Rapports sur la santé
Disparités sociodémographiques quant à la couverture vaccinale et à l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 au Canada

par Mireille Guay, Aubrey Maquiling, Ruoke Chen, Valérie Lavergne, Donalyne-Joy Baysac, Jackie Kokaua, Catherine Dufour, Eve Dubé, Shannon E. MacDonald et Nicolas L. Gilbert

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202201200004-fra

Résumé

Contexte

L’objectif de la présente étude était d’examiner les disparités sociodémographiques quant à la couverture vaccinale et à l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les provinces canadiennes, en déterminant les facteurs associés à la prise de vaccins chez les aînés priorisés pour la vaccination au moment de l’enquête et l’intention de se faire vacciner chez tous les adultes.

Données et méthodes

Une enquête transversale sur les adultes canadiens a été menée dans toutes les provinces, de la mi-avril à la mi-mai 2021. En plus de leurs caractéristiques sociodémographiques, les répondants (n=10 678) ont fourni des renseignements sur leur statut de vaccination contre la COVID-19 ou sur leur intention de se faire vacciner. Les modèles de régression logistique ont été adaptés en utilisant des facteurs sociodémographiques comme des variables explicatives et le statut vaccinal (non vacciné par rapport à au moins une dose) ou l’intention de se faire vacciner (peu probable par rapport à probable ou déjà vacciné) en tant que résultats. Pour tenir compte des groupes de priorisation en matière de vaccins, plusieurs modèles de régression ont été ajustés en fonction de la province de résidence, de l’âge, de l’identité autochtone et du statut de travailleur de la santé.

Résultats

Les aînés dont le revenu du ménage était plus faible (moins de 60 000 $) et ceux qui vivaient dans de petites collectivités (moins de 100 000 habitants) présentaient des probabilités plus élevées de ne pas être vaccinés. Chez les adultes canadiens, les probabilités d’être peu susceptible de se faire vacciner étaient plus élevées chez les hommes (rapport de cotes corrigé [RCC] de 1,3), les personnes de moins de 60 ans (RCC entre 3,3 et 5,1), les personnes qui ne travaillent pas dans le domaine de la santé (RCC de 3,3), les personnes qui ne détenaient pas de diplôme d’études secondaires (RCC de 3,4) ou qui avaient un revenu de ménage de moins de 30 000 $ (RCC de 2,7) et les personnes qui ne s’identifient pas comme Asiatique du Sud, Chinois, Noirs, Philippins, Arabes, Latino-Américains, Asiatiques du Sud-Est, Asiatiques de l’Ouest, Coréens ou Japonais (RCC de 1,7).

Interprétation

La couverture vaccinale (80 %) et l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 (95 %) affichaient des niveaux élevés parmi les Canadiens; toutefois, des disparités relatives ont été observées entre des groupes spécifiques. Des efforts soutenus visant ces groupes sont essentiels pour réduire les iniquités potentielles en matière d’accès aux services ou de prestation de services.

Mots-clés

COVID-19; vaccin; couverture vaccinale; intention; équité en matière de santé; Canada.

Auteurs

Mireille Guay, Aubrey Maquiling, Ruoke Chen, Valérie Lavergne, Donalyne-Joy Baysac et Nicolas L. Gilbert font partie du Groupe de travail sur le déploiement des vaccins, Agence de la santé publique du Canada, Ontario, Canada. Nicolas L. Gilbert travaille également à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Québec, Canada. Jackie Kokaua et Catherine Dufour travaillent au Centre du développement et de l’intégration des données sociales; Statistiques sociales, de la santé et du travail; Statistique Canada; Ontario; Canada. Eve Dubé est membre de l’Institut national de santé publique du Québec, Québec, Canada, et du Département d’anthropologie de l’Université Laval, Québec, Canada. Shannon E. MacDonald travaille à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta, Alberta, Canada.

