Rapports sur la santé
Associations entre la réception de soins palliatifs en milieu hospitalier et les résultats en matière de soins de courte durée : une étude rétrospective
par Amy T. Hsu et Rochelle E. Garner
DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202001000001-fra
Le Canada continue d’avoir un système de soins de santé centré sur l’hôpital pour les personnes qui sont en fin de vie, malgré la préférence de la plupart des gens de finir leurs jours dans leur collectivité ou dans un autre cadre familialNote 1. En 2015, 58 % des personnes décédées au Canada avaient été hospitalisées plus d’une fois au cours de la dernière année de leur vie et 61 % des Canadiens sont décédés à l’hôpitalNote 2. Dans un système centré sur l’hôpital, les coûts des soins de santé associés au décès sont élevésNote 3Note 4Note 5Note 6. Malgré l’importance des soins hospitaliers en fin de vie, on en sait peu sur les caractéristiques des personnes qui sont admises à l’hôpital pendant cette période et sur les types de soins qui sont prodigués aux patients hospitalisés. Les hospitalisations au cours de la dernière année de vie peuvent donner l’occasion de commencer à prodiguer des soins palliatifs (SP) ou de poursuivre un plan de traitement en SP établi avant l’hospitalisation.
Si les causes du décès de la plupart des Canadiens ont des trajectoires prévisibles, bon nombre d’entre eux ne reçoivent pas de SP ou un soutien adéquat avant leur décèsNote 2Note 7Note 8. Les répercussions de recevoir des SP dans un cadre communautaire sur les résultats en fin de vie sont bien documentées, y compris des coûts moins élevés de soins de santé, la diminution du recours aux soins de courte durée (p. ex. les visites à l’urgence, les hospitalisations avec ou sans admission à l’unité de soins intensifs [USI]) et une meilleure satisfaction des patients à l’égard des soinsNote 9Note 10Note 11Note 12Note 13Note 14Note 15. Pourtant, selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), des deux tiers des personnes décédées en Alberta et en Ontario qui avaient eu recours aux soins à domicile au cours de la dernière année de leur vie, seulement la moitié ont reçu un soutien officiel en fin de vie avant leur décèsNote 2. Bien que les services de soins non palliatifs à domicile offrent une assistance précieuse et variée à domicile, la détermination officielle des besoins en matière de SP et une désignation en fin de vie sont souvent associées à une augmentation des heures de services fournis et à de meilleurs résultats pour les patients et le système de santé, notamment à moins de jours passés à l’hôpital, au décès en dehors des établissements de soins de courte durée et à un coût moins élevé pour le système de santéNote 16Note 17. Des défis semblables peuvent être observés dans le secteur des soins de courte durée, dans lequel il est souvent question de SP et de planification préalable des soins tard dans la trajectoire de décès d’un patient, alors que près de la moitié (44 %) des patients décédés à l’hôpital avaient reçu une désignation de SP seulement après que leurs symptômes s’étaient aggravés ou lorsque les traitements curatifs étaient terminésNote 2.
Tous ne veulent pas finir leurs jours à la maison et, parfois, les patients qui ne peuvent pas recevoir des soins à domicile de façon sécuritaire demeurent dans des lits pour les patients nécessitant un autre niveau de soins (ANS) dans les hôpitaux, en attendant d’être transférés dans un milieu de soins mieux adapté. Les maisons de soins palliatifs, qui fournissent jour et nuit du soutien en SP dans un cadre familial, et les unités de SP représentent d’autres solutions aux soins de fin de vie à domicile pour les patients ayant des besoins complexes. Malheureusement, il y a pénurie ou absence de maisons de soins palliatifs où les Canadiens pourraient recevoir des soins dans leurs derniers jours. Par conséquent, il n’est pas étonnant que près de la moitié (47 %) des patients qui avaient été hospitalisés principalement pour recevoir des SP soient décédés dans un lit désigné ANS en attendant d’être transférés dans un milieu mieux adaptéNote 2.
