sont tous des facteurs associés aux pensées suicidaires. Chez les jeunes et les jeunes adultes des Premières Nations vivant dans une réserve, il a été démontré que les pensées suicidaires sont associées aux antécédents familiaux de fréquentation d’un pensionnatNote 29Note 30.

Parmi les autres expériences négatives vécues durant l’enfance ayant été associées aux pensées suicidaires, notons le fait d’être victime d’intimidationNote 31Note 32Note 33, les mauvais traitements subis pendant l’enfance, la négligence, les abus physiques ou sexuelsNote 34Note 35, de faibles niveaux d’attachement des parents, des liens émotionnels faibles avec les parentsNote 36, et la séparation ou le divorce des parentsNote 37Note 38, même lorsque l’on tient compte d’autres facteurs de risque.

On a aussi démontré que certaines caractéristiques familiales, telles qu’un faible soutien social, sont liées aux pensées suicidairesNote 39, de même que le fait de vivre seulNote 40.On a proposé que la relation entre un faible soutien social et les pensées suicidaires s’explique par un plus faible niveau d’estime de soiNote 41.

Troubles mentaux et traits de personnalité

On a montré que les troubles de l’humeur (notamment la dépression et l’anxiété) sont associés aux pensées suicidaires chez les jeunes adultesNote 39Note 42, et ce au sein de différentes populations et chez les deux sexesNote 43Note 44.

La consommation de drogue comme la cocaïne et l’héroïne a été liée aux pensées suicidaires chez les jeunes adultesNote 43Note 45Note 46. La consommation de marijuana y a aussi été associée dans certains articlesNote 43 mais non dans d’autresNote 45Note 47.

Certains types de consommation d’alcool, comme celle en réaction au stressNote 48Note 49et les troubles dus à la consommation d’alcoolNote 50Note 51, sont des facteurs de risque de pensées suicidaires, alors que d’autres types comme la consommation fréquente d’alcool en solitaire, ne le sont pasNote 42. On a proposé que les effets dépressifs de la consommation d’alcool jouent un rôle dans l’association de ce trouble avec un comportement suicidaireNote 52.

La relation entre l’usage du tabac et les pensées suicidaires est moins clairement établie. On a formulé l’hypothèse que le tabagisme chronique favorise la dépression. Il pourrait donc constituer un mécanisme pour une association avec les pensées suicidairesNote 53. Dans certaines études, on a associé l’usage quotidien du tabac à des pensées suicidaires chez les jeunes adultes, même lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs, y compris la dépressionNote 34Note 45Note 54. D’autres études ont démontré qu’après correction pour les autres facteurs de risque, l’usage quotidien du tabac n’était plus significatifNote 36.

Le sentiment d’impuissance, c’est-à-dire l’incapacité de visualiser ou d’imaginer un avenir tolérableNote 55, a été défini comme un facteur de risque de pensées suicidaires pour différentes populationsNote 44Note 47Note 56 et dans des études longitudinalesNote 57. Un faible niveau d’estime de soi a également été associé à des pensées suicidaires chez les jeunes adultes en généralNote 57Note 58Note 59.

Facteurs sociodémographiques

Selon plusieurs études, les hommes étaient plus susceptibles de se suicider, alors que les femmes étaient plus enclines à avoir des pensées suicidairesNote 60Note 61. Par exemple, chez les adolescents des Premières Nations vivant dans une réserve au Manitoba, le fait d’être de sexe féminin était associé à une probabilité accrue de pensées suicidaires et de tentatives de suicideNote 16. Cependant, dans d’autres études, aucune différence entre les sexes n’a été signaléeNote 47Note 62Note 63.

Un stress quotidien plus élevé a aussi été associé à des pensées suicidaires chez les AutochtonesNote 64.

On a démontré que la fréquentation d’un collège ou d’une université avait un effet protecteur en raison de la disponibilité accrue des ressources en matière de santé mentale, des réseaux de pairs et des ressources de soutien socialNote 65Note 66. Par conséquent, les taux de suicide chez les étudiants de niveau postsecondaire sont beaucoup plus faibles comparativement à ceux des non-étudiants.

Dans la présente étude, on a choisi d’explorer les facteurs du modèle Beautrais et ceux cernés par l’examen des articles publiés sur les facteurs de risque propres aux pensées suicidaires chez les jeunes adultes. Cependant, les limites en matière de données ont fait qu’il n’a pas été possible d’analyser tous les facteurs. En résumé, les facteurs explorés dans le cadre de l’étude étaient ceux liés aux expériences vécues durant l’enfance et aux caractéristiques familiales, les facteurs liés aux troubles mentaux, les facteurs liés à la personnalité ainsi que les facteurs sociodémographiques. La section « Données et méthodes » explique comment ces facteurs ont été opérationnalisés.

Résultats

Plus de 1 jeune adulte inuit sur 10 a eu des pensées suicidaires au cours de l'année précédente

En 2012, 11,3 % des Inuits de 18 à 25 ans ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente (graphique 1); les proportions correspondantes étaient de 7,1 % chez les Premières Nations vivant hors réserve et de 5,4 % chez les Métis. On observait des pourcentages plus élevés de personnes ayant déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de leur vie, ces proportions étant de 26,7 % chez les Inuits, de 16,9 % chez les Premières Nations vivant hors réserve et de 15,7 % chez les Métis.

