L’exploration de la participation du crime
organisé au vol de véhicules à moteur
Introduction
Étendue du vol de véhicules au Canada
Définition du vol de véhicules par des groupes
organisé
Mesure de la récupération des véhicules
volés — Indicateur de la fréquence du vol de véhicules
par des groupes organisés
Caractéristiques des affaires de vol de véhicules
avec ou sans récupération
Définition d’une organisation criminelle aux
fins de la collecte de données future
Participation des jeunes au vol de véhicules par des
groupes organisés
Complexité des méthodes du crime organisé
et du vol de véhicules
Transformation des véhicules volés en profit
Mesures prises pour lutter contre le vol de véhicules
par des groupes organisés
Même si la recherche de sensations fortes demeure un important
motif de vol de véhicules à moteur au Canada, le nombre
de véhicules volés par des groupes organisés en vue
d’un profit est un grave problème selon les spécialistes
du vol de voitures. En 2000, on a déterminé que le vol de
voitures était une nouvelle priorité en vertu du Programme
national de lutte contre le crime organisé. Le vol de véhicules
est une activité à faible risque et à rentabilité
élevée qui est souvent utilisée par les organisations
criminelles pour amasser des fonds afin de poursuivre diverses autres
activités criminelles1.
Les données sur les vols de véhicules sont obtenues directement
des services de police canadiens dans le cadre du Programme de déclaration
uniforme de la criminalité (DUC) de Statistique Canada. Ces données
ne contiennent pas d’indicateur direct de la participation du crime
organisé au vol de véhicules. Toutefois, plusieurs services
de police peuvent fournir de l’information sur le nombre de véhicules
volés qui sont récupérés ou non. Dans le présent
rapport, les données sur les véhicules « non
récupérés » servent d’indicateur
substitutif de l’importance du vol de véhicules perpétré
par des groupes organisés (voir l’encadré 1, Mesure
de la récupération des véhicules volés).
La première partie du rapport porte sur l’étendue
des vols de véhicules en général au Canada et sur
les tendances connexes. La deuxième partie traite de la participation
du crime organisé aux vols de véhicules, des endroits où
les vols sont concentrés, des personnes en cause et de ce qui arrive
aux véhicules une fois qu’ils sont volés. À
noter que dans tout le présent rapport, les termes « vol
de véhicules par des groupes organisés », « vol
par des groupes organisés », « vol lié
au crime organisé » et « vol par des réseaux
de voleurs de véhicules professionnels » décrivent
la même activité, ces expressions étant interchangeables
dans le vocabulaire des spécialistes du domaine.
Les vols de véhicules sont en baisse Regina,
Winnipeg et Vancouver continuent de déclarer les taux les plus élevés
Le taux de classement est stable ces dernières années
Les voitures demeurent le type de véhicule le plus couramment
volé
En 2002, plus de 161 000 véhicules ont été
volés au Canada, soit environ 440 vols de véhicules par
jour. Le taux de vols de véhicules à moteur a progressé
de façon constante de 1984 à 1996, incluant des augmentations
à deux chiffres de 1989 à 1991 et en 1996. Depuis 1996,
les taux ont suivi une tendance générale à la baisse,
ayant fléchi de 5 % en 2002 (tableau
1, figure 1). Ces dernières années, les taux de
vols de véhicules à moteur sont demeurés plus élevés
que ceux constatés dans les années 1970 et 1980.
Figure 1
Vols de véhicules à moteur au Canada, 1977 à 2002
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité;
Statistique Canada, Division de la démographie, Statistiques
démographiques annuelles, 2002, produit no 91-213-XIB
au catalogue.
La baisse observée en 2002 était attribuable à une
chute de 13 % enregistrée en Saskatchewan et à des
reculs de 11 % au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard.
La Colombie-Britannique a été la seule province à
déclarer une importante hausse (+7 %) de son taux de vols
de véhicules en 2002 (tableau 2).
Comme dans le cas de la plupart des crimes, les taux de vols de véhicules
à moteur ont tendance à être moins élevés
dans l’Est que dans l’Ouest du pays. Le Manitoba a déclaré
le taux de vols de véhicules le plus élevé au cours
de 9 des 10 dernières années, tandis que Terre-Neuve-et-Labrador
a affiché le taux le moins élevé pendant plus de
20 ans (figure 2).
Figure 2
Vols de véhicules à moteur, provinces et territoires, 2002
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique
juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité.
Les vols de véhicules ont tendance à être concentrés
dans les grandes régions urbaines. En 2002, le taux de l’ensemble
des vols de véhicules à moteur dans les régions métropolitaines
de recensement (RMR)2 se situait
à 606 affaires pour 100 000 habitants, comparativement à
364 affaires dans les régions autres que des RMR.