Des données indiquent que la détermination précoce des besoins en SP, peu importe le milieu, pourrait permettre d’améliorer l’expérience des patients dans leurs derniers joursNote 9Note 18Note 19. Cependant, peu d’études menées à l’échelle de la population et publiées au Canada ont permis d’examiner la prestation de SP dans les hôpitaux et les résultats associés à la réception de soins dans ce milieu. Dans son récent rapport, l’ICIS a démontré que la réception de SP à domicile et dans un cadre communautaire, dans les établissements de soins de longue durée, les hôpitaux et les établissements de soins continus complexes (c.-à-d. de soins pour affections subaiguës) avant les 30 derniers jours de vie était associée à une diminution de 6 % de la proportion des personnes décédées qui s’étaient présentées deux ou plusieurs fois à l’urgence au cours des 30 derniers jours de vie et à une diminution de 19 % de la proportion des personnes décédées qui avaient séjourné à l’USI, comparativement aux personnes décédées dont le dossier n’indiquait pas de SPNote 2. Cependant, dans son analyse, l’ICIS a examiné les décès survenus en Ontario et en Alberta seulement, principalement en raison des limites des données disponibles, et sans tenir compte des variables confusionnelles possibles, comme l’âge, le sexe et les problèmes de santé concomitants du patient.
Dans le cadre d’une initiative visant le couplage des données du registre national des décès (la Base canadienne de données sur l’état civil) avec des données sur les hospitalisations (Base de données sur les congés des patients de l’ICIS), il est possible d’examiner l’incidence de l’exposition à la consultation en SP en milieu hospitalier sur l’expérience de fin de vie des Canadiens. Dans ce contexte général, une désignation de SP est attribuée : 1) lorsqu’un patient a eu une consultation en SP entraînant la mise en œuvre d’un plan de traitement en SP; 2) lorsqu’un médecin détermine que son patient a des besoins en matière de SPNote 20. Ce couplage de données à l’échelle nationale permet de mener une analyse pouvant orienter un point crucial dans la trajectoire de fin de vie d’un patient, tandis qu’une intervention pourrait modifier son expérience dans ses derniers jours. L’objectif de cette analyse est d’examiner l’association entre la réception de SP en milieu hospitalier et les résultats subséquents en matière de soins de courte durée (c.-à-d. l’admission à l’USI, l’utilisation des lits désignés ANS et le lieu du décès).
Données et méthodes
Population à l’étude
La présente étude est une étude de cohorte rétrospective portant sur les Canadiens adultes (âgés de 19 ans et plus) qui sont décédés entre le 1er avril 2010 et le 31 décembre 2014. Les personnes décédées au Québec ont été exclues de l’analyse, car les données de la Base de données sur les congés des patients n’étaient pas disponibles; les personnes décédées dans les territoires ont aussi été exclues, car seul un nombre restreint de ces personnes avaient reçu des soins palliatifs en milieu hospitalier.
Confirmation du décès et caractéristiques de base
Le décès a été confirmé au moyen de la Base canadienne de données sur l’état civil (BCDEC), qui permet de recenser tous les décès survenus au Canada. Les données de la BCDEC sont tirées des certificats de décès et sont déclarées à Statistique Canada au moyen des registres provinciaux et territoriaux de l’état civil. En plus de la date de décès, les renseignements suivants ont aussi été extraits de la BCDEC : l’âge au décès (d’après la date de naissance de la personne décédée), le sexe, l’état matrimonial, la province dans laquelle le décès est survenu et le lieu et la cause du décès (reposant sur la dixième version de la Classification statistique internationale des maladies [CIM-10]). Le lieu du décès a été défini comme étant en milieu hospitalier ou ailleurs qu’en milieu hospitalier, cette dernière catégorie comprenant les décès survenus dans des domiciles privés, des maisons de soins palliatifs, d’autres établissements de soins de santé (p. ex. les centres d’hébergement et de soins de longue durée, les centres de réadaptation et les établissements de soins psychiatriques et autres établissements de soins de longue durée ou pour les maladies chroniques) ou des établissements autres que de soins de courte durée non précisés. Une répartition du lieu du décès dans les différentes provinces comprises dans cette étude est présentée au tableau A.1 en annexe. Les causes de décès ont été regroupées en utilisant les regroupements Lunney/Fassbender des trajectoires des causes de décès (c.-à-d. la maladie en phase terminale, la défaillance d’organes, la fragilité, la mort subite et autre), lesquels regroupements ont été adaptés au contexte canadienNote 21Note 22Note 23. Deux variables ont été incluses pour tenir compte des inégalités régionales en matière de santé : le genre de la Classification des secteurs statistiques (CSS), qui est une mesure des inégalités en matière de santé liées aux régions, et une mesure liée au revenu reposant sur le quintile de revenu du quartier. Le genre de la CSS a été dichotomisé en région urbaine (genre de la CSS = 1, 2, 3) et en région rurale ou éloignée (genre de la CSS = 4, 5, 6, 7 ou 8)Note 24. Ces variables fondées sur les régions ont été obtenues en appliquant l’outil du Fichier de conversion des codes postaux plus aux codes postaux résidentiels des personnes décédées déclarés dans la BCDEC. Le quintile de revenu du quartier a été calculé à l’échelle de la région métropolitaine de recensement ou de l’agglomération de recensement.
