Rapports sur la santé
Validation du continuum de santé mentale : Questionnaire abrégé au sein du personnel des Forces armées canadiennes

par Rachel A. Plouffe, Aihua Liu, J. Don Richardson et Anthony Nazarov

Date de diffusion : le 18 may 2022

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202200500001-fra

Résumé

Contexte

En comparaison avec la population canadienne générale, les militaires présentent une prévalence plus élevée de troubles dépressifs, de troubles anxieux et de troubles de stress post-traumatique. Toutefois, il n’y a pas suffisamment de recherches sur la mesure dans laquelle les membres des Forces armées jouissent d’une santé mentale positive. La validation des mesures de la santé mentale positive, notamment l’outil Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM-QA), est nécessaire pour déterminer si le bien-être peut être évalué de façon valide et fiable chez les membres des Forces armées canadiennes (FAC). Le but de cette recherche est d’évaluer la fiabilité de la cohérence interne, la validité convergente, la structure des facteurs et l’invariance de la mesure du CSM-QA chez les membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC.

Données et méthodologie

Les données ont été tirées de l’Enquête sur la santé mentale dans les Forces canadiennes (ESMFC) de 2013 réalisée par Statistique Canada, laquelle est représentative à l’échelle nationale. Un échantillon aléatoire de 8 200 membres du corps militaire a participé à l’ESMFC, ce qui représente 64 400 membres de la Force régulière et 4 460 membres de la Force de réserve des FAC.

Résultats

Comme prévu, les trois sous-échelles du CSM-QA (bien-être psychologique, social et émotionnel) corrélaient positivement avec la satisfaction à l’égard de la vie, l’auto-évaluation de la santé mentale, le sentiment d’appartenance et le soutien social, et corrélaient négativement avec la détresse psychologique et l’incapacité en raison de l’état de santé. La cohérence interne était élevée. L’analyse factorielle confirmatoire appuyait la structure à trois facteurs du CSM-QA et l’invariance de la mesure a été respectée.

Interprétation

Les conclusions ont permis d’appuyer la fiabilité, la validité convergente, la validité factorielle et l’invariance de la mesure du CSM-QA pour les échantillons des membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC. Par conséquent, les chercheurs et les cliniciens peuvent utiliser de façon fiable le CSM-QA en tant qu’outil pour évaluer, interpréter et prédire le bien-être psychologique, social et émotionnel des militaires.

Mots-clés

Forces armées canadiennes; militaire; santé mentale positive; bien-être; psychométrie; validation; analyse factorielle confirmatoire; invariance.

Auteurs

Rachel A. Plouffe, Centre de recherche MacDonald Franklin sur les blessures de stress opérationnel (BSO), Institut de recherche en santé Lawson, London (Ontario); et Département de psychiatrie, Université Western, London (Ontario). Aihua Liu, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec). J. Don Richardson et Anthony Nazarov, Centre de recherche MacDonald Franklin sur les BSO, Institut de recherche en santé Lawson, London (Ontario); Département de psychiatrie, Université Western, London (Ontario); Département de psychiatrie et de neurosciences comportementales, Université McMaster, Hamilton (Ontario); et la OSI Clinic, Parkwood Institute, la St. Joseph OSI Clinic, le St. Joseph’s Health Care, London (Ontario).

Note des auteurs

Nous n’avons aucun conflit d’intérêts à divulguer. Ce projet a été financé au moyen du soutien du Centre de recherche MacDonald Franklin sur les blessures de stress opérationnel par la St. Joseph’s Health Care Foundation (London, Ontario, Canada).

Début de l'encadré

 

Ce que l’on sait déjà sur le sujet ?

  • D’après les recherches antérieures, les anciens combattants présentent une prévalence plus élevée de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique que la population canadienne générale.
  • Il n’y a pas suffisamment de recherches sur la mesure dans laquelle les membres des Forces armées ont une expérience de santé mentale positive, notamment en ce qui concerne le bien-être émotionnel, social et psychologique.
  • La validation des mesures du bien-être, notamment l’outil Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM-QA), est nécessaire pour déterminer si les mesures de la santé mentale positive sont valides et fiables chez les membres des FAC.

Ce qu’apporte l’étude ?

  • Nos conclusions appuient la fiabilité et la validité du CSM-QA pour les échantillons des militaires de la Force régulière et de la Force de réserve.

Fin de l'encadré

Introduction

Les définitions traditionnelles conceptualisent la santé mentale et physique globale comme l’absence de maladiesNote 1Note 2. Ces interprétations de la santé ont depuis évolué de manière à reconnaître que la santé mentale (et physique) ne peut être réduite à l’absence de maladies. Elles ont plutôt évolué en une interaction complexe entre des facteurs sociaux, psychologiques et biologiquesNote 3. Plus précisément, les définitions récentes décrivent la santé mentale comme un état de bien-être d'une personne qui fait face à des facteurs de stress quotidiens efficacement, contribue à la société, travaille de façon productive et réalise son potentielNote 3. Comme la promotion d’une santé mentale positive devient une priorité internationaleNote 4, il est essentiel que les chercheurs, les décideurs et les organismes gouvernementaux reconnaissent, comprennent et mesurent la santé mentale positive selon un continuum lié aux troubles mentaux, mais distinct de ceux-ci. Cela est notamment important pour l’amélioration du bien-être de groupes de personnes particulièrement susceptibles de rencontrer des problèmes de santé mentale, y compris les militaires et les anciens combattants. La présente recherche vise à valider une mesure couramment utilisée pour mesurer la santé mentale positive, appelée le Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM-QA)Note 5Note 6, dans un échantillon du personnel des Forces armées canadiennes (FAC) représentatif à l’échelle nationale.

