Bulletin Juristat — En bref
La traite des personnes au Canada, 2021
par Shana Conroy
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Début du texte
La traite des personnes, aussi appelée « trafic de personnes », est un crime complexe souvent difficile à détecter. Cette infraction comprend le fait de recruter, de transporter, de transférer, de recevoir, de détenir, de cacher ou d’héberger une personne, ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2021; Sécurité publique Canada, 2022a; Sécurité publique Canada, 2022b)Note . Qu’il s’agisse d’exploitation sexuelle, de travail forcé ou d’une autre forme d’exploitationNote , les victimes de ce type de crime proviennent souvent des groupes vulnérables de la société (Casassa et autres, 2021; Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021b; Sécurité publique Canada, 2022a; Sécurité publique Canada, 2022b).
Il est difficile de mesurer avec exactitude ce type de crime afin de comprendre clairement sa prévalence; la recherche est souvent de nature qualitative et met l’accent sur une approche axée sur la victime, qui tient compte des traumatismes subis (voir, par exemple, Dell et autres, 2019, Hemmings et autres, 2016 et Knight et autres, 2022). En outre, lorsque la recherche et les efforts visent un type particulier de traite des personnes, il s’agit généralement de l’exploitation sexuelle plutôt que du travail forcé (Matte Guilmain et Hanley, 2020; Tien, 2013; Zimmerman et Schenker, 2014). Par conséquent, la victimisation des femmes et des filles, qui sont le plus souvent les cibles de l’exploitation sexuelle, est davantage étudiée que celle des hommes et des garçons (Cole, 2018; Dennis, 2008; Jones, 2010).
La traite des personnes, qu’elle soit de nature nationale ou internationale, est interdite par la loi au Canada, et les infractions criminelles sont décrites dans le Code criminel, tout comme le sont les infractions connexes dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) (voir l’encadré 1). Le gouvernement du Canada s’est engagé à prévenir et à combattre la traite des personnes, tel qu’il est énoncé dans la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes (Sécurité publique Canada, 2022b). Grâce à une approche pangouvernementale, la Stratégie nationale consolide les efforts des ministères fédéraux concernés pour lutter contre ce crime et soutenir les victimes sous plusieurs angles.
Faisant suite à l’article de Juristat intitulé « La traite des personnes au Canada, 2020 » (Conroy et Sutton, 2022), le présent Bulletin Juristat ― En bref fournit des données à jour pour 2021. Les données sont tirées du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. Il convient de souligner que les données déclarées par la police représentent une sous-estimation de l’étendue réelle de ce problème au Canada. Néanmoins, les sources de données administratives, comme celles émanant des services de police, sont un point de départ important pour surveiller ce type de crime.
Le présent article a été produit avec l’aide financière de Sécurité publique Canada.
Début de l'encadré 1
Encadré 1
La traite des personnes en vertu du Code criminel et de la Loi sur
l’immigration et la protection des réfugiés
En 2005, les dispositions suivantes liées à la traite des personnes ont été ajoutées au Code criminel :
- l’article 279.01 : la traite des personnes;
- l’article 279.02 : le fait de bénéficier d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, provenant de la perpétration ou de la facilitation de la traite des personnes;
- l’article 279.03 : la rétention ou la destruction de documents d’identité (comme un passeport, qu’il soit authentique ou faux) d’une personne en vue de perpétrer ou de faciliter la traite de cette personne;
- l’article 279.04 : définit l’exploitation dans le contexte des infractions de traite de personnes.
En 2010, l’article 279.011 a été ajouté au Code criminel; il prévoit l’imposition de peines minimales obligatoires aux personnes reconnues coupables de traite de personnes âgées de moins de 18 ans.
En 2012, le Code criminel a été modifié afin de permettre la poursuite de Canadiens et de résidents permanents pour des infractions de traite de personnes commises à l’étranger et de fournir aux juges un outil d’interprétation pour les aider à déterminer s’il y a eu exploitation (paragraphe 279.04(2)).
En 2014, des peines minimales obligatoires ont été imposées pour l’infraction principale de traite de personnes (article 279.01), le fait de bénéficier d’un avantage matériel provenant de la traite d’enfants (paragraphe 279.02(2)) et le fait de retenir ou de détruire des documents en vue de faciliter la traite d’enfants (279.03(2)).
En 2019, des modifications sont entrées en vigueur qui permettent aux procureurs de présenter la preuve que l’accusé vivait avec une personne exploitée ou se trouvait habituellement en sa présence, comme preuve de l’un des éléments de l’infraction de traite, et qui placent le fardeau de la preuve en ce qui a trait à la confiscation des produits de la criminalité sur les personnes déclarées coupables de traite de personnes (ministère de la Justice Canada, 2022b).
L’article 118 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), adoptée en 2002, fait de la traite transfrontalière d’une ou de plusieurs personnes par fraude, tromperie, enlèvement ou menace ou usage de la force ou de toute autre forme de coercition une infraction criminelle (Sécurité publique Canada, 2022b). Bien que la traite des personnes et le passage de clandestins soient deux concepts distincts, la LIPR interdit également le passage de clandestins au Canada.
Fin de l’encadré 1
Section 1 : Les affaires de traite de personnes déclarées par la police
La présente section fait état des données déclarées par la police dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC). Les données de 2011 à 2021 sont analysées en fonction des tendances générales selon l’emplacement géographique, et les caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés sont examinées.
Le nombre d’affaires de traite de personnes déclarées par la police est demeuré stable en 2021
De 2011 à 2021, 3 541 affaires de traite de personnes ont été déclarées par la police au CanadaNote . Au cours de cette période, la traite des personnes a représenté 0,01 % des crimes déclarés par la police, et le taux annuel moyen était de 0,9 affaire pour 100 000 habitants.