Graphique 1 Graphique 1 Prévalence des pensées suicidaires au cours de l'année précédente et au cours de la vie chez les membres des Premières Nations hors réserve, les Métis, les Inuits et les adultes non Autochtones, 18 à 25 ans, Canada, 2012

Tableau de données du graphique 1
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Pensées suicidaires au cours de l'année antérieure, Pensées suicidaires au cours de la vie, Pourcentage et Intervalle de confiance à 95 %, calculées selon de et à unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
  Pensées suicidaires au cours de l'année antérieure Pensées suicidaires au cours de la vie
Pourcentage Intervalle de confiance de 95 % Pourcentage Intervalle de confiance de 95 %
de à de à
Premières Nations hors réserve 7.1Note E: à utiliser avec prudence 4,7 9,5 16,9 13,7 20,0
Métis 5,4 3,7 7,2 15,6 12,6 18,7
Inuits 11,3 7,8 14,8 26,7 22,3 31,2

Dans le cas des Inuits, les pensées suicidaires au cours de l’année précédente étaient plus de deux fois plus fréquentes chez les jeunes adultes, comparativement à ceux âgés de 26 à 59 ans (11,3 % par rapport à 4,9 %) (tableau A.1). Les différences entre les deux groupes d’âge n’étaient pas statistiquement significatives chez les Premières Nations vivant hors réserve (7,1 % par rapport à 5,8 %) ainsi que chez les Métis (5,4 % par rapport à 4,4 %).

Pour établir des comparaisons avec la population non autochtone, nous avons utilisé l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale, 2012 (ESCC–SM). Étant donné la petite taille de l’échantillon autochtone dans l’ESCC–SM, il était seulement possible de produire des estimations combinées qui soient fiables. Aussi, comme l’ESCC–SM n’a pas été menée dans l’Inuit Nunangat, les estimations excluent la plupart des Inuits. Néanmoins, la prévalence des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois et au cours de la vie était plus élevée chez les Autochtones de 18 à 25 ans que chez les non-Autochtones (11 % par rapport à 5 % pour ce qui est des pensées suicidaires au cours de l’année précédente et 27 % par rapport à 15 % en ce qui a trait aux pensées suicidaires au cours de la vie) (données non présentées).

Certaines différences entre les sexes

Au sein de la population autochtone combinée, la prévalence des pensées suicidaires au cours de la vie et des pensées suicidaires au cours de l’année précédente ne différait pas de façon significative entre les femmes et les hommes (18,7 % par rapport à 15,1 %, et 6,5 % par rapport à 6,9 %, respectivement) (graphique 2). Cependant, pour ce qui est des pensées suicidaires au cours de la vie, on a constaté une tendance à une prévalence plus élevée chez les femmes (p = 0,10) (données non présentées).

Graphique 2 Prévalence des pensées suicidaires au cours de l'année précédente et au cours de la vie, membres des Premières Nations hors réserve, Métis et Inuits combinés, selon le sexe, 18 à 25 ans, Canada, 2012

Tableau de données du graphique 2
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Pensées suicidaires au cours de l'année précédente, Pensées suicidaires au cours de la vie, Pourcentage et Intervalle de confiance à 95 %, calculées selon de et à unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
  Pensées suicidaires au cours de l'année précédente Pensées suicidaires au cours de la vie
Pourcentage Intervalle de confiance de 95 % Pourcentage Intervalle de confiance de 95 %
de à de à
Femmes 6,5 4,7 8,2 18,7 15,7 21,7
Hommes 6,9Note E: à utiliser avec prudence 4,5 9,4 15,1 12,2 18,0

Les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, le sentiment d’impuissance et un faible niveau d’estime de soi sont associés aux pensées suicidaires

En concordance avec les résultats de recherches antérieures, les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété étaient associés aux pensées suicidaires au cours de l’année précédente déclarées par les jeunes adultes dans chaque groupe autochtone, et ce, même lorsque l’on tenait compte des autres facteurs (tableau 1). Par exemple, les Métis ayant déclaré des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété étaient trois fois plus susceptibles que ceux n’ayant pas déclaré de tels troubles d’avoir eu des pensées suicidaires (9 % par rapport à 3 %); chez les Inuits, ces proportions étaient de 25 % par rapport à 10 %, respectivement. Aussi, dans le cas des Inuits, on a constaté l’émergence d’une importante interaction entre les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et le sexe, ce qui permet d’affirmer que l’association entre les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et les pensées suicidaires diffère selon le sexe (tableau A.4). Parmi les Inuits ayant déclaré des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir eu des pensées suicidaires (37 % par rapport à 7 %) (graphique 3). Chez les jeunes adultes métis et ceux des Premières Nations vivant hors réserve, les différences entre les sexes liées aux troubles de l’humeur et/ou d’anxiété n’étaient pas statistiquement significatives (données non présentées).

Graphique 3 Probabilités prédites de pensées suicidaires au cours de l'année précédente chez les Inuits selon la présence de troubles de l'humeur et/ou troubles d'anxiété et le sexe, 18 à 25 ans, Canada, 2012

Tableau de données du graphique 3
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Présence de troubles de l'humeur et/ou troubles d'anxiété, Oui et Non, calculées selon Probabilité prédite unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
  Présence de troubles de l'humeur et/ou troubles d'anxiété
Oui Non
Probabilité prédite Probabilité prédite
Hommes (référence) 0,07 0,11
Femmes 0,37 0,08

Même lorsque l’on tient compte des facteurs sociodémographiques, des facteurs de santé mentale et d’autres facteurs, la consommation de drogue était associée aux pensées suicidaires dans chaque groupe autochtone (tableau 1). Chez les Métis, 9 % de ceux ayant déclaré consommer de la drogue avaient eu des pensées suicidaires, comparativement à 3 % de ceux n’ayant pas déclaré consommer de drogue. Les proportions correspondantes étaient de 10 % par rapport à 5 % chez les Premières Nations et de 20 % par rapport à 9 % chez les Inuits. En revanche, l’abus fréquent d’alcool n’était pas associé à des pensées suicidaires.

Chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, métis et inuits, les fumeurs quotidiens étaient près de deux fois plus susceptibles que les fumeurs occasionnels et les non-fumeurs d’avoir eu des pensées suicidaires (14 % par rapport à 6 %) (tableau A.3). Cependant, lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs, l’association à l’usage quotidien du tabac était décelable seulement chez les Inuits (tableau 1).

