Rapports sur la santé
Utilisation des médias sociaux chez les adolescents et son association avec les relations et les liens interpersonnels : Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire au Canada, 2017-2018

par Suzy-Lai Wong, Nathan King, Geneviève Gariépy, Valerie Michaelson, Olivia Canie, Matthew King, Wendy Craig, et William Pickett

Date de diffusion : le 21 décembre 2022

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202201200002-fra

Résumé

Contexte

L’établissement de relations et de liens interpersonnels sains est d’une importance fondamentale pour le bien-être des adolescents. L’utilisation des médias sociaux joue un rôle essentiel dans la vie des jeunes Canadiens, mais le lien entre les différents types d’utilisation des médias sociaux et la qualité des relations et des liens interpersonnels demeure inconnu, et la plupart des analyses existantes sur ce sujet reposent sur des échantillons modestes et non représentatifs.

Données et méthodologie

À l’aide des rapports de 2017-2018 tirés de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire représentative à l’échelle nationale (n = 17 149; âgés de 11 à 15 ans), nous avons examiné la force, la cohérence et la signification statistique des associations entre l’utilisation intensive (consommation fréquente pour établir des liens avec d’autres personnes) et l’utilisation problématique (utilisation qui illustre des qualités de dépendance) des médias sociaux et les mesures disponibles des relations et des liens interpersonnels des adolescents.

Résultats

Dans l’ensemble, l’utilisation intensive (communication en ligne presque constante avec d’autres) et l’utilisation problématique (dépendance potentielle aux médias sociaux) étaient plus fréquentes chez les filles que chez les garçons (respectivement 38 % chez les filles par rapport à 30 % chez les garçons et 7,7 % chez les filles par rapport à 5,2 % chez les garçons) et les pourcentages augmentaient avec l’âge. L’utilisation intensive était associée à des relations sociales plus positives avec des amis, surtout chez les filles (risque relatif [RR] = 1,40 [intervalle de confiance (IC) à 95 % de 1,28 à 1,54]), alors que l’utilisation problématique était systématiquement et négativement associée à des relations et à des liens interpersonnels solides pour tous les groupes de l’étude. Une utilisation problématique était notamment associée négativement aux relations familiales solides chez les garçons (RR = 0,58 [IC à 95 % de 0,42 à 0,79]) et chez les filles (RR = 0,48 [IC à 95 % de 0,36 à 0,63]).

Discussion

L’utilisation intensive des médias sociaux a le potentiel de renforcer les relations et les liens interpersonnels chez les adolescents. Toutefois, lorsque l’utilisation des médias sociaux crée une dépendance ou devient « problématique », elle est fortement corrélée à de plus faibles relations et à un sentiment de déconnexion sociale. Les initiatives de santé publique liées à l’utilisation des médias sociaux devraient tenir compte de la façon dont différents types d’utilisation des médias sociaux peuvent avoir une incidence sur divers aspects de la santé.

Mots-clés

Adolescents, Canada, comportements de santé des jeunes d’âge scolaire, relations, utilisation des médias sociaux

Auteurs

Suzy-Lai Wong et Olivia Canie travaillent au Centre pour la promotion de la santé, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, Canada. Nathan King et William Pickett travaillent au Département des sciences de la santé publique, Université Queen’s, Kingston, Canada. William Pickett travaille également au Département des sciences de la santé de l’Université Brock, St. Catharines, au Canada, ainsi que Valerie Michaelson. Geneviève Gariépy travaille aux Opérations régionales de l’Agence de la santé publique du Canada, à Montréal, au Canada, et au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, à Montréal, au Canada. Matthew King et Wendy Craig travaillent au Département de psychologie de l’Université Queen’s, à Kingston, au Canada.

Début de l'encadré

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet

  • Les relations et les liens interpersonnels sont d’importants déterminants de la santé chez les adolescents.
  • La présente analyse nationale examine le lien entre différents types d’utilisation des médias sociaux et les relations et les liens interpersonnels des adolescents.

Ce qu’apporte l’étude

  • L’utilisation intensive (fréquente) des médias sociaux a été associée à des relations sociales positives avec des amis, tandis que l’utilisation problématique (créant une dépendance) a été associée à des aspects négatifs des relations et des liens interpersonnels.
  • Ces résultats donnent à penser que les interventions de santé publique liées aux médias sociaux devraient tenir compte de la façon dont différents types d’utilisation des médias sociaux peuvent avoir une incidence sur différents aspects de la santé.

Fin de l'encadré

Introduction

Des relations solides et positives sont essentielles au développement sain des adolescents au cours de leur transition vers l’âge adulte. Les relations positives protègent contre les influences sociales négatives, favorisent la formation de l’identité, appuient le développement de compétences sociales et de l’estime de soi et aident les jeunes à acquérir de l’autonomieNote 1. Les qualités des relations saines et malsaines chez les adolescents peuvent être mesurées de façons diverses. Parfois, on les évalue selon l’étendue des liens interpersonnels que les jeunes ont avec les personnes qui les entourent et avec leur environnement, qu’il s’agisse de liens avec eux-mêmes, les autres, la nature et la terre, ou avec le transcendantNote 2. Par ailleurs, elles peuvent être mesurées sur le plan des forces des soutiens sociaux auxquels les jeunes ont accès, y compris ceux qui émergent de la famille, des groupes de pairs, des établissements d’enseignement et de l’ensemble de la collectivitéNote 3. Malgré la façon dont elles sont conçues et les aspects de développement qu’elles soutiennent, des relations positives et saines au cours de l’adolescence constituent des atouts positifs menant à une meilleure santé autodéclarée, à une plus grande satisfaction à l’égard de la vie et à moins de problèmes de santéNote 2. Les relations de soutien protègent aussi fortement contre les effets des inégalités structurelles en matière de déterminants de la santé, comme la pauvreté et d’autres formes de carenceNote 1Note 3.

