Services de sécurité privés et services de police publics

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par Geoffrey Li

Rôles et responsabilités
Formation, réglementation et responsabilité
On observe une forte hausse du nombre d'agents de sécurité privés entre 2001 et 2006
La proportion des membres de minorités visibles et des femmes dans les services policiers et les services de sécurité privés s'accroît
La répartition des agents de sécurité privés est beaucoup plus égale entre tous les groupes d'âge
Les policiers atteignent des niveaux de scolarité plus élevés
Les policiers gagnent plus que les agents de sécurité privés
Résumé
Méthodes
Chiffres de l'Enquête sur l'administration policière
Tableaux de données détaillés
Références
Notes

Il est de plus en plus difficile de définir clairement les rôles et les responsabilités des services de sécurité privés et des services de police publics. Même s'il y a des tâches distinctes qui sont propres aux uns ou aux autres, le « maintien de l'ordre » et la protection de la société sont assurés par un réseau de services de police publics et de services de sécurité privés qui souvent se chevauchent, se complètent et s'appuient mutuellement1 (Commission du droit du Canada, 2006).

Dans cet article, on compare les rôles, les responsabilités et la surveillance des services de sécurité privés et des services de police publics, on examine la réglementation qui les régit et on présente des profils d'emploi à partir des données du recensement. Aux fins du présent rapport, les « agents de sécurité privés » englobent deux professions principales, soit les enquêteurs privés et les gardiens de sécurité.

Rôles et responsabilités

Au Canada, les services de police publics agissent au nom du gouvernement et de la société pour appliquer les lois, maintenir la paix, résoudre les crimes, répondre aux urgences, aider les victimes d'actes criminels et fournir de l'aide dans la poursuite des contrevenants. Les policiers sont aussi engagés dans des programmes de d'approche et de soutien dans la collectivité, comme la sensibilisation aux drogues et la prévention de crime. Les services de police reçoivent les pouvoirs de fouiller, d'arrêter et de détenir des individus en vertu du Code criminel du Canada et des lois de police provinciales et territoriales.

Depuis toujours, les services de police protègent les biens et les espaces publics. En ce qui concerne la « propriété privée de masse » — endroits détenus ou gérés par des intérêts privés, mais qui sont largement utilisés par le public (comme des centres commerciaux, des aéroports privés et des arénas) —, les propriétaires recourent souvent à des services de sécurité privés pour maintenir l'ordre et contrôler l'accès. Même si les agents de sécurité privés accomplissent beaucoup de fonctions qui s'apparentent à celles des policiers, ils travaillent pour leur employeur et pas nécessairement pour le bien commun.

Les enquêteurs privés font généralement des enquêtes (c.-à-d. pour trouver des personnes disparues, obtenir des renseignements pour des causes civiles et criminelles), donnent des consultations sur la gestion du risque, mettent en place des mesures de sécurité contre le vol et le feu, et enquêtent sur la fraude en entreprise. Les enquêteurs privés sont plutôt embauchés directement par des services de sécurité, des commerces au détail et des services administratifs publics (Statistique Canada, Recensement de la population, 2006).

Les gardiens de sécurité ont principalement pour tâches de maintenir l'ordre et d'appliquer les règlements lors d'activités publiques et à l'intérieur d'établissements, de protéger les biens contre le vol et le vandalisme, de fournir des véhicules blindés pour le transport d'objets de valeur et de contrôler l'accès à des lieux. Les gardiens de sécurité sont aussi habituellement embauchés directement par des services de sécurité. Les autres principaux employeurs comprennent : l'administration publique, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs, le transport et l'entreposage, les soins de santé et l'assistance sociale, et les services d'hébergement et de restauration (Statistique Canada, Recensement de la population, 2006).

Travaillant pour le compte de propriétaires, les agents de sécurité privés ont les mêmes pouvoirs d'application de la loi que les citoyens ordinaires et ils peuvent légalement arrêter et détenir des individus2. En 2006, la Commission du droit du Canada a noté que les lois relatives à l'intrusion, en particulier, étaient fréquemment utilisées par les services de sécurité privés, car la plupart des législations provinciales à cet égard autorisent les propriétaires et leurs agents (c.-à-d. les services de sécurité privés) ou les policiers à arrêter les intrus. Les dispositions sur les intrusions sont « … l'outil de travail fondamental des agents de sécurité privés qui effectuent des rondes de surveillance dans les centres commerciaux, les aéroports, les stades et autres lieux de rassemblement privés » (Commission du droit du Canada, 2006).