Les répondants ayant déclaré un niveau élevé d’estime de soi étaient nettement moins susceptibles que ceux n’ayant pas déclaré un fort niveau d’estime de soi d’avoir eu des pensées suicidaires (tableau 1). Par exemple, chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, les personnes ayant déclaré un niveau élevé d’estime de soi étaient 90 % moins susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires (1 % par rapport à 20 %) (tableau 1). Dans les trois groupes, le sentiment d’impuissance était aussi corrélé avec des pensées suicidaires (tableau A.3), mais lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs dans l’analyse, une association était apparente seulement chez les Métis et les Inuits (tableau 1). Par exemple, les Inuits ayant déclaré un sentiment d’impuissance étaient plus de deux fois plus susceptibles que ceux n’ayant pas déclaré un tel sentiment d’avoir des pensées suicidaires (23 % par rapport à 11 %).

Afin d’explorer davantage les constats pour les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, on a pris en considération deux facteurs d’influence potentiels : la modification d’effet, selon laquelle la force d’une association entre un facteur et un résultat est modifiée par un ou plusieurs autres facteurs, et la médiation, selon laquelle la relation entre un facteur et un résultat dépend d’un ou de plusieurs autres facteurs. Aucune modification d’effet (interaction) par d’autres facteurs n’a été observée (données non présentées). Cependant, il semble que l’estime de soi influait sur l’effet d’un sentiment d’impuissance sur les pensées suicidaires (figure A.1, tableau A.5). Ceci pourrait potentiellement expliquer l’absence d’association entre le sentiment d’impuissance et les pensées suicidaires chez les jeunes adultes des Premières Nations : l’inclusion de l’estime de soi dans le modèle semble expliquer en grande partie l’effet du sentiment d’impuissance sur les pensées suicidaires.

Les associations avec la participation des parents et/ou des membres de la famille, les liens solides avec la famille élargie et la fréquentation d’un établissement postsecondaire diffèrent selon le groupe autochtone

Les antécédents personnels et familiaux de fréquentation d’un pensionnat étaient associés marginalement aux pensées suicidaires chez les Premières Nations vivant hors réserve de 18 à 25 ans (p = 0,09); même dans les situations où l’on tenait compte des effets des autres facteurs, les personnes présentant de tels antécédents étaient près de deux fois plus susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires, comparativement à celles n’ayant pas de tels antécédents (8 % par rapport à 5 %) (tableau 1).

La participation des parents et/ou des membres de la famille en vue d’aider le répondant à faire des devoirs (au moment de l’enquête si le répondant fréquentait une école secondaire, ou pendant la dernière année de scolarité) a été utilisée comme approximation de l’attachement des parents. Ce facteur était corrélé à une prévalence plus faible de pensées suicidaires dans les trois groupes autochtones (tableau A.3). Cependant, lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs, l’association était seulement observable chez les Inuits : les répondants qui déclaraient une participation des parents étant moins susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires que ceux qui n’avaient pas fait une telle déclaration (6 % par rapport à 16 %) (tableau 1).

Les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve ayant indiqué un niveau élevé de soutien social étaient moins susceptibles que ceux n’ayant pas déclaré un niveau élevé de soutien social d’avoir eu des pensées suicidaires (tableau A.3). Ces tendances étaient similaires chez les Métis et les Inuits. Cependant, les corrélations n’étaient que légèrement significatives (p = 0,05 et 0,07, respectivement). Lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs, le soutien social n’était pas associé aux pensées suicidaires (tableau 1). Néanmoins, les Premières Nations vivant hors réserve ayant déclaré avoir des liens solides avec les membres de la famille élargie étaient moins susceptibles que celles n’ayant pas de tels liens d’avoir eu des pensées suicidaires (6 % par rapport à 9 %) (tableau 1).

Les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve qui avaient indiqué percevoir un environnement d’intimidation à leur école secondaire (s’ils étaient inscrits à l’école au moment de l’enquête, ou pendant la dernière année de scolarité dans le cas contraire) étaient très légèrement (p = 0,06) plus susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires (8 % par rapport à 6 %) (tableau 1). Les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve ayant indiqué percevoir un environnement de racisme à leur école secondaire étaient très légèrement plus susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires (tableau A.3). Cependant, après avoir pris en considération d’autres facteurs, on n’a constaté aucune association pour l’un ou l’autre des groupes autochtones entre le racisme à l'école et les pensées suicidaires.

Lorsque l’on tenait compte d’autres facteurs, les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve qui fréquentaient un établissement postsecondaire montraient une prévalence plus faible de pensées suicidaires, comparativement à ceux qui ne fréquentaient aucun établissement d’enseignement (4 % par rapport à 8 %) (tableau 1). On a constaté une association marginale (p = 0,10) chez les Métis, mais aucune association chez les Inuits.

Le sexe du répondant n’était pas associé à des pensées suicidaires dans l’un ou l’autre des groupes autochtones. Cependant, comme dans ce groupe d’âge les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et un environnement d’intimidation à l’école, et étaient moins enclines à déclarer une consommation fréquente d’alcool, on a mené des analyses additionnelles au moyen d’interactions. La seule interaction significative a été constatée pour les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété chez les Inuits, comme il a été décrit précédemment dans le présent article (tableau A.4).

Le revenu du ménage était corrélé marginalement avec les pensées suicidaires chez les Métis — une prévalence plus faible de pensées suicidaires était associée à un revenu du ménage rajusté après impôts plus élevé (tableau A.3). Après correction pour tenir compte d’autres facteurs, on n’a constaté aucune relation entre le revenu du ménage et les pensées suicidaires pour l’un ou l’autre des groupes autochtones.

