Rapports sur la santé
Les enfants en bonne santé ont-ils des parents en bonne santé?

par Rachel C. Colley, Janine Clarke, Caroline Y. Doyon, Ian Janssen, Justin J. Lang, Brian W. Timmons et Mark S. Tremblay

Date de diffusion : le 20 janvier 2021

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x2021001200001-fra

Au Canada, la condition physique (c.-à-d. la capacité de faire de l’activité physique) des enfants a régressé de 1980 à 2007Note 1, pour ensuite se maintenir à un niveau relativement stable de 2007 à 2017Note 2. Une bonne condition physique est associée à de nombreux avantages pour la santéNote 3Note 4Note 5 et constitue un important indicateur de l’état de santé futur des enfantsNote 6Note 7Note 8Note 9. Par ailleurs, les interrelations entre la condition physique, l’obésité, l’activité physique et la santé sont un fait bien établiNote 10Note 11Note 12 et dépendent d’une myriade de facteurs socioéconomiquesNote 13. D’aucuns ont suggéré que l’état de santé et les habitudes de vie des parents pourraient faire partie de ces facteursNote 14Note 15Note 16.

Des études axées sur la familleNote 17Note 18 et sur les jumeaux Note 19Note 20Note 21 révèlent que la variance observée dans la condition physique est en grande partie attribuable aux gènes et à l’hérédité. L’étude intitulée HERITAGE Family Study fournit des données probantes à l’appui du parallélisme de la capacité cardiorespiratoireNote 22 chez les membres d’une même famille, tant chez les personnes qui ne s’entraînent pas physiquement que chez celles qui le fontNote 23. Des études plus récentes ont révélé l’existence de relations significatives au sein des dyades parent-enfant au chapitre de la capacité cardiorespiratoireNote 24 et de la force musculaireNote 25, constatations qui ont aussi été observées dans d’autres études portant sur l’obésité et l’activité physiqueNote 15. Les membres d’une même famille dont un membre est obèse sont aussi susceptibles d’être obèses en raison des gènes, des comportements ayant une incidence sur la santé et des environnements qu’ils ont en communNote 26Note 27. Le poids corporel des enfants est associé à celui de leurs parentsNote 28Note 29, et les enfants dont un parent est obèse risquent davantage de faire de l’embonpoint ou d’être obèsesNote 30. Les parents exercent une influence sur les habitudes d’activité physique de leurs enfants, en leur donnant l’exemple (p. ex. en faisant eux-mêmes de l’activité physique), en leur fournissant du soutien matériel (p. ex. sur le plan financier ou logistique), en leur prodiguant des encouragements (p. ex. en les encourageant lorsqu’ils pratiquent des sports ) et en participant avec eux à leurs activités (p. ex. en faisant de l’activité physique avec eux)Note 15Note 16Note 31Note 32Note 33. Ces études ont mis en évidence l’importance de l’environnement familial dans le façonnement des comportements ayant une incidence sur la santé et de l’état de santé futur des enfants.

Des divergences manifestes ressortent en ce qui concerne l’influence des mères et celles des pères sur la santé et les habitudes de vie de leurs enfants, mais les résultats des études manquent d’unité à ce chapitreNote 34.Certaines études font état d’associations plus solides au sein des dyades parent-enfant de même sexeNote 35Note 36, alors que d’autres indiquent que les mères ont une plus grande influence que les pèresNote 24Note 37Note 38 ou que les associations sont plus solides au sein des dyades parent-fils qu’au sein des dyades parent-filleNote 34. Deux études précédentes fondées sur les données de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) ont fait ressortir l’importance de tenir compte à la fois du sexe du parent et de celui de l’enfant dans les travaux de recherche fondés sur les dyades parent-enfantNote 30Note 39. Cela permet de fournir des renseignements importants qui pourraient éclairer la conception des stratégies d’intervention.