Dans les 25 RMR en 2002, les taux variaient entre 147 affaires pour 100 000
habitants à St. John’s et 1 424 affaires à Regina
(tableau 3). Regina, Winnipeg et
Vancouver ont affiché les taux de vols de véhicules les
plus élevés au pays tous les ans depuis 1995. Même
si Regina et Winnipeg ont enregistré les taux de vols de véhicules
les plus élevés de toutes les RMR en 2002, elles ont toutes
deux déclaré des baisses considérables en 2002 (–27 %
et –13 %, respectivement).
Au cours des 10 dernières années, le taux de vols de véhicules
à moteur a doublé à London, presque triplé
à Regina et presque quadruplé à Winnipeg, ce qui
a donné lieu à une forte hausse des taux de vols de véhicules
au Manitoba et en Saskatchewan en particulier. En revanche, les taux de
vols de véhicules à Québec, Thunder Bay, Sudbury
et Calgary ont diminué de moitié depuis 1992. Par conséquent,
le taux global de vols de véhicules à moteur en 2002 (514)
était presque identique à ce qu’il était en
1992 (517).
Le vol de véhicules à moteur est un crime caractérisé
par des taux de classement relativement faibles. En 2002, 12 % de
tous les vols de véhicules au Canada ont été résolus
par la police, comparativement à 20 % pour l’ensemble
des crimes contre les biens. Le taux de classement des vols de véhicules
a été relativement stable pendant les sept dernières
années (tableau 1). Les reculs
importants du taux de classement observés entre 1989 et 1996 ont
coïncidé avec une période de croissance des taux de
vols de véhicules à moteur.
En 2002, 8 % des vols de véhicules ont donné lieu
à des accusations par la police, et 4 % ont été
classés sans mise en accusation. Une affaire est classée
sans mise en accusation lorsque la police a identifié au moins
un auteur présumé et qu’il y a suffisamment de preuves
pour porter une accusation en rapport avec l’affaire, mais que le
cas de l’auteur présumé est traité par d’autres
moyens. Cela pourrait se produire pour un certain nombre de raisons :
la police peut avoir utilisé son pouvoir discrétionnaire
et décidé de ne pas porter d’accusation, le plaignant
ne voulait pas que la police porte des accusations ou l’auteur présumé
était impliqué dans d’autres affaires.
À l’échelon provincial, les taux de classement variaient
de 30 % à Terre-Neuve-et-Labrador à 5 % en Colombie-Britannique
(tableau 4).
En 2002, les voitures étaient toujours le type de véhicule
le plus couramment volé; elles représentaient 59 %
de tous les véhicules volés. Toutefois, les camions, qui
incluent les mini-fourgonnettes et les véhicules loisir travail,
constituent maintenant le tiers des véhicules volés. Le
taux de vols de camions a progressé de 44 % au cours de la
dernière décennie, alors que le taux de vols de voitures
a fléchi de 9 % depuis 1992. Ces données illustrent
bien la popularité croissante des véhicules loisir travail,
des mini-fourgonnettes et des camions sur la route et comme cibles possibles
pour le vol.
La définition suivante d’une « organisation criminelle »
figure à l’article 467.1 du Code criminel :
Une « organisation criminelle » est un groupe,
quel qu’en soit le mode d’organisation,
- composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada
ou de l’étranger;
- dont un des objet principaux ou une des activités principales
est de commettre ou de faciliter un ou plusieurs infractions grave qui,
si elles étaient commises, pourraient lui procurer – ou
procurer à une personne qui en fait partie – directement
ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.
La présente définition ne vise pas le groupe d’individus
formé au hasard pour la perpétration immédiate d’une
seule infraction. Le fait de commettre une infraction comprend le fait
de participer à sa perpétration ou de conseiller à
une personne d’y participer.
Certains vols de véhicules par des groupes organisés sont
perpétrés par des groupes du crime organisé établis
dont l’intention est d’utiliser les profits pour financer
d’autres activités criminelles. Une étude menée
en 1998 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) laisse entendre que
les groupes du crime organisé participent à tous les aspects
du vol de véhicules aux fins du processus d’exportation,
incluant la commande de véhicules de certaines marques ou années,
ou de certains modèles; la commande de vols; la falsification de
l’identité des voitures et des documents afférents;
le transport de voitures à l’extérieur de la province;
et l’organisation de leur exportation illégale3.
Dans son Rapport annuel sur le crime organisé au Canada,
le Service canadien des renseignements criminels (SCRC) décrit
le vol de véhicules comme une activité perpétrée
par les groupes du crime organisé d’origine autochtone, les
groupes du crime organisé de l’Europe centrale et des bandes
de rue4. Les groupes du crime
organisé d’origine autochtone sont présents dans un
certain nombre de centres urbains, en particulier Edmonton, Regina et
Winnipeg. Ces groupes mènent également des activités
dans une moindre mesure en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec.