L’utilisation des médias sociaux, qui désigne dans le cas présent l’utilisation active des médias électroniques sur les réseaux sociaux et les sites de messagerie instantanée dans le but de communiquer avec d’autres personnes, est devenue omniprésente dans la vie quotidienne de la plupart des jeunes. En 2017, 85 % des élèves de l’Ontario de la 7e à la 12e année ont déclaré utiliser quotidiennement les médias sociaux, dont 20 % ont déclaré l’utiliser pendant plus de cinq heures par jour, en hausse par rapport à 16 % en 2015 et à 11 % en 2013Note 4. L’utilisation quotidienne répandue des médias sociaux chez les jeunes a également été observée à l’échelle nationaleNote 5 et internationaleNote 6. La participation dans les médias sociaux peut fournir aux jeunes un moyen de communiquer avec les autres et permettre de favoriser et d’entretenir des relationsNote 7. L’utilisation des médias sociaux peut, par exemple, améliorer la communication avec la famille et les amis, accroître la collaboration avec les camarades de classe et donner accès à des réseaux de soutien social essentielsNote 7.

Même si l’utilisation des médias sociaux peut être un moyen de favoriser des relations positives, des données probantes semblent indiquer qu’elle peut également contribuer à des sentiments émotionnels négatifs, comme ceux liés à une déconnexion, à la solitude et à une exclusion sociale perçueNote 8Note 9. De plus, les interactions en ligne ont été associées à une plus grande tendance à se comparer aux autres et à des sentiments intenses de « manque » par rapport aux interactions en personneNote 10. Le sentiment de solitude engendré par l’utilisation abusive des médias sociaux a été conçu comme faisant partie d’une voie étiologique qui, en fin de compte, entraîne des effets négatifs sur la santé mentale, y compris une diminution de la satisfaction à l’égard de la vieNote 11. Il s’agit d’un enjeu particulièrement pertinent dans le cadre de l’isolement forcé, comme cela a été l’hypothèse avancéeNote 12, mais non confirmée, dans le monde entier pendant la pandémie de COVID-19.

Des associations variées entre le bien-être des adolescents et l’utilisation des médias sociaux ont été démontrées à l’échelle transnationaleNote 13. La force de ces associations dépend en partie de l’utilisation des médias sociaux et des normes sociales entourant cette utilisation. À titre d’exemple, une utilisation intense des médias sociaux (c.-à-d. très fréquente tout au long de la journée) a été associée à une plus grande satisfaction à l’égard de la vie, à plus de soutien familial et à moins de problèmes psychologiques dans les pays où la fréquence de l’utilisation intense des médias sociaux était supérieure à la moyenneNote 13. En revanche, l’utilisation problématique des médias sociaux (l’utilisation des médias sociaux avec dépendance nuisant au fonctionnement)Note 14 a systématiquement été associée à des niveaux de bien-être inférieurs à ceux d’une utilisation non problématique des médias sociaux dans ces mêmes paysNote 13. Des recherches longitudinales confirment la direction temporelle de telles relations; les symptômes d’utilisation problématique des médias sociaux étant associés à une diminution de la santé mentale au fil du temps, tandis qu’une utilisation intensive des médias sociaux n’était pas systématiquement associée à la santé mentale dans quelque direction que ce soitNote 14.

Des relations et des liens interpersonnels sains sont un déterminant fondamental de la santéNote 2Note 15. Alors que les relations et les liens interpersonnels entre les adolescents se produisent de plus en plus souvent au moyen des médias électroniquesNote 4, les données probantes sont limitées quant à la façon dont la qualité des relations des adolescents est touchée par les diverses répercussions de l’utilisation des médias sociaux et la façon dont ces répercussions influent à leur tour sur l’état de santé mentale. La constatation paradoxale selon laquelle l’utilisation des médias sociaux renforce parfois les relations tout en favorisant des sentiments de déconnexion socialeNote 8Note 9Note 16 vient compliquer la situation. Ces dernières constatations ont été attribuées aux qualités négatives de l’utilisation problématique des médias sociaux et de son incidence sur les relations pour une moindre proportion d’adolescentsNote 13Note 17. Toutefois, on en sait moins sur les effets potentiels d’une utilisation intensive des médias sociaux, qui est bien plus courante au sein des populations adolescentesNote 6. Compte tenu de la fréquence élevée de l’utilisation intensive des médias sociauxNote 6 et du fait que les deux types d’utilisation des médias sociaux pourraient être en hausse, il est particulièrement justifié de comprendre les influences possibles de chaque type d’utilisation des médias sociaux sur les relations et les liens interpersonnels sains.