Le Continuum de santé mentale

KeyesNote 7Note 8 a conceptualisé la santé mentale positive comme un état qui reflète les perceptions subjectives d’une personne à l’égard de ses propres émotions positives et de son propre bien-être psychologique. Selon le modèle global à deux continuums de KeyesNote 9, les troubles mentaux sont présents dans une dimension distincte de la santé mentale, de sorte qu’une personne peut éprouver des troubles mentaux (p. ex. la dépression, l’anxiété) à des niveaux élevés et tout de même présenter des degrés élevés de santé mentale (c.-à-d. florissante). En revanche, une personne peut présenter de faibles degrés de troubles mentaux, mais démontrer également de faibles degrés de santé mentale (c.-à-d. languissante). Cette situation ne se limite pas à une compréhension traditionnelle de la santé mentale, de sorte que pour améliorer sa santé mentale, une personne ne peut pas simplement réduire les occurrences de ses troubles mentauxNote 9.

L’outil Continuum de santé mentale (CSM) – Questionnaire détailléNote 7, qui repose sur 40 éléments, a été élaboré afin d’évaluer trois dimensions de la santé mentale positive fondées sur la conceptualisation de KeyesNote 7Note 8 concernant la santé mentale, y compris le bien-être psychologique, social et émotionnel. Le bien-être psychologique désigne les dimensions du fonctionnement positif d’une personne. Les personnes qui présentent des degrés élevés de bien-être psychologique ont tendance à chercher l’acceptation de soi, l’autonomie, l’épanouissement personnel, des relations positives et la maîtriseNote 7Note 8Note 10. Le bien-être social reflète les dimensions du fonctionnement social, notamment l’acceptation sociale, la réalisation sociale, la contribution sociale, la cohérence sociale et l’intégration socialeNote 7Note 8Note 11. Plus précisément, les personnes ayant un degré élevé de bien-être social ont tendance à porter un regard positif sur les autres, à percevoir leurs propres activités comme étant utiles à la société, à considérer l’intégration sociale comme étant importante et à avoir un sentiment d’appartenance aux autresNote 8. Le bien-être psychologique et le bien-être social trouvent leur origine dans les traditions d’études eudémoniques, ce qui équivaut à la santé mentale dont le fonctionnement est positifNote 5Note 12. Enfin, le bien-être émotionnel désigne les expériences émotionnelles positives et les perceptions globales de la satisfaction à l’égard de la vieNote 7Note 8. Le bien-être émotionnel est traditionnellement reconnu comme une composante du bien-être hédonique, qui est axé sur la maximisation des sentiments positifs (c.-à-d. le bonheur) tout en atténuant les sentiments négatifs afin de maintenir une santé mentaleNote 5Note 12.

Plus récemment, l’outil Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM-QA)Note 5Note 6, qui repose sur 14 éléments, a été élaboré pour évaluer de manière concise les degrés de bien-être psychologique, social et émotionnel. L’outil CSM-QA a été établi à partir de son prédécesseur, l’outil Continuum de santé mentale (CSM) – Questionnaire détaillé, auquel les éléments les plus complets en ce qui a trait aux définitions de chaque aspect du bien-êtreNote 6 ont été sélectionnés. Des études de validation préliminaires ayant recours au CSM-QA ont montré que la mesure affichait une fiabilité interne cohérente, une validité convergente et discriminante solide, et une structure à trois facteurs parmi les échantillons de la population adulte provenant de l’Afrique du SudNote 5 et des Pays-BasNote 13, et les échantillons d’une population adolescente provenant des États-UnisNote 14. Depuis sa conception initiale, l’outil CSM-QA a été traduit et validé dans de nombreux pays, notamment la PologneNote 15, l’ItalieNote 16, le BrésilNote 17, la CoréeNote 18, le CanadaNote 19 et l’IranNote 20. Dans toutes les études, les résultats appuyaient la structure des facteurs, et ses propriétés psychométriques étaient valables.

La santé mentale dans les Forces armées : la nécessité d’avoir des mesures valides

Les recherches antérieures ont constamment démontré que, par rapport à la population canadienne, les anciens combattants présentent une prévalence plus élevée de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatiqueNote 21Note 22. Dans le cadre d’une enquête sur les anciens combattants de la Force régulière publiée entre 1998 et 2012, 24 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles avaient reçu un diagnostic de trouble de l’humeur, de trouble anxieux ou de stress post-traumatique au moment de la réalisation de l’enquêteNote 23. D’autres études ayant recours à l’Enquête sur la santé mentale dans les Forces canadiennes (ESMFC) ont démontré que parmi le personnel des FAC, la prévalence de tout trouble d’humeur ou trouble anxieux au cours de l’année précédente avait augmenté, passant de 10,9 % à 13,6 % sur une période de 11 ansNote 24. Il est évident que plusieurs facteurs, notamment l’exposition à des expériences de combat, les événements moralement préjudiciablesNote 25Note 26 et la sous-utilisation des servicesNote 27 contribuent aux résultats négatifs en matière de santé mentale chez les anciens combattants et le corps militaire. Bien que l’on en sache beaucoup concernant les conséquences négatives en matière de santé mentale chez les militaires canadiens, il n’y a pas suffisamment de recherches sur la mesure dans laquelle les militaires ont une santé mentale positive, tel qu’il est défini selon les critères établis par KeyesNote 9. Étant donné l’importance de l’amélioration de la santé et du bien-être des militaires, il est essentiel que des initiatives soient prises afin d’étudier les facteurs de protection associés à une santé mentale psychologique, sociale et émotionnelle améliorée chez les militaires. Toutefois, avant cela, il est nécessaire de valider l’outil CSM-QA afin de déterminer si cette mesure de la santé mentale positive est valide et fiable chez les membres des FAC, qui sont particulièrement à risque de présenter des symptômes de problèmes de santé mentale.