Le Sud de l’Ontario est le centre des groupes du crime organisé
de l’Europe centrale. Toutefois, leur présence commence également
à être signalée dans les grands centres urbains d’autres
provinces5.
Il existe également des réseaux de voleurs professionnels
de véhicules. Ces réseaux se spécialisent dans le
vol et la vente de véhicules volés, en entier ou en pièces,
et ils ne sont pas susceptibles d’être impliqués dans
d’autres activités criminelles qui ne contribuent pas ou
ne sont pas liées à leurs activités de vol de voitures.
Pour ces groupes, le profit est le but final. Les réseaux de voleurs
professionnels de véhicules peuvent aller des plus simples, comme
un groupe de quelques personnes dont le but commun est de voler et de
vendre des véhicules à moteur ou leurs pièces, aux
plus complexes, comme une entreprise dont les membres ont des rôles
et des tâches bien précises6.
Les réseaux de voleurs professionnels peuvent mener leurs activités
localement et voler des véhicules qu’ils démonteront
pour vendre les pièces dans un endroit sûr connu sous le
nom d’« atelier de cannibalisation ». Toutefois,
certains réseaux de voleurs professionnels de véhicules
participent également à des activités de commerce
interprovincial et d’exportation.
En général, les réseaux de voleurs professionnels
de véhicules comportent plusieurs échelons; ils sont composés
de courtiers, d’intermédiaires et de voleurs. Généralement,
les courtiers prennent des dispositions avec un intermédiaire afin
d’embaucher des voleurs, qui sont souvent de jeunes personnes qui
doivent voler les véhicules et les livrer à un endroit prédéterminé.
Certains réseaux incluent également des échelons
supplémentaires formés de spécialistes qui sont chargés
de la cannibalisation (du démontage des véhicules pour les
pièces); du changement du numéro d’identification
du véhicule afin de le camoufler; et de l’exportation7.
Les membres de chacun des échelons ont tendance à traiter
avec les membres des autres échelons seulement au besoin pour mener
à bien leurs tâches8.
Par exemple, les intermédiaires traitent avec les voleurs et les
courtiers, mais ils ne sont pas susceptibles d’interagir avec les
responsables de la cannibalisation ou les exportateurs.
Mesure de la récupération des véhicules
volés
Le nombre de véhicules volés non récupérés
est une des mesures utilisées à titre d’indicateur
substitutif du nombre de véhicules volés aux fins de profit
par des groupes organisés9.
Cela est attribuable au fait que les véhicules volés à
d’autres fins, notamment pour la recherche de sensations fortes
ou le transport, ont tendance à être repérés
par la police subséquemment. Ainsi, dans le présent rapport,
les véhicules à moteur volés pour la recherche de
sensations fortes (on entend parfois « pour faire une virée »),
le transport ou pour faciliter la perpétration d’un autre
crime ne sont pas jugés comme des vols commis dans le cadre d’un
vol de véhicules organisé.
Les données sur le nombre de véhicules à moteur
volés chaque année sont produites dans le cadre du Programme
de déclaration uniforme de la criminalité agrégé.
Toutefois, les seules données disponibles sur l’état
de récupération des véhicules volés proviennent
de la plus récente version du Programme de déclaration uniforme
de la criminalité fondé sur l’affaire, soit le Programme
DUC 2.1. Seulement 62 services de police fournissent actuellement des
données à cette version de l’enquête. Afin d’en
accroître la couverture, on a communiqué avec les grands
services de police et on leur a demandé de fournir ces données
lorsque cela était possible.
Alors que le taux de non-récupération constitue une mesure
substitutive de l’étendue du vol de véhicules par
des groupes organisés, il faut toutefois prendre en considération
les limites suivantes :
- Ils représentent une sous-estimation des vols de véhicules
par des groupes organisés puisque les véhicules démontés
et brûlés sont considérés comme récupérés,
alors qu’il est probable que ces véhicules aient été
volés par des réseaux de voleurs professionnels pour la
vente des pièces10,
et puisque les véhicules volés qui sont destinés
à l’exportation et qui sont arrêtés aux frontières
sont inclus dans les comptes des véhicules récupérés.
- Ils entraînent une surestimation des vols de véhicules
par des groupes organisés étant donné que les véhicules
volés pour la recherche de sensations fortes ou à des
fins frauduleuses qui sont bien dissimulés sur des propriétés
privées ou sous l’eau, ou bien cachées d’une
autre façon, sont comptés parmi les véhicules non
récupérés.
