Un portrait des aînés au Canada

Un portrait des aînés au Canada : Introduction

Par Martin Turcotte et Grant Schellenberg

Le vieillissement de la population est probablement l'un des sujets dont on parle le plus au Canada et qui fait l'objet du plus grand nombre de débats. Alors que certains analystes prévoient le pire en ce qui concerne les coûts des services publics et les pénuries sur le marché du travail, d'autres avancent que le Canada est bien placé pour faire face à ce phénomène sociodémographique; selon ces derniers, les gens ne devraient pas s'inquiéter autant relativement à la croissance du pourcentage d'aînés dans la population (pour une introduction à ces débats, voir par exemple Chapell et al., 2003; Cheal et al. 2002; Gee, 2000).

Certains des chapitres du rapport Un portrait des aînés au Canada fournissent des renseignements qui alimenteront ces débats et discussions. Toutefois, l'objectif de la présente publication n'est pas de déterminer si la population canadienne devrait ou non entretenir des inquiétudes au sujet du vieillissement de la société. Le présent rapport traite d'abord et avant tout de la situation de la génération actuelle d'aînés, qui sont membres à part entière de la société. Plus spécifiquement, le but du rapport est de dresser un portrait actuel du bien-être général des aînés, en termes absolus, en comparaison avec les cohortes antérieures d'aînés et avec les personnes plus jeunes¹.

Faire un portrait du bien-être général des aînés pose plusieurs défis, qui doivent être soulignés dans cette introduction. Premièrement, les aînés, c.-à-d. les personnes âgées de 65 ans et plus, sont très hétérogènes en ce qui concerne leur état de santé, leurs origines culturelles, leur situation financière, leur situation des particuliers et ainsi de suite. Cette réalité impose nécessairement certaines simplifications et généralisations lorsque l'on traite du bien-être des aînés en tant que groupe. Deuxièmement, puisqu'il n'existe pas de définition consensuelle de concepts tels que le bien-être et le mieux-être, il ne se dégage pas non plus de consensus sur la manière de les mesurer ou de les quantifier. Qu'est-ce que le bien-être? Qu'est-ce qui le favorise? La santé est-elle plus ou moins importante pour le bien-être que d'autres facteurs tels que la sécurité financière et l'inclusion sociale? Quels sont les autres facteurs? D'une manière plus générale, peut-on déterminer, d'un point de vue externe, que le « niveau » de mieux-être d'une personne ou d'un groupe de personnes est plus grand que celui d'un autre?

Le présent rapport n'apportera pas de réponses à toutes ces questions. Toutefois, nous essaierons de rassembler les nombreuses pièces du casse-tête afin de présenter le portrait le plus complet et le plus exact qui soit du bien-être des aînés. La présente introduction prépare la voie en expliquant le cadre conceptuel et les définitions qui ont été retenus pour orienter l'analyse et l'organisation du présent ouvrage.

Être ou ne pas être un aîné?

La définition du terme « aîné » suscite constamment des débats. Selon le Multidictionnaire de la langue française, les aînés sont des « personnes âgées » et le terme a pour synonyme « âge d'or, troisième âge ».

Ces définitions, pas très précises mais souvent tenues pour acquises, peuvent naturellement être contestées. Certains auteurs avancent que, puisque l'espérance de vie est maintenant de 80 ans et que de nombreuses personnes vivent plus longtemps, on ne devrait plus considérer l'âge de 65 ans comme étant « vieux » (p. ex., Posner, 1995). Étant donné que l'« âge d'or » a une signification très différente de celle d'il y a à peine 30 ans, certains font valoir qu'il faudrait redéfinir le concept. Par exemple, Denton et Spencer (2002) ont proposé que la population des aînés soit délimitée à l'aide d'un certain nombre d'années précédant le décès, au lieu d'utiliser 65 ans et plus comme repère standard de la vieillesse. L'âge auquel les gens deviennent des aînés serait donc déterminé par leur espérance de vie à un moment particulier.

Il est irréaliste d'essayer de trouver des définitions objectives des termes « vieux », « aîné » ou « personne âgée ». Les nouvelles définitions proposées par des experts n'obtiennent pas d'approbation consensuelle pour le moment. Aux fins du présent rapport, le seuil habituel de 65 ans a donc été retenu pour délimiter la population des aînés. Bien que ce choix comporte certaines restrictions, il offre de nombreux avantages.