Début de l'encadré 1

Aperçu des facteurs associés aux pensées suicidaires au cours de l'année précédente selon le groupe autochtone

Jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve

  • Facteurs de santé mentale : troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et consommation de drogue
  • Facteurs liés à la personnalité : haut niveau d’estime de soi et sentiment d’impuissance (ce dernier étant modifié par l’estime de soi)
  • Expériences vécues durant l’enfance et caractéristiques familiales : expériences personnelles ou familiales de fréquentation d’un pensionnat, environnement d’intimidation à l’école (associations marginales) et liens solides avec les membres de la famille élargie
  • Facteurs sociodémographiques : fréquente actuellement un établissement postsecondaire

Jeunes adultes métis

  • Facteurs de santé mentale : troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et consommation de drogues
  • Facteurs liés à la personnalité : haut niveau d’estime de soi et sentiment d’impuissance
  • Expériences vécues durant l’enfance et caractéristiques familiales : participation des parents et/ou des membres de la famille (association marginale)
  • Facteurs sociodémographiques : fréquente actuellement un établissement postsecondaire (association marginale)

Jeunes adultes inuits

  • Facteurs de santé mentale : troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, consommation de drogue et usage quotidien du tabac
  • Facteurs liés à la personnalité : haut niveau d’estime de soi et sentiment d’impuissance
  • Expériences vécues durant l’enfance et caractéristiques familiales : participation des parents et/ou des membres de la famille

Fin de l'encadré 1

Conclusion et discussion

Chez les Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits, environ 1 jeune adulte sur 20 et 1 jeune adulte sur 10 a déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 mois précédents, et près de 1 sur 5 à 1 sur 4 a déclaré avoir déjà eu des pensées suicidaires au cours de sa vie. La prévalence des pensées suicidaires était deux fois plus forte chez les jeunes adultes autochtones vivant hors réserve que chez ceux non autochtones. Dans les trois groupes autochtones à l’étude, les jeunes adultes ayant indiqué avoir des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, avoir consommé de la drogue ou éprouvé un sentiment d’impuissance étaient plus susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente, comparativement à ceux qui n’avaient pas déclaré ces facteurs. Cependant, les jeunes adultes ayant déclaré un niveau élevé d’estime de soi étaient moins susceptibles que ceux pour qui cela n’était pas le cas d’avoir eu des pensées suicidaires. D’autres facteurs étaient associés aux pensées suicidaires chez les jeunes adultes dans certains groupes, mais non dans l’ensemble des groupes.

On n’a observé aucune différence entre les hommes et les femmes en matière de prévalence des pensées suicidaires au cours de l’année précédente. Toutefois, pour ce qui est des pensées suicidaires au cours de la vie, on a constaté une tendance vers une prévalence plus élevée chez les femmes. Ceci suggère une incidence plus élevée de pensées suicidaires chez les femmes, qui pourrait, au fil du temps, donner lieu à une prévalence cumulative plus élevée des pensées suicidaires au cours de l’année précédente. En soutien à ce constat, des études antérieures ont proposé qu’à chaque année d’âge entre 13 ans et 17 ans, les filles sont plus susceptibles que les garçons d’avoir des pensées suicidairesNote 67. La prévalence plus élevée de pensées suicidaires chez les femmes au cours de la vie pourrait être le reflet de l’écart entre les hommes et les femmes observé au moment de l’adolescence.

Bien que bon nombre des troubles mentaux et des facteurs liés à la personnalité étaient associés à des pensées suicidaires au cours de l’année précédente dans les trois groupes autochtones, parmi les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, le niveau d’estime de soi exerçait un effet médiateur sur le sentiment d’impuissance. Cependant, dans la présente analyse, le sentiment d’impuissance était fondé sur une seule question; d’autres études ont utilisé des échelles à items multiples validéesNote 68Note 69. Par conséquent, cette relation devra être examinée plus à fond dans le cadre d’études futures.

La consommation fréquente d’alcool n’était pas associée aux pensées suicidaires dans l’un ou l’autre des groupes autochtones. Les conclusions des études antérieures varient, selon la mesure de consommation d’alcool utilisée. Par exemple, chez les adolescents des Premières Nations vivant dans une réserve au Manitoba, l’excès occasionnel d’alcool au cours de l’année précédente était associé à un comportement suicidaireNote 30. Il est possible que la mesure de consommation utilisée dans cette étude — une consommation d’alcool forte et fréquente — ne soit pas associée aux pensées suicidaires chez les jeunes adultes en général; une étude parallèle de l’échantillon non autochtone dans l’ESCC-SM a fourni des résultats similaires (données non présentées).

L’association entre l’usage du tabac et les pensées suicidaires n’a pas été constante dans les études antérieures. Dans la présente étude, on a observé une association entre l’usage quotidien du tabac et des pensées suicidaires seulement chez les Inuits. Les taux plus élevés d’usage quotidien du tabac chez les Inuits (61 %; tableau A.2), comparativement aux jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve (26 %) et aux adultes métis (24 %), pourraient indiquer une comorbidité avec d’autres troubles mentaux qui sont eux-mêmes associés à des pensées suicidaires. Les résultats pour les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve sont similaires à ceux obtenus pour les adolescents vivant dans une réserve au Manitoba, pour lesquels aucune association entre l’usage quotidien du tabac et un comportement suicidaire n’a pu être mise en évidenceNote 30.