L’ECMS est une enquête détaillée et permanente sur les mesures de la santé menée par Statistique Canada en collaboration avec Santé Canada et l’Agence de la santé publique du CanadaNote 40. Pour chaque ménage de l’échantillon, l’ECMS est menée auprès de deux membres du ménage, le premier étant âgé de 3 à 12 ans. Cela permet de créer un sous-ensemble de données sur des paires de répondants vivant dans le même ménage. Dans la majorité des cas, la deuxième personne échantillonnée est un parent biologique. Cela crée un ensemble de données unique de sous-échantillons qui permet aux chercheurs d’examiner les interrelations entre les parents et les enfants de l’ensemble des données sur la santé recueillies dans le cadre de l’ECMS. Des études antérieures reposant sur cet ensemble de données ont révélé l’existence d’associations significatives entre les parents et les enfants sur le plan de l’obésitéNote 30, de l’activité physique et de la sédentaritéNote 39Note 41. La présente étude vise à examiner les associations entre les mesures de la condition physique (c.-à-d. la capacité cardiorespiratoire, la force musculaire et la souplesse) des parents et celles des enfants au sein des dyades parent-enfant biologiques. L’étude a également pour objet de déterminer si ces associations varient selon les différentes combinaisons de sexe des dyades parent-enfant et si elles se maintiennent lorsqu’on tient compte des caractéristiques de l’enfant, du parent et du ménage.

Méthodes

Source des données

L’ECMS est une enquête transversale permanente menée par Statistique Canada qui permet de recueillir des données sur la santé autodéclarées et mesurées directement auprès d’un échantillon représentatif des membres des ménages canadiens âgés de 3 à 79 ans. Pour recueillir ces données, les centres d’examen mobiles se rendent à plusieurs endroits au pays. La conception et les procédures de l’ECMS sont décrites ailleursNote 40. La tenue de l’enquête a été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche de Santé CanadaNote 42. Le consentement des répondants a été obtenu. Pour ce qui est des enfants de moins de 14 ans, le consentement a été obtenu de l’enfant et d’un parent.

La présente analyse est fondée sur les données sur les mesures de la condition physique de trois cycles transversaux distincts de l’ECMS, soit le cycle 1 (2007 à 2009), le cycle 2 (2009 à 2011) et le cycle 5 (2016 à 2017). L’ensemble de données comprenait des enfants âgés de 6 à 11 ans pour lesquels des données détaillées sur la condition physique et les covariables d’un parent biologique vivant dans le même ménage étaient disponibles. La taille de l’échantillon des dyades parent-enfant variait d’une mesure de la condition physique à l’autre : l’échantillon était de 615 dans le cas de la capacité cardiorespiratoire (pour ce qui est des enfants, cette mesure a été prise chez ceux âgés de 8 à 11 ans seulement), de 1 319 dans le cas de la force musculaire et de 1 295 dans le cas de la souplesse.

À la suite d’une interview à domicile, les répondants à l’ECMS se sont rendus dans un centre d’examen mobile, où ils ont été soumis à des mesures biologiques et physiques, en plus de participer à des tests de condition physique. Les tests de condition physique ont été effectués par des physiologistes de l’exercice et des entraîneurs personnels agréés. Avant de passer des tests de condition physique, les parents ont dû répondre à des questions sur leur état de santé physique et sur celui de leur enfant et indiquer si eux-mêmes ou leur enfant prenaient des médicaments. Les répondants ont rempli et signé un questionnaire d’évaluation préalable à la participation à de l’activité physique, la méthode normalisée au moment de la collecte de ces données. Dans le cas des enfants de moins de 14 ans, le questionnaire a été rempli par un parent ou un tuteur. Les répondants ont été exemptés de certains tests en fonction de leurs réponses aux questions de sélection (p. ex. les répondants souffrant d’asthme ont été exemptés s’ils avaient oublié d’apporter leur inhalateur lors de leur visite à la clinique). Les répondants devaient respecter des directives préalables aux tests concernant la consommation de nourriture, d’alcool, de caféine et de nicotine, l’exercice et les dons de sangNote 43Note 44Note 45.