Début de l'encadré

Fin de l'encadré

Introduction

La campagne de vaccination contre la COVID-19 du Canada a commencé le 14 décembre 2020, avec l’arrivée d’un nombre limité de doses prioritaires destinées aux populations à risque élevé identifiées par le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) du Canada, comme les personnes âgées, les résidents et le personnel des milieux d’hébergement collectif, les travailleurs de la santé de première ligne et les populations autochtones^Note 1. À mesure que les vaccins devenaient plus largement accessibles, les provinces et les territoires ont pris compte des conseils du CCNI et ont évalué leur situation locale pour déterminer leurs plans de déploiement des vaccins. La priorisation de l’administration des vaccins contre la COVID-19 variait donc selon la province ou le territoire, les personnes âgées étant parmi les premières à être vaccinées, suivies des groupes d’âge prioritaires déterminés par tranches d’âge décroissantes de 5 ou 10 ans. À la mi-avril 2021, la plupart des provinces avaient commencé à vacciner les adultes âgés de 60 ans et plus, à l’exception du Nouveau-Brunswick (qui a commencé le 27 avril 2021), de la Nouvelle-Écosse (le 19 avril 2021) et de Terre-Neuve-et-Labrador (le 3 mai 2021). À la suite de la mise en place des campagnes de vaccination, des preuves de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ont commencé à émerger à l’échelle mondiale^{Note 2Note 3Note 4}. Au Canada, des études ont montré une protection pouvant aller jusqu’à 95 % contre les infections symptomatiques et les résultats graves avec divers produits vaccinaux et divers intervalles de dose^{Note 5Note 6Note 7Note 8}. Par conséquent, il est essentiel d’assurer une distribution équitable et un taux élevé d’utilisation des vaccins contre la COVID-19 pour protéger la population contre l’infection, réduisant ainsi la transmission et les risques liés à la morbidité et à la mortalité associées à la COVID-19^{Note 9Note 10}.

La réticence à l’égard de la vaccination, définie par l’Organisation mondiale de la santé comme « Un retard dans l’acceptation ou le refus de vaccins sécuritaires malgré la disponibilité des services de vaccination », a augmenté au cours des dix dernières années et est reconnue comme une menace à l’échelle mondiale^Note 11. Comme pour tous les vaccins, divers facteurs contribuent à la réticence à l’égard de la vaccination contre la COVID-19, comme les doutes quant à l’innocuité et à l’efficacité des vaccins approuvés et disponibles^Note 12. Les obstacles à l’accès représentent également des défis majeurs à la couverture vaccinale. Même si certains croient qu’il est utile de se faire vacciner, certaines personnes ne le font pas à cause d’un manque de temps et de contraintes d’horaire, d’un manque d’accès et de capacité à se retrouver dans les technologies et les plateformes de services en ligne, et d’un manque de moyens de transport pour se rendre à l’endroit où les services de vaccination sont offerts^{Note 13Note 14}.

En date du 1^er mai 2021, 41 % des personnes âgées de 18 ans et plus et 77 % des personnes âgées de 60 ans et plus avaient reçu au moins une dose. Bien que la majorité des aînés canadiens aient déjà reçu au moins une dose, le déploiement des vaccins contre la COVID-19 n’a pas nécessairement suffisamment répondu aux besoins de la population, étant donné que les inégalités sociales contribuent à l’incapacité d’accéder aux vaccins ou à la prise de ces derniers^Note 15. Des études canadiennes antérieures ont montré que les femmes, les Autochtones, les populations racisées, les personnes ayant un niveau d’éducation inférieur et les travailleurs essentiels (sauf les travailleurs de la santé) avaient des intentions moins élevées de se faire vacciner^{Note 16Note 17}, tandis que le fait d’être plus âgé (plus de 60 ans), d’avoir fait des études universitaires, d’être ou de vivre avec une personne atteinte de problèmes de santé chroniques (PSC) et de travailler avec des patients infectés par la COVID-19 étaient significativement associé à l’acceptation des vaccins contre la COVID-19^{Note 12Note 17Note 18}. Dans d’autres pays, être membre de la communauté noire ou faire partie d’un ménage monoparental était un facteur associé à un taux inférieur de couverture vaccinale contre la COVID-19^{Note 19Note 20}.