L’expérience personnelle ou familiale de fréquentation d’un pensionnat était associée marginalement à des pensées suicidaires chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve. Cette observation confirme en partie des rapports antérieurs d’associations entre l’expérience familiale de fréquentation d’un pensionnat et les pensées suicidaires chez les Premières Nations de 18 à 27 ans vivant dans une réserveNote 30. Les raisons pouvant expliquer l’absence d’association chez les Métis et les Inuits n’ont pas été clairement établies et devront être étudiées de façon plus approfondie. Il est cependant possible que des facteurs tels que les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, le sentiment de faible estime de soi et/ou le sentiment d’impuissance puissent atténuer ou modérer la relation entre l’expérience de fréquentation d’un pensionnat et les pensées suicidaires. Aussi, il est possible que les pourcentages élevés de valeurs manquantes relativement aux antécédents de fréquentation d’un pensionnat (24 % à 33 %), en combinaison avec les tailles relativement faibles des échantillons, aient affaibli les associations potentielles.

On a utilisé la fréquence de l’aide aux devoirs comme approximation de la participation des parents et/ou des membres de la famille. Cette approximation pourrait ne pas être idéale, et ce, pour plusieurs raisons : 1) le besoin potentiellement limité d’aide aux devoirs dans ce groupe d’âge, 2) la difficulté de mesurer le niveau et la qualité de l’aide reçue, et 3) la nature ponctuelle des données utilisées. Néanmoins, dans les trois groupes autochtones, la participation des parents était corrélée avec une prévalence plus faible de pensées suicidaires au cours de l’année précédente. Lorsque les résultats d’analyse étaient corrigés pour tenir compte des autres facteurs, l’association persistait seulement chez les Inuits.

Le soutien social n’était pas associé aux pensées suicidaires. Néanmoins, la relation pourrait être modifiée par le niveau d’estime de soi, comme le mentionnent d’autres articles publiésNote 41. Il convient de souligner que cette mesure n’évalue pas la force ni la qualité du soutien social.

Les liens solides avec les membres de la famille élargie, c'est-à-dire les liens entre les membres de la famille vivant dans la même ville ou collectivité mais dans un autre ménage, qui ont été utilisés pour déterminer la force du soutien social, étaient associés inversement aux pensées suicidaires chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve. Cette mesure exclut les membres de la famille immédiate et les membres de la famille vivant à l’extérieur de la collectivité, ainsi que les pairs et les amis. Il pourrait être nécessaire d’utiliser une échelle à items multiples validée pour évaluer le soutien social dans son ensemble en vue de mieux examiner cette relation. Par exemple, chez les femmes métisses, on a constaté que le soutien social, déterminé au moyen de l’échelle modifiée du soutien social à huit items de l’Étude des issues médicales, était inversement associé aux pensées suicidaires au cours de la vieNote 70.

Le fait d’être victime d’intimidation était lié à des pensées suicidaires, en particulier chez les hommesNote 31Note 32Note 33. L’approximation utilisée dans la présente analyse — la perception d’un environnement d’intimidation à l’école — n’indique cependant pas si le répondant a été victime d’intimidation. On a observé une association entre un environnement d’intimidation à l’école et des pensées suicidaires chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, mais pas chez les jeunes adultes métis ou inuits. Le pourcentage de jeunes adultes ayant déclaré un environnement d’intimidation à l’école était similaire pour chaque groupe autochtone, mais il n’était pas possible de déterminer si la prévalence du fait d’être personnellement victime d’intimidation était similaire dans les trois groupes.

La fréquentation d’un établissement postsecondaire était inversement associée à des pensées suicidaires chez les jeunes adultes métis et ceux des Premières Nations vivant hors réserve (association marginale). Des études antérieures ont proposé que la disponibilité accrue des ressources en matière de santé mentale, des réseaux de pairs et des ressources de soutien social dans les universités et les collèges pouvait avoir un effet protecteur contre les pensées suicidairesNote 65Note 66. Cependant, il reste encore à déterminer pourquoi ce constat s’applique aussi aux Inuits.

De nombreux prédicteurs, notamment les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, le sentiment d’impuissance, le manque d’estime de soi et la consommation de drogue, étaient aussi associés à des pensées suicidaires au cours de l’année précédente chez les jeunes adultes non autochtones (données non présentées). Cependant, certains facteurs de risque qu’il n’était pas possible d’examiner dans la population non autochtone (notamment la participation des parents et/ou des membres de la famille, le soutien social, un environnement d’intimidation à l’école) pourraient exister uniquement pour un ou plusieurs groupes autochtones.

Il faudra mener des recherches additionnelles pour examiner les caractéristiques non explorées par la présente analyse ou qui ont seulement été étudiées de façon limitée en raison des restrictions imposées par les données — par exemple le stress quotidien, la relation parent-enfant, les mauvais traitement subis durant l’enfance, le soutien social, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, les tentatives de suicide antérieures, la disponibilité et l’utilisation des services de santé mentale. La détermination des facteurs de risque de pensées suicidaires communs pour les trois groupes autochtones et des facteurs de risque qui sont propres à des groupes spécifiques s’ajoute aux ouvrages déjà publiés sur le sujet et pourra éclairer l’élaboration et/ou l’évaluation des programmes et politiques de prévention.

Limites

Les résultats de la présente analyse doivent être interprétés dans le contexte de plusieurs limites de nature méthodologique et conceptuelle.

Il est possible que les pensées suicidaires soient sous-déclarées en raison de la stigmatisation liée au suicide, et, aussi, de l’incapacité à se rappeler de telles pensées, particulièrement si elles sont survenues plusieurs années auparavant.

La population des Premières Nations vivant dans une réserve était exclue de l’EAPA, et, par conséquent, n’a pu être étudiée. À l’échelon national, des pensées suicidaires au cours de la vie ont été déclarées par 22,0 % des adultes des Premières Nations âgés de 18 à 59 ans vivant dans une réserve au cours de la période allant de 2008 à 2010Note 71, une proportion un peu plus élevée que celle observée chez les Premières Nations vivant hors réserve à l’EAPA de 2012 (20,7 %).

Les données ne sont pas disponibles pour plusieurs caractéristiques, notamment le stress quotidien, les mauvais traitements subis durant l’enfance, l’identité sexuelle et l’orientation sexuelle, qui ont été associées à des pensées suicidaires dans des études antérieures.

