Rapports sur la santé
Différences entre les sexes en ce qui concerne les décès attribuables à la COVID-19 au cours des premiers mois de la pandémie au Canada : regard sur l’immigration

par Edward Ng

Date de diffusion : le 15 novembre 2023

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202301100001-fra

Résumé

Contexte

Au début de la pandémie de COVID-19, les hommes étaient surreprésentés dans les décès attribuables à la COVID-19 dans le monde entier, tandis que le Canada déclarait un plus grand nombre de décès attribuables à la COVID-19 chez les femmes. Le présent article porte sur la surreprésentation des femmes parmi les décès attribuables à la COVID-19 au Canada, de la perspective de l’immigration.

Données et méthodologie

Les données du COVID-19 Sex-Disaggregated Data Tracker ont été extraites pour comparer la répartition selon le sexe des décès attribuables à la COVID-19 au Canada et ailleurs dans le monde. Le couplage des décès à la Base de données longitudinales sur l’immigration (BDIM) permet de comparer les taux de mortalité attribuable à la COVID-19 selon le sexe, le statut d’immigrant, l’âge et la région géographique, ainsi que selon les principaux secteurs d’emploi des immigrants, à l’aide des données fiscales de la BDIM.

Résultats

Bien qu’il y ait eu proportionnellement plus de décès attribuables à la COVID-19 chez les femmes que chez les hommes au cours des premiers mois de la pandémie, cette tendance était principalement le reflet d’un phénomène touchant les non-immigrants âgés de 85 ans et plus. De plus, le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 était plus élevé chez les hommes que chez les femmes dans tous les groupes d’âge selon le statut d’immigrant, à l’exception du groupe constitué des non-immigrants de 85 ans et plus. Chez les immigrants travaillant dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale, le taux de mortalité était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (10,7 par rapport à 2,9 pour 100 000 habitants). La surreprésentation des femmes comparativement aux hommes, observée initialement parmi les décès attribuables à la COVID-19 au Canada, s’est résorbée au cours de l’été 2021.

Interprétation

La proportion plus élevée de femmes décédées de la COVID-19 était probablement liée à la forte concentration de décès attribuables à la COVID-19 dans les centres hospitaliers de soins de longue durée, où un taux de placement en établissement plus faible a été observé chez les immigrants. Depuis le déploiement de la vaccination ciblée des résidents des centres hospitaliers de soins de longue durée au Canada, les femmes ont cessé d’être surreprésentées parmi les décès attribuables à la COVID-19.

Mots-clés

Comparaison internationale, COVID-19, différence entre les sexes, immigration, résidents des centres hospitaliers de soins de longue durée

Auteurs

Edward Ng travaille au sein de la Division de l’analyse de la santé de la Direction des études analytiques et de la modélisation à Statistique Canada.

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • La proportion plus élevée de décès chez les hommes, observée pendant la pandémie de COVID-19, est un phénomène mondial. Cependant, c’est l’inverse qui est vrai au Canada, où une proportion plus élevée de femmes sont décédées de la COVID-19 au début de la pandémie. Toutefois, selon le statut d’immigrant, une surreprésentation des femmes décédées de la COVID-19 a été observée chez les non-immigrants, mais pas chez les immigrants.
  • Au Canada, plus de 80 % des décès attribuables à la COVID-19 survenus au début de la pandémie se sont produits dans des centres hospitaliers de soins de longue durée, comparativement à une moyenne de 38 % dans d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Ce qu’apporte l’étude

  • La surreprésentation des femmes parmi les décès attribuables à la COVID-19 n’a été observée que chez les personnes de 85 ans et plus, en particulier chez les non-immigrants. Les taux de mortalité selon l’âge étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes dans tous les groupes d’âge, à l’exception du groupe constitué des non-immigrants de 85 ans et plus.
  • Chez les non-immigrants, la surreprésentation des femmes parmi les décès attribuables à la COVID-19 s’est maintenue jusqu’au début de 2021 et pourrait être associée à un taux de placement en établissement plus élevé comparativement à celui de leurs homologues immigrantes. La surreprésentation des femmes s’est résorbée vers le milieu de 2021, lorsque les résidents des centres hospitaliers de soins de longue durée ont été vaccinés en priorité contre la COVID-19, une mesure qui a entraîné une forte réduction des décès.
  • Chez les travailleurs issus de l’immigration, le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 était plus élevé chez les hommes que chez les femmes dans le domaine des soins de santé et de l’assistance sociale, un secteur où la concentration d’immigrantes était très élevée.

Introduction

La pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité de certains groupes de population, comme les personnes âgées, celles qui ont des problèmes de santé concomitants préexistants (p. ex. obésité et diabète) ou qui sont immunosupprimées, lesquels courent un risque élevé d’infection et de décès par la COVID-19Note 1. Toutefois, le sexe est également ressorti comme un facteur de risque important, alors que des études épidémiologiques révélaient, à l’échelle mondiale, des taux de morbidité et de mortalité plus élevés chez les hommes que chez les femmesNote 2. Une méta-analyse de 3 111 714 cas signalés partout dans le monde montre que, comparativement aux patientes de sexe féminin, les patients de sexe masculin étaient près de trois fois plus susceptibles de nécessiter des soins intensifs et couraient un plus grand risque de décèsNote 3. La surreprésentation observée des hommes dans les répercussions de la COVID-19 sur la mortalité semble être associée à des facteurs biologiques et contextuels, notamment les normes sociales et les comportements propres à chaque genre ainsi que les facteurs immunologiques spécifiques au sexeNote 4, Note 5, Note 6. Par ailleurs, la prévalence des facteurs de risque associés à la mortalité attribuable à la COVID-19, comme le diabète, le cancer et le tabagisme, était plus élevée chez les hommes que chez les femmes au CanadaNote 7. La proportion plus élevée d’hommes décédés de la COVID-19, observée pendant la pandémie, est un phénomène mondial.