Objectif

Le but de la présente recherche est d’évaluer la fiabilité de la cohérence interne, la validité convergente, la structure des facteurs et l’invariance de la mesure du CSM-QA parmi des échantillons représentatifs des membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC. Nous prévoyons que l’échelle présentera une fiabilité interne cohérente élevéeNote 19. Selon les conclusions antérieuresNote 19, nous avons également formulé des hypothèses qui supposent qu’il y aurait des corrélations positives importantes entre les sous-échelles du CSM-QA et la satisfaction à l’égard de la vie, l’auto-évaluation de la santé mentale, le sentiment d’appartenance et le soutien social. En revanche, nous prévoyons des corrélations négatives importantes entre les sous-échelles du CSM-QA et le Plan d’évaluation des invalidités de l’Organisation mondiale de la Santé 2.0 (WHODAS 2.0), ainsi que la détresse psychologiqueNote 19. En tenant compte d’études antérieuresNote 5Note 13Note 28, nous prévoyons qu’une structure à trois facteurs sera mise sur pied et qu’elle représentera le bien-être psychologique, social et émotionnel.

Enfin, nous évaluerons l’invariance de la mesure de l’outil CSM-QA chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC afin de déterminer si l’échelle mesure les mêmes concepts dans les deux groupes. Nous prévoyons que l’outil CSM-QA présentera une invariance de la mesure chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC, et que les différences latentes moyennes révéleront des résultats plus élevés quant au bien-être des membres déployés de la Force de réserve que les résultats liés au bien-être des membres de la Force régulière. Cette hypothèse est fondée sur des recherches antérieures indiquant que la prévalence d’une mauvaise santé mentale tend à être plus élevée chez les anciens combattants de la Force régulière que chez les anciens combattants de la Force de réserve qui ont été déployésNote 22Note 23.

Méthode

Participants et procédure

Les données ont été tirées de l’ESMFC transversale, qui est représentative à l’échelle nationale et qui a été réalisée en 2013Note 29. L’ESMFC a été menée par Statistique Canada et lors de celle-ci, 8 200 membres des FAC (6 700 membres de la Force régulière et 1 500 membres de la Première réserve) faisaient partie d’un échantillon aléatoire et ont répondu à une enquête portant sur leur santé mentale, les facteurs de prédiction de la santé mentale et l’utilisation des services de santé mentaleNote 30. Les populations visées ont été stratifiées selon le grade et le déploiement en Afghanistan (membres déployés par rapport aux membres non déployés en Afghanistan)Note 29. Selon le poids d’échantillonnage fourni par Statistique Canada, les échantillons pondérés représentaient 64 400 membres du personnel de la Force régulière des FAC et 4 460 membres de la Force de réserve des FAC. Tous les participants de la Force de réserve ont été déployés en Afghanistan, tandis que 60,90 % des participants de la Force régulière ont été déployés et sont revenus de leur déploiement entre 2001 et 2013. Les participants ont donné un consentement éclairé, et toutes les approbations en matière d’éthique ont été obtenues par les comités d’examen affiliés à Statistique Canada. Les renseignements démographiques des participants sont fournis dans le tableau 1.


Tableau 1
Renseignements démographiques et militaires par membre des Forces armées
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Renseignements démographiques et militaires par membre des Forces armées. Les données sont présentées selon Données démographiques (titres de rangée) et Force régulière (n = 64 400), Force de réserve (n = 4 460), nombre, pourcentage , Intervalle de
confiance de 95 % et pourcentage(figurant comme en-tête de colonne).
Données démographiques Force régulière (n = 64 400) Force de réserve (n = 4 460)
nombre pourcentage Intervalle de
confiance de 95 %
nombre pourcentage Intervalle de
confiance de 95 %
de à de à
Âge
17 à 24 ans 8 560 13,29 12,38 14,20 400 8,93 7,42 10,44
25 à 34 ans 24 220 37,61 36,44 38,77 1 860 41,52 39,17 43,87
35 à 44 ans 17 860 27,73 26,65 28,81 940 20,98 18,94 23,02
45 à 60 ans 13 760 21,37 20,48 22,25 1 280 28,57 26,45 30,69
Sexe
Homme 55 480 86,15 85,30 87,00 4 060 91,03 89,50 92,56
Femme 8 920 13,85 13,00 14,70 400 8,97 7,44 10,50
Niveau de scolarité
Études secondaires ou niveau inférieur 19 160 29,82 28,67 30,97 1 000 22,42 20,27 24,58
Études postsecondaires ou niveau supérieur 45 100 70,18 69,03 71,33 3 460 77,58 75,42 79,73
État matrimonial
Marié 29 120 45,26 44,05 46,47 1 880 42,15 39,88 44,42
Union libre 13 080 20,33 19,27 21,39 780 17,49 15,47 19,51
Séparé/veuf/divorcé 4 840 7,52 6,88 8,17 280 6,28 5,00 7,56
Célibataire 17 300 26,89 25,81 27,97 1 520 34,08 31,80 36,36
Langue
Anglais 50 600 78,57 77,53 79,61 3 700 82,96 82,96 84,94
Français 13 800 21,43 20,39 22,47 760 17,04 15,06 19,02
Facteurs militaires – grade
MR subalterne 35 440 55,03 54,83 55,24 2 160 48,21 47,50 48,93
MR supérieur 15 500 24,07 23,84 24,30 1 300 29,02 28,30 29,74
Officier 13 460 20,90 20,80 21,00 1 020 22,77 22,55 22,99
Déployé (en Afghanistan ou à l’extérieur de l’Amérique du Nord) 39 220 60,90 59,98 61,82 4 460 100,00 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Les participants à l’enquête ont répondu à l’ESMFC en personne, avec un intervieweur, durant les heures de travail. Les interviews se sont déroulées entre avril et août 2013 dans des salles privées dans le milieu de travail militaire. Les intervieweurs avaient reçu une formation approfondie sur la façon de poser les questions de l’enquête et sur l’utilisation des procédures d’interview assistée par ordinateurNote 29.