Il est possible que la validité des mesures de l’EAPA de 2012 puisse influer sur les associations et la force de ces associations. Par exemple, les estimations de la prévalence fondées sur l’autodéclaration des troubles diagnostiqués de l’humeur et/ou d’anxiété peuvent différer considérablement de celles obtenues à l’occasion d’une interview validée de type Composite International Diagnostic Interview (CIDI) du World Mental Health de l’Organisation mondiale de la santéNote 72. De même, la capacité d’un questionnaire à item unique de mesurer l’estime de soi et le sentiment d’impuissance, comparativement à une échelle validée à items multiples, est inconnue, tout comme l’incidence de cette variable dans l’analyse.

Il est possible que les approximations utilisées dans la présente analyse pour plusieurs facteurs de risque aient influé sur la force des associations avec les pensées suicidaires.

Enfin, les données sont transversales, c’est-à-dire qu’elles représentent un instantané dans le temps. Même si la présente analyse comporte plusieurs caractéristiques étant associées à des pensées suicidaires, on ne peut déduire de relations de cause à effet ni aucune directionnalité.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les personnes suivantes pour leurs précieux commentaires et rétroaction lors de la rédaction des versions préliminaires du présent article : Erin Tomkins, Kassandra Woods (Assemblée des Premières Nations), Wei Xie (Ralliement national des Métis), David Daignault, Christopher Penney, Sarah Vandenberg (Affaires autochtones et du Nord Canada), Heather Tait, René Dion (Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, Santé Canada) ainsi que Dafna Kohen (Division de l’analyse de la santé, Statistique Canada).

Annexe

Données et méthodes

Données

Les données sont tirées de l’Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012 et de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC–SM) de 2012. On a utilisé les données de l’EAPA pour estimer la prévalence et cerner les facteurs de risque de pensées suicidaires chez les Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits; les données de l’ESCC–SM ont permis de comparer les estimations pour les populations autochtone et non autochtone.

L’EAPA de 2012 était une enquête nationale menée auprès des Premières Nations vivant hors réserve, des Métis et des Inuits âgés de 6 ans et plus. Il s’agissait du quatrième cycle de l’EAPA, lequel portait sur l’éducation, l’emploi et la santé. L’enquête excluait les personnes vivant dans des réserves et des établissements indiens et certaines collectivités des Premières Nations au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Le taux de réponse était de 76 %, correspondait à un échantillon de 28 410 répondantsNote 73.

La population étudiée pour la présente analyse se composait de personnes de 18 à 25 ans qui avaient répondu à des questions sur les pensées suicidaires — un échantillon de 4 686 répondants réparti comme suit : 1 965 Premières Nations vivant hors réserve, 1 748 Métis et 1 015 Inuits. (La taille de l’échantillon total n’est pas égale à la somme des échantillons selon le groupe en raison du fait que des répondants ayant des identités autochtones multiples étaient inclus dans plus d’un groupe.) On a choisi le groupe des répondants de 18 à 25 ans, puisque l’on s’attend à ce que les personnes faisant partie de ce groupe présentent des facteurs de risque de pensées suicidaires différents en comparaison des adultes (les 26 à 59 ans) et des aînés (les 60 ans et plus). Les personnes de moins de 18 ans ont été exclues de l’analyse en raison du taux élevé de réponses par procuration; aucune question relative au suicide n’était posée à des répondants substituts. Les facteurs de risque de pensées suicidaires chez les adultes des Premières Nations vivant hors réserve, métis et inuits âgés de 26 à 59 ans ont été explorés dans une étude antérieureNote 74.

L’ESCC–SM de 2012 était une enquête transversale sur l’état de santé mentale des Canadiens et leur utilisation des services de santé mentale. Des données ont été recueillies auprès de la population âgée de 15 ans et plus dans les ménages privés dans les 10 provincesNote 75. L’enquête excluait les résidents des réserves et établissements indiens, les membres à temps plein des Forces canadiennes ainsi que la population vivant en établissement. L’échantillon était composé de 25 113 répondants, et le taux de réponse a été de 68,9 %. La population à l’étude pour la présente analyse était celle des personnes de 18 à 25 ans qui ne s’identifiaient pas comme étant Autochtones (« non-Autochtones »), la taille de l’échantillon étant de 3 020 répondants.

Les questions relatives aux pensées suicidaires différaient dans l’EAPA et l’ESCC-SM

Dans le cadre de l’EAPA, on a posé la question suivante aux répondants : « Avez-vous déjà sérieusement songé à vous suicider ou à vous donner la mort? » À ceux qui avaient répondu « Oui » à cette question portant sur les pensées suicidaires au cours de la vie on demandait ensuite : « Est-ce que cela s’est produit au cours des 12 derniers mois? »

Dans l’ESCC–SM, la présence de « pensées suicidaires au cours de la vie » a été fondée sur une variable dérivée à partir d’une combinaison de questions : 1) « Avez-vous déjà vécu [ceci] : Vous avez sérieusement pensé à vous suicider »; et 2) « Pensez à la période de deux semaines ou plus quand vos sentiments d’être [déprimé] étaient les plus sévères et fréquents. Durant cette période, avez-vous sérieusement pensé à vous suicider? » Ceux qui ont répondu « Oui » à la première question ont dû répondre à une question concernant les pensées suicidaires au cours de la dernière année : « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous vécu [ceci] : Vous avez sérieusement pensé à vous suicider. »

Analyse

Estimation de la prévalence

La prévalence de pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois (pensées suicidaires au cours de l’année précédente) et au cours de la vie (pensées suicidaires au cours de la vie) a été estimée séparément chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve ainsi que chez les adultes métis et inuits. Pour la majorité des analyses, les hommes et les femmes étaient combinés pour accroître la taille de l’échantillon. Les pourcentages ont été calculés et comparés au moyen de méthodes qui tenaient compte des conceptions d’enquête distinctes de l’EAPA et de l’ESCCNote 73Note 76. Les valeurs manquantes (« Ne sait pas », « Non déclaré », « Refus ») ont été exclues du dénominateur au moment du calcul des pourcentages, à l'exception de la variable de la fréquentation des pensionnats où la proportion de valeurs manquantes était plus élevée. Des différences statistiquement significatives ont été déterminées au moyen de tests propres aux données d’enquête complexesNote 77Note 78Note 79Note 80.