Le nombre d’affaires de traite de personnes est demeuré stable en 2021, 552 affaires ayant été signalées à la police comparativement à 553 l’année précédente (graphique 1). On a toutefois observé une légère diminution du taux d’affaires (1,4 affaire pour 100 000 habitants en 2021 par rapport à 1,5 en 2020). De façon plus générale, le nombre d’affaires de traite de personnes a augmenté d’une année à l’autre de 2011 à 2017; une hausse marquée a été enregistrée de 2018 à 2019, et le nombre d’affaires est demeuré relativement stable de 2019 à 2021.
Tableau de données du graphique 1
Année | Code criminel | Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés | Total |
---|---|---|---|
nombre | |||
2011 | 60 | 16 | 76 |
2012 | 60 | 32 | 92 |
2013 | 78 | 37 | 115 |
2014 | 143 | 57 | 200 |
2015 | 239 | 91 | 330 |
2016 | 249 | 102 | 351 |
2017 | 268 | 103 | 371 |
2018 | 238 | 117 | 355 |
2019 | 387 | 159 | 546 |
2020 | 385 | 168 | 553 |
2021 | 352 | 200 | 552 |
Note : Le présent graphique repose sur des données agrégées et les comptes sont fondés sur l'infraction la plus grave dans une affaire criminelle. En 2011, le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) a été modifié afin de permettre aux services de police de déclarer les infractions de traite de personnes prévues à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Après l'intégration du nouveau code d’infraction au Programme DUC, un petit nombre d’affaires survenues avant cette date ont été déclarées. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Programme de déclaration uniforme de la criminalité. |
Les affaires de traite de personnes déclarées par la police comprennent les infractions au Code criminel et les infractions à la LIPR. La stabilité globale du nombre d’affaires de traite de personnes de 2020 à 2021 est attribuable à des tendances opposées : bien qu’il y ait eu 33 infractions au Code criminel de moins en 2021, il y a eu 32 infractions à la LIPR de plus.
Parmi les affaires de traite de personnes qui ont été signalées à la police au cours de la période allant de 2011 à 2021, 7 affaires sur 10 (69 %) ont été des infractions au Code criminel, tandis que 3 affaires sur 10 (31 %) ont été des infractions à la LIPR. Bien que ces proportions soient demeurées assez constantes au fil des ans, les infractions à la LIPR liées à la traite des personnes ont augmenté chaque année depuis 2011. En revanche, les infractions au Code criminel liées à la traite des personnes ont connu une hausse générale au cours de la même période; toutefois, elles ont atteint un sommet en 2019 (387 affaires), sont demeurées relativement stables en 2020 (385) et ont diminué en 2021 (352).
La Nouvelle-Écosse, l’Ontario et la Saskatchewan affichent des taux d’affaires de traite de personnes supérieurs à la moyenne nationale
La Nouvelle-Écosse a affiché le taux annuel moyen le plus élevé d’affaires de traite de personnes déclarées par la police de 2011 à 2021 (2,7 affaires pour 100 000 habitants) (tableau 1). En 2021, plus précisément, certaines provinces ont affiché des taux d’affaires de traite de personnes supérieurs au taux national (1,4 affaire pour 100 000 habitants): la Nouvelle-Écosse (5,3), l’Ontario (2,3) et la Saskatchewan (1,8). Proportionnellement, 62 % des affaires de traite de personnes ont été signalées en Ontario et 10 %, en Nouvelle-Écosse, malgré le fait que les populations respectives de ces provinces représentaient 39 % et 3 % de la population canadienne en 2021 (Statistique Canada, 2021)Note .
Le nombre relativement élevé d’affaires en Ontario peut être attribuable à la concentration de régions urbaines dans la province. Ces centres de population peuvent faire partie de couloirs de la traite des personnes, utilisés par les trafiquants pour accroître leurs profits, éviter la détection et isoler les victimes par le contrôle psychologique (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021a)Note . De plus, en raison du grand nombre de passages aux postes frontaliers terrestres en Ontario, 36 % des affaires de traite de personnes déclarées dans la province de 2011 à 2021 étaient liées à la LIPR. En ce qui concerne la Nouvelle-Écosse, son emplacement côtier est probablement un facteur important dans la proportion relativement élevée d’affaires de traite de personnes qu’on y retrouve. Depuis 2011, 42 % des affaires de traite de personnes en Nouvelle-Écosse étaient liées à des infractions à la LIPR, soit la plus forte proportion de toutes les provinces et des territoires.
Plus de 4 affaires de traite de personnes sur 5 sont signalées à la police dans les régions métropolitaines de recensement
De 2011 à 2021, la grande majorité (83 %) des affaires de traite de personnes ont été signalées à la police dans les régions métropolitaines de recensement (RMR)Note , et cette proportion est demeurée constante en 2021 plus particulièrement (82 %) (tableau 2). Parallèlement, depuis 2011, une proportion relativement plus faible d’affaires de violence (traite de personnes ou autres) ont été signalées dans les RMR (57 %).
Depuis 2011, plus de 4 affaires de traite de personnes sur 10 (45 %) ont été signalées à la police dans quatre RMR : Toronto (776 affaires, représentant 22 % des affaires de traite de personnes au Canada), OttawaNote (345 affaires ou 10 % des affaires), Montréal (245 affaires ou 7 % des affaires) et Halifax (216 affaires ou 6 % des affaires). Quatre autres RMR ont également enregistré un nombre relativement élevé d’affaires de ce genre : Hamilton (140 affaires), St. Catharines–Niagara (120), Vancouver (118) et London (111). Au total, ces huit RMR représentaient plus de la moitié (58 %) des affaires de traite de personnes déclarées par la police au Canada.