Mesures

Santé mentale positive : La mesure principale utilisée pour la présente étude était le CSM-QANote 5Note 6. Le CSM-QA à 14 éléments permet de mesurer les aspects du bien-être psychologique, social et émotionnel ressentis lors du dernier mois sur une échelle de fréquence à six points, allant de 1 = chaque jour, à 6 = jamais. Les éléments ont été remis à l’échelle, de sorte que les résultats vont de 0 = jamais, à 5 = chaque jour, et les résultats ont été additionnés pour que les résultats les plus élevés représentent le plus grand bien-être. Les recherches antérieures appuient la fiabilité et la validité de l’outil CSM-QA relativement aux échantillons de la population canadienne (p. ex. α = 0,77 à 0,82)Note 19. Bien qu’Orpana et al. (2017) aient indiqué que la corrélation des résidus pour les paires d’éléments était nécessaire pour parvenir à un ajustement solide du modèle, leur modèle à trois facteurs non modifié présentait un ajustement adéquat quant aux données. Nous avons choisi de ne pas corréler les résidus des paires d’éléments, car ils devraient être utilisés de façon occasionnelle et leur utilisation devrait être justifiée par la théorie.

Satisfaction à l’égard de la vie : Nous avons aussi mesuré la satisfaction à l’égard de la vie à l’aide d’une seule question : « À l’aide d’une échelle de 0 à 10, quel sentiment éprouvez-vous maintenant à l’égard de votre vie, où 0 signifie “Très insatisfait” et 10 signifie “Très satisfait”? » Cette méthode a été appliquée avec succès dans un contexte canadien pour évaluer les degrés de satisfaction à l’égard de la vie dans la population généraleNote 19.

Auto-évaluation de la santé mentale : L’auto-évaluation de la santé mentale a été évaluée à l’aide d’une seule question : « En général, diriez-vous que votre santé mentale est [...] », à laquelle les participants ont répondu à l’aide d’une échelle de 1 = excellente, 2 = très bonne, 3 = bonne, 4 = passable, et 5 = mauvaise. Les résultats ont été inversés, de sorte que les résultats les plus élevés indiquaient une auto-évaluation de la santé mentale plus élevée. Cette méthode a été appliquée avec succès dans un contexte canadien pour évaluer les degrés d’auto-évaluation de la santé mentale chez la population généraleNote 19Note 31.

Sentiment d’appartenance : Nous avons mesuré le sentiment d’appartenance à l’aide d’une seule question : « Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale? Diriez-vous qu’il est [...] », à laquelle les participants ont répondu à l’aide d’une échelle de 1 = très fort, 2 = plutôt fort, 3 = plutôt faible, 4 = très faible. Les résultats ont été inversés, de sorte que les résultats les plus élevés indiquaient un sentiment d’appartenance plus élevé. Cette méthode a été appliquée avec succès dans un contexte canadien pour évaluer le sentiment d’appartenance chez la population généraleNote 19.

Soutien social : L’Échelle de provisions sociales à 10 éléments (SPS-10)Note 32 a été utilisée pour évaluer les degrés de soutien social liés à l’attachement, à l’encadrement, aux alliances fiables, à la tendance à consoler, à l’intégration sociale et à la confirmation de sa valeur. Les répondants ont approuvé les éléments selon une échelle de Likert à quatre points, allant de 1 = fortement en désaccord à 4 = fortement d’accord. Les réponses ont été additionnées afin d’obtenir le résultat total du soutien social. Des recherches antérieures appuient la fiabilité et la validité de la SPS-10 chez la population canadienne (p. ex. α = 0,93)Note 33.

Détresse psychologique : Les degrés de détresse psychologique ont été évalués à l’aide de l’échelle de détresse psychologique de Kessler à six éléments (K6)Note 34. La K6 est une mesure globale de la détresse, et les éléments reflètent les degrés des symptômes de dépression et d’anxiété ressentis au cours du dernier mois. Les répondants ont approuvé les éléments selon une échelle de fréquence à cinq points, allant de 1 = toujours à 5 = jamais. Les réponses aux questions ont été inversées et additionnées, de sorte que les résultats les plus élevés indiquent les plus hauts degrés de détresse psychologique. Des recherches antérieures appuient la fiabilité et la validité de la K6 (p. ex. α = 0,89)Note 34.