Les données fournies par 22 grands services de police
(qui ont déclaré près des trois quarts de tous les
vols de véhicules au Canada) indiquent qu’environ 1 véhicule
volé sur 5 n’a pas été récupéré
en 2002 (tableau 5). Ainsi, on croit
qu’approximativement 1 vol de véhicule sur 5 pourrait être
attribuable à des groupes organisés ou à des réseaux
professionnels de voleurs. Cette proportion est grandement supérieure
à celle observée au début des années 1970,
alors qu’environ 2 % de tous les véhicules volés
n’avaient pas été récupérés11.
Le « taux » de véhicules volés non
récupérés pour 100 000 habitants est une mesure
encore meilleure du vol de véhicules par des groupes organisés
dans un secteur donné. Même si les taux les plus élevés
de l’ensemble des vols de véhicules sont déclarés
par les provinces de l’Ouest, la plupart de ces véhicules
sont récupérés ultérieurement. Les spécialistes
sont d’avis que même s’il commence à se produire
des vols de véhicules par des groupes organisés dans presque
toutes les régions du pays, ce sont les grandes régions
urbaines du Québec et de l’Ontario qui éprouvent toujours
les plus grands problèmes12.
Les données provenant de 22 services de police pour 2002 indiquent
que le Québec et l’Ontario, de même que la ville portuaire
de Halifax (tableau 5), ont
affiché les taux de véhicules volés non récupérés
les plus élevés. Le taux de véhicules non récupérés
le plus élevé a été observé à
Montréal (354 véhicules volés non récupérés
pour 100 000 habitants), soit plus du double du taux déclaré
par le service de police de Halifax (151 pour 100 000 habitants),
qui s’est classé au deuxième rang. En outre, près
de la moitié de tous les véhicules volés dans la
ville de Montréal (44 %) n’ont pas été
récupérés. Venaient ensuite d’autres services
de police du Québec et de l’Ontario : London (141),
Ottawa (135), région de York (118), Gatineau-Métro (117)
et Toronto (97) (figure 3).
Figure 3
Proportion de véhicules volés non récupérés,
divers services de police, 2002
Taux de véhicules volés
non récupérés, divers services de police, 2002
* Les données
proviennent du Programme de déclaration uniforme de la criminalité
fondé sur l’affaire, version 2.1, Centre canadien de la statistique
juridique, Statistique Canada.
Source : Données fournies directement par les services de
police.
De façon générale, les taux de vols de véhicules
non récupérés et les proportions de véhicules
volés non récupérés sont plus faibles ailleurs
au pays. La recherche de sensations fortes et le transport sont les principales
raisons du vol de véhicules dans d’autres régions,
comme Calgary13 et Winnipeg14,
même si ces régions enregistrent également un petit
nombre de vols aux fins de profit. Les taux les moins élevés
de véhicules non récupérés ont été
signalés à St. John’s (19), Victoria (31), Regina
(40), Thunder Bay (41) et Windsor (45).
Les voleurs ont pris presque deux fois plus de voitures que de camions
(incluant les fourgonnettes et les véhicules loisir travail) en
2002. Les camions volés étaient moins souvent repérés
par la police que ne l’étaient les voitures. Sur tous les
camions volés en 2002, 19 % n’ont pas été
récupérés, comparativement à 14 % pour
les voitures volées. Cela laisse entendre que même si les
voitures sont plus susceptibles que les camions d’être une
cible pour les voleurs d’automobiles en général, les
camions sont plus souvent la cible des groupes organisés.
Dans le même ordre d’idées, il semble y avoir une
différence entre les véhicules récupérés
et ceux qui ne le sont pas quant aux endroits à partir desquels
ils sont pris. Sur tous les véhicules volés, 35 % ont
été pris dans les parcs de stationnement et 31 %, dans
les rues. Seulement 15 % des véhicules volés dans les
parcs de stationnement et 10 % de ceux pris dans les rues n’ont
pas été récupérés. Même si moins
de véhicules ont été volés à partir
de demeures (15 %) et de propriétés privées
(7 %), comme une remise ou un garage isolé, ils étaient
plus susceptibles de ne pas être récupérés
par la police. Le tiers des véhicules volés à partir
de demeures (34 %) et près du quart (23 %) de ceux volés
à partir de propriétés privées n’ont
pas été récupérés. Ces pourcentages
révèlent un plus haut taux de vols par des groupes organisés
à partir de demeures et de propriétés privées
que de parcs de stationnement et de rues.