De façon plus théorique, différents comportements d’utilisation des médias sociaux peuvent contribuer à la santé et au bien-être des adolescents de différentes manières. À titre d’exemple, des études longitudinales antérieures affirment que l’utilisation intensive des médias sociaux et l’utilisation problématique des médias sociaux sont probablement des comportements très différents entraînant des conséquences divergentesNote 14. Dans des analyses nationales et transnationales, ni l’utilisation intensiveNote 13, ni le temps passé à utiliser les médias sociauxNote 18 n’ont été associés à des problèmes de santé mentale alors que l’utilisation problématique des médias sociaux a été associée à une diminution de la santé mentale au fil du tempsNote 19. Des niveaux moins élevés de soutien social et des liens interpersonnels de moins bonne qualité sont parmi les nombreux résultats négatifs déclarés associés à une utilisation problématique, y compris une baisse du niveau de réussite scolaireNote 20, une baisse de la satisfaction à l’égard de la vieNote 13, l’isolement socialNote 21, des symptômes dépressifsNote 22Note 23, de l’anxiété, une moindre estime de soi et une diminution de la qualité du sommeilNote 24Note 25, des troubles de l’alimentationNote 26 et une insatisfaction quant à l’image corporelleNote 27. Ces résultats donnent à penser que, du point de vue clinique et de santé publique, il est important de comprendre les mécanismes selon lesquels de telles associations se produisent et de reconnaître que les voies qui relient l’utilisation des médias sociaux et les résultats en matière de santé sont complexes et varient en fonction des types de médias sociaux qu’utilisent les adolescents. Une étude plus approfondie de ces voies est manifestement justifiée.

Pour combler ces lacunes en matière de connaissances, nous avons examiné l’influence potentielle d’une utilisation des médias sociaux intensive et problématique sur les qualités autoperçues des relations (avec les membres de la famille, les amis, les enseignants et les camarades de classe) et des liens (avec soi-même, les autres, la nature et le transcendant) grâce à des données canadiennes recueillies en 2017-2018.

Données et méthodologie

Sources des données

Les données de la présente étude proviennent du cycle de 2017-2018 de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire, une étude de recherche collaborative transnationale de l’Organisation mondiale de la Santé menée tous les quatre ansNote 6. Pour la composante canadienne de ce cycle de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire, des données représentatives à l’échelle nationale ont été recueillies auprès d’élèves de la 6e à la 10e année entre janvier et mai 2018, à l’aide de questionnaires que les étudiants ont remplis individuellement au cours d’une séance en classe (environ 45 à 70 minutes)Note 5. Au total, 21 541 élèves provenant de 287 établissements d’enseignement ont répondu à l’enquête. Dans la présente étude, les participants enregistrant des données complètes en matière d’âge et de sexe et au moins l’une des deux échelles principales d’utilisation des médias sociaux (n = 18 886) ont été inclus. Les participants de moins de 11 ans ou de plus de 15 ans (n = 1 546) ont été exclus, car le protocole d’échantillonnage a été spécialement conçu pour être représentatif à l’échelle nationale des élèves âgés de 11 à 15 ans. Au total, 255 participants ont répondu « Aucun de ces termes ne me décrit » à la question « Es-tu de sexe masculin ou féminin? » Lorsque les variables d’intérêt ont été désagrégées davantage, les tailles des échantillons obtenus étaient inférieures aux tailles minimales des cellules requises pour respecter les exigences de confidentialité. Par conséquent, ces participants ont également été exclus de l’analyse. Les 17 085 participants restants ont été inclus dans l’étude (tableau 1).


Tableau 1
Certaines caractéristiques de l’échantillon, Canada, 2018
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Certaines caractéristiques de l’échantillon Taille de l’échantillon et Pourcentage(figurant comme en-tête de colonne).
Taille de l’échantillon Pourcentage
Âge
11 ans 1 867 10,9
12 ans 3 559 20,8
13 ans 3 898 22,7
14 ans 4 269 24,9
15 ans 3 556 20,7
Sexe
Garçons 7 854 45,8
Filles 9 295 54,2
Origine ethnique
Blanc 12 010 71
Noir 714 4,2
Indien de l’Est et Asiatique du Sud 568 3,4
Asiatique de l’Est et du Sud-Est 527 3,1
Autochtone 494 2,9
Arabe ou Asiatique occidental 306 1,8
Latino-Américain 243 1,4
Autre (y compris de race mixte) 2 060 12,2
Manquant 230 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Structure familiale
Mère et père 12 649 75,3
Mère seulement 2 264 13,5
Mère et partenaire 936 5,6
Père seulement 425 2,5
Père et partenaire 213 1,3
Autre 316 1,9
Manquant 346 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Échelle de richesse familiale III
0 à 6 4 879 30,3
7 à 10 7 443 46,1
11 à 13 3 808 23,6
Manquant 1 018 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Appartenance à la population urbaine ou rurale
Région rurale (< 1 000 habitants) 162 0,9
Petit centre (1 000 à 29 999 habitants) 7 546 44
Centre de population moyen (30 000 à 99 999 habitants) 3 223 18,8
Grand centre urbain (≥ 100 000 habitants) 6 219 36,3

La participation était volontaire et anonyme. Les commissions scolaires, les établissements d’enseignement, les parents ou les tuteurs et les participants ont donné leur consentement. L’approbation éthique a été obtenue auprès de comités d’éthique de la recherche de Santé Canada, de l’Agence de la santé publique du Canada et de l’Université Queen’s.

Utilisation des médias sociaux

L’utilisation intensive des médias sociaux a été déterminée en fonction de la fréquence d’utilisation autodéclarée. À l’aide de quatre éléments adaptés de l’enquête EU Kids Online SurveyNote 28, on a demandé aux participants d’indiquer la fréquence à laquelle ils ont des contacts en ligne avec des amis proches, des amis d’un groupe d’amis plus important, des amis rencontrés par Internet, mais qu’ils ne connaissaient pas auparavant, et des personnes autres que des amis (p. ex. parents, frères et sœurs, camarades de classe ou enseignants). Les cinq options de réponse comprenaient « jamais ou presque jamais » à « presque constamment tout au long de la journée ». Conformément aux définitions précédentesNote 6Note 13, les participants ayant répondu « presque constamment tout au long de la journée » à au moins un élément ont été classés dans la catégorie ayant déclaré une utilisation intensive des médias sociaux, tandis que les autres ont été classés dans celle d’une utilisation non intensive des médias sociaux.