Le Canada fait peut-être exception quant à la surreprésentation des hommes parmi les décès attribuables à la COVID-19 à l’échelle mondiale. Selon un rapport de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC)Note 8, malgré l’émergence d’un consensus international selon lequel une plus grande proportion d’hommes développaient une forme grave de la COVID-19 et en décédaient, au Canada les femmes représentaient une plus grande proportion des décès confirmés pendant les premiers mois de la pandémie. Cette tendance unique en ce qui concerne les différences entre les sexes doit être examinée et expliquée. Selon le rapport de l’ASPC, en date du 10 juin 2020, les données désagrégées selon le sexe relativement aux décès attribuables à la COVID-19 dans les 30 pays qui en comptaient le plus ont montré que, même si le rapport hommes-femmes des décès confirmés attribuables à la COVID-19 variait selon les pays, une surreprésentation des hommes était observée dans bon nombre d’entre eux. Seuls le Canada et la Finlande obtenaient un rapport hommes-femmes nettement inférieur à 1, ce qui indiquait un nombre de décès attribuables à la COVID-19 plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Plus précisément, le Canada et la Finlande affichaient les rapports les plus faibles (inférieurs à 0,90) comparativement aux Pays-Bas, où le rapport hommes-femmes des décès était le plus élevé (supérieur à 2). Des analyses des données provisoires sur la mortalité au Canada de mars à août 2020 ont confirmé qu’il y avait effectivement plus de femmes que d’hommes qui décédaient de la COVID-19 dans l’ensemble du Canada. Toutefois, des couplages supplémentaires entre les données sur la mortalité et la Base de données longitudinales sur l’immigration (BDIM) montrent que, chez les immigrants, plus d’hommes que de femmes sont décédés de la COVID-19Note 9. Plus précisément, parmi les immigrants au Canada, les décès attribuables à la COVID-19 étaient plus fréquents chez les hommes (55 %). À l’inverse, parmi les non-immigrants, les femmes représentaient plus de la moitié des décès attribuables à la COVID-19 (54 %).

Il existe plusieurs explications plausibles à la surreprésentation des femmes parmi les décès attribuables à la COVID-19 au Canada, notamment : la répartition selon l’âge en fonction du sexe, la répartition en fonction de la résidence dans un centre hospitalier de soins de longue durée et la répartition en fonction de l’emploi des femmes dans les soins de santé de première ligneNote 8. Bien que l’information concernant la répartition des résidents des centres hospitaliers de soins de longue durée constitue une grande lacune du système statistique national du Canada en matière de données, des efforts sont déployés pour la combler. Les données disponibles dans la présente étude permettent d’évaluer deux des trois explications ci-dessus, soit : 1) en démontrant l’importance de tenir compte de la répartition selon l’âge et le sexe en ce qui concerne la mortalité et la population et 2) en vérifiant l’hypothèse de l’emploi des femmes immigrantes dans les soins de santé de première ligne. Cette dernière hypothèse stipule que la forte concentration de femmes (surtout issues de l’immigration) travaillant dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale de première ligne crée des conditions propices aux infections par la COVID-195,Note 10, Note 11, lesquelles risquent d’entraîner éventuellement le décès. Une étude de Statistique Canada sur la mortalité attribuable à la COVID-19 selon le statut d’immigrant montre que les taux bruts de mortalité attribuable à la COVID-19 sont plus élevés chez les immigrants que chez les non-immigrants (26 par rapport à 22 pour 100 000 habitants, respectivement)Note 9. Toutefois, on ne sait pas s’il existe au Canada une tendance différentielle en ce qui concerne la mortalité attribuable à la COVID-19 selon le statut d’immigrant et la répartition selon l’âge et le sexe. Puisque le Québec et l’Ontario ont été les provinces les plus durement touchées au début de la pandémie, les résultats globaux de l’étude sont également présentés par région géographique.

La présente étude a pour but de répondre à la demande du rapport de l’ASPC d’examiner et d’expliquer la tendance unique au Canada en ce qui concerne les différences entre les sexes et de déterminer si la surreprésentation des femmes observée parmi les décès attribuables à la COVID-19 au Canada persiste dans le tempsNote 8. Elle vise également à déterminer s’il existe au Canada une différence entre les sexes en ce qui concerne la mortalité attribuable à la COVID-19 en fonction du statut d’immigrant et, le cas échéant, au sein de quels groupes d’âge et dans quelles provinces ou régions métropolitaines de recensement (RMR). L’un des objectifs secondaires consiste à utiliser comme données substitutives les renseignements sur l’employeur tirés du fichier de données fiscales de la personne décédée afin d’évaluer l’hypothèse relative à l’emploi des femmes dans les soins de santé de première ligne, en se servant des immigrantes comme scénario d’essai (à l’heure actuelle, les données correspondantes sur les décès de non-immigrants couplées aux fichiers de données fiscales ne sont pas disponibles, même s’il est possible de les coupler).