Compte tenu des répercussions sanitaires et économiques disproportionnées de la COVID-19 sur les populations racisées et celles ayant un statut socioéconomique inférieur^Note 21, il est essentiel de comprendre les différences dans la prise des vaccins contre la COVID-19 parmi les différents groupes de population et les facteurs de réticence à l’égard de la vaccination contre la COVID-19 pour améliorer le niveau d’acceptation des vaccins et assurer une assimilation équitable de ceux-ci afin d’éviter des inégalités croissantes en ce qui concerne les fardeaux liés à la COVID-19^{Note 22Note 23}.

Données et méthodes

Population de l’étude

L’ECVC a été conçue par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et Statistique Canada et a été financée uniquement par l’ASPC^Note 24. Il s’agissait d’une enquête transversale et volontaire composée de deux cycles. Le premier cycle de l’ECVC s’est déroulé du 15 mars au 12 avril 2021 et ciblait les Canadiens âgés de 18 ans et plus vivant dans les trois capitales territoriales; le deuxième cycle a été effectué dans les 10 provinces entre le 12 avril et le 12 mai 2021. Selon les renseignements disponibles sur les sites Web provinciaux, les personnes âgées de 60 ans et plus étaient admissibles à recevoir leur première dose à compter de mai 2021, et les personnes de 18 ans et plus sont devenues admissibles en juin 2021. La population cible de l’ECVC excluait les personnes vivant dans les réserves ou dans d’autres établissements autochtones, dans les établissements institutionnels et dans les logements collectifs. La présente étude portait sur l’analyse des données recueillies dans le cadre du deuxième cycle de l’ECVC.

Description de l’enquête

L’ECVC est une enquête transversale par échantillon. L’échantillon a été stratifié par province de résidence, et un échantillon aléatoire simple de logements a été sélectionné de façon indépendante dans le fichier d’univers des logements^Note 25 de chaque province. Des lettres d’invitation ont été envoyées par la poste, et une personne par ménage a été choisie au hasard pour participer à l’enquête. Les répondants pouvaient remplir le questionnaire de l’enquête dans l’une ou l’autre des deux langues officielles (le français ou l’anglais), et la principale méthode de collecte était l’autodéclaration au moyen d’un questionnaire électronique. En cas de non-réponse, des interviews téléphoniques assistées par ordinateur ont été utilisées pour assurer le suivi auprès des personnes choisies afin d’encourager la participation et de maximiser le taux de réponse. Des poids d’échantillonnage fondés sur le genre, l’âge et la province de résidence ont été produits pour chaque répondant afin de créer des estimations représentatives à l’échelle nationale^Note 24. Au total, 10 678 répondants ont rempli le questionnaire du cycle 2 de l’enquête, ce qui donne un taux de réponse de 59,2 %.

Objectifs principaux

Deux analyses de régression logistique distinctes ont été effectuées pour examiner (1) les déterminants sociodémographiques associés à la non-vaccination autodéclarée contre la COVID-19 chez les aînés; et (2) les déterminants sociodémographiques associés à l’intention de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 chez tous les adultes âgés de 18 ans et plus. Pour le premier objectif, seuls les adultes âgés de 60 ans et plus ont été inclus dans les analyses, car ils ont été priorisés pour la vaccination contre la COVID-19 et étaient le seul groupe admissible à être vaccinés dans toutes les provinces au moment de l’enquête.

Variables quantitatives

Variables de résultat

Les deux variables de résultats étaient l’état de vaccination contre la COVID-19 et l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19. La première variable était catégorisée comme « non vacciné » et « a reçu au moins une dose », et la deuxième était « peu susceptible de se faire vacciner » (combinant ceux qui ont déclaré qu’il était « peu » ou « très peu » probable qu’ils se fassent vacciner) et « vacciné ou susceptible de se faire vacciner ». L’intention de se faire vacciner a été mesurée en utilisant une échelle de probabilité de quatre points.