Difficultés en raison de problèmes de santé : Le Plan d’évaluation des invalidités de l’Organisation mondiale de la Santé 2.0 (WHODAS 2.0)Note 35 à 12 éléments a été mis en œuvre pour permettre d’évaluer la mesure des difficultés vécues dans l’ensemble des domaines au cours des 30 derniers jours, y compris durant les activités de la vie quotidienne, en raison de problèmes de santé comme les maladies, les blessures, les problèmes mentaux ou émotionnels, ou les problèmes de consommation d’alcool et de drogues. Les répondants ont approuvé les éléments selon une échelle allant de 1 = aucune à 5 = extrême/impossible. Les résultats ont été additionnés de manière à créer un résultat total reflétant les incapacités ou les difficultés en raison de problèmes de santé. Des recherches antérieures appuient la fiabilité et la validité du WHODAS 2.0 (p. ex. α = 0,86)Note 36.

Stratégie d’analyse des données

À l’aide de la version 9.4 du logiciel système d’analyse statistique (SAS)Note 37, nous avons calculé les statistiques descriptives, y compris les moyennes, les intervalles de confiance (IC) de 95 %, l’asymétrie, l’aplatissement, les coefficients alpha de Cronbach, ainsi que les corrélations bivariées pour toutes les variables de l’étude. Toutes les analyses ont été réalisées séparément pour l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve, et les poids d’échantillonnage ont été appliqués aux analyses afin d’obtenir des estimations représentatives de la population. Les estimations de la variance ont été calculées à l’aide d’IC de 95 % obtenus au moyen de 500 poids bootstrap fournis par Statistique Canada.

La dimensionnalité de l’outil CSM-QA a été évaluée à l’aide de deux modèles d’analyse factorielle confirmatoire qui représentent les membres de la Force régulière et de la Force de réserve des FAC dans la version 8.3 de MPlusNote 38. Nous avons utilisé l’estimateur robuste du maximum de vraisemblance pour tenir compte de toute anormalité dans les données et faire une estimation de données manquantes de moins de 0,2 %. Pour évaluer l’ajustement du modèle d’analyse factorielle confirmatoire, nous avons eu recours au test du khi carré, à la racine de l’erreur quadratique moyenne de l’approximation (REQMA), à l’indice de Tucker et Lewis (TLI) et à l’indice d’ajustement comparatif (IAC). Une valeur p non significative obtenue à la suite du test du khi carré représente un bon ajustement du modèle. Toutefois, la taille de l’échantillon a une grande incidence sur les valeurs du khi carréNote 39; elles devraient donc être interprétées dans le contexte d’autres indices d’ajustement. Les valeurs de la REQMA inférieures à 0,05 représentent un excellent ajustement des modèlesNote 40Note 41, les valeurs de 0,05 à 0,08 représentent un ajustement passable des modèlesNote 40 et les valeurs supérieures à 0,10 représentent un ajustement médiocre des modèlesNote 40Note 41. Les valeurs de l’IAC et du TLI se rapprochant de 0,95 représentent un bon ajustement des modèlesNote 41. Il importe toutefois de mentionner que les recommandations en matière d’ajustement des modèles devraient servir de lignes directrices et qu’il est possible qu’elles ne soient pas conformes à toutes les conditions possibles des modèlesNote 42Note 43.

Pour évaluer l’invariance de la structure du CSM chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve, nous avons mis à l’essai une série de modèles d’analyse factorielle confirmatoire multigroupes. Tout d’abord, nous avons évalué l’invariance configurale pour déterminer si le nombre de facteurs était le même dans l’ensemble des groupes. Ensuite, nous avons évalué l’invariance métrique pour évaluer si les coordonnées factorielles étaient équivalentes dans l’ensemble des groupes. Enfin, nous avons testé l’invariance scalaire afin de déterminer si les ordonnées à l’origine étaient équivalentes dans l’ensemble des groupes (p. ex. lorsque deux personnes ont la
même cote de variable latente, ils devraient avoir les mêmes cotes associées à l’élément). Lorsque l’invariance scalaire est obtenue avec succès, la moyenne latente peut être comparée pour l’ensemble des groupes de la Force régulière et de la Force de réserve. Les modèles d’analyse factorielle confirmatoire multigroupes ont été comparés à l’aide de tests de différences du khi carré, de l’IAC et de la REQMA. L’invariance est obtenue avec succès lorsque les valeurs des différences de l’IAC et de la REQMA sont inférieures ou égales à 0,01 et que les tests de différences du khi carré sont non significatifsNote 44Note 45.

Résultats

Statistiques descriptives et corrélations bivariées

Les statistiques descriptives de toutes les variables de l’étude chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve sont affichées dans le tableau 2. Les coefficients alpha de Cronbach étaient élevés pour toutes les variables et se situaient entre 0,82 (détresse psychologique) et 0,93 (soutien social). L’échelle totale du CSM et ses sous-échelles avaient également des coefficients alpha de Cronbach élevés, variant de 0,81 à 0,91. Les valeurs d’asymétrie et d’aplatissement pour le total de l’échelle et des sous-échelles se situaient également dans les valeurs limites recommandées (pour les membres de la Force régulière, l’asymétrie variait de -1,48 à -0,60 et l’aplatissement variait de 0,08 à 5,15. Pour les membres de la Force de réserve, l’asymétrie variait de -1,51 à -0,63 et l’aplatissement variait de -0,15 à 2,84).