Consultation en soins palliatifs
La Base de données sur les congés des patients contient des renseignements détaillés sur les soins reçus par un patient à l’hôpital, de son admission à son congé. Suivant les définitions utilisées dans des études canadiennes précédentesNote 2Note 8, la réception de soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier a été définie au moyen du code Z51.5 de la Classification statistique internationale des maladies [CIM-10], pour lequel les SP ont été considérés comme la principale raison pour laquelle le patient a été admis à l’hôpital dans l’année précédant son décès. Les SP en phase préterminale ont été définis comme une consultation en SP en milieu hospitalier avant les 30 derniers jours de vie.
Résultats en matière de soins de courte durée
Les principaux résultats d’intérêt dans cette étude étaient le décès à l’hôpital et les admissions à l’unité de soins intensifs (USI) ou l’utilisation des lits pour les patients nécessitant un autre niveau de soins (ANS) au cours des 30 derniers jours de vie. Les admissions à l’USI ont été considérées comme la réception de soins fournis dans une unité prothétique, comme les unités de soins intensifs médicaux, chirurgicaux et cardiaques. Les désignations ANS reposaient sur les dossiers de transfert dans la Base de données sur les congés des patients, qui témoignent du déplacement des patients hospitalisés dans des lits désignés ANS pendant leur séjour.
Analyse statistique
Le lieu de décès (c.-à-d. en milieu hospitalier ou ailleurs qu’en milieu hospitalier) et la réception de soins palliatifs (SP) (quelconques ou en phase préterminale) ont été examinés selon des caractéristiques variées de la cohorte dont on a auparavant démontré l’influence sur la propension d’une personne à recevoir des SPNote 7, y compris l’âge, le sexe, la province de résidence, la ruralité, le revenu du quartier, l’état matrimonial, la cause initiale de décès et l’année du décès. L’association entre la réception de SP en milieu hospitalier et la consultation préterminale en SP et la probabilité de décès en milieu hospitalier ou d’une admission à l’unité de soins intensifs ou de l’utilisation des lits pour les patients nécessitant un autre niveau de soins au cours des 30 derniers jours de vie a été analysée au moyen d’une régression logistique, en tenant compte de certaines caractéristiques énumérées ci-dessus.
Résultats
Entre le 1er avril 2010 et le 31 décembre 2014, 880 425 personnes âgées de 19 ans et plus sont décédées dans les provinces canadiennes (à l’exclusion du Québec). Parmi elles, 592 800 (67,3 %) personnes avaient été hospitalisées au moins une fois au cours de la dernière année de leur vie. Parmi les personnes hospitalisées, 111 145 (18,7 %) personnes avaient été hospitalisées en soins palliatifs (SP) au moins une fois. Chez les personnes décédées qui avaient une désignation de SP en milieu hospitalier et qui avaient été hospitalisées au moins une fois avant leurs 30 derniers jours de vie, seulement 14 865 (21,8 %) personnes ont eu une consultation préterminale en SP.
Lieu de décès
Plus de la moitié (57,7 %) des décès sont survenus en milieu hospitalier pendant la période visée dans le cadre de l’étude, même si la tendance indiquait une diminution au fil du temps, passant de 59,1 % en 2010 à 56,5 % en 2014 (tableau 1). La proportion des décès en milieu hospitalier variait selon la province, la plus faible prévalence ayant été observée en Colombie-Britannique (47,9 %; tableau 1). Alors que le Manitoba affichait la proportion la plus élevée de décès en milieu hospitalier (85,1 %), il convient de souligner que les décès survenus dans les foyers de soins personnels sont déclarés comme des décès en milieu hospitalier dans cette province, ce qui donne lieu à une surestimation. À l’exception du Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador (64,5 %) et le Nouveau-Brunswick (62,9 %) affichaient les proportions les plus élevées de décès en milieu hospitalier (tableau 1).