Les différences entre les RMR sont probablement influencées par des différences régionales, comme les campagnes de sensibilisation, la formation spécialisée et l’expertise locale concernant la traite des personnes. Étant donné qu’il est difficile d’intenter des poursuites liées à la traite des personnes (Farrell et autres, 2014; Matte Guilmain et Hanley, 2020), d’autres types d’accusations peuvent être déclarés par la police et donner lieu à des poursuites par la Couronne. En outre, certaines RMR sont situées le long de couloirs de la traite des personnes et peuvent servir de carrefours pour cette activité criminelle (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021a).
Au cours de la même période (2011 à 2021), les taux annuels moyens de traite de personnes étaient les plus élevés à Thunder Bay et à Halifax (5,5 et 4,5 affaires pour 100 000 habitants, respectivement). Venaient ensuite Peterborough (3,6), Ottawa (3,0), Windsor (2,4), Barrie (2,4) et St. Catharines–Niagara (2,3).
Alors que le taux d’affaires de traite de personnes au Canada s’établissait à 1,4 affaire pour 100 000 habitants en 2021, et que le taux global observé pour les RMR était de 1,7, plusieurs RMR affichaient un taux d’affaires de traite de personnes qui était considérablement plus élevé. Les différences les plus marquées ont été observées à Thunder BayNote (28,1 affaires pour 100 000 habitants), à Peterborough (10,9), à Halifax (7,8), à St. Catharines–Niagara (6,0), à Belleville (5,2), à Saskatoon (4,6) et à Barrie (4,2).
Environ 4 affaires de traite de personnes sur 10 comportent un autre type d’infraction, le plus souvent lié au commerce du sexe
De 2011 à 2021, pour 95 % des affaires de traite de personnes déclarées par la police, une infraction au Code criminel ou à la LIPR était l’infraction la plus graveNote . Au total, 6 affaires de traite de personnes sur 10 (59 %) concernaient des infractions de traite de personnes seulement, tandis que 4 affaires sur 10 (41 %) comportaient un autre type d’infractionNote . Le plus souvent, les infractions connexes étaient liées au commerce du sexe (57 %)Note . Un peu plus de 1 affaire sur 3 (35 %) mettant en cause un autre type d’infraction comportait une infraction liée aux voies de fait, alors que 1 affaire sur 4 (25 %) comportait une infraction sexuelle, et 1 affaire sur 8 (12 %), une infraction entraînant la perte de la libertéNote .
Les femmes et les filles représentent presque toutes les victimes détectées de la traite des personnes, et le nombre de victimes a diminué en 2021
De 2011 à 2021, on a dénombré 2 688 victimes d’affaires de traite de personnes déclarées par la police au CanadaNote . La grande majorité (96 %) de ces victimes étaient des femmes et des filles, tandis qu’une petite proportion (4 %) était des hommes et des garçonsNote . De 2019 à 2021, on a recensé 1 203 victimes d’affaires de traite de personnes. En 2019, avant la pandémie de COVID-19, il y a eu 411 victimes de ce type de crime, et le nombre est demeuré stable en 2020 (410 victimes). En 2021, le nombre de victimes a diminué pour s’établir à 382, ce qui représente une baisse de 7 % par rapport à 2020 et à 2019Note . En comparaison, en 2021, le nombre de victimes de crimes violents a augmenté de 4 % par rapport à 2019 et de 6 % par rapport à 2020.
Comme il a été mentionné, l’exploitation sexuelle est souvent au centre de la recherche sur la traite des personnes, tout comme les expériences des victimes de genre féminin, plus particulièrement. Ainsi, il se peut que les victimes de genre masculin de l’exploitation sexuelle et les victimes d’autres types de traite de personnes soient laissées de côté (Cole, 2018; Dennis, 2008; Jones, 2010; Matte Guilmain et Hanley, 2020; Zimmerman et Schenker, 2014). Selon Tien (2013), dans de nombreux pays, les définitions de la traite des personnes n’incluent que depuis peu le travail forcé, les services de police et le grand public peuvent associer la traite des personnes à l’exploitation sexuelle uniquement, et le travail forcé est plus susceptible d’échapper au regard du public (p. ex.dans des usines, des maisons privées ou des champs), alors que l’exploitation sexuelle a souvent lieu dans des espaces publics des régions urbainesNote .
Depuis 2011, les victimes étaient le plus souvent âgées de 18 à 24 ans (45 %), tandis que le quart (24 %) d’entre elles avaient 17 ans ou moins (graphique 2)Note . Les autres victimes étaient âgées de 25 à 34 ans (21 %), de 35 à 44 ans (7 %) et de 45 ans et plus (3 %). Alors que 7 victimes de genre féminin sur 10 (71 %) étaient âgées de 24 ans ou moins, les victimes de genre masculin n’étaient pas concentrées dans les groupes d’âge les plus jeunes. Le nombre relativement petit (117) d’hommes et de garçons qui ont été identifiés comme victimes de la traite des personnes étaient le plus souvent âgés de 25 à 34 ans (29 %), et les autres victimes étaient réparties également entre les autres groupes d’âge : 17 ans ou moins (19 %), 18 à 24 ans (17 %), 35 à 44 ans (17 %) et 45 ans et plus (18 %). Dans l’ensemble, les deux tiers (67 %) des victimes détectées de la traite des personnes étaient des femmes et des filles de 24 ans ou moins.