Variables de contrôle

Afin de tenir compte des différences dans les plans provinciaux de déploiement des vaccins et l’admissibilité à la vaccination au moment de l’enquête, la province de résidence, l’âge, la profession dans le secteur des soins de santé et l’identité autochtone — facteurs utilisés pour définir les critères d’admissibilité — ont été considérés comme des covariables dans les modèles de régression multiple.

Variables indépendantes

Des facteurs sociodémographiques comme le genre, le niveau de scolarité, le revenu du ménage avant impôt, les PSC, l’état matrimonial, le pays de naissance, les groupes de population et la taille de la collectivité ont été inclus comme variables indépendantes. Il a déjà été démontré que les variables incluses dans les modèles étaient liées au résultat modélisé et sont considérées par les auteurs comme ayant conceptuellement un lien potentiel avec le résultat. Dans le cas des variables dont les catégories avaient des tailles d’échantillon largement inégales, la catégorie la plus importante a été utilisée comme référence pour éviter tout problème lié à l’utilisation d’un petit groupe comme groupe de référence. Dans d’autres cas, la catégorie de référence a été sélectionnée en tant que groupe normatif, c’est-à-dire le groupe à partir duquel les comparaisons les plus logiques ou les plus importantes peuvent être établies. Lorsqu’il n’y avait pas de norme évidente et que les tailles des échantillons étaient similaires, la catégorie la plus élevée ou la plus basse (p. ex. éducation, revenu, âge ou taille de la collectivité) ou la catégorie ayant les plus faibles probabilités de fournir des rapports de cotes (RC) supérieurs à 1 a été choisie pour permettre une interprétation plus facile. (Voir le tableau 1 pour la définition des catégories pour chaque variable.)

Analyse statistique

Pour décrire l’échantillon de l’étude, des variables indépendantes catégoriques ont été résumées en utilisant des fréquences et des proportions non pondérées. De plus, les proportions pondérées des aînés non vaccinés ont été estimées et stratifiées selon les caractéristiques sociodémographiques énumérées ci-dessus. Des estimations pondérées de la prévalence (pourcentages) de l’intention de se faire vacciner chez tous les adultes âgés de 18 ans et plus ont également été calculées. Les intervalles de confiance (IC) pour les proportions de la prévalence ont été ajustés en utilisant l’intervalle de score Wilson^Note 26. Les associations entre les facteurs sociodémographiques et la couverture vaccinale ou l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 ont été déterminées en employant des modèles de régression logistique simples et multiples. À partir de ces modèles, des RC ont été calculés et des tests de comparaison multiples avec l’ajustement Tukey-Kramer ont été effectués pour déterminer les différences statistiquement significatives dans la couverture vaccinale ou l’intention de se faire vacciner. Des modèles simples et multiples ont été ajustés en utilisant la méthode d’analyse complète des cas, car la proportion de cas manquants était très faible (moins de 4 %) et ces cas avaient la même distribution de toutes les variables que les cas complets (données non présentées). Pour les modèles de régression logistique multiple, la multicolinéarité a été évaluée en effectuant des associations du chi-carré entre toutes les variables indépendantes (données non présentées). Même si certaines associations étaient présentes entre certaines variables indépendantes, il n’y avait aucune preuve d’erreurs-types inutilement grandes ou de multicolinéarité grave dans les modèles. Compte tenu de la complexité de la conception de l’enquête, on a estimé des écarts adéquats ajustés à la conception en employant la méthode de rééchantillonnage bootstrap (1 000 échantillons). Les données ont été analysées dans le logiciel SAS Enterprise Guide v.7.1 (SAS version 9.4), et les procédures SURVEVYFREQ et SURVEYLOGISTIC ont été utilisées exclusivement pour s’assurer que la conception complexe de l’enquête était prise en compte dans l’analyse.