Données et méthodologie

De nombreuses sources de données principales ont été utilisées dans la présente étude. Premièrement, à la suite du rapport de l’ASPCNote 8, les données mises à jour du COVID-19 Sex-Disaggregated Data Tracker fourni par Global Health 50/50 ont été utilisées pour examiner, à l’échelle mondiale, les différences entre les sexes en ce qui concerne les décès attribuables à la COVID-19Note 12. Deuxièmement, pour examiner l’écart entre les sexes en fonction de l’immigration relativement aux décès attribuables à la COVID-19, un couplage entre les données provisoires de la Base canadienne de données sur l’état civil – Décès (BCDECD) et la BDIM a permis de comparer la mortalité attribuable à la COVID-19 selon le statut d’immigrant, de façon globale ainsi que chez les hommes et les femmes séparémentNote 13. De plus, le Recensement de 2016 fournit le dénominateur pour la dérivation des taux de mortalité globaux et en fonction de l’âge selon le statut d’immigrant, et ce, à diverses échelles géographiques, ce qui permet une véritable comparaison de la mortalité attribuable à la COVID-19 selon le sexe au CanadaNote 14. Toutes les dérivations effectuées à l’aide de l’ensemble de données couplées étaient fondées sur les chiffres arrondis.

La collecte des données du COVID-19 Sex-Disaggregated Data Tracker est coordonnée par Global Health 50/50, l’African Population and Health Research Center au Kenya et l’International Center for Research on Women, une organisation internationale qui possède des bureaux aux États-Unis, en Asie et en AfriqueNote 12. Grâce à des données nationales provenant des quatre coins de la planète (y compris du Canada), cet outil permet de suivre le nombre d’infections et de décès attribuables à la COVID-19 depuis le début de la pandémie en 2020. Le rapport hommes-femmes des décès attribuables à la COVID-19, obtenu à partir du quotient du nombre cumulatif de décès attribuables à la COVID-19 chez les hommes par rapport au nombre correspondant chez les femmes dans un pays participant donné, a été utilisé comme indicateur dans le rapport de l’ASPCNote 8. Une valeur de 1 reflète la parité, alors qu’une valeur supérieure à 1 indique que plus d’hommes que de femmes sont décédés de la COVID-19. Dans le cadre de la présente étude, des comparaisons ont été effectuées à un moment de référence (juin 2020; figure 1) et au fil du temps (jusqu’en juin 2021; figure 3) avec la Finlande, un pays qui a indiqué une tendance semblable à celle du Canada quant aux différences entre les sexes en ce qui concerne les décès attribuables à la COVID-19. Des comparaisons ont également été effectuées avec les États-Unis et la France, deux pays durement touchés qui, selon l’ASPC, ne disposent d’aucune donnée relativement aux décès confirmés attribuables à la COVID-19 selon le sexe au début de la pandémieNote 8. L’Angleterre, une source d’immigration traditionnelle pour le Canada, a également été ajoutée à titre de référence.

Fig 1 Rapport cumulatif hommes-femmes des décès parmi les cas confirmés de COVID-19 dans certains pays, juin 2020

Description de la figure 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Canada, Finlande, Angleterre, États-Unis et France, calculées selon rapport hommes-femmes, 0.85, 0.92, 1.36, 1.17 et 1.44 unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Canada Finlande Angleterre États-Unis France
rapport hommes-femmes
0,85 0,92 1,36 1,17 1,44

Global Health 50/50 ne dispose d’aucune donnée selon le statut d’immigrant. Afin de vérifier si la tendance observée dans le rapport hommes-femmes des décès attribuables à la COVID-19 selon le statut d’immigrant (figure 2) s’est inversée, les données provisoires sur les décès attribuables à la COVID-19 en 2020 (de janvier à juillet 2020) couplées à celles de la BDIM de 2018 sont utilisées pour les besoins du présent articleNote 13. La BCDECD a saisi toutes les données provisoires sur la mortalité fournies à Statistique Canada par les provinces et les territoires, à l’exception du Yukon, du 1er janvier au 4 juillet 2020. L’ensemble de données comprend des renseignements démographiques sur les personnes décédées sur ces territoires. La BDIM de 2018, qui contient des renseignements démographiques et administratifs, comme l’âge, le sexe et le pays de naissance, est une base de données sur l’immigration fondée sur les dossiers d’admission de tous les immigrants depuis 1952 et des résidents non permanents depuis 1980Note 15. Le couplage des données provisoires sur les décès en 2020 a été effectué dans l’Environnement de couplage de données sociales de Statistique Canada, lequel a couplé les différentes sources de données au Dépôt d’enregistrements dérivés; une base nationale de données relationnelles dynamiques à Statistique Canada qui ne contient que des identificateurs personnels de base pour protéger la confidentialité des personnesNote 16. Le couplage entre la BDIM et la BCDECD rend disponibles des données sur les décès liés à la COVID-19 chez les immigrants inclus dans la BDIM. Les autres décès liés à la COVID-19 (c.-à-d. ceux qui n’ont pas été couplés à la BDIM) sont attribuables à la population née au Canada et, possiblement, à un petit nombre d’immigrants arrivés avant 1952. Aux fins du présent article, ces décès non couplés seront considérés comme des décès de non-immigrants.