Les indicateurs d’une utilisation problématique des médias sociaux reposaient sur les symptômes autodéclarés de dépendance aux médias sociaux, y compris la préoccupation, la tolérance, l’état de manque, la persistance, le déplacement, les problèmes interpersonnels, la déception, l’évasion et le conflitNote 6. Au moyen de l’échelle des troubles liés aux médias sociaux de neuf élémentsNote 29, adaptée, puis testée du point de vue psychométrique à partir d’une échelle indicative d’une dépendance au jeuNote 30, on a demandé aux participants (de répondre par oui ou non) si, au cours de l’année précédente, ils « ne pouvaient régulièrement penser à rien d’autre qu’aux médias sociaux », ils « se sentaient régulièrement insatisfaits parce qu’ils souhaitaient passer plus de temps à utiliser les médias sociaux », ils « se sentaient souvent mal de ne pas pouvoir utiliser les médias sociaux », ils « ne parvenaient pas à passer moins de temps sur les médias sociaux », ils « négligeaient régulièrement d’autres activités en raison des médias sociaux », ils « avaient régulièrement des différends avec d’autres en raison de leur utilisation des médias sociaux », ils « mentaient régulièrement à leurs parents ou amis au sujet de leur temps passé sur les médias sociaux », ils « ont souvent utilisé les médias sociaux pour échapper à des sentiments négatifs », ils « ont eu de graves conflits avec leurs parents ou frères et sœurs en raison de leur utilisation des médias sociaux ». Conformément aux définitions précédentesNote 17Note 31Note 32, les participants ayant répondu positivement à au moins six éléments ont été classés comme déclarant une utilisation problématique des médias sociaux, tandis que les autres ont été classés comme ne déclarant pas une utilisation problématique des médias sociaux. Des recherches antérieures donnent à penser que l’échelle des troubles liés aux médias sociaux, un instrument solide et valide sur le plan psychométrique utilisé dans plusieurs pays, présente une validité structurelle, une cohérence interne (alpha de Cronbach > 0,76), une fiabilité de reprise des essais (corrélation de Pearson = 0,50, p < 0,001), une bonne validité convergenteNote 29Note 31Note 32 et est corrélée, mais distincte, de l’utilisation intensive des médias sociauxNote 32.

Relations

Les mesures décrivant les qualités des relations reposaient sur des indicateurs de soutien social de la part des membres de la famille, des amis, des enseignants et des camarades de classe. Les relations avec la famille ont été mesurées à l’aide de quatre éléments : « Ma famille essaie vraiment de m’aider », « J’obtiens de ma famille l’aide et le soutien affectif dont j’ai besoin », « Je peux parler de mes problèmes avec ma famille » et « Ma famille est disposée à m’aider à prendre des décisions ». Les relations avec les amis ont été mesurées à l’aide de quatre éléments : « Mes amis essaient vraiment de m’aider », « Je peux compter sur mes amis lorsque les choses vont mal », « Je peux partager mes émotions positives et mes sentiments de tristesse avec mes amis » et « Je peux parler de mes problèmes avec mes amis ». Les relations avec les enseignants ont été mesurées à l’aide de trois éléments : « J’ai l’impression que mes enseignants m’acceptent comme je suis », « J’ai l’impression que mes enseignants se préoccupent de moi en tant que personne » et « Je fais vraiment confiance à mes enseignants ». Les relations avec les camarades de classe ont été mesurées à l’aide de trois éléments : « Les élèves de ma classe aiment être ensemble », « La plupart des élèves de ma classe sont gentils et prêts à aider les autres » et « Les autres élèves m’acceptent comme je suis ». On a demandé aux participants d’indiquer dans quelle mesure ils étaient d’accord avec les éléments sur une échelle de 1 (très fortement en désaccord) à 7 (très fortement d’accord) en matière de soutien de la famille et des pairs, et sur une échelle de 1 (tout à fait d’accord) à 5 (tout à fait en désaccord) en matière de soutien des enseignants et des camarades de classe. Selon les définitions précédentes, les résultats ont été additionnés en indicateurs graduésNote 33 et classés en tertiles, le tiers supérieur indiquant des niveaux élevés de soutien social.

Liens

À l’aide d’une version modifiéeNote 34Note 35 d’une échelle internationale de santé spirituelle décrivant « les liens dans la vie qui nous rendent humains »Note 36, les mesures de la qualité des liens reposaient sur l’importance déclarée de favoriser des liens en soi, comme le sentiment de sens et de but dans la vie ou la joie de vivre, des liens avec d’autres personnes, la nature et la terre, et d’une puissance spirituelle supérieure (potentiellement transcendante). On a demandé aux participants de classer l’importance des énoncés sur une échelle de 1 (pas du tout important) à 5 (très important). Les liens avec soi ont été mesurés à l’aide de deux éléments : « La vie a un sens ou un but » et « Je ressens de la joie de vivre ». Les liens avec les autres ont été mesurés à l’aide de trois éléments : « Être gentil envers les autres », « Pardonner aux autres » et « Faire preuve de respect envers les autres ». Les liens avec la nature ont été mesurés à l’aide de deux éléments : « Sentir un lien avec la nature ou la vie sauvage » et « Se préoccuper du milieu naturel ». Les liens avec le transcendant ont été mesurés à l’aide de trois éléments : « Méditer ou prier », « Ressentir un lien avec une puissance spirituelle supérieure » et « Sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand que soi ». Pour chaque domaine, des résultats moyens de quatre ou plus pour l’ensemble des éléments ont été classés comme des niveaux élevés de liens. Des recherches antérieures ont démontré une forte validité structurelle et une cohérence interne (coefficients alpha de Cronbach de > 0,7 à > 0,8 dans chacun des quatre domaines) pour neuf paysNote 35, et des relations tout aussi robustes avec les résultats en matière de santé mentale dans chacun des quatre domainesNote 36.