Tableau de données du graphique 2
Groupe d'âge |
Victimes de genre féminin | Victimes de genre masculin | Total des victimesTableau de données du graphique 2 Note 1 |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Moins de 18 ans | 24 | 19 | 24 |
18 à 24 ans | 46 | 17 | 45 |
25 à 34 ans | 20 | 29 | 21 |
35 à 44 ans | 6 | 17 | 7 |
45 ans et plus | 3 | 18 | 3 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, base de données sur les tendances du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire. |
Le Programme DUC ne permet pas de recueillir de renseignements sur les répercussions mentales et émotionnelles de la victimisation liée à la traite des personnes. Cependant, d’autres recherches ont montré que les victimes peuvent être confrontées à un éventail de problèmes, comme l’anxiété, la dépression, les troubles de l’alimentation, le trouble de stress post-traumatique et les idées suicidaires (Casassa et autres, 2021; Dell et autres, 2019; Hemmings et autres, 2016). Les données du Programme DUC fournissent de l’information au sujet des blessures corporelles recueillie au moment de l’affaire ou par suite d’une enquête. Il convient de souligner que, compte tenu de la période prolongée d’exploitation de certaines victimes de la traite des personnes, il se peut que les blessures corporelles ne soient pas toutes consignées par la police. Néanmoins, les données déclarées par la police révèlent qu’un peu plus du quart (27 %) des victimes de la traite des personnes ont subi une blessureNote . Parmi ces victimes, la grande majorité (88 %) avait subi des blessures mineures, tandis qu’environ 1 victime sur 8 (12 %) avait subi des blessures gravesNote .
Début de l'encadré 2
Encadré 2
La progression de la traite des personnes
La traite des personnes est un type de crime complexe, dont les victimes peuvent être exploitées pendant une période prolongée, à divers endroits et de diverses façons. Ce type de crime se produit dans chaque pays, touche une grande diversité de personnes et passe inaperçu dans une large mesure (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2021). La recherche sur la traite des personnes a permis d’examiner les diverses étapes de cette forme d’exploitation (Casassa et autres, 2021; Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021a; Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021b; Cole, 2018; Fedina et autres, 2019; Hagan et autres, 2021). Même si les cheminements peuvent varier, ils pointent tous vers une augmentation de la coercition et de l’exploitation des victimes, à la recherche de bénéfices financiers.
Recrutement et manipulation psychologique
Un point de départ courant pour les trafiquants de personnes est le recrutement et la manipulation psychologique des victimes potentielles. Les personnes vulnérables — par exemple, celles qui sont isolées socialement ou émotionnellement, ou encore désespérées sur le plan financier — sont ciblées et manipulées par les trafiquants, qui peuvent les leurrer et tenter de gagner leur confiance grâce à de fausses promesses, des impostures, des drogues et de l’alcool. Les trafiquants entrent en relation avec les victimes, et ces dernières peuvent commencer à dépendre d’eux pour leurs besoins au quotidien.
Contrôle, isolement et exploitation
Une fois que les victimes potentielles ont été recrutées, de nombreux trafiquants tentent d’augmenter le niveau de contrôle qu’ils ont sur elles. Par exemple, il se peut que les victimes soient isolées de leur famille et de leurs amis et que leurs liens sociaux et leur vie privée soient limités ou compromis, ce qui les empêche de chercher de l’aide. Il se peut que les trafiquants dictent aux victimes la façon de se comporter et le travail qu’elles doivent faire, exerçant un contrôle considérable sur leur vie au quotidien. En outre, il arrive souvent que les victimes n’aient pas d’argent, de moyen de transport et de documents d’identité, ce qui les empêche de partir, et il arrive aussi qu’elles soient déplacées entre divers endroits pour les isoler davantage.
Dans bien des cas, les trafiquants augmentent leurs menaces et ont parfois recours à la violence, et les victimes vivent souvent dans un état de peur. Il se peut qu’elles tentent d’apaiser les trafiquants afin d’éviter les punitions et les représailles. En raison des mauvais traitements et des traumatismes permanents subis, il se peut que certaines victimes créent des liens avec les trafiquants au fil du temps, et deviennent hésitantes à remettre en question la situation dans laquelle elles se trouvent ou à tenter d’en sortir. Il se peut aussi que les victimes jouent un rôle dans le recrutement et la manipulation psychologique pour en attirer d’autres.
Fin de l’encadré 2
Plus de 6 auteurs présumés sur 10 sont des hommes de 18 à 34 ans, et les filles sont plus nombreuses que les garçons parmi les jeunes auteurs présumés
Selon les données policières, de 2011 à 2021, il y a eu 2 349 auteurs présumés de traite de personnes, dont la grande majorité (81 %) était des hommes et des garçonsNote . Dans l’ensemble, les auteurs présumés étaient le plus souvent âgés de 18 à 24 ans (41 %) et de 25 à 34 ans (36 %), et moins souvent âgés de 35 à 44 ans (12 %) et de 45 ans et plus (7 %) (graphique 3). Dans l’ensemble, 1 auteur présumé sur 20 (5 %) était un jeune de 12 à 17 ans.
Tableau de données du graphique 3
Groupe d'âge | Auteurs présumés de genre féminin | Auteurs présumés de genre masculin | Total des auteurs présumésTableau de données du graphique 3 Note 2 |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Moins de 18 ansTableau de données du graphique 3 Note 1 | 14 | 3 | 5 |
18 à 24 ans | 46 | 40 | 41 |
25 à 34 ans | 23 | 39 | 36 |
35 à 44 ans | 11 | 12 | 12 |
45 ans et plus | 5 | 7 | 7 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, base de données sur les tendances du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire. |
Plus de 6 auteurs présumés sur 10 (64 %) étaient des hommes de 18 à 34 ans. Dans chaque groupe d’âge adulte, les hommes étaient plus nombreux que les femmes parmi les auteurs présumés, représentant environ 8 auteurs présumés sur 10 ou plus. Toutefois, parmi le nombre relativement faible (110) de jeunes auteurs présumés, les filles étaient plus nombreuses que les garçons (56 % par rapport à 44 %).
