Section 2 : Survol des affaires de violence familiale déclarées par la police au Canada

par Marta Burczycka

La violence qui survient au sein d’une famille entraîne de nombreuses conséquences négatives, tant immédiates qu’à long terme. Les victimes de tout âge sont exposées à un risque accru de maladies mentales et physiques chroniques, de consommation d’alcool et de drogues, de précarité économique et d’isolement social, ainsi qu’à un risque d’être à nouveau agressées; il s’agit de répercussions qui représentent des coûts considérables sur le plan social et économique pour les Canadiens et dans d’autres régions du monde (Agence de la santé publique du Canada, 2016). De plus, des études reconnues sur ce qu’on appelle le « cycle de la violence » laissent entendre que de nombreux adultes auteurs présumés de violence envers des membres de leur famille ont eux‑mêmes été victimes de violence familiale étant enfants (Widom, 1989; Murrell, Christoff et Henning, 2007). Dans le cadre de l’Initiative de lutte contre la violence familiale, le gouvernement du Canada s’efforce de prévenir et de surveiller les affaires de violence familiale au Canada, et d’intervenir dans ces affaires (gouvernement du Canada, 2016).

Dans la présente section, le terme « famille » désigne les liens définis par le sang, le mariage, l’union libre, le placement en famille d’accueil ou l’adoption, alors que le terme « violence familiale » désigne les infractions avec violence prévues au Code criminel qui sont portées à l’attention de la police et dont l’auteur est un membre de la famille de la victime. Bien que cette définition de la violence familiale ne comprenne pas les fréquentations, la section 3 intitulée « Affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police » dans le présent rapport inclut une analyse de la violence entre partenaires amoureux — en plus de la violence entre conjoints actuels ou anciens.

À partir des données policières recueillies dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire de 2016 et des données de l’Enquête sur les homicides de 2016, la présente section propose un survol des principales constatations à l’échelle provinciale et nationale sur la nature et la prévalence de la violence familiale déclarée par la police au Canada, y compris les infractions liées à la violence familiale, le lien de l’auteur présumé avec la victime et certains facteurs sociodémographiques liés à la violence familiale. Les faits saillants présentés dans cette section donnent un aperçu général de la violence familiale déclarée par la police, ainsi que des constatations clés liées à des caractéristiques précises des victimes, lesquelles sont abordées en détail dans des sections ultérieures du rapport.

Pour la première fois en 2016, la présente section comprend aussi une analyse des auteurs présumés de violence familiale. Les renseignements sur le sexe et l’âge des auteurs présumés de crimes violents dans la famille déclarés par la police jettent un éclairage sur la dynamique qui sous‑tend les contextes de violence familiale.

La présente section porte sur tous les types d’infractions avec violence prévues au Code criminel qui ont été portées à l’attention de la police, lesquelles vont des menaces aux homicides, en passant par la violence physique et sexuelle. Les crimes sans violence, comme le vol et la fraude, toutes les formes de violence qui n’ont pas été corroborées par la police ainsi que la conduite qui n’est pas visée par le Code criminel ne sont pas compris dans cette section. De plus, l’analyse fondée sur les données de l’Enquête sur les homicides exclut les homicides non coupables et les homicides qui n’ont pas été résolus par la police.

Bien que les données figurant dans cette section contiennent des renseignements contextuels importants sur les affaires de violence familiale qui ont été portées à l’attention de la police, il se peut qu’on y présente un portrait sous‑estimé de la véritable ampleur de la violence familiale au Canada. Par exemple, les données autodéclarées recueillies dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 sur la sécurité des Canadiens (victimisation) révèlent que 70 % des victimes de violence conjugale et 93 % des victimes de violence physique et/ou sexuelle subie durant l’enfance n’ont jamais parlé de leurs expériences aux autorités (Burczycka et Ibrahim, 2016; Burczycka et Conroy, 2017). Des recherches ont démontré que les préoccupations liées à la protection de la vie privée, la crainte de représailles et le désir de protéger le contrevenant sont des raisons courantes pour lesquelles les victimes de violence familiale ne signalent pas les incidents à la police (Felson et autres, 2002).

Sauf indication contraire, tous les taux indiqués dans cette section sont calculés pour 100 000 personnes. La section « Description de l’enquête » qui se trouve dans la présente publication contient des renseignements sur les sources de données et les méthodes d’enquête ainsi que des définitions.

Les victimes de violence familiale sont le plus souvent des femmes de 30 à 34 ans

Début de l’encadré

Encadré 1
Renseignements autodéclarés à propos de la violence familiale au Canada

Comme de nombreux incidents de violence familiale ne sont pas signalés à la police, les renseignements autodéclarés — des renseignements au sujet du crime qui sont recueillis auprès de la victime — sont essentiels pour comprendre la violence familiale au Canada. Les renseignements autodéclarés recueillis dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 sur la sécurité des Canadiens (victimisation) permettent de contextualiser les données déclarées par la police présentées dans cette section. Bien qu’il existe d’importantes différences méthodologiques entre les données autodéclarées et les données déclarées par la police (voir la section « Description de l’enquête »), l’ESG de 2014 nous fait mieux connaître les expériences des Canadiens en ce qui a trait à la violence familiale, à d’autres formes de violence et aux perceptions à l’égard de la criminalité et de la sécurité.