Afin de réduire le potentiel d’erreur ou de biais pouvant survenir lors de la comparaison des estimations d’enquêtes comportant des questions, des bases de sondage et des contextes différents, on a utilisé seulement les données de l’ESCC–SM pour comparer la prévalence des pensées suicidaires au cours de l’année précédente au sein des populations autochtone et non autochtone totales. Les petites tailles d’échantillon dans l’ESCC–SM font qu’il n’était pas possible d’obtenir des estimations fiables pour chacun des groupes autochtones. Par conséquent, on a généré des estimations pour les populations autochtones combinées, qui ont ensuite été comparées à celles de la population non autochtone. Ces estimations excluent la plupart des jeunes adultes inuits, puisque l’ESCC–SM ne couvrait pas l’Inuit Nunangat. Par conséquent, on prévoit que la prévalence des pensées suicidaires chez les jeunes adultes autochtones soit dans l’ensemble sous-estimée.

Caractéristiques associées aux pensées suicidaires au cours de l’année précédente

Les caractéristiques considérées comme des facteurs de risque potentiels de pensées suicidaires dans la présente analyse sont fondées sur des articles déjà publiés et leur disponibilité dans l’EAPA de 2012. On a utilisé le modèle conceptuel de BeautraisNote 12 des facteurs de risque de tentatives de suicide et de suicides chez les jeunes personnes pour orienter la sélection des facteurs de risque dans les données de l’EAPA. Puisque le modèle conceptuel porte sur les suicides et les tentatives de suicide, on a pris connaissance des articles relatifs spécifiquement aux pensées suicidaires chez les jeunes adultes afin de cerner d’autres facteurs de risque potentiels. Les facteurs de risque et les variables utilisées pour les opérationnaliser étaient les suivants :

Troubles mentaux

Facteurs liés à la personnalité

Expériences vécues durant l’enfance et caractéristiques familiales

Facteurs sociodémographiques

Dans la plupart des analyses, les hommes et les femmes étaient combinés pour accroître la taille de l’échantillon. Dans les analyses préliminaires utilisant un échantillon autochtone combiné, la prévalence de nombreux facteurs de risque de pensées suicidaires ne variait pas selon le sexe (données non présentées). Les exceptions étaient les troubles de l’humeur et/ou d’anxiété (taux plus élevés chez les femmes), les problèmes perçus d’intimidation (taux plus élevés chez les femmes) et la consommation fréquente d’alcool (taux plus élevés chez les hommes). Afin de tenir compte de cette situation, le sexe du répondant a été inclus comme facteur dans les analyses multivariées.

Analyses bivariées et multivariées

Comme un grand nombre de facteurs de risque dans l’EAPA de 2012 faisaient référence à des périodes de référence récentes, les résultats pour les facteurs associés sont présentés seulement pour les pensées suicidaires au cours de l’année précédente. Par exemple, les questions relatives à un haut niveau d’estime de soi et à un sentiment d’impuissance faisaient référence aux 30 jours précédant l’enquête, tandis que la question relative à la consommation fréquente d’alcool faisait référence aux 12 mois précédents. En outre, on s’attend à ce que des facteurs comme « Fréquente présentement un établissement d’enseignement » soient pertinents pour les pensées suicidaires au cours de l’année précédente, mais non pas pour les pensées suicidaires au cours de la vie.

Des analyses bivariées ont été menées pour déterminer si les personnes affichant des caractéristiques particulières étaient plus ou moins susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires. On a examiné une caractéristique à la fois, sans rajustement pour tenir compte d’autres facteurs potentiellement associés. Les différences statistiquement significatives ont été déterminées au moyen de tests propres à des données d’enquête complexesNote 77Note 78Note 79Note 80.

On a ensuite mené des analyses de régression logistique afin de déterminer les caractéristiques associées de manière significative aux pensées suicidaires lorsque les autres étaient prises en compte. Des analyses de régression logistique multinomiale ont permis d’utiliser une variable de résultats à catégories multiples — les répondants qui avaient eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente (« au cours de l’année précédente »), les répondants qui avaient eu des pensées suicidaires auparavant, mais pas au cours de l’année précédente (« dans un passé lointain ») et les répondants qui n’avaient jamais eu de pensées suicidaires. Cette approche permet de corriger les problèmes associés à : 1) l’emploi d’une régression logistique binomiale combinant les répondants ayant eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente et dans un passé lointain, « pensées suicidaires au cours de la vie », tout en analysant des facteurs de risque faisant référence à la plus récente période (les 12 derniers mois ou une période plus récente); 2) l’exclusion des répondants qui avaient eu auparavant des pensées suicidaires, mais pas au cours des 12 derniers mois, pour générer une variable de résultats « pensées suicidaires au cours de l’année précédente » aux fins de régression logistique, ce qui réduisait la taille de l’échantillon; ou 3) la combinaison des répondants qui avaient eu des pensées suicidaires dans un passé lointain avec ceux qui n’avaient jamais eu de pensées suicidaires, ce qui pouvait potentiellement mener à classer erronément des membres du premier groupe, qui sont supposés avoir certains facteurs de risque en commun avec les répondants qui avaient eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente. La régression logistique multinomiale permet d’utiliser l’ensemble des informations disponibles et de cerner des caractéristiques associées au plan statistique à la fois avec les pensées suicidaires au cours de l’année précédente et les pensées suicidaires dans un passé lointain. Comme pour la régression logistique standard, on peut utiliser cette approche pour calculer la probabilité de pensées suicidaires au cours de l’année précédente parmi les répondants qui présentaient ou ne présentaient pas une caractéristique tout en tenant compte en même temps de caractéristiques multiples (tableau 1).