Fig 2 Rapport hommes-femmes des décès attribuables à la COVID-19 selon le statut d’immigrant (total et par groupe d’âge), Canada, juillet 2020

Description de la figure 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Immigrants et Non-immigrants, calculées selon rapport hommes-femmes unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Immigrants Non-immigrants
rapport hommes-femmes
Total 1,2 0,8
0 à 64 ans 2,0 1,6
65 à 74 ans 1,8 1,6
75 à 84 ans 1,5 1,2
85 ans et plus 0,9 0,6

En se servant des données sur les décès jusqu’à juillet 2020 extraites du couplage entre la BDIM et la BCDECD, les rapports hommes-femmes des décès confirmés attribuables à la COVID-19 (figure 2) et le ratio de charge relative de la mortalité liée à la COVID-19 attribuable aux immigrants (tableau 1) sont calculés fin d’examiner les tendances différentielles relatives aux décès liés à la COVID-19 selon le statut d’immigrant, le groupe d’âge, la province et les trois RMR comptant les plus grandes populations d’immigrants au Canada. Le ratio de charge relative de la mortalité liée à la COVID-19 attribuable aux immigrants est calculé ainsi : le ratio du pourcentage des décès liés à la COVID-19 survenus chez des immigrants inclus dans la BDIM arrivés entre 1952 et 2018 par rapport à leur proportion estimée de la population, laquelle a été calculée à partir du Recensement de 2016Note 14. Un ratio supérieur à 1 signifie que la charge de la mortalité liée à la COVID-19 chez les immigrants inclus dans la BDIM était disproportionnellement supérieure à leur proportion de la population. La comparaison porte sur la répartition des décès selon le statut d’immigrant pour les hommes et les femmes séparément, ce qui reflète la tendance des différences entre les sexes selon le statut d’immigrantNote 9. Pour garantir l’exactitude des comparaisons des décès attribuables à la COVID-19 en ce qui concerne la dérivation des taux de mortalité selon l’âge et le sexe dans le tableau 2, les dénominateurs ont été tirés du Recensement de 2016 selon le statut d’immigrantNote 14. Au Canada, les certificats de décès ne contiennent pas de renseignements sur la profession, mais les fiches d’établissement des immigrants inclus dans la BDIM ont été couplés à des données fiscales administratives à partir de 1982. Les renseignements sur les employeurs disponibles grâce à ces données fiscales ont été utilisés pour évaluer la répartition des immigrants selon le sexe parmi les travailleurs du secteur des soins de santé de première ligne. Ce couplage avec les renseignements fiscaux a permis, grâce aux renseignements sur l’employeur figurant dans les fichiers d’impôt supplémentaires T4, d’obtenir l’appartenance à un secteur industriel (tableau 3). Le code 62 du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord représente le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale, qui comprend les services de soins de santé ambulatoires, les hôpitaux, ainsi que les établissements de soins infirmiers et de soins pour bénéficiaires internesNote 15. Ces renseignements ont été utilisés pour calculer la proportion des décès selon le sexe parmi les immigrants qui travaillent dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale et dans d’autres secteurs importants.


Tableau 1
Répartition, proportion et ratio de charge relative de la mortalité attribuable aux immigrants1, selon le sexe et certaines caractéristiques, juillet 2020
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Répartition Hommes, Femmes, Immigrants
(N = 1 055), Non-immigrants
(N = 2 680), Proportion des décès liés à la COVID-19 attribuables aux immigrants, Proportion d’immigrants selon le Recensement de 2016, Ratio de charge relative de la mortalité attribuable aux immigrants, Immigrants
(N = 855) et Non-immigrants
(N = 3 180), calculées selon pourcentage et ratio unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Hommes Femmes
Immigrants
(N = 1 055)
Non-immigrantsTableau 1 Note 2
(N = 2 680)
Proportion des décès liés à la COVID-19 attribuables aux immigrants Proportion d’immigrants selon le Recensement de 2016 Ratio de charge relative de la mortalité attribuable aux immigrantsTableau 1 Note 1 Immigrants
(N = 855)
Non-immigrantsTableau 1 Note 2
(N = 3 180)
Proportion des décès liés à la COVID-19 attribuables aux immigrants Proportion d’immigrants selon le Recensement de 2016 Ratio de charge relative de la mortalité attribuable aux immigrantsTableau 1 Note 1
pourcentage ratio pourcentage ratio
Total 100 100 28 21 1,3 100 100 21 23 0,9
Âge au décès
0 à 64 ans 9 7 32 20 1,6 5 4 27 21 1,3
65 à 74 ans 15 15 28 27 1,0 11 8 26 28 0,9
75 à 84 ans 32 32 28 32 0,9 27 24 23 31 0,8
85 ans et plus 44 45 28 31 0,9 57 64 19 28 0,7
ProvinceTableau 1 Note 3
Québec 49 74 21 13 1,5 48 72 15 14 1,1
Ontario 44 21 44 28 1,6 47 23 36 30 1,2
Colombie-Britannique 4 2 47 27 1,7 3 2 33 30 1,1
Région métropolitaine de recensementTableau 1 Note 3
Montréal 48 59 25 23 1,1 47 58 18 24 0,8
Toronto 35 10 57 45 1,3 39 12 46 48 0,9
Vancouver 4 1 50 40 1,3 3 1 38 44 0,9