Formation, réglementation et responsabilité

Les aspirants policiers aptes à l'emploi doivent répondre à des exigences de présélection et de formation. Même si l'on vérifie les antécédents des agents de sécurité privés (c.-à-d. dossier criminel) et qu'on leur dispense une formation, cette formation n'est pas aussi longue ou complète que celle des policiers.

Au sein des secteurs de compétence, la formation des policiers est normalisée et centralisée dans les écoles et les académies de police. La formation des agents de sécurité privés peut varier d'une société à une autre, même si la plupart des provinces imposent des normes minimales de formation ou sont en train de le faire.

Les policiers rendent compte de leurs actes aux termes de divers mécanismes. Le public peut déposer une plainte au sujet d'une activité policière devant des conseils et des commissions de police à l'échelon local, municipal ou provincial, et devant des conseils et commissions publics ou civils. Outre les enquêtes internes propres aux services de police, les policiers peuvent aussi faire l'objet de poursuites criminelles et civiles.

Bien que les provinces et les territoires avaient des lois régissant les agences de sécurité privée et leur personnel, de même qu'un processus d'enquête relatif aux plaintes déposées contre des agents de sécurité privés, ces derniers sont d'abord redevables envers leurs employeurs et leurs clients. Comme l'indique la Commission du droit du Canada, le rôle du gouvernement dans la réglementation des services de sécurité privés « n'est pas aussi prépondérant qu'il l'a été par rapport aux services de police publics » (2006). Toutefois, beaucoup de provinces ont commencé à réglementer de plus près les services de sécurité privés pour ce qui a trait à la formation, à l'accréditation et à la surveillance.

On observe une forte hausse du nombre d'agents de sécurité privés entre 2001 et 2006

Pendant de nombreuses années, l'effectif des services de sécurité privés a dépassé celui des services de police publics (graphique 1). Cela a été le cas en 2006 pour l'ensemble des provinces, à l'exception de la Saskatchewan3. On comptait approximativement 102 000 agents de sécurité privés au Canada, comparativement à 68 000 policiers, ce qui représente environ 3 agents de sécurité privés pour 2 policiers (tableau 1). Les gardiens de sécurité constituaient 90 % des agents de sécurité privés.

Même si les taux de policiers et d'agents de sécurité privés pour 100 000 habitants se sont accrus entre 2001 et 2006, le taux d'agents de sécurité privés a progressé beaucoup plus rapidement (15 % par rapport à 3 % pour les policiers). Cet accroissement du nombre d'agents de sécurité privés s'explique par la hausse du nombre de gardiens de sécurité.

Graphique 1
Forte hausse du nombre d'agents de sécurité privés entre 2001 et 2006

Graphique 1 Forte hausse du nombre d'agents de sécurité privés entre 2001 et 2006

Source : Statistique Canada, Recensement de la population.

Le Manitoba et la Saskatchewan, qui ont enregistré les taux de criminalité les plus élevés au pays, ont embauché le plus grand nombre de policiers par habitant en 2006. L'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, où les taux de criminalité étaient bien inférieurs à la moyenne nationale, comptaient le moins grand nombre de policiers par habitant (tableau 2).

Parmi les provinces, le Québec a déclaré le plus grand nombre de gardiens de sécurité par habitant, alors que l'Alberta et l'Ontario ont affiché le plus grand nombre d'enquêteurs privés par habitant.

La proportion des membres de minorités visibles et des femmes dans les services policiers et les services de sécurité privés s'accroît

En 2006, la Commission du droit du Canada a affirmé que « …malgré les efforts concertés visant à accroître la diversité au sein des services de police au Canada, la représentation des femmes, des membres des minorités visibles et des autres groupes ethniques ainsi que des Autochtones demeure nettement inférieure dans les rangs des forces policières à leur représentation dans les collectivités où celles-ci assurent le maintien de l'ordre » (selon les données du Recensement de 1996). Les données du Recensement de 2006 révèlent que cela est toujours le cas pour les membres de minorités visibles et les femmes dans l'ensemble du Canada.

La représentation des membres de minorités visibles chez les policiers et les agents de sécurité privés a doublé entre 1996 et 2006. Même si la proportion des membres de minorités visibles chez les gardiens de sécurité dépassait celle de l'ensemble de la population canadienne, cela n'était pas le cas pour les policiers ni pour les enquêteurs privés (tableau explicatif 1).

Le nombre de femmes dans les services de police et dans les services de sécurité privés continue d'augmenter. En 2006, les femmes représentaient environ 1 policier sur 5 et 1 agent de sécurité privé sur 4 (tableau explicatif 2), alors qu'en 1996, les proportions correspondantes s'établissaient à 1 policier sur 8 et à 1 agent de sécurité privé sur 5.