Les facteurs associés de façon significative aux pensées suicidaires au cours de l’année précédente ont été déterminés au moyen de la méthode de sélection rétrospective modifiée de Allen-CadyNote 84. En résumé, les facteurs de risque possibles ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe se composait de facteurs de risque pour lesquels on avait démontré qu’ils étaient associés fortement/uniformément à des pensées suicidaires dans des recherches antérieures : troubles de l’humeur et/ou d’anxiété, haut niveau d’estime de soi, sentiment d’impuissance et consommation de drogue. Ils ont été conservés dans les analyses indépendamment de leur importance statistique. Les autres facteurs de risque ont été classés selon leur importance possible. Ils ont été supprimés en ordre ascendant d’importance jusqu’à ce que le premier facteur de risque comportant une valeur p de 0,05 ait été atteint.

La prévalence marginale corrigée (augmentation/diminution de la probabilité en présence d’une caractéristique lorsque l’on tient compte d’autres caractéristiques) de pensées suicidaires a été estimée pour les personnes affichant et n’affichant pas chaque caractéristique. La variation multifactorielle (le ratio de prévalence marginale) a été calculée en divisant l’estimation de la probabilité pour les répondants affichant une caractéristique par la probabilité pour les répondants sans la caractéristique. Par exemple, si la variation multifactorielle était 2,0 pour une caractéristique particulière, les répondants ayant cette caractéristique étaient deux fois plus susceptibles que ceux ne l’ayant pas d’avoir eu des pensées suicidaires. Par contre, si le changement était de 0,5 pour une caractéristique, alors les répondants affichant la caractéristique étaient la moitié moins susceptibles d’avoir eu des pensées suicidaires que ceux ne l’affichant pas.

Puisque les femmes étaient plus susceptibles de déclarer des troubles de l’humeur et/ou d’anxiété et un environnement d’intimidation à l’école et que les hommes étaient plus susceptibles de déclarer une consommation fréquente d’alcool, des termes d’interaction (entre le sexe et ces variables) ont été inclus dans les analyses. Un terme d’interaction significatif indique que l’association entre le facteur et les pensées suicidaires varie selon le sexe du répondant.

On a évalué les modèles de régression finaux pour vérifier l’adéquation de leur ajustement, la multicolinéarité et d’autres diagnostics.

Pour examiner la médiation potentielle de l’estime de soi entre le sentiment d’impuissance et les pensées suicidaires chez les jeunes adultes des Premières Nations vivant hors réserve, on a utilisé la méthode proposée par Valeri et VanderWeeleNote 85 qui utilise le cadre contrefactuel et la macro SAS « Mediation ». Cette méthode permet d’estimer les « effets directs contrôlés », les « effets directs naturels », les « effets indirects naturels » ainsi que « l'effet total marginal » (une interprétation de ces concepts figure dans la note de bas de page du tableau A.5). Dans la présente analyse, comme la macro ne permet pas l’inclusion de poids d’enquête, ils sont ignorés. On a exécuté des régressions logistiques binaires utilisant des données qui excluaient les pensées suicidaires dans un passé lointain, de manière à restreindre l’ensemble de données aux répondants qui avaient eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente et à ceux qui n’avaient jamais eu de pensées suicidaires. Deux modèles de régression logistique ont été ajustés : un modèle traitait les pensées suicidaires comme variable dépendante, l’autre traitait l’estime de soi comme variable dépendante. Tous les facteurs explicatifs du modèle des Premières Nations vivant hors réserve (tableau 1) étaient inclus. Puisqu’on n’a observé aucune interaction entre le sentiment d’impuissance et l’estime de soi, elle n’a pas été incluse dans l’analyse. À partir de ces analyses, on a estimé le ratio de probabilité des effets et le pourcentage de l’effet total attribuable à la médiation par le niveau d’estime de soi, ce dernier étant présenté sur une échelle de différence de risques, telle que proposée par VanderWeele et VansteelandtNote 86.

Début de l'encadré 2

Définitions

Analyse bivariée : Méthode d’analyse de données qui explore la corrélation entre deux variables sans tenir compte d’autres variablesNote 87

Régression logistique : Méthode statistique utilisée pour l’analyse d’un ensemble de données dans laquelle une ou plusieurs variables indépendantes déterminent un résultat. Le résultat est mesuré au moyen d’une variable binaire (pour laquelle il peut exister seulement deux résultats possibles)Note 88

Médiation : Une médiation existe lorsqu’une troisième variable (médiateur) transmet l’influence d’une variable indépendante donnée à une variable dépendante donnée (résultat)Note 89

Interaction : Une interaction existe lorsque l’effet d’une variable indépendante donnée sur la variable dépendante (résultat) dépend du niveau d’une troisième variableNote 89

Fin de l'encadré 2

Figure A.1 Médiation hypothétique par l'estime de soi de la relation entre le sentiment d'impuissance et les pensées suicidaires au cours de l'année précédente, adultes des Premières Nations vivant hors réserve, 18 à 25 ans, Canada, 2012

Tableau de données de la figure A.1

Dans le diagramme, les flèches allant du désespoir vers l’estime de soi, de l’estime de soi vers les pensées suicidaires décrivent la médiation potentielle exercée par l’estime de soi. Une flèche allant du désespoir vers les pensées suicidaires décrit l’effet direct potentiel hypothétique.

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