Tableau 2
Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 (pour 100 000 habitants) selon le sexe, le statut d’immigrant1 et certaines caractéristiques, juillet 2020
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 (pour 100 000 habitants) selon le sexe Dans l’ensemble , Immigrants et Non-immigrants(figurant comme en-tête de colonne).
Dans l’ensemble Immigrants Non-immigrantsTableau 2 Note 1
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Total 22,4 23,4 29,8 22,0Note * 20,3 23,8Note *
Âge au décès
0 à 64 ans 2,0 1,2Note * 3,2 1,5Note * 1,7 1,1Note *
65 à 74 ans 36,3 20,3Note * 36,6 18,9Note * 35,8 20,9Note *
75 à 84 ans 162,4 111,1Note * 144,3 84,5Note * 170,7 123,8Note *
85 ans et plus 813,6 797,3 735,9 552,3Note * 852,0 892,3
ProvinceTableau 2 Note 2
Québec 63,7 65,3 97,9 73,7Note * 58,5 66,8Note *
Ontario 16,2 17,2 25,8 20,2Note * 12,5 15,9Note *
Colombie-Britannique 4,3 3,3 7,6 3,7Note * 3,1 3,1
Région métropolitaine de recensementTableau 2 Note 2
Montréal 107,8 111,0 113,5 83,4Note * 106,1 119,6Note *
Toronto 23,2 24,6 29,3 23,2Note * 18,1 26,0Note *
Vancouver 7,4 5,7 8,7 4,8 5,8 5,9

Tableau 3
Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 selon le code du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord et le sexe chez les immigrants qui ont produit une déclaration de revenus en 2017, juillet 2020
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 selon le code du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord et le sexe chez les immigrants qui ont produit une déclaration de revenus en 2017 Hommes, Femmes, Proportion
des décès attribuables
à la COVID-19
(N = 95), Proportion d’immigrants
ayant reçu un feuillet T4 en 2018
(N = 2 385 600), Taux de mortalité
attribuable à la COVID-19 , Proportion
des décès attribuables
à la COVID-19
(N = 30) et Proportion d’immigrantes ayant reçu un feuillet T4
en 2018
(N = 2 181 400), calculées selon pourcentage, pour 100 000 
habitants et classement unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Hommes Femmes
Proportion
des décès attribuables
à la COVID-19
(N = 95)
Proportion d’immigrants
ayant reçu un feuillet T4 en 2018
(N = 2 385 600)
Taux de mortalité
attribuable à la COVID-19
Proportion
des décès attribuables
à la COVID-19
(N = 30)
Proportion d’immigrantes ayant reçu un feuillet T4
en 2018
(N = 2 181 400)
Taux de mortalité
attribuable à la COVID-19
pourcentage pour 100 000 
habitants
classement pourcentage pour 100 000 
habitants
classement
Secteur d’emploi
Soins de santé et assistance sociale (Système de classification des industries de l’Amérique du Nord [SCIAN] 62) 10 4 10,7 1 33 16 2,9 1
Commerce de détail; services professionnels,
scientifiques et techniques (SCIAN 44, 45 et 54)
20 18 4,6 4 17 18 1,3 2
Tous les autres Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 50 66 1,0 3
Fabrication (SCIAN 31, 32 et 33) 20 15 5,3 2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Services administratifs, services de soutien, services de gestion des déchets et services d’assainissement (SCIAN 56) 11 8 5,3 2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Transport et entreposage (SCIAN 48 et 49) 8 7 4,8 3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Autres secteurs 31 49 2,6 5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Total 100 100 4,0 100 100 1,4

Résultats

Retour sur le rapport hommes-femmes : comparaisons internationales

La figure 1 montre qu’au cours des premiers mois de la pandémie, le Canada et la Finlande affichaient de faibles rapports hommes-femmes relativement aux décès liés à la COVID-19 (environ 0,8), ce qui indique qu’un plus grand nombre de femmes que d’hommes sont décédées de la COVID-19 dans ces paysNote 9. En revanche, les États-Unis, l’Angleterre et la France affichaient des rapports hommes-femmes plus élevés relativement aux décès liés à la COVID-19, soient de 1,2, de 1,4 et de 1,4 respectivement, ce qui donne à penser que plus d’hommes que de femmes sont décédés de la COVID-19 dans ces pays au début de la pandémie.

La figure 2 montre les rapports hommes-femmes en ce qui concerne les décès liés à la COVID-19 au Canada selon le statut d’immigrant, dans l’ensemble et par groupe d’âge. Dans l’ensemble, les rapports hommes-femmes chez les immigrants et les non-immigrants étaient de 1,2 et de 0,8, respectivement. Par groupe d’âge, le rapport était supérieur à 1 dans les groupes d’âge les plus jeunes jusqu’au groupe des 75 à 84 ans, tant chez les immigrants que chez les non-immigrants. Une proportion de décès liés à la COVID-19 plus élevée chez les femmes que chez les hommes a été observée uniquement dans le groupe des 85 ans et plus et elle était plus importante chez les non-immigrants (0,6) que chez les immigrants (0,9).