Miccio-Fonseca (2017) aborde la question des jeunes victimes de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle qui observent leurs trafiquants et apprennent d’eux — des personnes plus âgées et plus expérimentées dans « le commerce » —, puis agissent de la même façon à l’endroit d’autres victimes. Ces jeunes occupent généralement les niveaux inférieurs de l’organisation, mais ils soutiennent la traite des personnes en en ciblant et en en recrutant d’autres, dans le but de les manipuler et de les contrôler. En outre, Kienast et autres (2014) sont d’avis que, comparativement aux recruteurs de genre masculin, les recruteuses peuvent sembler plus dignes de confiance pour les victimes potentielles de la traite des personnes, en raison des perceptions que l’on a des femmes dans la société.
Dans l’ensemble, 9 victimes de la traite des personnes sur 10 en connaissent l’auteur, le plus souvent un partenaire intime
Dans l’ensemble, 9 victimes sur 10 (91 %) d’affaires de traite de personnes déclarées par la police au cours de la période allant de 2011 à 2021 connaissaient l’auteur présumé impliqué dans l’affaire, tandis que pour une proportion relativement faible (9 %) des victimes, la traite était le fait d’un étranger. Au total, le tiers (33 %) des victimes de la traite des personnes l’ont été aux mains d’un partenaire intimeNote . Il a été démontré que les trafiquants se présentent souvent comme un partenaire amoureux potentiel afin de recruter ou de leurrer la personne, dans le but ultime de faire la traite de cette personne (Fedina et autres, 2019; Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2021).
Pour près du quart (23 %) des victimes, l’auteur présumé était une connaissance. Venait ensuite une personne avec laquelle la victime entretenait une relation criminelleNote (13 %) ou une relation d’affaires (11 %). Pour une proportion relativement faible des victimes, l’auteur présumé était un ami (6 %) ou un membre de la famille autre que le conjointNote (3 %).
Moins de la moitié des affaires de traite de personnes détectées entraînent le dépôt ou la recommandation d’accusations
De 2011 à 2021, 4 affaires de traite de personnes déclarées par la police sur 10 (42 %) ont été classées par le dépôt ou la recommandation d’accusations, une proportion semblable à celle observée pour les affaires de violence dans l’ensemble (43 %). Parallèlement, plus de la moitié (54 %) des affaires de traite de personnes n’ont pas été classées, ce qui signifie que la police n’a pas identifié d’auteur présumé. Ce phénomène était beaucoup moins fréquent dans les affaires de violence en général (35 %). La proportion restante des affaires de traite de personnes (4 %) ont été classées d’une autre façon — la police a identifié un auteur présumé mais, le plus souvent, la victime a demandé qu’aucune autre mesure ne soit prise, l’affaire a été classée par un autre organismeNote ou la police a utilisé son pouvoir discrétionnaire — ce qui était beaucoup plus fréquent dans les affaires de violence (22 %)Note .
Des accusations ont été portées ou recommandées contre 9 auteurs présumés de traite de personnes sur 10 (91 %) qui ont été identifiés, et ces proportions étaient semblables pour les auteurs présumés de genre féminin et de genre masculin (92 % et 91 %, respectivement). Comparativement aux adultes accusés de ce type de crime (91 %), une proportion légèrement plus faible (88 %) de jeunes auteurs présumés ont fait l’objet d’accusations ou de recommandations d’accusations contre eux.
Le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités de Statistique Canada a déjà effectué un couplage d’enregistrements qui a permis d’analyser les contacts antérieurs avec la police parmi les auteurs présumés de traite de personnes. De 2009 à 2020, on a constaté que les trois quarts (75 %) avaient été identifiés comme les auteurs présumés d’un crime avant d’être accusés de traite de personnes. À la suite de son premier contact avec la police au sujet de la traite des personnes, 1 personne sur 9 (11 %) a de nouveau été accusée de traite de personnes au cours de la période de référence. Pour obtenir plus de renseignements, voir Conroy et Sutton, 2022.
Les accusations sont plus fréquentes pour les affaires de traite de personnes comportant des infractions au Code criminel que pour celles comportant des infractions à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Une proportion beaucoup plus grande d’affaires de traite de personnes déclarées par la police qui comportaient des infractions au Code criminel ont entraîné le dépôt ou la recommandation d’accusations, comparativement à celles qui comportaient des infractions à la LIPR (55 % par rapport à 19 %)Note . Parallèlement, 4 affaires sur 10 (41 %) comportant des infractions au Code criminel n’ont pas été classées par la police, et pour les trois quarts (76 %) des affaires comportant des infractions à la LIPR, aucun auteur présumé n’a été identifié. Une proportion semblable d’affaires ont été classées d’une autre façon (4 % des infractions au Code criminel et 5 % des infractions à la LIPR)Note .
Parmi les auteurs présumés de traite de personnes, une plus grande proportion de personnes accusées d’infractions au Code criminel ont fait l’objet d’accusations ou de recommandations d’accusations à leur endroit comparativement aux personnes accusées d’infractions à la LIPR (93 % par rapport à 81 %)Note .
Compte tenu de la nature transfrontalière des infractions à la LIPR, les victimes de ce type de crime peuvent faire face à des obstacles additionnels en essayant d’obtenir justice. Matte Guilmain et Hanley (2020) décrivent les victimes de la traite des personnes ayant un statut précaire au chapitre de l’immigration. La combinaison de la coercition sociale (perte d’un permis de travail, crainte d’être expulsées) et d’un contrôle administratif et financier (confiscation des documents d’identité ou de la rémunération) à laquelle ces victimes font face fait en sorte que les condamnations sont rares, particulièrement lorsque les mauvais traitements sont de nature psychologique et qu’il manque des preuves de nature physique ou sexuelle. Il se peut que ces victimes se tournent plutôt vers les droits de la personne et les lois du travail.