Les concessionnaires d’automobiles peuvent être des cibles
attrayantes pour les groupes organisés. Généralement,
ces endroits présentent un certain nombre de nouveaux véhicules
placés très près les uns des autres dans des parcs
de stationnement plus ou moins protégés. Même si les
concessionnaires d’automobiles sont l’objet de seulement une
petite partie de tous les vols de véhicules au Canada (1 %),
une importante proportion des véhicules (41 %) qui sont volés
dans ces endroits ne sont pas récupérés.
Cette tendance des groupes organisés à préférer
certains endroits pour le vol de véhicules peut être liée
directement aux types de véhicules pris de chacun de ces endroits15.
Par exemple, les véhicules les plus prisés du marché
illicite sont les véhicules de grande valeur, qui sont souvent
protégés au moyen de systèmes antivol de pointe.
Pour contourner ces systèmes, il faut avoir les clés du
véhicule, que les voleurs obtiennent souvent en s’introduisant
dans une résidence ou chez un concessionnaire et en les volant
avant de prendre la voiture. Les véhicules volés dans les
rues et les parcs de stationnement sont généralement les
modèles plus vieux ou les véhicules qui ne sont pas protégés
par des systèmes antivol hauts de gamme.
Dernièrement, on s’intéresse de plus en plus à
étudier le crime organisé au Canada et à l’étranger.
Le Code criminel renferme la définition énoncée
précédemment du terme « organisation criminelle »
à l’intention des services de police. Toutefois, aux fins
de la collecte de données et de l’analyse statistique, une
définition opérationnelle plus précise est nécessaire.
La définition suivante d’« organisation criminelle »,
qui sera incluse dans la prochaine version du Programme de déclaration
uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire, a
été créée en collaboration avec nombreux spécialistes.
On procède actuellement à sa mise à l’essai,
et il se peut qu’elle soit assujettie à certaines modifications.
Une organisation criminelle est un groupe à participation
fixe ou flexible composé d’au moins deux personnes qui communiquent,
collaborent et complotent au sein d’un collectif ou d’un réseau
permanent. Un de ses principaux objets ou une de ses principales activités
est la facilitation ou la perpétration d’infractions entreprises
ou planifiées dans le but de générer des profits matériels
ou financiers. Conditions
Si les personnes affectées à la collecte ou au codage des
données ne sont pas certaines si un groupe entre dans la définition
d’organisation criminelle, le groupe devrait être inclus s’il
satisfait également l’une ou l’autre des conditions
suivantes, ou les deux : participation à une série ou à
une variété d’activités criminelles, ou possibilité
de violence, d’intimidation ou de corruption afin de faciliter ses
activités criminelles.
En général, le vol de véhicules est un crime qui
est plus étroitement associé aux jeunes contrevenants que
les autres infractions. En 2002, 40 % des personnes accusées
de ce crime étaient âgées entre 12 et 17 ans16.
Cette proportion est plus élevée que celle des jeunes accusés
de tout autre crime des catégories principales. Selon un rapport
de l’Australie, même si la plupart des jeunes gens cessent
d’afficher leur comportement délinquant avant qu’il
ne devienne une tendance enracinée, certains persistent et deviennent
récidivistes, et certains autres finissent par s’adonner
au vol de voitures afin d’approvisionner le marché illicite17.
Selon un rapport de Transports Canada, les groupes de vol de véhicules
organisés recrutent des jeunes pour voler les voitures surtout
pour protéger les hautes sphères de leur réseau de
voleurs professionnels18.
Certains spécialistes indiquent également que les groupes
organisés qui pratiquent le vol de véhicules se fient au
fait que le système judiciaire est moins rigide avec les jeunes
contrevenants, à qui les têtes des réseaux de voleurs
assurent qu’ils n’auront pas à s’en faire s’ils
se font arrêter19. Dans
la majorité des cas, les jeunes ne connaissent les autres membres
du groupe de voleurs professionnels que par leur pseudonyme, ce qui réduit
le risque pour les autres membres si les jeunes voleurs se font appréhender.
Selon les résultats d’une récente étude menée
en Suède, il y a dans les vols de véhicules à moteur
en particulier quelque chose qui fait de cette activité un instrument
de recrutement idéal pour les groupes du crime organisé20.
Dans l’étude, on a examiné les données du registre
national des personnes reconnues coupables d’infractions criminelles
afin de déterminer les premières infractions qui pourraient
dénoter un risque plus élevé de poursuivre une carrière
criminelle. Ces premières infractions à risque élevé
sont appelées « infractions stratégiques ».
L’étude a permis de constater que le vol de véhicules
à moteur était l’infraction stratégique la
plus facilement reconnaissable, suivie des vols autres que les vols de
véhicules et du vol qualifié. En d’autres mots, les
personnes qui sont les plus à risque de continuer leur cheminement
criminel sont celles dont la première condamnation est pour le
vol de véhicules à moteur.