Données démographiques

L’âge a été calculé en fonction de la date d’administration de l’enquête et des réponses des participants aux questions suivantes : « Quel mois es-tu né(e)? » et « En quelle année es-tu né(e)? » L’identité de genre a été mesurée en demandant aux participants : « Es-tu de sexe masculin ou féminin? » (sexe masculin ou féminin ou aucun de ces termes ne me décrit). L’origine ethnique a été mesurée à l’aide de l’élément suivant : « Les personnes vivant au Canada proviennent de différents milieux culturels et raciaux. Comment te décris-tu? » Les choix de réponse étaient les suivants : Blanc, Chinois, Sud-Asiatique, Noir, Philippin, Latino-Américain, Asiatique du Sud-Est, Arabe, Métis, Inuit, membre d’une Première Nation, Japonais, Coréen, Asiatique occidental et Autre – Veuillez préciser. La structure familiale, qui repose sur les personnes vivant au domicile où les participants vivaient tout le temps ou la plupart du temps, a été classée comme suit : « Mère et père », « Mère seulement », « Mère et partenaire », « Père seulement », « Père et partenaire », ou « Autre ». La richesse familiale a été utilisée comme mesure de la situation socioéconomique et mesurée à l’aide de l’échelle de richesse familiale de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaireNote 37, une mesure en six points des biens matériels dans le domicile, qui comprenait le nombre de voitures, le fait d’avoir sa propre chambre, le nombre d’ordinateurs dans la maison, le nombre de salles de bain, les vacances en famille prises au cours de l’année précédente et la présence d’un lave-vaisselle. Le statut urbain ou rural a été déterminé au moyen de la Classification des centres de population et des régions rurales 2016 de Statistique CanadaNote 38, afin de classer en quatre groupes les collectivités où les étudiants faisaient leurs études, allant de « rural » à « grand centre urbain ».

Analyse statistique

Premièrement, l’échantillon a été décrit par des caractéristiques sociodémographiques. Deuxièmement,la fréquence d’une utilisation intensive, puis problématique des médias sociaux chez les garçons et les filles stratifiée selon l’âge (11 à 15 ans) a été décrite. Les intervalles de confiance (IC) à 95 % pour ces estimations représentaient la nature regroupée de l’échantillon canadien de l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire, les élèves étant regroupés dans des établissements d’enseignementNote 5. Des valeurs de p décrivant la signification statistique de toute différence entre les sexes et les tendances en matière de proportions selon l’âge ont été générées au moyen de modèles de régression binomiale incluant les établissements d’enseignement comme effets aléatoires pour tenir compte des regroupements. La fréquence des huit résultats de l’étude (niveaux élevés de soutien social perçu dans quatre contextes relationnels et autodéclarations selon lesquelles les liens sont importants dans chacun des quatre domaines) a été décrite selon l’âge et le sexe. Troisièmement, des régressions binomiales à variables multiples (convenant à nos données et permettant l’estimation directe des risques relatifs) ont été utilisées pour modéliser les associations d’une utilisation intense des médias sociaux, puis de l’utilisation problématique des réseaux sociaux, avec chacun des huit résultats. Les modèles ont été corrigés pour tenir compte de facteurs confusionnels potentiels, notamment l’âge, la richesse familiale et la structure familiale. Les modèles examinant les associations possibles d’une utilisation intensive des médias sociaux ont été corrigés pour tenir compte d’une utilisation problématique des médias sociaux et vice versa. Les résultats sont présentés sous forme de risques relatifs (RR) et d’IC à 95 %, corrigés pour tenir compte des regroupements. Toutes les estimations ont été calculées pour être représentatives à l’échelle nationale, à l’aide de facteurs de pondération d’enquête, reflétant les inscriptions des élèves aux niveaux scolaires des tranches d’âge visées par l’Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire, par province et territoire. Au moyen d’un échantillon de 17 149 élèves, l’étude a permis de détecter des augmentations très modestes du RR (1,1 ou plus), avec une puissance de 80 % (alpha = 0,02; bidirectionnel) au sein de chaque strate selon le sexe.

Résultats

Le tableau 1 décrit la répartition sociodémographique de l’échantillon. Il y avait plus de filles que de garçons et l’âge médian était de 13 ans. La plupart des participants ont déclaré être Blancs. Les trois quarts des participants ont déclaré une structure familiale comprenant à la fois une mère et un père, et l’échantillon a été tiré d’un éventail de tailles de collectivités, allant de régions rurales à de grands centres urbains.

La fréquence d’une utilisation intensive des médias sociaux, puis d’une utilisation problématique des médias sociaux est décrite au tableau 2. Dans l’ensemble, les filles (38 %) ont déclaré une utilisation intensive des médias sociaux plus souvent que les garçons (30 %) et la fréquence augmentait avec l’âge chez les filles et les garçons. Le groupe ayant déclaré la fréquence la plus élevée d’utilisation intensive des médias sociaux était celui des filles de 15 ans (45,4 %), tandis que les garçons de 11 ans (21,0 %) ont déclaré la fréquence la plus faible. Dans l’ensemble, l’utilisation problématique des médias sociaux était moins courante chez les garçons (5,2 %) que chez les filles (7,7 %). L’augmentation de l’âge s’accompagnait d’une hausse statistiquement significative de l’utilisation problématique des médias sociaux déclarée chez les filles (p < 0,01), mais pas chez les garçons. Affichant un taux de 10,3 %, les filles de 15 ans ont déclaré les niveaux les plus élevés d’utilisation problématique des médias sociaux.