Selon les résultats du Recensement de 2006, bien que les peuples autochtones aient représenté 3 % de la population canadienne de 15 ans et plus, ils constituaient 4 % des policiers et 5 % des agents de sécurité privés (tableau explicatif 3).

La répartition des agents de sécurité privés est beaucoup plus égale entre tous les groupes d'âge

Les agents de sécurité privés provenaient de tous les groupes d'âge, alors que la majorité des policiers étaient âgés entre 25 et 54 ans.

Graphique 2
Les agents de sécurité privés se retrouvent dans tous les groupes d'âge

Graphique 2 Les agents de sécurité privés se retrouvent dans tous les groupes d'âge

Source : Statistique Canada, Recensement de la population.

On a dénombré relativement peu de policiers de 55 ans et plus (graphique 2). Chez les agents de sécurité privés, ceux de 55 ans et plus représentent la proportion la plus élevée (26 %). Comme l'a noté Rigakos (2002), les retraités envisagent un travail de gardien de sécurité comme une deuxième carrière possible.

Les policiers atteignent des niveaux de scolarité plus élevés

On exige habituellement d'un policier un diplôme d'études secondaires, bien qu'on préfère un diplôme d'études collégiales ou universitaires4. Ainsi, les policiers ont généralement un niveau de scolarité plus élevé que les agents de sécurité privés. En 2006, 75 % des policiers possédaient au moins un certificat d'études collégiales, comparativement à 55 % des enquêteurs privés et à 37 % des gardiens de sécurité.

Les policiers gagnent plus que les agents de sécurité privés

En 2005, le revenu annuel moyen5 des policiers travaillant à temps plein était plus élevé que celui de leurs homologues dans les services de sécurité privés. Lorsque l'on compare ceux qui ont travaillé à temps plein toute l'année, les policiers ont gagné environ une fois et demie le revenu moyen des enquêteurs privés, et plus du double de celui des gardiens de sécurité. Ces chiffres ne tiennent toutefois pas compte de facteurs comme la formation, la spécialisation, l'ancienneté et le niveau d'expérience.

Les augmentations de revenu qui ont eu lieu entre 2000 et 2005 tant chez les policiers que chez les enquêteurs privés ont été plus élevées que chez les gardiens de sécurité et pour l'ensemble des professions (tableau explicatif 4).

Non seulement les agents de sécurité privés gagnaient moins que les policiers, mais ils étaient environ cinq fois plus susceptibles de connaître une période de chômage. Au cours de la semaine ayant précédé la tenue du recensement, 1 % des policiers étaient en chômage, comparativement à 5 % des enquêteurs privés et à 6 % des gardiens de sécurité.

Résumé

Comme c'est le cas depuis plusieurs années, les agents de sécurité privés continuent d'être plus nombreux que les policiers. Les résultats du Recensement de 2006 indiquent qu'il y avait environ 3 agents de sécurité privés pour 2 policiers.

Le Manitoba et la Saskatchewan, où les taux de criminalité étaient les plus élevés au pays, ont embauché le plus grand nombre de policiers par habitant en 2006, tandis que l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, où les taux de criminalité étaient bien inférieurs à la moyenne nationale en ont embauché le moins.

Même si la représentation des peuples autochtones, des femmes et des minorités visibles chez les policiers et les agents de sécurité privés s'est accrue entre 1996 et 2006, les femmes et les membres de minorités visibles sont généralement sous-représentés.

Méthodes

Les données de cet article de Juristat sont tirées principalement du Recensement de la population. Même si des enquêtes comme l'Enquête sur la population active et l'Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail permettent de recueillir des données sur le revenu et l'emploi, le niveau de détail n'était pas suffisant aux fins du présent rapport.

Le recensement, qui est réalisé tous les cinq ans, sert à recueillir des données sur chaque personne au Canada. Les données utilisées pour ce rapport proviennent d'un échantillon constitué de 1 ménage sur 5 qui a répondu à des questions sur l'éducation, l'appartenance ethnique, la mobilité de la main-d'œuvre, le revenu et l'emploi. Les chiffres tirés de cet échantillon de 20 % ont été pondérés à l'échelon national.

Sauf exception, les données font référence à la population active occupée, c'est-à-dire les personnes qui avaient fait un travail contre rémunération ou à leur compte, ou sans rémunération dans une ferme ou une entreprise familiale ou dans l'exercice d'une profession, ainsi que les personnes qui auraient normalement travaillé mais qui étaient absentes de leur travail ou de l'entreprise6.