Mesures de la condition physique

La capacité cardiorespiratoire a été mesurée chez les enfants de 8 à 11 ans et les adultes de 12 à 79 ans au moyen du Physitest aérobie canadien modifié (PACm), un test progressif dans lequel les répondants doivent exécuter un exercice de montées de marches comportant un ou plusieurs paliers de trois minutes à un rythme prédéterminé en fonction de leur âge et de leur sexeNote 46. La fréquence cardiaque des répondants était mesurée après chaque palier, et le test se terminait lorsque leur fréquence atteignait 85 % de la limite établie pour leur âge (220 moins l’âge) à la fin d’un palier. La capacité cardiorespiratoire maximale établie (en ml/kg/min) a été calculée à l’aide d’une équation créée pour les personnes âgées de 15 à 69 ans pour tous les répondantsNote 47. Comme le PACm ne comporte aucune équation pour les enfants âgés de 8 à 11 ans, cette équation a également été appliquée à ce groupe d’âge dans la présente analyse.

On a évalué la force musculaire en mesurant la force de préhension isométrique en kilogrammes à l’aide d’un dynamomètre analogique Smedley III (Takei Scientific Instruments, Tokyo, Japon) selon des procédures normaliséesNote 46. Le test a été effectué deux fois pour chaque main, en alternant chaque fois, et les résultats maximaux pour chaque main ont ensuite été combinés.

La souplesse a été évaluée au moyen du test de flexion du tronc, en centimètres, après un bref échauffement (étirement du coureur d’obstacles modifié de 20 secondes, deux fois par jambe). Les répondants devaient s’asseoir au sol, les jambes allongées contre un flexomètre (Fit Systems Inc., Calgary, Canada), et s’étirer le plus loin possible vers l’avant en essayant de se toucher les orteils sans fléchir les genoux. Les répondants effectuaient deux essais et le meilleur résultat des deux a été utilisé pour les analysesNote 46. Le résultat était de 26 cm pour les répondants qui arrivaient à se toucher les orteils, et supérieur à 26 cm pour les répondants qui arrivaient à étirer leurs doigts au-delà de leurs orteils.

Covariables

Le temps quotidien moyen (en minutes) d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV), mesuré directement au moyen des données d’un accéléromètre, a été utilisé comme covariable dans les analyses pour les parents et les enfants. On a demandé aux répondants de porter un accéléromètre Actical (Phillips Respironics, Oregon, États-Unis) retenu par une ceinture élastique sur la hanche droite durant leurs heures d’éveil pendant 7 jours consécutifs. L’accéléromètre Actical mesure et enregistre l’accélération horodatée dans toutes les directions, fournissant ainsi un indice de l’intensité des mouvements sous forme de nombre de mouvements par minute (les données ont été recueillies par périodes de 60 secondes). Un jour valide a été défini comme une journée au cours de laquelle le participant à l’enquête portait l’accéléromètre pendant 10 heures ou plus, tandis qu’un participant dont les données étaient valides a été défini comme un participant pour qui au moins 4 jours de données valides étaient disponiblesNote 48. La durée quotidienne du port de l’accéléromètre a été déterminée en soustrayant de 24 heures le temps pendant lequel le participant n’avait pas porté l’accéléromètre, à savoir une période d’au moins 60 minutes consécutives sans dénombrement de mouvements, sauf pour un intervalle de 1 à 2 minutes ayant un nombre de mouvements situé entre 0 et 100. De plus amples renseignements sont disponibles dans des publications antérieuresNote 48.