Lignes de tendances internationales relatives à la proportion de décès attribuables à la COVID-19 selon le sexe

La figure 3 montre que la surreprésentation des femmes décédées de la COVID-19 s’est maintenue de mai 2020 jusqu’au début de 2021 au Canada. Toutefois, la différence entre les sexes dans les décès attribuables à la COVID-19 au Canada avait atteint la parité à l’été 2021. La Finlande affichait une tendance semblable, mais a atteint la parité avant mars 2021, soit plus tôt qu’au Canada. Les États-Unis, l’Angleterre et la France affichaient invariablement des proportions de décès liés à la COVID-19 plus élevées chez les hommes que chez les femmes, mais l’Angleterre a connu une baisse de 14 % de son rapport, qui est passé d’environ 1,4 à 1,2.

Fig 3 Tendances relatives au rapport cumulatif hommes-femmes des décès attribuables à la COVID-19 dans certains pays,  juin 2020 à juin 2021

Description de la figure 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3. Les données sont présentées selon Temps (mois et année) (titres de rangée) et Canada, Finlande, Angleterre, États-Unis et France, calculées selon rapport hommes-femmes unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Temps (mois et année) Canada Finlande Angleterre États-Unis France
rapport hommes-femmes
2020
juin 0,9 0,9 1,4 1,2 1,4
septembre 0,8 0,9 1,3 1,2 1,4
décembre 0,9 1,0 1,3 1,2 1,4
2021
mars 1,0 1,0 1,2 1,2 1,4
juin 1,0 1,1 1,2 1,2 1,4

Répartition et proportion des décès attribuables à la COVID-19 selon le sexe et le statut d’immigrant

Le tableau 1 corrobore les résultats de la figure 2 pour montrer que la proportion plus élevée de femmes que d’hommes décédés de la COVID-19 n’était évidente que chez les non-immigrants. Chez les femmes, les immigrantes représentaient 21 % des décès liés à la COVID-19, mais pour 23 % de la population féminine totale au Canada, ce qui donne un ratio de charge relative de la mortalité de 0,9 (c.-à-d. que les immigrantes étaient sous-représentées parmi les femmes décédées de la COVID-19). Au sein de la population masculine, les immigrants représentaient 28 % des décès liés à la COVID-19, mais représentaient 21 % de la population masculine totale au Canada, ce qui donne un ratio de charge relative de la mortalité de 1,3 (c.-à-d. que les immigrants étaient surreprésentés parmi hommes décédés de la COVID-19). De plus, la surreprésentation des immigrants parmi les hommes décédés de la COVID-19 était surtout concentrée dans la population âgée de moins de 65 ans. Chez les hommes, les immigrants représentaient 20 % de la population totale âgée de moins de 65 ans, mais représentaient 32 % des décès liés à la COVID-19 (une charge relative de la mortalité de 1,6), comparativement à 27 % chez les femmes de ce groupe d’âge. Des variations dans la répartition des décès liés à la COVID-19 ont également été observées chez les hommes et les femmes selon la province et la RMR. Par exemple, à Montréal, les immigrantes représentaient 24 % de la population féminine totale, mais 18 % des femmes décédées de la COVID-19, tandis qu’à Toronto, elles représentaient 48 % de la population féminine totale et 46 % des femmes décédées de la COVID-19. Les proportions d’hommes immigrants décédés de la COVID-19 à Montréal et à Toronto étaient plus élevées (25 % et 57 %, respectivement).

Du nombre de décès au taux de mortalité

Le tableau 2 montre qu’en ce qui concerne les décès liés à la COVID-19 jusqu’en juillet 2020, bien que le taux de mortalité global au Canada ait été légèrement plus élevé chez les femmes que chez les hommes, cette différence n’était pas statistiquement significative. L’analyse par groupe d’âge montre des taux de mortalité attribuable à la COVID-19 considérablement plus élevés chez les hommes que chez les femmes de tous les groupes d’âge pour l’ensemble de la population, à l’exception des personnes âgées de 85 ans et plus, chez qui la différence entre les sexes dans le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 n’était pas statistiquement significative.

Selon le statut d’immigrant, toutefois, le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 était plus élevé chez les femmes que chez les hommes parmi les non-immigrants, mais plus élevé chez les hommes que chez les femmes parmi les immigrants. Les taux de mortalité selon l’âge étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes dans tous les groupes d’âge, sans égard au statut d’immigrant, à l’exception du groupe constitué des non-immigrants de 85 ans et plus. Sur le plan géographique, bien qu’un taux de mortalité féminine attribuable à la COVID-19 plus élevé ait été observé uniquement parmi les populations des non-immigrants au Québec et en Ontario, en particulier à Montréal et à Toronto, des résultats contraires ont été obtenus pour les populations d’immigrants, dont les taux de mortalité masculine étaient plus élevés.

Femmes issues de l’immigration travaillant dans le secteur des soins de santé de première ligne et décès attribuables à la COVID-19

Le tableau 3 présente la répartition des décès attribuables à la COVID-19 selon le secteur d’emploi et le sexe parmi les immigrants ayant produit en 2017 une déclaration de revenus qui incluait des renseignements sur l’appartenance à un secteur industriel. Puisque la majorité des décès liés à la COVID-19 au début de la pandémie étaient concentrés chez les aînés (c.-à-d. les personnes de 65 ans et plus), l’ensemble de données couplées ne compte que 125 décès d’immigrants dont les dossiers fiscaux comportent un code d’industrie pour aider à déterminer leur secteur d’emploi. La présente analyse indique un faible nombre de décès parmi les immigrants inclus dans la BDIM qui ont produit une déclaration de revenus comportant des renseignements sur l’appartenance à un secteur industriel : environ 95 décès chez les hommes et 30 décès chez les femmes, ce qui est trop peu pour tirer des conclusions probantes.