Tableau 2
Fréquence de l’utilisation intensive et problématique des médias sociaux selon l’âge et le sexe, Canada, 2018
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Fréquence de l’utilisation intensive et problématique des médias sociaux selon l’âge et le sexe Utilisation intensive des médias sociaux, Utilisation problématique des médias sociaux, Garçons, Filles, Taille de
l’échantillon, Pourcentage
oui, Intervalle
de confiance
à 95 % et Valeur de p(figurant comme en-tête de colonne).
Utilisation intensive des médias sociaux Utilisation problématique des médias sociaux
GarçonsTableau 2 Note 2 FillesTableau 2 Note 2 Garçons FillesTableau 2 Note 2
Taille de
l’échantillon
Pourcentage
oui
Intervalle
de confiance
à 95 %
Taille de
l’échantillon
Pourcentage
oui
Intervalle
de confiance
à 95 %
Valeur de pTableau 2 Note 1 Taille de
l’échantillon
Pourcentage
oui
Intervalle
de confiance
à 95 %
Taille de
l’échantillon
Pourcentage
oui
Intervalle
de confiance
à 95 %
Valeur de pTableau 2 Note 1
de à de à de à de à
Total 7 808 30 29,0 31,0 9 271 38 37,0 39,0 < 01 7 461 5,2 4,7 6 8 823 7,7 7,1 8,2 < 01
Âge
11 ans 823 21 18,2 23,7 1 028 22,6 20,0 25,1 0,62 774 5,1 3,6 7 929 4,1 2,8 5,4 0,6
12 ans 1 670 23,5 21,4 25,5 1 869 32,4 30,3 34,6 <,01 1 547 4,1 3,1 5 1 741 4,7 3,7 5,7 0,53
13 ans 1 755 29,7 27,5 31,8 2 133 37,1 35,1 39,2 <,01 1 682 4,7 3,7 6 2 041 8,5 7,3 9,8 <,01
14 ans 1 960 33,6 31,5 35,7 2 301 44,1 42,1 46,1 <,01 1 909 6,6 5,5 8 2 208 8,5 7,4 9,7 0,14
15 ans 1 601 37,5 35,2 39,9 1 940 45,4 43,2 47,6 0,01 1 549 5,1 4 6 1 904 10,3 8,9 11,6 <,01

Lorsque l’on examine les associations entre l’utilisation intensive des médias sociaux et les mesures des liens interpersonnels et des relations, les associations les plus fortes ont été observées entre l’utilisation intensive des médias sociaux et les niveaux élevés de soutien perçu de la part des amis chez les garçons et les filles (tableau 3). Chez les garçons, une utilisation intensive des médias sociaux était également associée à des liens avec le transcendant et, après correction pour tenir compte d’une utilisation problématique des médias sociaux, une association importante avec des niveaux plus élevés de soutien familial a été observée. On a observé chez les filles une association modeste avec un soutien élevé de la part des camarades de classe.


Tableau 3
Risque relatif des résultats associés à une utilisation intensive des médias sociaux (oui par rapport à non), Canada, 2018
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Risque relatif des résultats associés à une utilisation intensive des médias sociaux (oui par rapport à non). Les données sont présentées selon Résultats (titres de rangée) et Garçons, Filles, Modèle 1, Modèle 2, Risque
relatif et Intervalle de confiance
à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Résultats Garçons Filles
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 1 Modèle 2
Risque
relatif
Intervalle de confiance
à 95 %
Risque
relatif
Intervalle de confiance
à 95 %
Risque
relatif
Intervalle de confiance
à 95 %
Risque
relatif
Intervalle de confiance
à 95 %
de à de à de à de à
Liens, importants
Autres 1,01 0,97 1,05 1,01 0,97 1,06 1,00 0,98 1,03 1,01 0,98 1,03
Soi 1,01 0,98 1,05 1,02 0,98 1,05 1,01 0,98 1,04 1,02 0,99 1,05
Nature 1,03 0,97 1,10 1,04 0,98 1,11 0,96 0,92 1,01 0,98 0,94 1,02
Transcendant 1,26 1,14 1,38 1,28 1,15 1,42 1,04 0,94 1,15 1,05 0,96 1,16
Soutiens sociaux, élevés
Soutien de la famille 1,10 1,00 1,22 1,12 1,01 1,23 1,04 0,94 1,15 1,07 0,97 1,18
Soutien des enseignants 0,96 0,86 1,08 0,98 0,87 1,11 1,07 0,97 1,17 1,08 0,99 1,20
Soutien des camarades de classe 1,05 0,97 1,13 1,06 0,99 1,15 1,09 1,01 1,17 1,11 1,02 1,20
Soutien des amis 1,56 1,36 1,78 1,55 1,36 1,78 1,41 1,28 1,54 1,40 1,28 1,54

Les associations entre une utilisation problématique des médias sociaux et les liens interpersonnels et les relations étaient généralement plus fortes. Cela est plus constant et dans la direction opposée d’une utilisation intense des médias sociaux. Une utilisation problématique des médias sociaux était associée à des niveaux plus faibles de soutien social pour toutes les sources (famille, amis, enseignants et camarades de classe) et à des niveaux plus faibles de lien (avec les autres, avec soi et avec la nature), à l’exception du lien avec le transcendant pour lequel aucune association n’a été observée (tableau 4). Ces associations se sont maintenues même après correction pour tenir compte d’une utilisation intense des médias sociaux.