Premièrement, le fait d'utiliser l'âge de 65 ans comme point de repère est probablement l'une des manières les plus pratiques de définir la population des aînés du point de vue méthodologique, ainsi que la procédure la plus couramment employée (Chappell et al., 2003). Étant donné les sources actuelles des données statistiques, il serait très difficile, voire impossible, d'avoir recours à d'autres définitions. Deuxièmement, du point de vue conceptuel, la définition des aînés comme des personnes âgées de 65 ans et plus offre également l'avantage suivant : la plupart des gens admettent que 65 ans est l'âge auquel une personne devient un aîné. Les institutions sociales reconnaissent également cette réalité; par exemple, l'âge de 65 ans est toujours reconnu comme l'âge « normal » de la retraite et c'est l'âge auquel une personne a le droit de recevoir une pension complète au Canada, même si bien des gens prennent leur retraite ou reçoivent leur pleine pension de leur ancien employeur avant cet âge.

Au cours des années à venir, tout spécialement lorsque les premiers baby-boomers auront 65 ans, il se peut qu'une nouvelle définition du terme « aîné » remplace celle qui prévaut actuellement. Le sens du mot aîné en général, pour les aînés ainsi que pour la société en général, pourrait alors subir une redéfinition importante. Néanmoins, d'ici là, aux fins du présent rapport, nous conserverons la définition la plus courante du terme aîné : les aînés sont toutes les personnes âgées de 65 ans et plus.

Cela dit, nous utiliserons le plus possible des groupes d'âge plus spécifiques dans la présentation de l'information statistique, c.-à-d. de 65 à 74 ans, de 75 à 84 ans et 85 ans et plus. Les conditions de vie et la situation des aînés de ces trois groupes d'âge varient beaucoup. Comme la plupart des gens le pensent habituellement, et comme le présent rapport le précisera, les caractéristiques des aînés plus jeunes, âgés de 65 à 74 ans, sont, dans bien des cas, très différentes de celles des personnes âgées de 85 ans et plus. Même si nous souhaitons présenter un profil général des aînés, nous essaierons de tenir compte de cette hétérogénéité le plus possible dans la présente publication.

Que sont le bien-être et le mieux-être? Cadre conceptuel

Tel que susmentionné, le but du présent rapport est de faire un portrait statistique du bien-être et du mieux-être des aînés. Or, le bien-être et le mieux-être ont un sens différent selon les personnes et les sociétés. Le présent rapport ne propose pas de nouvelle conceptualisation du bien-être, pas plus qu'il n'en impose une vision particulièrement restrictive. Au contraire, l'analyse repose sur de nombreux indicateurs qui sont communément relevés par des recherchistes en sciences sociales, des praticiens de la santé et d'autres professionnels, ainsi que la population en général, comme ayant une incidence sur le bien-être des aînés.

Un grand nombre de ces indicateurs ou facteurs ont été mentionnés dans le Cadre national sur le vieillissement, qui a fortement influencé l'organisation et le contenu de la présente publication. Cet outil d'analyse a été conçu par le Comité des ministres fédéral provinciaux territoriaux responsables des aînés, après une importante série de consultations avec des aînés, des organismes d'aînés et des représentants du gouvernement dans tous les secteurs de compétence au Canada. On peut donc le considérer comme étant représentatif d'une vaste gamme de points de vue au Canada.

La vision de ce cadre national est la suivante : « Le Canada, une société pour tous les âges, qui favorise le bien-être et la participation des aînés dans tous les aspects de la vie ». Reconnaissant que le mieux-être a un sens différent selon les personnes, le cadre détermine cinq valeurs fondamentales qui sont jugées être des résultats très souhaitables pour la vaste majorité des aînés : la dignité, l'autonomie, la participation, l'équité et la sécurité.

De nombreux éléments importants sont identifiés comme étant favorables à la réalisation de ces valeurs fondamentales dans la vie des aînés. Ces éléments ont été classés en trois grandes catégories et sont jugés, dans le Cadre national sur le vieillissement, comme les trois « piliers du mieux-être des aînés », soit :

1. la santé, le mieux-être et la sécurité, ce qui inclut la santé et le mieux-être, la sécurité des personnes et la sécurité du revenu;
2. l'apprentissage continu, le travail et la participation à la société, ce qui inclut le travail et la retraite, la discrimination fondée sur l'âge et les stéréotypes négatifs, la participation sociale et la diversité ethnoculturelle;
3. le soutien et les soins dans la communauté, ce qui inclut la situation des particuliers, les transports, l'isolement social et la solitude, l'aide informelle et apportée par la famille, et les aînés vivant dans le Nord et les régions éloignées du Canada.