Par exemple, les données autodéclarées montrent que 4 % des Canadiens de 15 ans et plus ont subi de la violence aux mains d’un conjoint ou conjoint de fait actuel ou ancien au cours des cinq années précédant l’ESG de 2014, ce qui représente environ 760 000 personnes (Burczycka et Ibrahim, 2016). La prévalence de la violence conjugale était légèrement plus élevée chez les hommes (4,2 %) que chez les femmes (3,5 %), d’après les données autodéclarées.

Cette différence clé entre les données policières et les données autodéclarées pourrait s’expliquer par le fait que, d’après l’ESG de 2014, les hommes victimes de violence conjugale étaient moins susceptibles que les femmes victimes de déclarer que la violence qu’ils avaient subie était venue à la connaissance de la police (24 % par rapport à 35 %). Les différences quant au signalement des incidents à la police pourraient, à leur tour, s’expliquer par les différences relatives à la gravité de la violence conjugale subie par les femmes comparativement aux hommes. Selon les données autodéclarées, les femmes sont plus susceptibles d’être victimes des formes les plus graves de violence conjugale (dont l’agression sexuelle ou le fait de se faire battre ou étrangler), de subir des blessures et de souffrir de conséquences psychologiques à long terme comme celles associées au trouble de stress post‑traumatique.

En plus des renseignements autodéclarés sur la violence conjugale, l’ESG de 2014 fournit des données sur la violence entre partenaires amoureux, la violence physique et sexuelle subie durant l’enfance, et la violence envers les aînés. On recueille aussi des données sur de nombreuses caractéristiques démographiques et socioéconomiques des victimes, ce qui crée un important complément aux statistiques déclarées par la police.

Fin de l’encadré

Une victime de sexe masculin de violence familiale sur cinq subit des voies de fait majeures

Les victimes de violence familiale, surtout celles de sexe féminin, sont plus susceptibles que les autres de voir des accusations être portées

Le taux de violence familiale est stable par rapport à l’année précédente, mais il diminue depuis 2011

L’augmentation de la violence familiale au Nunavut et au Québec reflète la hausse des taux de violence familiale à l’endroit des personnes de sexe masculin

Parmi les grandes villes du Canada, celles du Québec affichent les taux de violence familiale les plus élevés

Les infractions les plus graves commises par un membre de la famille sont en baisse, tandis que les taux d’homicides dans la famille demeurent stables

Moins du quart des auteurs présumés de violence familiale sont de sexe féminin, comme c’est le cas pour les autres types de crimes

Tableaux de données détaillés

Tableau 2.1 Victimes d’un crime violent déclaré par la police, selon le sexe de la victime et le lien de l’auteur présumé avec celle‑ci, Canada, 2016

Tableau 2.2 Victimes de violence familiale déclarée par la police, selon le sexe et le groupe d’âge de la victime, Canada, 2016

Tableau 2.3 Victimes de violence familiale déclarée par la police, selon le sexe de la victime et le type d’infraction, Canada, 2016

Tableau 2.4 Victimes d’un crime violent déclaré par la police, selon le sexe de la victime, le lien de l’auteur présumé avec celle‑ci et l’état de classement des affaires, Canada, 2016

Tableau 2.5 Victimes d’un crime violent déclaré par la police, selon le sexe de la victime et le lien de l’auteur présumé avec celle‑ci, Canada, 2009 à 2016

Tableau 2.6 Victimes de violence familiale déclarée par la police, selon la province ou le territoire, 2016

Tableau 2.7 Victimes de violence familiale déclarée par la police, selon les voies de fait et les agressions sexuelles et selon la province ou le territoire, 2016

Tableau 2.8 Victimes de violence familiale déclarée par la police, selon le sexe de la victime et la région métropolitaine de recensement, 2016

Tableau 2.9 Victimes de violence familiale déclarée par la police, certaines infractions avec violence, selon le lien de l’auteur présumé avec la victime et le type d’infraction, Canada, 2009 à 2016

Tableau 2.10 Victimes d’un homicide dans la famille, selon le sexe de la victime, Canada, 1986 à 2016

Tableau 2.11 Auteurs présumés d’un crime violent déclaré par la police, selon le sexe de l’auteur présumé et le lien de celui‑ci avec la victime, Canada, 2016

Tableau 2.12 Auteurs présumés de violence familiale déclarée par la police, selon le groupe d’âge de l’auteur présumé et le type d’infraction, Canada, 2016

Tableau 2.13 Auteurs présumés de violence familiale déclarée par la police, selon le sexe de l’auteur présumé et la région métropolitaine de recensement, 2016

Références

AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA. 2016. Rapport de l’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada 2016 : Regard sur la violence familiale au Canada, ISSN no 1924‑7087.

ALLEN, Mary. 2016. « Les jeunes adultes contrevenants au Canada, 2014 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

ALLEN, Mary, et Samuel PERREAULT. 2015. « Les crimes déclarés par la police dans le Nord provincial et les territoires du Canada, 2013 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

BURCZYCKA, Marta, et Shana CONROY. 2017. « La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2015 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

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DAVID, Jean‑Denis, 2017. « L’homicide au Canada, 2016 », Juristat, produit no 85‑002‑X au catalogue de Statistique Canada.

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FALLER, Kathleen Coulborn. 2016. « Disclosure failures: Statistics, characteristics, and strategies to address them », Forensic Interviews Regarding Child Sexual Abuse: A Guide to Evidence‑Based Practice.

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WIDOM, Cathy Spatz. 1989. « The cycle of violence », Science, p. 160 à 166.

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