Résultats

Caractéristiques de l’échantillon

Plus de la moitié (56,1 %) de l’échantillon complet (N=10 678) des répondants était composé de femmes, et 43,2 % des personnes incluses dans l’échantillon étaient âgées de 60 ans ou plus. La grande majorité des répondants (79,4 %) sont nés au Canada et plus de la moitié (58,9 %) étaient mariés ou vivaient en union libre. Près de la moitié (45,2 %) des répondants avaient un revenu de ménage prépandémie allant de 30 000 $ à 90 000 $ avant impôt, et la plupart d’entre eux (67,8 %) avaient terminé des études postsecondaires. Enfin, 15,5 % se sont auto-identifiés comme faisant partie d’un certain groupe de population (tableau 1).

Statut vaccinal chez les aînés de 60 ans et plus

Dans l’ensemble, une grande majorité (80 %) des adultes âgés de 60 ans et plus avaient reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 au moment de l’enquête (tableau 2).

Dans le modèle de régression logistique multiple ajusté, certains groupes étaient plus susceptibles que d’autres d’être non vaccinés. Au moment de l’enquête, les aînés dans toutes les provinces, sauf le Québec, présentaient des probabilités plus élevées d’être non vaccinés (comparativement aux aînés de la Saskatchewan). Les aînés âgés de 60 à 69 ans étaient 5,3 fois (IC à 95 % : 2,7 à 10,3) à 11,2 fois (IC à 95 % : 5,8 à 21,7) plus susceptibles de ne pas être vaccinés que les aînés âgés de 80 ans et plus. La tendance à la hausse observée chez les groupes d’âge plus jeunes était prévue puisque les groupes les plus âgés ont été les premiers à être vaccinés pendant le déploiement initial du vaccin. En outre, une tendance à la hausse a été observée avec la baisse des revenus. Comparativement aux aînés dont le revenu du ménage est de 150 000 $ ou plus, les probabilités d’être non vacciné étaient plus élevées pour ceux dont le revenu du ménage est inférieur à 60 000 $ (RC : 2,3, IC à 95 % : 1,0 à 5,3 et RC : 3,9, IC à 95 % : 1,6 à 9,3 pour les personnes dont le revenu est inférieur à 60 000 $ et inférieur à 30 000 $, respectivement). En outre, les aînés des petites collectivités (moins de 100 000 habitants) étaient 2,4 fois (IC à 95 % : 1,3 à 4,2) à 2,5 fois (IC à 95 % : 1,4 à 4,6) plus susceptibles de ne pas être vaccinés que ceux qui habitent dans de plus grandes collectivités comptant au moins 1 500 000 habitants. Les résultats pour l’identité autochtone et les groupes de population n’ont pas pu être ventilés davantage en raison de la taille limitée des échantillons (tableau 2).

Les associations observées entre la couverture vaccinale et les quatre covariables énumérées en haut du tableau 2 devraient être interprétées avec prudence, car les différences pourraient s’expliquer par les différences dans les plans provinciaux de déploiement des vaccins et l’admissibilité à la vaccination au moment de l’enquête plutôt que par des inégalités sociodémographiques.

Intention de se faire vacciner chez tous les adultes âgés de 18 ans et plus

Au moment de l’enquête, 95 % des adultes âgés de 18 ans et plus ont déclaré qu’ils avaient été vaccinés (45 %) ou qu’ils étaient susceptibles de se faire vacciner à l’avenir (49 %) (tableau A de l’annexe).