Tableau 2
Statistiques descriptives pour toutes les variables de l’étude par membre des Forces armées, corps militaire, 2013
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Statistiques descriptives pour toutes les variables de l’étude par membre des Forces armées. Les données sont présentées selon Variables/échelles (titres de rangée) et Force régulière, Force de réserve, moyenne, Intervalle de
confiance de 95 % et coefficent
alpha de
Cronbach(figurant comme en-tête de colonne).
Variables/échelles Force régulière Force de réserve
moyenne Intervalle de
confiance de 95 %
coefficent
alpha de
Cronbach
moyenne Intervalle de
confiance de 95 %
coefficent
alpha de
Cronbach
de à de à
Total du CSM 52,70 52,41 52,98 0,90 52,62 52,01 53,24 0,91
Facteur émotionnel du CSM 12,46 12,40 12,51 0,85 12,32 12,18 12,45 0,84
Facteur social du CSM 15,80 15,66 15,94 0,81 16,18 15,89 16,47 0,81
Facteur psychologique du CSM 24,41 24,29 24,52 0,84 24,09 23,82 24,36 0,85
Satisfaction à l'égard de la vie 7,78 7,74 7,82 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 7,76 7,68 7,84 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Santé mentale autoévaluée 2,62 2,59 2,64 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 2,57 2,52 2,63 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Sentiment d'appartenance 2,50 2,48 2,52 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 2,33 2,29 2,38 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Soutien social 36,00 35,90 36,11 0,93 36,28 36,06 36,51 0,93
Détresse psychologique 3,70 3,61 3,79 0,82 3,67 3,48 3,86 0,84
WHODAS 7,62 7,30 7,93 0,89 6,54 5,97 7,11 0,88

Les corrélations bivariées entre l’échelle totale du CSM et ses sous-échelles sont présentées dans le tableau 3. Comme prévu, toutes les sous-échelles du CSM et les notes totales corrélaient de façon positive en ce qui concerne la satisfaction à l’égard de la vie, l’auto-évaluation de la santé mentale, le sentiment d’appartenance et le soutien social. L’ampleur des effets variait de moyenne à grandeNote 46. De plus, correspondant également à nos hypothèses, les sous-échelles et la note totale du CSM corrélaient de façon négative avec la détresse psychologique et l’incapacité en raison de problèmes de santé. L’ampleur des effets variait de moyenne à grandeNote 46. Ces corrélations appuient la validité convergente du CSM et étaient conformes chez l’ensemble des groupes de la Force régulière et de la Force de réserve en ce qui concerne à la fois l’orientation et l’ampleur.


Tableau 3
Corrélations bivariées entre les sous-échelles du Continuum de santé mentale et les variables pertinentes par membre des Forces armées, corps militaire, 2013
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Corrélations bivariées entre les sous-échelles du Continuum de santé mentale et les variables pertinentes par membre des Forces armées. Les données sont présentées selon Variable/échelle (titres de rangée) et Bien-être
émotionnel, Bien-être
social, Bien-être
psychologique et Note totale
relative au
bien-être(figurant comme en-tête de colonne).
Variable/échelle Bien-être
émotionnel
Bien-être
social
Bien-être
psychologique
Note totale
relative au
bien-être
Force régulière
Satisfaction à l'égard de la vie 0,66 0,43 0,56 0,59
Santé mentale autoévaluée 0,60 0,42 0,54 0,57
Sentiment d'appartenance 0,28 0,44 0,31 0,41
Soutien social 0,42 0,38 0,50 0,49
Détresse psychologique -0,63 -0,43 -0,56 -0,59
WHODAS -0,42 -0,32 -0,43 -0,43
Force de réserve
Satisfaction à l'égard de la vie 0,68 0,47 0,58 0,62
Santé mentale autoévaluée 0,59 0,44 0,53 0,58
Sentiment d'appartenance 0,29 0,40 0,32 0,38
Soutien social 0,46 0,42 0,52 0,52
Détresse psychologique -0,63 -0,46 -0,57 -0,60
WHODAS -0,44 -0,35 -0,45 -0,45

Analyses factorielles confirmatoires

Lorsqu’une structure à trois dimensions du CSM a été examinée relativement à la Force régulière, l’ajustement du modèle était acceptable : χ2(74) = 1 319,73, p < 0,001; IAC = 0,942; TLI = 0,929; REQMA = 0,051, IC de 90 % = 0,049 à 0,053. Les coordonnées factorielles étaient solides, variant de 0,626 (élément no 7, sous-échelle du bien-être social) à 0,851 (élément no 3, sous-échelle du bien-être émotionnel). Les corrélations de la variable latente étaient importantes : le bien-être social et le bien-être émotionnel corrélaient à 0,668, le bien-être psychologique et le bien-être émotionnel corrélaient à 0,853, et le bien-être social et le bien-être psychologique corrélaient à 0,782.

L’ajustement du modèle du CSM de la Force de réserve était également acceptable : χ2(74) = 517,75, p < 0,001; IAC = 0,927; TLI = 0,910; REQMA = 0,065, IC de 90 % = 0,060 à 0,070. Les coordonnées factorielles étaient solides : elles variaient de 0,609 (élément no 7, sous-échelle du bien-être social) à 0,796 (élément no 2, sous-échelle du bien-être émotionnel). Les corrélations de la variable latente étaient importantes : le bien-être social et le bien-être émotionnel corrélaient à 0,743, le bien-être psychologique et le bien-être émotionnel corrélaient à 0,904, et le bien-être social et le bien-être psychologique corrélaient à 0,845.