La répartition des secteurs d’emploi selon le sexe parmi les immigrants qui ont produit une déclaration de revenus en 2017 montre que 4 % des 2,3 millions d’hommes immigrants (environ 85 000) travaillaient dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale, comparativement à 16 % des près de 2,2 millions de femmes immigrantes (environ 350 000). Par conséquent, la concentration d’immigrantes était très élevée dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale. Toutefois, parmi les travailleurs immigrants du secteur des soins de santé et de l’assistance sociale, le taux de mortalité liée à la COVID-19 était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (10,7 par rapport à 2,9 pour 100 000 habitants).

Discussion

Le présent article vise à déterminer les raisons pour lesquelles le Canada constitue une anomalie dans le phénomène mondial de surreprésentation des hommes dans les décès liés à la COVID-19 au début de la pandémie en 2020. Les résultats ont montré que la proportion plus élevée de femmes décédées de la COVID-19, observée initialement au Canada au début de 2020, s’est finalement résorbée à l’été 2021, alors que le rapport hommes-femmes des décès atteignait la parité. Le déclin de la surreprésentation des femmes dans les décès liés à la COVID-19 pourrait être attribuable aux efforts de vaccination contre la COVID-19 déployés au Canada au début de 2021, lesquels étaient axés sur les groupes les plus âgés, majoritairement composés de femmesNote 17. L’Institut canadien d’information sur la santé a indiqué qu’au début de la pandémie, jusqu’à 81 % des décès attribuables à la COVID-19 sont survenus dans des établissements de soins de longue durée, comparativement à une moyenne de 38 % dans d’autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (variant de moins de 10 % en Slovénie et en Hongrie à 66 % en Espagne)Note 18. La présente étude indique que plus de 50 % des décès liés à la COVID-19 sont survenus chez des personnes de 85 ans et plus (54,1 %). Par conséquent, il est hautement plausible que la surreprésentation initiale des femmes parmi les décès liés à la COVID-19 ait été attribuable au fait que, dans les établissements de soins de longue durée, 2 résidents sur 3 sont des femmesNote 6. Au début de 2021, les résidents et le personnel des établissements de soins de longue durée ont été vaccinés en priorité contre la COVID-19. À la fin de mars 2021, 95 % des résidents des établissements de soins de longue durée avaient reçu une première dose de vaccin, comparativement à 3 % du grand public. Le taux de vaccination élevé parmi les résidents des établissements de soins de longue durée a réduit de plus de 90 % les infections et la gravité des conséquences de la COVID-19, y compris les décèsNote 17. À l’échelle provinciale, comme à l’échelle nationale, les résultats montrent que la proportion plus élevée de femmes décédées de la COVID-19 a été observée uniquement au sein de la population de non-immigrants du Québec et de l’Ontario, en particulier à Montréal et à Toronto, où un nombre considérable de décès liés à la COVID-19 était attribuable aux personnes résidant dans des établissements de soins de longue durée, lesquels comptent une proportion plus élevée de résidentesNote 17. En revanche, une étude de la surmortalité dans les établissements de soins de longue durée en Ontario a révélé que, même dans un contexte des soins de longue durée, le taux de mortalité en 30 jours était statistiquement inférieur chez les femmes ayant obtenu un résultat positif au test de COVID-19 que chez leurs homologues masculins (taux de risque de 0,58)Note 19. Ce constat porte à croire que si des renseignements sur les tests et les infections sont disponibles au niveau individuel, une mortalité liée à la COVID-19 plus élevée chez les hommes pourrait être observée, et ce, même dans un contexte d’établissement de soins de longue durée. En ce qui concerne le statut d’immigrant, les résultats d’une première étude de la mortalité attribuable à la COVID-19 en fonction du lieu de naissance, menée au Minnesota, étaient cohérents avec les résultats actuels : parmi les populations nées à l’étranger, comme celle des immigrants latino, les décès liés à la COVID-19 étaient plus concentrés chez les hommes relativement plus jeunes et en âge de travailler, tandis que pour la majorité de la population née aux États-Unis, les décès liés à la COVID-19 étaient concentrés dans les établissements de soins de longue duréeNote 20.

La présente étude contribue à corroborer le rôle que jouent la répartition selon l’âge et le sexe de la population touchée et le statut d’immigrant pour mieux comprendre la surreprésentation des femmes initialement observée en ce qui concerne les décès attribuables à la COVID-19. Compte tenu de l’espérance de vie différente selon le sexe, l’espérance de vie des femmes étant plus longue que celle des hommes, les résultats de l’étude ne sont pas étonnants. Si les décès surviennent de façon disproportionnée dans le groupe d’âge le plus âgé (c.-à-d. les personnes de 85 ans et plus), l’examen de la proportion des décès selon le sexe devrait conclure à un plus grand nombre de décès chez les femmes, tout le reste demeurant par ailleurs constantNote 21, Note 22. Au début de la pandémie, environ 50 % des décès sont survenus chez des personnes de 85 ans et plus. En tenant compte des différences dans la répartition de la population selon l’âge, le sexe et le statut d’immigrant, le taux de mortalité chez les femmes était effectivement plus élevé parmi les non-immigrants que parmi les immigrants. Le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 plus élevé chez les non-immigrants âgés de 85 ans et plus est probablement lié au fait que moins de femmes immigrantes âgées de 85 ans et plus vivaient en établissement, comparativement aux femmes non immigrantesNote 23. Les résultats montrent également un taux de mortalité plus élevé chez les hommes immigrants, comparativement à leurs homologues féminines, ce qui reflète peut-être les facteurs biologiques et situationnels hypothétiques avancés dans la littérature pour expliquer la morbidité et la mortalité plus élevées chez les hommes que chez les femmes à l’échelle mondiale.