Tableau 4
Risque relatif des résultats associés à l’utilisation problématique des médias sociaux (oui par rapport à non), Canada, 2018
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Risque relatif des résultats associés à l’utilisation problématique des médias sociaux (oui par rapport à non). Les données sont présentées selon Résultats (titres de rangée) et Garçons, Filles, Modèle 1, Modèle 2, Risque relatif et Intervalle
de confiance
à 95 %(figurant comme en-tête de colonne).
Résultats Garçons Filles
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 1 Modèle 2
Risque relatif Intervalle
de confiance
à 95 %
Risque relatif Intervalle
de confiance
à 95 %
Risque relatif Intervalle
de confiance
à 95 %
Risque relatif Intervalle
de confiance
à 95 %
de à de à de à de à
Liens, importants
Autres 0,86 0,76 0,97 0,85 0,75 0,97 0,92 0,86 0,99 0,92 0,86 0,99
Soi 0,84 0,76 0,94 0,84 0,76 0,93 0,87 0,81 0,93 0,87 0,81 0,93
Nature 0,82 0,72 0,95 0,82 0,71 0,94 0,82 0,74 0,91 0,83 0,74 0,92
Transcendant 1,00 0,78 1,27 0,99 0,78 1,25 1,15 0,98 1,35 1,14 0,97 1,34
Soutiens sociaux, élevés
Soutien de la famille 0,59 0,44 0,81 0,58 0,42 0,79 0,48 0,36 0,64 0,48 0,36 0,63
Soutien des enseignants 0,75 0,58 0,97 0,76 0,59 0,98 0,56 0,44 0,73 0,56 0,43 0,72
Soutien des camarades de classe 0,76 0,63 0,90 0,74 0,62 0,89 0,77 0,64 0,93 0,75 0,62 0,91
Soutien des amis 0,85 0,62 1,16 0,84 0,61 1,14 0,87 0,70 1,07 0,82 0,66 1,01

Discussion

Dans la présente analyse nationale inédite portant sur les adolescents canadiens, de fortes associations entre une utilisation intensive des médias sociaux (contacts en ligne avec d’autres personnes presque constamment tout au long de la journée) et des niveaux plus élevés de soutien social perçu de la part des amis ont été observées chez les garçons et les filles, et des associations plus faibles ou aucune association ont été observées avec d’autres mesures des relations et des liens interpersonnels. À l’inverse, une utilisation problématique des médias sociaux (symptômes de dépendance) était systématiquement et fortement associée à des niveaux plus faibles de soutien social de la part des familles, des enseignants et des camarades de classe, ainsi qu’à des niveaux plus faibles de liens avec soi-même, les autres et la nature.

L’idée qu’une utilisation des médias sociaux puisse renforcer les relations tout en favorisant, de manière paradoxale, des sentiments de déconnexion sociale n’est pas nouvelleNote 16Note 39. La présente étude contribue à ces données probantes en démontrant que différents types d’utilisation des médias sociaux (intense et problématique) concourent de diverses manières à différentes expériences relationnelles. Nos conclusions donnent à penser qu’une utilisation intensive des médias sociaux n’est pas nécessairement associée à des relations et à des liens interpersonnels plus faibles et, dans certains cas, pourrait même contribuer à les renforcer, tandis qu’une utilisation problématique peut contribuer à un sentiment de déconnexion. Comme les relations et les liens interpersonnels sont des déterminants connus de la santé et du bien-être de la population des jeunes et de la population adulteNote 2Note 3Note 40, nos conclusions mettent en lumière une voie selon laquelle une utilisation des médias sociaux peut contribuer positivement et négativement au bien-être des adolescents.

Nos conclusions trouvent écho dans des modèles théoriques qui semblent indiquer que des niveaux élevés d’utilisation des médias sociaux ou d’utilisation habituelle (c.-à-d. une utilisation intensive) ne se traduisent pas nécessairement par des résultats négatifs pour la santéNote 41. En revanche, selon les théoriciens de la société, une utilisation problématique des médias sociaux se manifeste lorsqu’une personne considère les médias sociaux comme un mécanisme important pour soulager le stress, la solitude ou la dépressionNote 42. De telles théories donnent à penser que la voie de causalité qui lie l’utilisation des médias sociaux, les relations et les liens interpersonnels et la santé mentale est complexe et probablement bidirectionnelle. L’utilisation des médias sociaux procure une gratification permanente, par exemple un sentiment d’efficacité personnelle et de la satisfaction, et l’acceptation sociale perçueNote 43, ce qui entraîne une utilisation de plus en plus importante et, tôt ou tard, des problèmes, comme un désengagement et des conflits relationnels. Ces problèmes exacerbent ensuite les sentiments négatifs, créant un modèle cyclique d’utilisation des médias sociaux pour se sentir mieuxNote 42. De plus, l’utilisation problématique des médias sociaux présente de nombreuses propriétés addictives, comme en témoignent les indicateurs utilisés dans son évaluationNote 13Note 29. Des cadres biopsychosociaux, selon lesquels une combinaison de facteurs biologiques, psychosociaux et sociaux contribue au développement d’une utilisation problématique des médias sociaux, peuvent également s’appliquerNote 44Note 45.