Invariance de la mesure chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve

D’abord, le modèle de configuration affichait un bon ajustement des modèles, ce qui indique que le nombre de facteurs ne variait pas chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve (voir le tableau 4). Le modèle métrique ne différait également pas considérablement du modèle de configuration, ∆χ2(11) = 10,99, p > 0,05, ∆IAC = 0,000, ∆REQMA = 0,002, ce qui indique que les coordonnées factorielles ne variaient pas chez l’ensemble des membres de la Force régulière et de la Force de réserve. Enfin, d’après le test de différence du khi carré, l’ajustement du modèle d’invariance scalaire est nettement inférieur à celui du modèle métrique, où ∆χ2(11) = 106,72, p < 0,01. Toutefois, la taille des grands échantillons a une incidence sur le test de différence χ2 et en augmente souvent les résultatsNote 47. Par conséquent, nous nous sommes appuyés sur les tests de différence de l’IAC et de la REQMA, qui n’indiquent aucune différence importante entre le modèle métrique et le modèle scalaire : ∆IAC = 0,004, ∆REQMA = 0,000. Les ordonnées à l’origine ne variaient donc pas dans les deux groupes et les différences de moyenne latente pourraient être calculées de manière fiable. Lorsque les différences de moyenne latente ont été calculées, le groupe de la Force de réserve a obtenu des résultats considérablement inférieurs à ceux du groupe de la Force régulière en ce qui concerne le bien-être émotionnel et le bien-être psychologique (∆m = -0,046, p = 0,035 et ∆m = -0,058, p = 0,015, respectivement), tandis que le groupe de la Force de réserve a obtenu des résultats beaucoup plus élevés que le groupe de la Force régulière relativement au bien-être social (∆m = 0,087, p = 0,010).


Tableau 4
Indices d’ajustement de l’invariance de la mesure de la Force régulière par rapport à la Force de réserve, corps militaire, 2013
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Indices d’ajustement de l’invariance de la mesure de la Force régulière par rapport à la Force de réserve. Les données sont présentées selon Modèle (titres de rangée) et χ2, dl, IAC, REQMA et intervalle de confiance de 95 % de la REQMA(figurant comme en-tête de colonne).
Modèle χ2 dl IAC REQMA intervalle de confiance de 95 % de la REQMA
de à
Aucune contrainte 1912,59 148 0,939 0,055 0,053 0,057
Invariance métrique 1923,58 159 0,939 0,053 0,051 0,055
Invariance scalaire 2030,3 170 0,935 0,053 0,051 0,055

Afin de préciser ce résultat, nous avons effectué un suivi à l’aide de tests t pour évaluer les différences moyennes relatives aux sous-échelles du CSM en matière de bien-être entre le groupe déployé de la Force de réserve et seulement le personnel déployé de la Force régulière. Nous n’avons trouvé aucune différence importante entre les deux groupes déployés en ce qui a trait au bien-être émotionnel (t(499) = 1,33, p = 0,185) et psychologique (t(499) = 1,35, = 0,176). Le groupe de la Force de réserve a obtenu des résultats plus élevés que le groupe de la Force régulière en ce qui concerne le bien-être social (t(499) = -2,43, = 0,015).

Discussion

Nos résultats révèlent une excellente fiabilité de l’outil CSM-QA chez les membres de la Force régulière et de la Force de réserve, les coefficients alpha de Cronbach étant comparables ou supérieurs à ceux de recherches antérieures en ce qui concerne les échantillons de la population canadienne généraleNote 19.

Les estimations de la validité convergente ont révélé que l’échelle totale du CSM-QA et ses sous-échelles corrélaient comme prévu avec la satisfaction à l’égard de la vie, l’auto-évaluation de la santé mentale, le sentiment d’appartenance, le soutien social, la détresse psychologique et l’incapacité en raison de problèmes de santé. Ces résultats sont conformes aux recherches antérieures selon lesquelles les personnes ayant une forte santé mentale psychologique (c.-à-d. l’acceptation de soi, l’entretien de relations positives et la maîtrise), sociale (c.-à-d., une intégration sociale importante, un sentiment d’appartenance), et émotionnelle (c.-à-d., des expériences émotionnelles positives) ont tendance à avoir des sentiments positifs en général à l’égard de leur vie dans son ensembleNote 13Note 19, des sentiments d’appartenance positifs à leur communauté localeNote 19, et des perceptions positives en ce qui concerne le soutien et la confirmation de leur valeur de la part d’autruiNote 19. Nos résultats sont également conformes aux recherches antérieures selon lesquelles les militaires ayant autodéclaré une forte santé mentale psychologique, sociale et émotionnelle étaient moins susceptibles d’éprouver des symptômes de dépression et d’anxiétéNote 48. Enfin, nos résultats ont confirmé les résultats antérieurs selon lesquels les Canadiens ayant déclaré des degrés élevés de bien-être étaient moins susceptibles de déclarer des difficultés associées à des problèmes de santé comme les maladies, les blessures et les problèmes de consommation d’alcool et de droguesNote 19.

Ensuite, nous avons mis à l’essai un modèle à trois dimensions (c.-à-d. le bien-être psychologique, social et émotionnel) du CSM-QA dans le but de confirmer la structure des facteurs dans l’ensemble des échantillons des militaires de la Force régulière et de la Force de réserve. Nos résultats ont révélé que les modèles à trois facteurs affichaient un bon ajustement par rapport aux données, ce qui est conforme aux études antérieures de validation de l’outil CSM-QA à l’aide d’échantillons de la population du CanadaNote 19, de l’Afrique du SudNote 5, des Pays-BasNote 13, des États-UnisNote 49 et de la PologneNote 15, entre autres.