En ce qui concerne l’hypothèse selon laquelle la forte concentration de femmes (en particulier d’immigrantes) travaillant en première ligne dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale entraînait un risque accru d’infection par la COVID-19, les résultats actuels montrent que même si plus d’immigrantes que d’immigrants travaillaient dans les soins de santé et l’assistance sociale, le taux de mortalité liée à la COVID-19 propre au secteur des soins de santé et de l’assistance sociale était plus faible chez les immigrantes que chez les immigrants. Ce constat peut expliquer partiellement pourquoi, au sein de la population des immigrants, les hommes de moins de 65 ans étaient largement surreprésentés parmi les décès attribuables à la COVID-19 : chez les hommes, les immigrants représentaient 20 % de la population totale de moins de 65 ans, mais 32 % des décès liés à la COVID-19. Les résultats actuels relatifs au secteur des immigrants sont fondés sur un petit nombre de personnes, puisque plus de 95 % des décès attribuables à la COVID-19 sont survenus chez des personnes de 65 ans et plus, un groupe majoritairement composé de retraités pour lesquels les renseignements sur les employeurs (fiscaux) n’étaient donc pas disponibles. D’ailleurs, les résultats correspondants pour les non-immigrants seraient informatifs, mais leurs certificats de décès lié à la COVID-19 n’ont pas été couplés aux dossiers fiscaux au moment de la présente analyse. De futures analyses couplant tous les décès attribuables à la COVID-19 et les fichiers de données fiscales, ainsi que des décès supplémentaires pour d’autres mois d’observation, pourraient servir de base à un examen plus approfondi. Celui-ci pourrait faire la lumière sur les différences entre les sexes dans la mortalité liée à la COVID-19 par secteur entre les immigrants et les non-immigrants.

Deux limites devraient être mentionnées relativement à cette étude. Premièrement, les décès attribuables à la COVID-19 qui ont été analysés sont tirés de données provisoires sur les décès qui constituent un ensemble de données provisoires ne comprenant pas 100 % des décès survenus au cours de la période de référence. La couverture peut varier selon le secteur de compétence en fonction de divers facteurs, y compris les méthodes de collecte, et le nombre de décès peut changer en raison de la nature provisoire des donnéesNote 9, Note 14. Deuxièmement, les données du Recensement de 2016 utilisées pour calculer les taux de mortalité attribuable à la COVID-19 en 2020 étaient les meilleures données substitutives disponibles; mais la taille de la population selon l’âge et le sexe peut avoir changé entre temps. De futures analyses pourraient utiliser les données du Recensement de 2021 comme dénominateur pour valider la dérivation des taux.

Étant donné les répercussions des infections initiales par la COVID-19 sur les personnes se trouvant à l’extrémité inférieure du spectre des déterminants sociaux de la santé, d’autres facteurs comme le statut socioéconomique ou la race, qui ont tendance à recouper de multiples secteurs, pourraient être en jeu pour entraîner des taux de mortalité accrus chez les immigrants. Une prochaine étude avec les données requises pourrait évaluer cette possibilité. De plus, les différences dans la répartition selon l’âge entre les hommes et les femmes peuvent avoir contribué à la surreprésentation des femmes parmi les décès liés à la COVID-19 au Canada, laquelle contraste avec de nombreux autres pays. L’estimation des taux de mortalité normalisés selon l’âge en fonction du sexe pourrait fournir une autre perspective des différences entre les résultats canadiens et ceux d’autres pays. De plus, la présente étude repose sur un couplage entre les données sur les décès et la BDIM, mais une prochaine étude pourrait élargir le couplage pour inclure les fichiers de données fiscales T1 des non-immigrants et des immigrants arrivés avant 1952, qui n’étaient pas inclus dans la BDIM. De telles recherches pourraient permettre de mieux comprendre les différences entre les sexes en ce qui concerne les décès attribuables à la COVID-19 chez les immigrants et les non-immigrants.

En résumé, la présente étude fournit des aperçus initiaux des différences entre les sexes dans les décès liés à la COVID-19 au Canada selon le statut d’immigrant et montre une surreprésentation des hommes parmi les décès liés à la COVID-19 au sein de la population immigrante. D’autres observations, recherches et élaboration de données sont nécessaires pour faire la lumière sur les différences entre les sexes découlant de l’exposition à l’infection par la COVID-19 et des décès possibles par suite desquels émergent les différences entre les sexes en matière de mortalité liée à la COVID-19.

Remerciements

L’auteure remercie Femmes et Égalité des genres Canada pour le financement de ce projet.

Date de modification :