Dans bon nombre de cas, les méthodes utilisées pour les
vols de véhicules par des groupes organisés sont les mêmes
que celles employées pour les autres vols de véhicules.
Toutefois, en raison de leur degré de spécialisation plus
élevé et de l’accès aux spécialistes
ayant diverses compétences, les groupes organisés qui s’adonnent
au vol de véhicules utilisent des méthodes plus perfectionnées,
notamment la falsification de haute qualité de documents et le
vol d’identité, afin d’obtenir un financement et de
voler de nouveaux véhicules directement des concessionnaires d’automobiles21.
De même, on sait que les réseaux peuvent falsifier les documents
de propriété afin d’exporter ou de revendre un véhicule
volé à titre de véhicule d’occasion. Les réseaux
de voleurs louent également des voitures des entreprises de location
pour ensuite les exporter à des clients à l’étranger22.
Exportation à l’étranger Commerce
interprovincial Vol aux fins de la vente de pièces
de véhicules
Pour que les réseaux de voleurs puissent se livrer à l’exportation
à l’étranger, il doit y avoir un système dans
le pays de destination permettant de recevoir et vendre les véhicules
volés et de renvoyer les profits au réseau canadien. Ainsi,
l’exportation à l’étranger a tendance à
être dominée par les groupes ethniques qui ont déjà
établi de solides relations dans leur pays d’origine et qui
peuvent donc veiller à ce que la structure requise soit en place23.
Il est également possible, mais moins courant, pour les groupes
du Canada d’établir des relations internationales et de participer
au trafic international de véhicules volés.
Les véhicules qui sont volés aux fins de l’exportation
à l’étranger sont souvent chargés dans des
conteneurs d’expédition et accompagnés de faux documents
indiquant que le conteneur renferme un différent type de fret.
Dans certains cas, les groupes du crime organisé peuvent établir
un lien avec un employé portuaire, comme une personne occupant
un poste clé qui a de l’influence sur le déchargement
du fret commercial d’un vaisseau et sur son déplacement dans
les environs du port24.
Selon un rapport réalisé par Europol, il y a toujours un
marché pour les véhicules d’occasion à bas
prix, en particulier dans les pays qui ne sont pas aussi développés
sur le plan économique ou qui ne fabriquent pas de véhicules
eux-mêmes25. Par conséquent,
les véhicules volés au Canada peuvent être destinés
à un certain nombre d’endroits. Les véhicules volés
qui sont envoyés à l’extérieur de Montréal
ou de Toronto peuvent d’abord arriver aux États-Unis, puis
être acheminés en Europe, en Amérique du Sud ou en
Afrique orientale. Les véhicules volés qui sont expédiés
à partir du port de Halifax sont susceptibles d’arriver tôt
ou tard en Europe de l’Est. Les véhicules volés qui
passent par le port de Vancouver aboutissent souvent en Asie. Récemment,
on a trouvé des preuves de véhicules volés à
Toronto et à Montréal qui ont été expédiés
à Edmonton, et de là vers le Mexique en passant par les
États-Unis26.
La destination des véhicules volés est souvent liée
au groupe du crime organisé chargé de l’exportation
et détermine souvent quel port est utilisé par le groupe.
Par exemple, les groupes criminels de l’Europe de l’Est peuvent
exercer leurs activités à Toronto, mais ils sont portés
à expédier leur fret à partir de Montréal
ou de Halifax de sorte que les véhicules arrivent plus rapidement
en Europe de l’Est27.
De même, les groupes criminels d’origine asiatique sont les
plus enclins à expédier leur fret à partir du port
de Vancouver, même si la marchandise est volée en Ontario
ou au Québec, et qu’il faut d’abord l’acheminer
par train afin d’atteindre le port.
Europol estime que le trafic international de véhicules par le
crime organisé est plus rentable que la prostitution ou tout autre
activité sur le marché noir28.
Les réseaux de voleurs n’ont qu’à assumer les
coûts du vol des véhicules et de l’expédition,
qui ensemble représentent généralement moins de 10 %
de ce que le véhicule volé rapportera à l’étranger29.
Les véhicules qui sont destinés à la revente dans
une autre province doivent être camouflés ou se voir donner
une nouvelle identité avant qu’ils puissent être vendus,
souvent à un acheteur non méfiant. Si le véhicule
volé est ultérieurement identifié et saisi par la
police, l’acheteur devient la deuxième victime, souvent avec
un prêt sans garantie qui doit être payé30.
Les véhicules volés peuvent être camouflés
de diverses façons. Une des méthodes populaires est le changement
du numéro d’identification du véhicule (NIV), c’est-à-dire
l’échange de NIV. Pour ce faire, les réseaux de voleurs
achètent un véhicule qui a été endommagé
dans un accident et est destiné à la récupération
des pièces dans le but d’obtenir son NIV31.