Aux fins de cet article, les policiers et les agents de sécurité privés ont été classés selon la Classification nationale des professions pour statistiques de 2006 de Statistique Canada (CNP-S). Dans le recensement, les policiers sont saisis sous les codes A351 – officières / officières de direction des services de police et G611 Policiers / policières (sauf cadres supérieurs) de la CNP-S. Collectivement les « agents de sécurité privés » travaillent comme enquêteurs privés et gardiens de sécurité. Les enquêteurs privés (code Autre personnel de services de protection) englobent les personnes qui mènent des enquêtes privées pour des clients ou des employeurs et qui mettent en place des stratégies de sécurité contre le vol et le feu, alors que la catégorie plus générale des gardiens de sécurité et des professions associées (G631) comprend les gardiens de sécurité et les autres travailleurs associés.

Chiffres de l'Enquête sur l'administration policière

Des données sur les policiers sont également recueillies au moyen de l'Enquête sur l'administration policière réalisée par Statistique Canada. Cette enquête est menée annuellement et permet de recueillir des statistiques sur les effectifs et les dépenses auprès des services de police municipaux, provinciaux et fédéraux. Les comptes des policiers tirés du recensement sont toujours plus élevés que ceux issus de l'Enquête sur l'administration policière en raison de différences méthodologiques entre les deux sources de données.

Ainsi, l'Enquête sur l'administration policière inclut le nombre d'agents à temps plein et convertit les travailleurs à temps partiel en équivalents temps plein (p. ex. 4 policiers qui travaillent 10 heures par semaine équivalent à 1 policier qui travaille à temps plein), et exclut les policiers temporaires. Pour les chiffres du recensement, toutefois, les policiers à temps partiel ne sont pas convertis en équivalents temps plein et peuvent comprendre les policiers temporaires. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence lorsque l'on établit des comparaisons entre les données du recensement et celles de l'Enquête sur l'administration policière.

En 2006, les comptes de policiers tirés du recensement étaient 10 % plus élevés que ceux déclarés dans le cadre de l'Enquête sur l'administration policière pour la même année. Cependant, les tendances dans les deux enquêtes sont très similaires. Entre 2001 et 2006 par exemple, le recensement et l'Enquête sur l'administration policière ont révélé une hausse de 9 % du nombre de policiers (tableau explicatif 5). De même, à l'échelon provincial, les taux par habitant correspondent généralement à ces tendances.

Tableaux de données détaillés

Tableau 1 Policiers, enquêteurs privés et gardiens de sécurité, Canada, 1991, 1996, 2001 et 2006

Tableau 2 Policiers, enquêteurs privés et gardiens de sécurité, selon la province et le territoire, 2006

Tableau explicatif 1 Proportion des membres d'un groupe de minorités visibles, Canada

Tableau explicatif 2 Proportion de femmes, Canada

Tableau explicatif 3 Proportion d'Autochtones, Canada

Tableau explicatif 4 Revenu d'emploi annuel moyen en dollars constants de 2005, Canada

Tableau explicatif 5 Policiers, Canada, certaines années

Références

Commission du droit du Canada. 2006. En quête de sécurité : L'avenir du maintien de l'ordre au Canada, Ottawa.

Rigakos, George. 2002. The New Parapolice: Risk Markets and Commodified Social Control, Toronto, University of Toronto Press.

Statistique Canada. 2006. Tableaux de données non publiés, Recensement de la population.

Notes

  1. Pour obtenir des exemples de types de coopération entre les services de police publics et les services de sécurité privés, voir Rigakos, 2002.
  2. Article 494 du Code criminel du Canada.
  3. Le nombre total de policiers en Saskatchewan comprend ceux qui travaillent à la Division Dépôt de la Gendarmerie royale du Canada, un établissement où les recrues de tous les coins du pays reçoivent de la formation. Si l'on excluait des totaux de la Saskatchewan les policiers affectés à la formation, le nombre d'agents de sécurité privés serait légèrement plus élevé que le nombre de policiers qui fournissent des services de police dans cette province.
  4. Pour obtenir des exemples d'exigences minimales, voir www.rcmp-grc.gc.ca/recruiting-recrutement/howtojoin-commentvousenroler/requirements-exigences-fra.htm#req4 et www.torontopolice.on.ca/careers/minreq.php.
  5. Les données sur le revenu d'emploi sont des estimations tirées des recensements de la population de 1996, 2001 et 2006 et représentent les personnes de 15 ans et plus qui ont touché un revenu d'emploi et qui ont travaillé à temps plein toute l'année en 1995, 2000 et 2005, respectivement.
  6. Pour obtenir la définition complète, consulter l'adresse suivante : www12.statcan.ca/francais/census06/reference/dictionary/pop028.cfm