Dans l’analyse de régression logistique multiple ajustée, les personnes de moins de 60 ans étaient 3,3 fois (IC à 95 % : 1,6 à 6,9) à 5,1 fois (IC à 95 % : 2,5 à 10,7) plus susceptibles de déclarer qu’il était peu probable qu’elles se fassent vacciner, comparativement aux personnes âgées de 70 ans ou plus. Une tendance à la hausse a été observée avec la baisse de l’âge (tableau 3). De plus, les personnes qui ne travaillent pas dans le domaine de la santé étaient presque 3,3 fois (IC à 95 % : 1,7 à 5,0) plus susceptibles de déclarer qu’il était peu probable qu’elles se fassent vacciner comparativement aux travailleurs de la santé. La probabilité pour les personnes qui n’ont pas terminé les études secondaires était 3,4 fois (IC à 95 % : 1,6 à 7,2) plus élevée que pour les personnes ayant achevé des études universitaires. Les personnes dont le revenu du ménage est inférieur à 30 000 $ étaient 2,7 fois (IC à 95 % : 1,0 à 7,0) plus susceptibles de ne pas se faire vacciner, comparativement celles dont le revenu du ménage est supérieur ou égal à 150 000 $. Une tendance à la hausse a été observée avec la baisse des revenus du ménage. Enfin, les probabilités pour les hommes étaient 1,3 fois (IC à 95 % : 1,0 à 1,7) supérieures à celles pour les femmes, et les probabilités pour les personnes n’appartenant pas à un groupe de population étaient 1,7 fois (IC à 95 % : 1,0 à 3,3) supérieures à celles des gens faisant partie d’un certain groupe de population.

Analyses de sensibilité

Plusieurs analyses de sensibilité ont été effectuées pour tester la robustesse des modèles. Premièrement, les aînés résidant au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador sont devenus admissibles à la vaccination pendant la période de collecte des données de l’étude plutôt qu’avant. Une analyse de sensibilité a montré que les résultats concernant le statut de vaccination chez les aînés n’étaient pas affectés par l’élimination de ces trois provinces (données non présentées). Deuxièmement, comme les aînés (de 60 ans et plus) et les adultes autres que les aînés (de 18 à 59 ans) avaient des taux différents de couverture vaccinale au cours de la période étudiée, les déterminants de la non-vaccination ont également été examinés chez les adultes autres que les aînés, car le modèle original incluait uniquement les aînés. Les mêmes modèles ont été appliqués aux adultes autres que les aînés, et les résultats ont montré que toutes les variables indépendantes étaient significativement associées à la non-vaccination, à l’exception de l’état matrimonial, des groupes de population et du pays de naissance (tableau B de l’annexe). De même, les déterminants sociodémographiques de la probabilité de se faire vacciner ont été comparés entre les aînés et les adultes autres que les aînés (tableau C de l’annexe). Chez les aînés, le déterminant sociodémographique de la probabilité de se faire vacciner était la taille de la collectivité. Pour les adultes autres que les aînés, les déterminants sociodémographiques de la probabilité de se faire vacciner étaient le genre, le statut de travailleur de la santé, le niveau d’éducation et l’appartenance autodéclarée à un groupe de population. L’absence d’association entre les facteurs sociodémographiques et l’intention de se faire vacciner observée chez les aînés pourrait être attribuable à la petite taille des échantillons et à la diminution du pouvoir statistique (tableau C en annexe). Enfin, comme le revenu exact n’était pas disponible, les catégories de revenu ont été utilisées et le revenu ajusté en fonction de la taille du ménage n’a pas pu être calculé. Toutefois, en tant qu’analyse de la sensibilité, la taille des ménages a été incluse comme variable supplémentaire dans les modèles, et aucun changement majeur n’a été observé dans les résultats (données non présentées).

Discussion

Statut vaccinal chez les aînés de 60 ans et plus

Selon l’ECVC, les aînés dans toutes les provinces, sauf le Québec, présentaient des probabilités plus élevées d’être non vaccinés (comparativement aux aînés de la Saskatchewan). On s’attendait à ce que cela se produise, car les provinces ont déployé les vaccins pour ce groupe d’âge à différents moments. La Saskatchewan et le Québec ont abaissé l’âge d’admissibilité à la vaccination à 60 ans et plus, entre la fin mars et le début d’avril 2021, soit quelques semaines avant les autres provinces^{Note 27Note 28Note 29}.