La taille a été mesurée à 0,1 cm près au moyen d’un stadiomètre numérique ProScale M150 (Accurate Technology Inc., Fletcher, États-Unis), et le poids, à 0,1 kg près, au moyen d’un pèse-personne Mettler Toledo VLC, avec terminal Panther Plus (Mettler Toledo Canada, Mississauga, Canada). Pour calculer l’indice de masse corporelle (IMC), on a divisé le poids mesuré en kilogrammes par la taille mesurée en mètres carrés (kg/m2). Les scores z de l’IMC ont été déterminés à l’aide des normes de croissance de l’enfant selon l’âge de l’Organisation mondiale de la Santé. Les répondants ont été classés comme faisant de l’embonpoint ou comme étant obèses si leur score z de l’IMC correspondait à plus de 1 écart-type au-delà de la moyenne Note 43Note 44Note 45.

Analyse statistique

Des analyses descriptives ont été utilisées pour présenter les caractéristiques de la condition physique des enfants et des parents compris dans l’échantillon ainsi que les caractéristiques sociodémographiques du ménage. L’analyse de corrélation de Pearson a servi à évaluer la relation non ajustée entre les mesures de la condition physique des enfants et des parents dans l’ensemble, et selon le sexe de l’enfant, le sexe du parent et celui de l’enfant et du parent. Pour illustrer visuellement les relations au sein des dyades parent-enfant, les valeurs de la capacité cardiorespiratoire, de la force de préhension et de la souplesse de l’enfant ont été présentées selon le résultat du parent au test de condition physique correspondant (« excellente », « très bonne », « bonne », « passable » et « faible »). La modélisation par régression linéaire a été utilisée pour évaluer l’association entre la condition physique du parent et celle de l’enfant au sein des dyades parent-enfant (variable dépendante : condition physique de l’enfant; variable indépendante : condition physique du parent). Cinq modèles distincts ont été utilisés pour évaluer l’incidence de l’ajustement des covariables et de la stratification selon le sexe des parents et des enfants sur les associations : 1) un modèle global, non ajusté; 2) un modèle global, ajusté selon le sexe, l’âge, l’IMC et le temps quotidien moyen d’APMV de l’enfant et du parent, et selon le revenu du ménage, le niveau de scolarité des parents, la situation d’enfant unique et l’état matrimonial; 3) des modèles stratifiés selon le sexe de l’enfant et ajustés selon le sexe, l’âge et l’IMC du parent, de même que selon le temps quotidien d’APMV de l’enfant et du parent; 4) des modèles stratifiés selon le sexe du parent et ajusté selon le sexe, l’âge et l’IMC de l’enfant, et selon le temps quotidien d’APMV de l’enfant et du parent; 5) des modèles stratifiés selon le sexe de l’enfant et du parent et ajustés selon l’âge, l’IMC et le temps quotidien moyen d’APMV de l’enfant et du parent.

Les poids d’enquête combinés de l’ECMS ont été appliqués de sorte que les résultats soient représentatifs de la population canadienne vivant dans les provinces. Des poids bootstrap ont été utilisés pour calculer la variance (intervalles de confiance de 95 %). La signification statistique a été établie a priori à p < 0,05 et à p < 0,001. Les corrélations ont été considérées comme étant faibles si elles étaient de moins de 0,3, modérées si elles étaient égales ou supérieures à 0,3 et fortes si elles étaient égales ou supérieures à 0,6Note 49. Toutes les analyses statistiques ont été effectuées au moyen de la version 9.4 de SAS (Institut SAS, Cary, Caroline du Nord, États-Unis) et de la version 11.0.3 de SUDAAN (RTI International, Research Triangle Park, États-Unis), à l’aide des degrés de liberté du dénominateur (DLD = 35) dans les énoncés de procédures de SUDAAN.