Ils volent ensuite une voiture des mêmes marque, modèle et
année, et remplacent son NIV par le NIV de la voiture accidentée
où qu’il apparaisse sur le véhicule. Le véhicule
volé est ensuite vendu de nouveau sous sa nouvelle identité.
Une autre méthode visant à donner une nouvelle identité
aux véhicules volés est la production de plaques de NIV
falsifiées32. Les réseaux
de voleurs professionnels reproduisent souvent les NIV légitimes
d’une autre province, éliminant ainsi le besoin d’acheter
un véhicule destiné à la récupération
des pièces et permettant l’utilisation multiple du NIV.
Dans un document récemment publié, on décrit une
autre méthode visant à attribuer une nouvelle identité
aux véhicules volés33.
Cette méthode est appelée « échange de
carrosserie » et elle consiste à transférer la
carrosserie d’un véhicule volé au châssis ou
au soubassement d’un véhicule accidenté. Le véhicule
peut être camouflé davantage en échangeant l’intérieur,
le moteur ou d’autres pièces. Ces pratiques peuvent constituer
un grave danger pour les acheteurs finals innocents, étant donné
que l’échange de carrosserie n’est pas nécessairement
effectué conformément aux normes de réparation et
d’inspection, et que les acheteurs savent rarement que le véhicule
a été endommagé dans un autre secteur de compétence34.
Le vol de véhicules pour les pièces intéresse les
groupes organisés puisque dans bien des cas, les pièces
d’un véhicule démonté valent de deux à
trois fois le véhicule lui-même35.
Comme les groupes qui camouflent les véhicules volés, les
réseaux de voleurs professionnels qui prennent les véhicules
afin de les démonter et d’en vendre les pièces nécessitent
une infrastructure particulière, incluant l’espace et la
main-d’œuvre pour démonter les véhicules et en
obtenir les pièces36.
Les réseaux de voleurs peuvent tout d’abord prendre un véhicule,
puis chercher un acheteur pour ses pièces, ou bien ils peuvent
recevoir une commande de certaines pièces et alors voler un véhicule
en particulier afin d’exécuter la commande37.
Les réseaux de voleurs peuvent obtenir les commandes de pièces
particulières directement des ateliers de débosselage ou
de révision. Les courtiers reçoivent les commandes de l’atelier
de débosselage et s’organisent pour embaucher les voleurs
nécessaires afin d’obtenir les véhicules qui contiennent
les pièces demandées. Les voleurs prennent le véhicule
et le livrent ensuite à un « atelier de cannibalisation »,
où il est démonté et les pièces requises,
obtenues. Les pièces sont ensuite vendues directement à
l’atelier de débosselage. Subsidiairement, le réseau
de voleurs peut recevoir des commandes d’une entreprise de recyclage
d’automobiles et lui vendre des pièces volées, cette
dernière vendant par la suite les pièces aux ateliers de
débosselage38. Par
conséquent, les ateliers de débosselage qui finissent par
utiliser ces pièces peuvent savoir qu’elles proviennent d’un
véhicule volé, ou ils peuvent ne pas le savoir39.
Lutte contre l’exportation illégale de véhicules
volés Mesures de prévention du vol de
véhicules
Les réseaux de voleurs professionnels de véhicules travaillent
souvent ensemble et ne sont pas ralentis par les frontières des
secteurs de compétence40.
Ainsi, le succès de la lutte contre le vol de véhicules
par des groupes organisés repose sur la création de partenariats
dévoués et de collaboration à tous les échelons
des secteurs privé et public41.
Il existe un certain nombre de tels partenariats et groupes de travail
au Canada. Parmi ces derniers, on compte l’Équipe provinciale
de lutte contre le vol d’automobiles (PATT) en Ontario, le projet
CEASE (Contrôle policier des véhicules volés pour
l’exportation) en Colombie-Britannique, le projet CERVO (Contrôle
de l’exportation et de la réception de véhicules volés)
au Québec et la Halifax Auto Theft Team (HATT), couvrant les provinces
de l’Atlantique42. Des
membres de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) participent
à chacun de ces projets, et des membres de la GRC ou des services
de police municipaux locaux, à la plupart d’entre eux. Ces
projets ont vu le jour afin d‘identifier et de poursuivre les parties
responsables de l’exportation illégale de véhicules
volés du Canada. Les véhicules volés qui sont repérés
dans un secteur de compétence étranger ou en route vers
un secteur étranger sont rapatriés au Canada lorsque cela
est faisable sur le plan financier43.