On a constaté des différences importantes dans la non-vaccination contre la COVID-19 chez les aînés. Les personnes dont le revenu du ménage était inférieur à 60 000 $ ont une couverture inférieure à celle des personnes qui gagnent 150 000 $ et plus. L’association entre un plus faible revenu du ménage et le fait d’être non vacciné suggère une plus faible couverture vaccinale chez les personnes ayant un statut socioéconomique inférieur. Cependant, les données de cette enquête ne fournissent aucune observation sur les mécanismes de causalité qui sous-tendent cette association. La plupart des études canadiennes ont déjà couvert les disparités en matière de revenu dans le cadre de la couverture vaccinale contre la COVID-19. Cependant, au Canada, on a observé un certain parallélisme entre la couverture vaccinale contre la COVID-19 et la vaccination contre la grippe, où un plus faible revenu était un important facteur prédictif de la non-vaccination ^{Note 30Note 31}.

Une étude transversale ciblant les personnes âgées de 50 ans et plus au Pays de Galles, au Royaume-Uni, a révélé des taux de vaccination plus faibles parmi les groupes ethniques minoritaires (p. ex. le groupe ethnique noir)^Note 30. En revanche, cette étude (ajustée en fonction d’autres facteurs sociodémographiques) n’a révélé aucune différence significative dans les probabilités de non-vaccination lorsqu’on compare les personnes qui faisaient partie de groupes de population avec celles âgées de moins de 60 ans au Canada^Note 30. Bien que certaines études aient montré que le taux de couverture vaccinale par les groupes de minorités ethniques spécifiques était plus élevé ou plus faible que celui des Blancs^{Note 13Note 30}, le trop petit nombre d’aînés inclus dans l’échantillon de l’ECVC déclarant faire partie d’un groupe de population a empêché une ventilation plus poussée, occultant ainsi toute différence potentielle. D’autres recherches sur la couverture vaccinale contre la COVID-19 avec de plus grands échantillons de populations racisées dans le contexte canadien seraient nécessaires pour déterminer la situation actuelle.

Intention de se faire vacciner chez tous les adultes âgés de 18 ans et plus

Dans le modèle d’intention ajustée, les probabilités d’être réticent à se faire vacciner étaient beaucoup plus grandes chez les personnes qui étaient de sexe masculin, plus jeunes (moins de 60 ans), moins instruites, ne faisant pas partie d’un groupe de population, qui n’étaient pas des travailleurs de la santé et qui appartenaient à un ménage à faible revenu. Des preuves semblables ont été trouvées pour les variables de l’âge et du niveau d’éducation dans des études canadiennes récentes^{Note 12Note 18Note 34Note 35}. Les personnes faisant partie d’un groupe de population, les Autochtones et les travailleurs essentiels non liés aux soins de santé, présentaient aussi des probabilités moins élevées de recevoir un vaccin contre la COVID-19^Note 17. Cependant, dans la présente étude, l’identité autochtone n’avait pas d’association statistiquement significative avec l’intention de se faire vacciner et, en contrepartie, la probabilité d’être réticent à se faire vacciner était plus importante chez les personnes qui n’étaient pas membres d’un groupe de population que chez celles qui l’étaient. Des études récentes menées aux États-Unis ont révélé que les groupes ethniques, en particulier les Asiatiques et les Hispaniques, étaient plus susceptibles d’accepter les vaccins contre la COVID-19 que les Blancs, les Asiatiques ayant les plus faibles niveaux d’hésitation^{Note 36Note 37}. Comme le CCNI recommande que les travailleurs de la santé soient priorisés pour recevoir un vaccin au Canada^Note 38, cela pourrait expliquer en partie les constatations de la présente étude comme quoi la couverture vaccinale et l’intention de se faire vacciner sont plus élevées chez les travailleurs de la santé. Inversement, les études ont révélé une plus grande réticence à l’égard de la vaccination chez les populations ethniques non blanches^{Note 39Note 40}; par conséquent, une enquête plus approfondie est nécessaire pour examiner l’association entre l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19 et les populations racisées, d’autant plus qu’elle peut varier d’un groupe à l’autre.