Les forces de la présente étude méritent d’être commentées. Dans le cadre de notre analyse, nous avons tenu compte des rapports provenant d’un vaste échantillon national d’adolescents. Bien que la fréquence d’indicateurs particuliers puisse ne pas être représentative en raison d’une erreur d’échantillonnage, nous soutenons que les relations entre les variables contenues dans notre échantillon devraient être très représentatives des expériences des adolescents canadiens. Deuxièmement, nous avons utilisé des instructions validées précédemment pour mesurer l’utilisation des médias sociaux, les relations et les liens interpersonnels entre de multiples domaines, ce qui a contribué à la robustesse de nos constatations. Troisièmement, notre estimation a tenu compte de nombreux facteurs confusionnels potentiels et de la modification des effets selon le sexe, ce qui a renforcé davantage nos conclusions. Toutefois, toutes les études ont leurs limites et celle-ci ne fait pas exception. Notre plan transversal limite l’inférence causale en ce qui concerne la temporalité des résultats du modèle, et la causalité inversée est possible. Il est également possible qu’un facteur commun ait pu avoir une incidence sur l’utilisation des médias sociaux et sur nos mesures des relations et des liens interpersonnels. De plus, les données étaient autodéclarées et donc sujettes aux biais dus à la désirabilité socialeNote 46, entraînant une sous-estimation de la fréquence de l’utilisation intensive et problématique des médias sociaux et des forces évaluées des relations et des liens interpersonnels, réduisant ainsi la force des associations observées. Nos mesures disponibles de l’utilisation intensive des médias sociaux étaient axées sur la communication avec des amis dans trois des quatre éléments, fournissant une autre explication de la raison pour laquelle elle était principalement associée au soutien social des amis et des camarades de classe. Les mesures de l’utilisation intensive des médias sociaux comprenaient l’utilisation active (p. ex. communication avec les autres) et non passive (p. ex. lecture, consultation ou visionnement de contenu sur les médias sociaux) et constituent une mesure de la fréquence des communications électroniques avec les autres au moyen des médias sociaux et non du temps passé à utiliser des médias sociaux. Différentes mesures de l’utilisation des médias sociaux qui comprennent une telle utilisation passive peuvent présenter différentes associations avec les relations et les liens interpersonnels. Enfin, bien que notre analyse étiologique porte principalement sur la taille et la constance des effets observés selon de multiples indicateurs, et non sur la signification statistique en soi, certaines erreurs de type I demeurent possibles.

L’observation d’associations constantes entre une utilisation problématique des médias sociaux et moins de soutien relationnel et un sentiment plus élevé de déconnexion donne à penser que la prévention et la réduction de la dépendance à l’utilisation des médias sociaux plutôt que de se concentrer sur la réduction de la fréquence ou du temps passé à utiliser les médias sociaux par les adolescents peuvent s’avérer une meilleure approche. À l’inverse, il peut être également justifié de prévenir et de contrer l’utilisation problématique des médias sociaux au sein de la population adolescente en ciblant les relations et les liens sociaux. Des études sur les déterminants en amont et l’étiologie plus approfondie des comportements d’utilisation des médias sociaux, y compris le rôle des types de personnalité qui conduisent à des comportements intensifs et problématiquesNote 47 sont justifiées. Même si nos conclusions ont été constatées pour tous les adolescents, dans une certaine mesure, elles semblent particulièrement liées aux expériences des filles, ce qui semble indiquer une nécessité de cibler en priorité les efforts en matière de santé clinique et publique. La surveillance et l’établissement d’objectifs par les adultes en matière d’activités en ligne des adolescents ne s’étant pas révélés être une stratégie efficace à long terme pour soutenir les jeunes dans leur utilisation saine des médias sociaux et d’autres technologies en ligne, il pourrait être plus efficace à long terme d’habiliter les jeunes à acquérir les compétences dont ils ont besoin pour interagir avec les médias sociaux de façon saine et autonome, sans intervention adulte et sans règlesNote 48Note 49. L’utilisation des médias sociaux oblige les jeunes à se retrouver dans un paysage complexe. Ainsi, les initiatives de promotion de la santé aidant les jeunes à comprendre les différentes utilisations et les conséquences d’une utilisation intensive ou problématique des médias sociaux peuvent les aider à gérer leur utilisation des médias sociaux grâce à de nouvelles perspectives et à l’autorégulationNote 50.

En conclusion, la présente étude nationale montre qu’une utilisation intensive des médias sociaux a le potentiel de renforcer les relations et les liens interpersonnels chez les adolescents, alors que des formes plus problématiques contribuent à des sentiments de déconnexion sociale. En raison de la pandémie de COVID-19 et des mesures de distanciation physique connexes, comme l’enseignement en ligne, la fréquence de l’utilisation des médias sociaux a probablement augmenté chez les adolescents, et certaines de ses conséquences positives et négatives se sont peut-être amplifiées. D’autres recherches sont nécessaires pour éclairer les initiatives de santé publique, afin de promouvoir une utilisation saine des médias sociaux et en éviter une utilisation problématique. Il s’agit notamment de mieux comprendre la transition entre l’utilisation non problématique et l’utilisation problématique, de savoir si l’utilisation problématique est associée à certains types d’utilisation (p. ex. utilisation active ou passive et habitudes d’utilisation) et de savoir si certains adolescents sont plus susceptibles que d’autres de devenir des utilisateurs à risque. Une meilleure compréhension de la façon dont les jeunes utilisent les médias sociaux de façon saine fournira également des renseignements importants pour l’avenir.

Signaler un problème sur cette page

Quelque chose ne fonctionne pas? L'information n'est plus à jour? Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez?

S'il vous plaît contactez-nous et nous informer comment nous pouvons vous aider.

Avis de confidentialité

Date de modification :