Début de l'encadré 3
Encadré 3
La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des
personnes
La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes, qui a été lancée en 2019, est exploitée par le Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes. Cette ligne d’urgence confidentielle et multilingue reçoit des appels, des courriels et des messages texte concernant des cas possibles de traite de personnes au Canada, y compris des cas d’exploitation sexuelle et de travail forcé. La ligne d’urgence permet de mettre en contact les victimes et les survivants, ainsi que d’autres personnes qui ont contacté la ligne, comme la famille, les amis, les responsables de l’application de la loi et les fournisseurs de services, avec une gamme de services et de soutien spécialisés qui tiennent compte des traumatismes subis.
Au cours de sa première année d’activité (2019-2020), la ligne d’urgence a permis d’identifier 415 casNote de traite de personnes impliquant 593 victimes (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2021b). Cette année‑là, la grande majorité (90 %) des victimes qui ont communiqué avec la ligne d’urgence étaient des femmes, près de la moitié (44 %) des victimes faisaient toujours l’objet de la traite des personnes, et 7 cas sur 10 (71 %) ont été classés comme des cas d’exploitation sexuelle. Selon Sécurité publique Canada (2022c), la ligne d’urgence a fourni environ 40 signalements aux responsables de l’application de la loi et aux sociétés d’aide à l’enfance au cours de la période allant d’avril à septembre 2020.
Les dernières données disponibles montrent que 556 affaires de traite de personnes impliquant 652 victimes ont été identifiées par la ligne d’urgence en 2021-2022 (Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes, 2022). Les références fournies par la ligne d’urgence aux personnes signalant des cas étaient le plus souvent liées au logementNote (26 %), à du counselling par encouragement (19 %) et à la gestion des cas (17 %). Une proportion relativement plus faible de références avaient trait à des questions juridiques (7 %), du soutien financier (4 %), une prise en charge pour les survivants de la traite des personnes et du mentorat par les pairs (2 %), ainsi que des traitements cliniques en santé mentale (1 %).
La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes offre des services dans plus de 200 langues différentes, dont 27 langues autochtones, et est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par téléphone, au 1-833-900-1010, ou en ligne, à l’adresse Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes.
Fin de l’encadré 3
Section 2 : La traite des personnes devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes
L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) est la source de données administratives pour obtenir des renseignements sur les causes de traite de personnes qui sont portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse au Canada. L’EITJC comprend des renseignements sur les accusations portées, le temps de traitement des causes par les tribunaux, les décisions relatives aux accusations et aux causes, ainsi que les peines prononcées. Cette section présente des données sur les causes de traite de personnes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au cours de la période allant de 2010-2011 à 2020-2021 (pour obtenir des renseignements sur les tribunaux de la jeunesse, voir l’encadré 4).
Il convient de souligner que les données des tribunaux peuvent ne pas concorder avec les données de la police, car ce ne sont pas toutes les affaires de traite de personnes signalées à la police qui se rendent devant les tribunaux, et ce ne sont pas toutes les affaires de traite de personnes identifiées par la police qui sont traitées comme telles par les tribunaux. De plus, les délais associés aux affaires déclarées par la police et ceux associés aux causes portées devant les tribunaux diffèrent souvent, car les causes portées devant les tribunaux ne sont incluses dans la base de données de l’EITJC que lorsque toutes les accusations déposées dans la cause sont réglées ou considérées comme régléesNote .
Le nombre d’accusations et de causes de traite de personnes réglées diminue par rapport à l’année précédente
De 2010-2011 à 2020-2021, 948 causes comportant 2 992 accusations de traite de personnes ont été réglées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au CanadaNote . Au cours de cette période, le nombre d’accusations et de causes de traite de personnes a augmenté en général (graphique 4). En 2010-2011, 30 causes comportant au moins une accusation de traite de personnes ont été réglées, et ces causes comportaient au total 81 accusations de traite de personnes. En 2020-2021, il y a eu 119 causes de traite de personnes réglées et 401 accusations de traite de personnes, ce qui signifie qu’il y a eu quatre fois plus de causes et cinq fois plus d’accusations réglées qu’en 2010-2011.
Tableau de données du graphique 4
Année | Accusations de traite de personnes | Causes comportant au moins une accusation de traite de personnes |
---|---|---|
nombre | ||
2010-2011 | 81 | 30 |
2011-2012 | 36 | 21 |
2012-2013 | 65 | 28 |
2013-2014 | 141 | 45 |
2014-2015 | 210 | 82 |
2015-2016 | 315 | 103 |
2016-2017 | 452 | 129 |
2017-2018 | 466 | 140 |
2018-2019 | 386 | 115 |
2019-2020 | 439 | 136 |
2020-2021 | 401 | 119 |
Note : Les données sont fondées sur la partie de l'enquête concernant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, dans les cas où les accusés avaient 18 ans et plus au moment de l'infraction. Sont incluses uniquement les accusations et les causes visées par le Code criminel, en excluant les infractions à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Les données excluent les renseignements provenant des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que des cours municipales du Québec, en raison de l’indisponibilité des données. Les données de la Cour supérieure de l'Île-du-Prince-Édouard ont été incluses à partir de 2018-2019. Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. |
Comparativement à l’année précédente, on a constaté une baisse du nombre d’accusations et de causes de traite de personnes réglées : le nombre de causes a diminué de 13 % en 2020‑2021 comparativement à 2019‑2020 (119 par rapport à 136), tandis que le nombre d’accusations a connu une baisse de 9 % (401 par rapport à 439). Le nombre de causes et d’accusations réglées — concernant la traite de personnes ou non — est probablement touché par les défis continus posés par la pandémie de COVID-19, lesquels ont nui aux procédures judiciaires et ont créé des arriérés dans les causes au Canada (ministère de la Justice Canada, 2022a).