Points forts et limites

Comme dans le cas de toute enquête à grande échelle, l’ECVC a plusieurs points forts ainsi que plusieurs limites qu’il faut prendre en compte lorsque l’on interprète les résultats. Les principaux points forts de l’enquête étaient la taille suffisamment grande de l’échantillon et le taux de réponse élevé de 59,2 %. Cela a permis à l’analyse d’inclure divers facteurs sociodémographiques. Des analyses ont été effectuées en employant des poids d’échantillonnage étalonnés pour s’assurer que les estimations étaient représentatives de tous les Canadiens vivant dans les 10 provinces.

Il faut cependant reconnaître que l’étude comprend certaines limites. Selon la base de sondage de l’ECVC, environ 95,4 % des logements avaient une adresse postale. La faible proportion de la population sans adresse postale, qui peut différer du reste de la population cible, a donc été exclue de la base de sondage.

Comme beaucoup d’autres enquêtes de Statistique Canada, l’ECVC excluait les collectivités des Premières Nations dans les réserves et les personnes vivant en institution. L’exclusion de ce dernier groupe pourrait avoir une incidence sur la capacité à généraliser les résultats sur les déterminants de la non-vaccination contre la COVID-19 dans l’ensemble de la population âgée de 60 ans et plus. Les territoires ont également été exclus de l’analyse, ce qui pourrait avoir une incidence sur la couverture des peuples autochtones. Les interviews ont été menés uniquement en français ou en anglais, excluant donc les répondants qui ne maîtrisent pas l’une ou l’autre des langues officielles. Cette limite pourrait avoir une incidence sur la représentation de certains groupes de population dans les résultats de l’ECVC, car la barrière linguistique pourrait les avoir empêchés de participer. Ces populations peuvent avoir des différences dans l’accès aux services de soins de santé ou l’utilisation de ces services par rapport aux autres adultes canadiens.

Les mesures dans l’ECVC sont autodéclarées et peuvent aussi être assujetties à un biais de rappel et à un biais de désirabilité sociale. Toutefois, il est moins probable qu’un biais de rappel influence la présente étude, étant donné que la collecte de données a pris fin moins de cinq mois après le début des plans de déploiement des vaccins contre la COVID-19. Malgré un taux de réponse satisfaisant, on ne peut exclure le biais de réponse. En effet, ceux qui s’intéressent davantage au sujet seraient plus susceptibles de répondre à l’enquête. Les estimations de l’enquête sont ajustées afin de rendre compte des cas de non-réponse par l’intermédiaire du poids de sondage. Toutefois, dans la mesure où les ménages non-répondants et les non-répondants diffèrent du reste de l’échantillon, le biais de sélection résiduelle ne peut pas être complètement éliminé.

Il se peut fort bien que d’autres facteurs non mesurés dans cette enquête puissent également être associés aux résultats modélisés. D’autres recherches sont nécessaires pour explorer d’autres déterminants potentiels.

Conclusion

La présente étude met en lumière les attitudes positives des Canadiens à l’égard de la vaccination. En mai 2021, la majorité de la population adulte était vaccinée, ayant reçu au moins une dose (45 %) ou se disait susceptible de recevoir un vaccin contre la COVID-19 à l’avenir (49 %). Dans l’ECVC, les personnes qui étaient de sexe masculin, qui étaient plus jeunes, qui ne faisaient pas partie d’un groupe de population, qui n’étaient pas des travailleurs de la santé et dont le niveau de scolarité ou le revenu du ménage était faible, étaient associées à une moins grande probabilité d’être vaccinées contre la COVID-19. Il est essentiel de poursuivre les efforts visant à rejoindre les groupes réticents à se faire vacciner et à promouvoir la couverture vaccinale pour protéger tous les Canadiens contre la maladie.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier Statistique Canada pour sa collaboration, et tous les participants à l’étude d’avoir pris le temps de répondre à l’enquête.

Annexe