Résultats

Les statistiques descriptives sur les caractéristiques de l’enfant, du parent et du ménage sont présentées de façon globale et selon le sexe dans le tableau 1. Il n’y avait pas de différence entre les fils et les filles au chapitre de l’âge moyen, mais les mères étaient en moyenne plus jeunes que les pères. L’échantillon comportait plus de mères que de pères. Les mères étaient moins susceptibles d’être mariées ou de vivre en union libre que les pères, et il y avait plus de mères célibataires que de pères célibataires dans l’échantillon. La majorité des dyades parent-enfant faisaient partie d’un ménage biparental dont les parents étaient mariés ou en union libre (85 %) et comptant plus d’un enfant (83 %). Le temps quotidien moyen d’APMV et la force musculaire étaient plus élevés chez les garçons que chez les filles. Chez les adultes, le temps quotidien moyen d’APMV, l’IMC, la capacité cardiorespiratoire et la force de préhension étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes. En ce qui concerne la souplesse, tant les filles que les femmes ont obtenu de meilleurs résultats que leurs homologues masculins.

Une tendance à la hausse de la capacité cardiorespiratoire a été constatée chez les enfants pour l’ensemble des résultats au test de capacité respiratoire des parents (figure 1a). Les garçons dont le parent avait une « bonne » capacité cardiorespiratoire avaient une meilleure capacité cardiorespiratoire que ceux dont le parent avait une « mauvaise » capacité cardiorespiratoire. La force de préhension des filles était plus élevée chez celles dont le parent avait une « très bonne » ou une « excellente » force de préhension, comparativement à celles dont le parent avait une force de préhension « faible » (figure 1b). De même, la souplesse des filles était meilleure chez celles dont le parent avait une « bonne » ou une « excellente » souplesse, comparativement à celles dont le parent avait une souplesse « faible », tandis que chez les garçons, la souplesse était meilleure chez ceux dont le parent avait une souplesse supérieure à la catégorie « faible » (figure 1c).

La corrélation globale entre les parents et les enfants était faible, mais significative dans le cas de la capacité cardiorespiratoire (R = 0,12), de la force musculaire (R = 0,23) et de la souplesse (R = 0,22) (tableau 2). Les corrélations sont demeurées significatives lorsqu’elles ont été examinées en fonction du sexe du parent (c.-à-d. mère-enfant et père-enfant) ou du sexe de l’enfant (c.-à-d. parent-fille et parent-fils). Toutes les corrélations stratifiées selon le sexe des parents et des enfants étaient significatives, à l’exception de la corrélation au chapitre de la capacité cardiorespiratoire dans les dyades de même sexe (c.-à-d. mère-fille et père-fils).

Les modèles de régression non ajustés et ajustés ont révélé l’existence d’une association significative au sein des dyades parent-enfant pour les trois composantes de la condition physique (tableau 3, modèles 1 et 2). Les modèles stratifiés ont révélé que l’association entre la capacité cardiorespiratoire du parent et celle de l’enfant était la plus forte dans les dyades mère-fils (tableau 3, modèles 3, 4 et 5). La force musculaire de l’enfant était significativement associée à celle du parent au sein des dyades mère-fils, mère-fille et père-fille, tandis que la souplesse de l’enfant était significativement associée à celle du parent au sein des dyades père-fils et mère-fils seulement.

Discussion

Fondée sur un échantillon représentatif d’enfants canadiens âgés de 6 à 11 ans, la présente analyse démontre que la condition physique des parents était associée à la condition physique de leurs enfants biologiques. La présence d’associations significatives au sein des dyades parent-enfant variait lorsque les modèles étaient stratifiés selon le sexe de l’enfant et du parent. Les associations significatives dans les analyses de corrélation non ajustées ne subsistaient pas toujours dans les modèles ajustés en fonction de l’âge, de l’IMC et du temps quotidien moyen d’APMV de l’enfant et du parent.