Les causes de traite de personnes prennent plus de deux fois plus de temps à régler devant les tribunaux que les causes comportant des accusations de commerce du sexe ou d’autres infractions avec violence
De 2010-2011 à 2020-2021, le temps médian nécessaire au règlement d’une cause de traite de personnes par un tribunal de juridiction criminelle pour adultes était de 382 jours. Il a donc fallu plus de deux fois plus de temps pour régler les causes de traite de personnes que les causes de commerce du sexe et les autres causes d’infractions avec violence (147 et 181 jours, respectivement).
De 2010-2011 à 2020-2021, les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes qui comptaient au moins une accusation de traite de personnes comportaient en moyenne 17 accusations (de traite de personnes ou autres) chacune. Par contre, d’autres types de causes portées devant les tribunaux comportaient beaucoup moins d’accusations. Par exemple, au cours de la même période, les causes comportant au moins une accusation d’infraction liée au commerce du sexe comptaient en moyenne cinq accusations chacune, tandis que les causes comportant au moins une autre accusation d’infraction avec violence comptaient en moyenne quatre accusations chacuneNote .
Parmi les 930 causes de traite de personnes à accusations multiples réglées depuis 2010-2011, un peu plus des trois quarts (77 %) comprenaient une accusation d’infraction liée au commerce du sexe. Dans l’ensemble, 3 causes de traite de personnes à accusations multiples sur 10 (30 %) comprenaient une accusation d’enlèvement ou de séquestration, tandis qu’un peu moins de 3 causes sur 10 (28 %) comprenaient une accusation liée à une infraction sexuelleNote . En général, les causes comportant des accusations multiples sont souvent plus complexes et peuvent être plus longues à régler devant les tribunaux que les causes comportant une seule accusation.
Environ 1 affaire de traite de personnes sur 8 aboutit à un verdict de culpabilité par suite d’une accusation de traite de personnes
Pour la grande majorité (81 %) des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes comportant au moins une accusation de traite de personnes de 2010-2011 à 2020-2021, la décision la plus sévèreNote rendue relativement à une accusation de traite de personnes était un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution (graphique 5)Note . Parallèlement, une proportion relativement faible de ces causes a entraîné un verdict de culpabilitéNote (12 %), un acquittement (6 %) ou un autre type de décision (1 %) — comme la déclaration de l’accusé comme étant inapte à subir son procès ou non criminellement responsable — pour l’accusation de traite de personnes. En comparaison, un verdict de culpabilité pour une accusation de commerce du sexe ou une autre infraction avec violence était plus courant dans les causes comportant une accusation de commerce du sexe (31 %) et dans celles comportant une accusation d’infraction avec violence (47 %), respectivement. Toutefois, pour les causes de commerce du sexe, un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution demeurait le type de décision le plus courant (66 %).
Tableau de données du graphique 5
Type de décision | Causes comportant au moins une accusation de traite de personnes | Causes comportant au moins une accusation liée au commerce du sexe | Causes comportant au moins une accusation d’infraction avec violenceTableau de données du graphique 5 Note 1 |
---|---|---|---|
pourcentage | |||
Verdict de culpabilité | 12 | 31 | 47 |
Acquittement | 6 | 2 | 7 |
Arrêt, retrait, rejet ou absolution | 81 | 66 | 45 |
Autre décisionTableau de données du graphique 5 Note 2 | 1 | 1 | 2 |
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle. |
Au cours de la même période (2010-2011 à 2020-2021), lorsque les causes de traite de personnes ont abouti à un verdict de culpabilité pour une accusation de traite de personnes, plus des trois quarts (78 %) ont entraîné une peine d’emprisonnement. De plus, 11 % de ces causes se sont soldées par une peine de probation comme peine la plus sévère, et 11 %, par un autre type de peine, comme une absolution inconditionnelle, une absolution sous conditions ou une ordonnance de travaux communautaires. Comparativement aux causes de traite de personnes ayant abouti à un verdict de culpabilité pour une accusation de traite de personnes, une peine de détention était moins fréquente dans les causes comportant une accusation de commerce du sexe (43 %) ou une accusation d’infraction avec violence (41 %) ayant donné lieu à un verdict de culpabilité. Au lieu de cela, la probation était plus fréquente dans les causes de commerce du sexe (28 %) et d’autres causes liées à des infractions avec violence (43 %) ayant abouti à un verdict de culpabilité que dans les causes de traite de personnes.
Début de l'encadré 4
Encadré 4
La traite des personnes devant les
tribunaux de la jeunesse
De 2010-2011 à 2020-2021, 6 % des causes de traite de personnes réglées concernaient un jeune accusé, c’est‑à‑dire une personne de 12 à 17 ans. Au cours de cette période, 56 causes comportant une accusation de traite de personnes ont été réglées par les tribunaux de la jeunesse, pour un total de 124 accusations.
Toutes les causes de traite de personnes (sauf une) réglées par les tribunaux de la jeunesse comportaient des accusations multiples. Parmi ces 55 causes, 69 % comprenaient une accusation d’infraction liée au commerce du sexe, 36 % comprenaient une accusation d’infraction sexuelle et 33 % comprenaient une accusation d’enlèvement ou de séquestrationNote .