Naturellement, certains de ces indicateurs seront plus favorables au bien-être de certaines personnes qu'à d'autres. Toutefois, bon nombre d'entre eux jouent un rôle important dans le bien-être global de la plupart des aînés. Le présent rapport est organisé en fonction de ces trois piliers du bien-être.

Organisation de l'ouvrage

Le premier chapitre du rapport contient de l'information contextuelle sur la population des aînés. Combien d'aînés y a t il au Canada? Combien y en aura t il au cours des années à venir? Quelles sont leurs caractéristiques démographiques de base? Où vivent-ils? Même si cette partie est liée moins directement au cadre employé dans le reste de l'ouvrage, elle fournit des renseignements précieux sur les aînés en tant que population de la société canadienne.

Les deuxième, troisième et quatrième chapitres sont tous divisés en plusieurs sections mais chacun est fondé sur l'un des trois piliers du mieux-être des aînés présentés ci dessus. Dans le deuxième chapitre, intitulé « La santé, le mieux-être et la sécurité », on trouve de l'information sur la santé physique et mentale, la sécurité financière et la protection contre le crime. Le troisième chapitre, « L'apprentissage continu, le travail et la participation à la société », se divise en trois sections qui contiennent de l'information sur la participation au marché du travail; la formation et l'évolution du profil de la scolarité des aînés; et la retraite. Dans le quatrième chapitre, « Le soutien et le dévouement dans la collectivité », une foule de données sont présentées dans six sections distinctes : la situation des particuliers et la famille, les réseaux sociaux, la participation sociale et l'engagement social (y compris le bénévolat), les soins, la participation à la vie politique et les valeurs.

Le cinquième chapitre apporte d'autres renseignements pertinents sur des facteurs qui peuvent être liés au bien-être mais qui sont moins faciles à classer dans le cadre. On pense notamment aux loisirs, à l'utilisation d'un ordinateur et à l'engagement religieux. Dans les sixième et septième chapitres, les trois piliers du bien-être servent une fois encore à comparer le bien-être des aînés autochtones (chapitre 6) et des aînés immigrants (chapitre 7) à la population des aînés dans l'ensemble.

Lacunes statistiques possibles dans le portrait des aînés

Il est parfois difficile de saisir des concepts abstraits, comme des valeurs, au moyen de données statistiques. Par conséquent, il est impossible d'inclure de l'information sur tous les facteurs du bien-être et du mieux-être dont on fait mention dans le Cadre national sur le vieillissement. Par exemple, on ne peut fournir d'information directe sur le niveau de dignité ou d'autonomie des aînés. De l'information directe est cependant fournie sur divers facteurs qui peuvent aider à actualiser ces valeurs importantes pour les aînés, comme leur capacité de rester à la maison pendant leur vieillesse, leur participation à des relations sociales particulièrement importantes et ainsi de suite.

Il faut aussi mentionner que certains aspects de la vie des aînés, qui ne sont pas inclus dans le Cadre national sur le vieillissement mais qui pourraient également favoriser le bien-être de nombreux aînés, ont peut-être été exclus de l'analyse. Or, tous les efforts ont été faits pour présenter le portrait le plus complet qui soit.

Un dernier point dans cette introduction : le fait que plus de pages soient consacrées à certains facteurs qu'à d'autres n'est pas un indice de leur importance relative pour le bien-être des aînés. Le classement de l'importance des divers facteurs dépasse de beaucoup les objectifs du présent rapport et est une tâche que nous laissons au lecteur. Un plus grand nombre de pages sont consacrées à certains sujets qu'à d'autres, simplement parce qu'il est plus facile de disposer de données statistiques à leur égard. Cela dit, certains facteurs qui sont largement reconnus comme étant déterminants pour le bien-être de la plupart des gens, comme l'état de santé, obtiennent effectivement leur juste part dans le rapport.

Note:

1. Cette publication est la quatrième édition d'Un portrait des aînés au Canada. Bien que le format ait été légèrement modifié depuis l'édition précédente (diffusée en 1999), elle contient une mise à jour de nombreuses données qui y étaient présentées.

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