Lorsque nous avons évalué l’invariance de la mesure de l’outil CSM-QA chez l’ensemble des membres réguliers et réservistes, nous avons constaté que le modèle de configuration était bien ajusté par rapport aux données, ce qui indique que la structure à trois facteurs était cohérente dans l’ensemble des échantillons. Les modèles métriques et scalaires ont également révélé que les coordonnées factorielles et les ordonnées à l’origine ne variaient pas dans les échantillons. Par conséquent, nous avons examiné les différences de moyennes entre les groupes de la Force régulière et de la Force de réserve en ce qui a trait au bien-être psychologique, social et émotionnel latent. D’après les conclusions antérieures indiquant une prévalence plus élevée de problèmes de santé mentale chez les anciens combattants de la Force régulière par rapport aux anciens combattants déployés de la Force de réserveNote 23, ainsi que les conclusions illustrant une association bivariée entre le statut de déploiement de la Force régulière (par rapport au statut de déploiement de la Force de réserve) chez le corps militaire et la présence de problèmes de santé mentale à la suite du déploiementNote 50, nous nous attendions à ce que les membres de la Force régulière obtiennent des résultats moins élevés relativement aux facteurs de bien-être latent. Cette hypothèse était partiellement soutenue, de sorte que le groupe de la Force de réserve a obtenu des résultats beaucoup plus élevés que le groupe de la Force régulière pour ce qui est du bien-être social. Ces résultats indiquent que les membres de la Force de réserve ont tendance à avoir un sentiment d’appartenance plus fort aux autres et à s’intégrer plus sérieusement sur le plan social que les membres de la Force régulière. Ces résultats correspondent aux résultats antérieurs selon lesquels les anciens combattants de la Force régulière tendent à avoir des taux plus élevés de troubles de l’humeur et de stress post-traumatique que les anciens combattants de la Force de réserveNote 22Note 23, ce qui donne souvent lieu à un retrait social et à une difficulté à entretenir des liens avec les autres.

Il est intéressant de constater que, contrairement aux hypothèses, le groupe de la Force de réserve a obtenu des résultats beaucoup moins élevés que le groupe de la Force régulière pour ce qui est du bien-être émotionnel et psychologique. Selon une explication possible, bien que la totalité des membres de la Force de réserve du présent échantillon ait été déployée en Afghanistan, 60,90 % des membres de la Force régulière avaient été déployés au moment de la participation à l’enquête. Les cas de déploiement et les expériences pouvant être moralement préjudiciables qui sont associées au déploiement contribuent souvent à l’apparition de problèmes de santé mentale, notamment le stress post-traumatique et la dépressionNote 26. Par conséquent, les militaires qui ont été déployés (dans notre cas, l’échantillon des membres de la Force de réserve) sont susceptibles de courir un risque accru d’avoir une mauvaise santé mentale que ceux qui n’ont pas été déployés. En fait, lorsque nous avons effectué un suivi à l’aide des tests t des échantillons indépendants évaluant le personnel déployé uniquement, il n’y avait aucune différence considérable entre les groupes de la Force de réserve et de la Force régulière relativement au bien-être émotionnel ou psychologique. Ces résultats confirment davantage notre hypothèse selon laquelle le statut de déploiement contribue probablement aux résultats initialement faibles du groupe de la Force de réserve quant au bien-être.

Limites et orientations futures

Malgré les forces de la présente étude, nous reconnaissons ses limites. Notre échantillon ne comprenait que les membres de la Force de réserve qui avaient été déployés. Par conséquent, même si nous pourrions prédire que l’outil CSM-QA serait valide pour les membres de la Force de réserve n’ayant pas été déployés, nous ne pouvons pas généraliser nos résultats à ce groupe. Dans le cadre de recherches futures, des études de validité devraient être réalisées à l’aide du CSM-QA parmi les échantillons du corps militaire constitué de membres de la Force de réserve n’ayant pas été déployés.

Notre échantillon était représentatif de la population militaire canadienne. Ainsi, il comprenait principalement des hommes. Il est possible que les résultats ne soient pas les mêmes chez les femmes ou d’autres minorités de genre au sein du corps militaire. Des recherches futures devraient se pencher sur l’étude de l’utilité du CSM-QA chez les femmes dans les Forces armées en mettant à l’essai sa fiabilité, sa structure des facteurs et l’invariance des sexes.

Enfin, il est possible que nos résultats ne généralisent pas les échantillons de corps militaires à l’extérieur du Canada. Des recherches futures devraient évaluer la fiabilité et la validité de l’outil CSM-QA parmi les échantillons des corps militaires et des anciens combattants à l’extérieur du Canada.

Conclusions

Dans l’ensemble, nos conclusions appuient la fiabilité et la validité du CSM-QA pour les échantillons des membres de la Force régulière et de la Force de réserve. Par conséquent, les chercheurs et les cliniciens peuvent utiliser de façon sûre le CSM-QA en tant qu’outil pour évaluer, interpréter et prédire le bien-être psychologique, social et émotionnel des militaires.

Remerciements

Nous tenons à remercier Mme Heather Orpana pour son aide et ses précisions sur la méthodologie liée à l’évaluation psychométrique du CSM-QA réalisée au sein de la population générale canadienne.

Date de modification :