Dans deux études antérieures, des données de l’ECMS sur les dyades parent-enfant biologiques ont été utilisées pour prouver que le poids corporel et l’activité physique mesurée objectivement des enfants d’âge scolaire sont associés à ceux de leurs parentsNote 30Note 39. Une autre étude plus récente portant sur l’association entre l’activité physique et la sédentarité des enfants d’âge préscolaire et celles de leurs parents biologiques a également révélé l’existence d’une association significative, quoique légèrement plus faibleNote 41. La présente étude constitue une suite de ces études en ce qu’elle est fondée sur le même ensemble de données sur les dyades et vise à étudier l’existence d’une association entre la condition physique des parents et celle de leurs enfants biologiques. Dans l’ensemble des études fondées sur les dyades de l’ECMS et portant sur les enfants d’âge scolaire, la force de la corrélation (valeur « R ») était légèrement plus élevée dans le cas du temps quotidien moyen d’APMV mesuré par accéléromètre (R = 0,28)Note 39, de l’IMC (R = 0,24)Note 30 et du temps de sédentarité (R = 0,19)Note 39 que dans le cas de la condition physique (R = 0,12 à 0,23). La force de la corrélation observée dans la présente étude sur le plan de la force musculaire (R = 0,23) concorde avec celle qui a été constatée par Barbosa et al. au sein des dyades enfant-parent au BrésilNote 25. À l’instar de Foraita et al.Note 24, la présente étude a révélé que l’IMC et le temps quotidien moyen d’APMV étaient significatifs dans les modèles de régression ajustée liés à l’association entre la capacité cardiorespiratoire de l’enfant et celle du parent (données non présentées). Bien qu’une grande partie de la variance de la condition physique des enfants s’explique par ces variables connexes, l’association entre la condition physique des enfants et celle de leurs parents est demeurée significative dans l’ensemble, sauf dans certains des modèles ajustés selon le sexe de l’enfant et du parent. Collectivement, ces études fondées sur les dyades de l’ECMS mettent en évidence l’interdépendance entre les comportements liés au mode de vie (c.-à-d. l’activité physique et le temps de sédentarité) et l’état de santé (c.-à-d. l’obésité et la condition physique).

Une grande partie des études fondées sur les dyades parent-enfant portent sur l’activité physique et l’obésité. L’ensemble de ces travaux fournit un point de comparaison lorsqu’on essaie de comprendre l’influence du sexe de l’enfant et du parent dans les associations observées. Dans la présente étude, une relation significative a été observée au sein des dyades mère-fils, tant dans les analyses de corrélation non ajustées que dans les modèles de régression ajustés. Pour ce qui est des trois autres types de dyades, il n’y avait pas de tendance constante manifeste dans les différentes composantes de la condition physique en ce qui concerne l’incidence du sexe sur l’association entre la condition physique des enfants et celle de leurs parents. La relation plus forte observée par d’autres entre la condition physiqueNote 35 et l’activité physiqueNote 34Note 36Note 38 des parents et celles de leurs enfants au sein des dyades de même sexe n’était pas apparente dans la présente étude. Selon les modèles ajustés, une association significative n’a été constatée qu’au chapitre de la force musculaire au sein des dyades mère-fille et au chapitre de la souplesse au sein des dyades père-fils. Par ailleurs, plusieurs études antérieures ont fait état d’une association plus forte au sein des dyades mère-enfant qu’au sein des dyades père-enfant sur le plan de l’activité physiqueNote 37Note 38Note 50 et de la capacité cardiorespiratoireNote 24. Ces constatations concordent dans une certaine mesure avec celles de la présente étude selon laquelle les associations étaient significatives pour toutes les composantes de la condition physique au sein des dyades mère-enfant, alors qu’elles n’étaient significatives que pour la force et la souplesse au sein des dyades père-enfant. En revanche, dans la présente étude, des associations significatives ont été observées au sein des dyades parent-enfant pour toutes les composantes de la condition physique chez les garçons, mais seulement pour deux composantes chez les filles. Cela concorde avec une constatation d’une méta-analyse selon laquelle le sexe du parent a un effet modérateur significatif sur l’activité physique de l’enfant dans les dyades parent-fils, mais pas dans les dyades parent-filleNote 34. Bien que l’importance du rôle que joue le sexe des parents et des enfants dans la compréhension de l’association entre les habitudes de vie et l’état de santé de ceux-ci semble varier d’une étude à l’autreNote 34, il est évident qu’il s’agit d’une variable importante dont il faut tenir compte dans ce domaine de recherche. L’étude des variations dans les habitudes de vie au sein des dyades parent-enfant selon le sexe de l’enfant et le sexe du parent pourrait aider à adapter les stratégies d’intervention et de communication destinées aux parents de sorte à encourager les deux parents à donner l’exemple à leurs enfants en adoptant des comportements sains et à soutenir l’adoption de comportements sainsNote 36. Retenons somme toute que les résultats de la présente étude et d’autres études sur le domaine appuient l’importance de l’environnement familial dans le façonnement des comportements ayant une incidence sur la santé des enfants. Étant donné que les comportements ayant une incidence sur la santé et la condition physique sont des indicateurs de l’état de santé des adultesNote 7Note 8, il est essentiel que cette information soit comprise et mise en évidence.