Parmi les causes de traite de personnes dont la peine la plus sévère était liée à un verdict de culpabilité pour l’accusation de traite de personnes, 47 % se sont soldées par une ordonnance de placement sous garde et de surveillance, 24 %, par une ordonnance différée de placement sous garde et de surveillanceNote , 24 %, par une probation, et 6 %, par un autre type de peine.
Fin de l’encadré 4
Résumé
De 2011 à 2021, 3 541 affaires de traite de personnes ont été déclarées par la police au Canada, y compris les infractions au Code criminel et les infractions à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Pendant cette période, la traite des personnes a représenté 0,01 % des crimes déclarés par la police, et le taux annuel moyen était de 0,9 affaire pour 100 000 habitants. Le taux d’affaires de traite de personnes a légèrement diminué, passant de 1,5 affaire pour 100 000 habitants en 2020 à 1,4 en 2021, alors que le nombre d’affaires de traite de personnes est demeuré stable.
De 2011 à 2021, les femmes et les filles représentaient la grande majorité (96 %) des 2 688 victimes détectées de la traite des personnes. En 2021, le nombre de victimes a diminué pour s’établir à 382, ce qui représente une baisse de 7 % par rapport aux années précédentes. Alors que 7 victimes de genre féminin sur 10 (71 %) étaient âgées de 24 ans ou moins, les victimes de genre masculin n’étaient pas concentrées dans les groupes d’âge les plus jeunes; elles étaient plutôt dispersées entre différents groupes d’âge. Dans l’ensemble, 9 victimes d’affaires de traite de personnes déclarées par la police sur 10 (91 %) connaissaient l’auteur présumé, et pour le tiers (33 %) des victimes, il s’agissait d’une partenaire intime.
La grande majorité (81 %) des auteurs présumés de traite de personnes étaient des hommes et des garçons. Parmi les jeunes auteurs présumés, toutefois, les filles étaient plus nombreuses que les garçons (56 % par rapport à 44 %).
De 2011 à 2021, la majorité (54 %) des affaires de traite de personnes déclarées par la police n’ont pas été classées, ce qui signifie que la police n’avait pas identifié d’auteur présumé, comparativement à un peu plus du tiers (35 %) des affaires de violence en général. Des accusations ont été portées ou recommandées contre 9 auteurs présumés de traite de personnes sur 10 (91 %) qui ont été identifiés.
De 2010‑2011 à 2020‑2021, 948 causes comportant 2 992 accusations de traite de personnes ont été réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada. Le temps médian nécessaire au règlement d’une cause de traite de personnes était de 382 jours, ce qui correspond à plus du double du temps médian nécessaire pour le règlement des causes liées au commerce du sexe et des causes liées à des infractions avec violence (147 et 181 jours, respectivement). Comparativement aux causes comportant au moins une accusation liée au commerce du sexe (31 %) et aux causes comportant une accusation d’infraction avec violence (47 %), une proportion relativement faible de causes de traite de personnes ont entraîné un verdict de culpabilité pour l’accusation de traite de personnes (12 %).
Description de l’enquête
Programme de déclaration uniforme de la criminalité
Le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) sert à recueillir des renseignements détaillés sur les affaires criminelles qui ont été portées à l’attention des services de police canadiens. Les renseignements recueillis comprennent les caractéristiques liées aux affaires, aux victimes et aux auteurs présumés. En 2021, les données représentaient les services de police desservant 99 % de la population du Canada. Le dénombrement pour une année donnée comprend toutes les affaires déclarées au cours de cette année, peu importe à quel moment l’affaire est réellement survenue.
Une affaire peut comprendre plusieurs infractions. Par souci de comparabilité, les chiffres agrégés sont présentés en fonction de l’infraction la plus grave dans l’affaire, qui est déterminée d’après une règle de classification normalisée utilisée par tous les services de police. Parmi les affaires de traite de personnes, les affaires comportant des infractions au Code criminel sont fondées sur l’infraction la plus grave contre la victime, tandis que les affaires comportant des infractions à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont fondées sur l’infraction la plus grave dans l’affaire. Lorsque d’autres renseignements sont fournis, comme les caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés, les microdonnées utilisées sont celles du Programme DUC fondé sur l’affaire, dans le cadre duquel les services de police peuvent déclarer jusqu’à quatre infractions par affaire. Par conséquent, l’infraction de traite de personnes n’est pas nécessairement l’infraction la plus grave déclarée par la police pour l’affaire.
Compte tenu de l’existence possible d’un petit nombre de victimes et d’auteurs présumés identifiés comme étant « de diverses identités de genre », les données du Programme DUC accessibles au public ont été recodées de sorte à attribuer à ces victimes et à ces auteurs présumés la valeur « genre masculin » ou « genre féminin » afin d’assurer la protection de la confidentialité et de la vie privée. La valeur « genre masculin » ou « genre féminin » a été attribuée aux victimes et aux auteurs présumés de diverses identités de genre en fonction de la répartition régionale des victimes et des auteurs présumés selon le genre.
Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle
L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle sert à recueillir des renseignements statistiques sur les causes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse qui comportent des infractions au Code criminel et aux autres lois fédérales.
Tous les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes déclarent des données à la composante de l’enquête sur les adultes depuis l’exercice 2005-2006, à l’exception des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que des cours municipales du Québec. Les données de ces tribunaux n’ont pas pu être extraites des systèmes de déclaration électronique de ces provinces et, par conséquent, ne figurent pas dans l’enquête. Les données de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard ont été incluses à partir de 2018-2019.
L’unité d’analyse de base est la cause. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Elle regroupe toutes les accusations portées contre la même personne et dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l’infraction, date de l’introduction, date de la première comparution, date de la décision ou date de la détermination de la peine) en une seule cause.
Tableaux de données détaillés
Références
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