Ces projets permettent également de recueillir de l’information
plus générale sur les vols de véhicules par des groupes
organisés.
À l’échelle internationale, le North American Export
Committee (NAEC) est composé de divers représentants du
Canada, du Mexique et des États-Unis. Le NAEC a comme mission de
réunir les entités qui partagent le but commun de lutter
contre l’exportation de véhicules volés et de faciliter
les contacts pour échanger de l’information et des idées
afin d’atteindre ce but44.
Étant donné le gros volume de conteneurs qui passent par
les ports du Canada chaque jour, les douaniers ne sont pas en mesure de
les examiner tous, et doivent souvent se fier à leur intelligence
et leur expérience personnelle pour décider quels conteneurs
fouiller pour des biens exportés illégalement45.
De façon générale, les locations de dernière
minute ou les formulaires de déclaration décrivant de façon
détaillée des produits inhabituels exportés vers
des destinations inhabituelles sont des indices qu’un conteneur
pourrait ne pas refermer ce qui est indiqué sur les documents.
De plus, il est connu que certains poids bruts représentent l’équivalent
d’un conteneur rempli de véhicules, et si ce poids est inscrit
sur un formulaire de déclaration, cela peut être suffisant
pour attirer l’attention d’un douanier. Dans ces cas, les
douaniers procèdent à ce qu’on appelle une fouille
de queue, ce qui signifie ouvrir le conteneur et regarder à l’intérieur.
Si le douanier est incapable de voir le contenu clairement, il effectue
une fouille plus approfondie. Si des véhicules sont trouvés,
une enquête s’ensuit afin de déterminer si les véhicules
sont en fait volés, et, si tel est le cas, ils sont retirés
de leurs conteneurs et la police est informée. Les véhicules
volés ne représentent qu’un des nombreux articles
de contrebande que les douaniers recherchent. Toutefois, il est probable
que seulement une petite proportion de ces articles puissent être
décelés dans les ports.
Il existe un certain nombre de mesures que les propriétaires et
fabricants de véhicules peuvent prendre afin d’aider à
prévenir le vol de véhicules, ce qui aide à lutter
contre le vol de véhicules par des groupes organisés. Parmi
ces mesures, on compte le recours aux dispositifs de verrouillage de la
direction, aux alarmes, à la gravure, aux interrupteurs d’allumage,
aux dispositifs de verrouillage des commandes de vitesse, au blocage de
pneus ou de roues, aux serrures de capot ou aux systèmes de repérage
des véhicules.
Une norme visant à mesurer l’efficacité des systèmes
dissuasifs de vols de véhicules a été introduite
par le Centre d’information sur les véhicules du Canada (CIVC)
en 1998. Cette norme exige que les systèmes dissuasifs soient armés
passivement (sans intervention du conducteur), qu’ils soient désarmés
à l’aide d’un grand nombre de codes d’identification
possibles et qu’ils éteignent, lorsqu’ils sont armés,
un certain nombre de systèmes du véhicule, comme la pompe
à essence, le système d’allumage et le démarreur46.
Le Bureau d’assurance du Canada indique que même si la moitié
de tous les nouveaux véhicules à moteur vendus au Canada
sont munis de systèmes antivol approuvés par le CIVC, la
plupart des Canadiens n’ont pas de dispositif antivol dans leur
véhicule47.
Le marquage des pièces est une autre mesure qui peut dissuader
les voleurs de véhicules à moteur. Le marquage donne à
la police un moyen d’identifier un véhicule volé,
ainsi que d’arrêter et de poursuivre les personnes impliquées.
Toutefois, les NIV ne sont actuellement gravés que sur quelques
pièces (ailes, capot, portes), ce qui complique le suivi des pièces
volées. Dans une étude américaine commandée
par le National Institute of Justice, on a tenté de déterminer
l’efficacité du marquage des pièces sur la réduction
des vols d’automobiles48.
Même si les enquêteurs de vols d’automobiles ayant participé
à l’étude n’étaient toujours pas d’accord
que le marquage des pièces a un effet dissuasif réel sur
les voleurs de véhicules, ils étaient d’avis qu’il
augmente clairement les coûts d’opération des voleurs.
Ils doivent prendre plus de temps pour choisir un véhicule sans
pièce marquée ou accepter moins d’argent des exploitants
d’ateliers de cannibalisation, qui doivent consacrer davantage de
temps pour enlever les marques sur les pièces. Toutefois, même
le démarquage est fréquemment insuffisant pour camoufler
un véhicule volé ou ses pièces. Si la police retrouve
une pièce de véhicule qu’elle sait marquée
par le constructeur, mais qui ne porte plus de NIV, elle peut saisir la
pièce à titre de propriété volée et
enlever le profit au réseau organisé49.
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