Points forts et limites

L’un des points forts de la présente analyse est le grand échantillon de dyades parent-enfant biologiques auprès desquelles les données sur la condition physique ont été recueillies. L’échantillon est représentatif de l’ensemble des enfants de 6 à 11 ans et de leurs parents biologiques au Canada. Des méthodes normalisées ont été utilisées pour mesurer la condition physique de la population de l’échantillon. Les modèles ont été ajustés pour tenir compte de plusieurs facteurs de confusion possibles, notamment l’âge, le sexe, l’IMC et le temps quotidien moyen d’APMV mesuré par accéléromètre des enfants et des parents, ainsi que d’une gamme de caractéristiques des ménages, y compris le niveau de scolarité, le revenu et l’état matrimonial.

Néanmoins, il faut faire preuve de prudence au moment d’interpréter les résultats. Comme le test utilisé pour estimer la capacité cardiorespiratoire a été validé pour les adultes seulement, des études plus approfondies sont nécessaires pour déterminer si ce test est approprié pour les enfantsNote 51Note 52. En raison des critères stricts à respecter pour pouvoir réaliser ce test, il est probable que l’échantillon utilisé dans la présente étude représente un sous-ensemble de la population canadienne d’enfants âgés de 6 à 11 ans légèrement en meilleure santé que la moyenne. Fait à noter, une analyse du biais portant sur l’ensemble de données des dyades de l’ECMS a révélé que, comparativement aux enfants de l’échantillon n’ayant pas de parent biologique répondant, les enfants ayant un parent biologique répondant étaient plus susceptibles d’avoir un parent plus jeune, de vivre dans un ménage de plus petite taille, de vivre dans un ménage biparental ou comptant un seul enfant, d’avoir un parent répondant titulaire d’un baccalauréat ou d’un grade supérieur (le niveau de scolarité le plus élevé dans le ménage) et d’appartenir à un ménage ayant un revenu de plus de 100 000 $. Malgré ces sources de biais, il est important de noter que le deuxième membre du ménage a été sélectionné au hasard et que la stratégie de pondération est conçue pour tenir compte du biais de non-réponse.

Conclusion

La présente étude vient s’ajouter à un corpus d’études fondées sur l’ensemble de données sur les dyades de l’ECMS qui illustre les relations importantes entre l’état de santé et les comportements liés à la santé des enfants et de leurs parents. À l’instar des constatations publiées sur l’obésité, l’activité physique et la sédentarité, la présente étude a révélé qu’il existe une association importante et positive entre la condition physique mesurée du parent et de l’enfant. Elle a également établi que la force de l’association varie selon le sexe de l’enfant et du parent. Comme le souligne le Bulletin 2020 de ParticipACTIONNote 15Note 16 publié récemment, les familles jouent un rôle crucial dans le façonnement des habitudes de vie et de la santé des enfants.

Références
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