Les personnes qui sont décédées à l’hôpital étaient légèrement plus jeunes que celles qui sont décédées dans d’autres milieux (76,5 ± 14,2 ans par rapport à 77,4 ± 16,7 ans) et elles étaient plus susceptibles d’être des hommes (52,5 % par rapport à 48,0 %), d’être mariées (45,3 % par rapport à 34,5 %), de vivre dans une région rurale (22,4 % par rapport à 20,4 %) et d’être décédées d’une défaillance d’organes (35,3 % par rapport à 26,0 %) ou d’une maladie en phase terminale (33,9 % par rapport à 26,8 %; tableau 1).
Consultations pour la réception de soins palliatifs en milieu hospitalier
Chez les personnes décédées qui avaient été hospitalisées au cours de la dernière année de leur vie, 18,7 % avaient eu une consultation en soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier (tableau 2). Une légère tendance à la baisse de la prévalence de la consultation en SP en milieu hospitalier a été observée pendant la période visée dans le cadre de l’étude, passant de 19,2 % en 2010 à 18,5 % en 2014 (tableau 2).
Pour ce qui est des provinces, les taux de consultation en SP en milieu hospitalier variaient de 15,3 % en Alberta à 30,6 % en Nouvelle-Écosse (tableau 2). Les provinces de l’Atlantique affichaient des taux de consultation en SP en milieu hospitalier plus élevés que ceux observés en Ontario (16,9 %), en Colombie-Britannique (18,4 %) et en Alberta, qui présentaient les taux les plus faibles au Canada.
Désignation préterminale de soins palliatifs
Chez les personnes qui avaient reçu des soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier au cours de la dernière année de leur vie et qui avaient été hospitalisées avant les 30 derniers jours de vie, 21,8 % ont eu une consultation préterminale en SP, variant de 16,1 % au Nouveau-Brunswick à 28,1 % en Colombie-Britannique (tableau 2). Ce pourcentage présentait une tendance à la baisse au fil du temps, passant de 23,3 % en 2010 à 20,9 % en 2014 (tableau 2).
Résultats en matière de soins de courte durée associés à une désignation de soins palliatifs
Chez les personnes qui avaient été hospitalisées au cours de la dernière année de leur vie, les personnes décédées qui avaient eu une consultation en soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier étaient plus susceptibles de décéder à l’hôpital (85,6 %) que les personnes qui n’avaient pas reçu de SP en milieu hospitalier (68,8 %). Fait intéressant, les provinces qui affichaient les proportions les plus élevées de consultation en SP en milieu hospitalier (Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) enregistraient aussi certaines des proportions les plus élevées de décès en milieu hospitalier chez les personnes qui avaient reçu des SP en milieu hospitalier (93,6 % et 92,0 %, respectivement; figure 1, barres bleu pâle). Les personnes décédées en Colombie-Britannique qui avaient eu des consultations en SP en milieu hospitalier au cours de la dernière année de leur vie étaient les moins susceptibles de décéder en milieu hospitalier (69,5 %).
Malgré une plus grande probabilité de décès dans les hôpitaux, les personnes décédées qui avaient eu des consultations en SP en milieu hospitalier étaient moins susceptibles d’avoir été admises dans les unités de soins intensifs au cours des 30 derniers jours de vie (5,6 %) que les personnes qui avaient été hospitalisées, mais qui n’avaient pas eu de consultation en SP (21,0 %), dont la proportion variait d’une province à l’autre (figure 1, lignes en bleu foncé). Des différences minimes ont été observées dans l’utilisation des lits pour les patients nécessitant un autre niveau de soins au cours des 30 derniers jours de vie entre les personnes décédées qui avaient reçu des SP en milieu hospitalier et celles qui n’en avaient pas reçu (figure 1, lignes rouges).
Résultats en matière de soins de courte durée associés à une désignation préterminale de soins palliatifs
Contrairement à la tendance générale liée à la réception de soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier, les personnes décédées qui avaient eu une consultation préterminale en SP en milieu hospitalier étaient moins susceptibles de décéder à l’hôpital que les personnes décédées qui avaient été hospitalisées avant leurs 30 derniers jours de vie, mais à qui les SP avaient seulement commencé à être prodigués en phase terminale (c.-à-d. au cours des 30 derniers jours de vie; figure 2, barres grises). Comme dans le cas de la tendance observée chez les personnes qui avaient reçu des SP en milieu hospitalier, les personnes qui avaient eu une consultation préterminale en SP en milieu hospitalier étaient moins susceptibles d’avoir été admises dans une unité de soins intensifs au cours des 30 derniers jours de vie (figure 2, lignes en gris foncé) et elles étaient moins susceptibles d’avoir utilisé un lit pour les patients nécessitant un autre niveau de soins avant leur décès (figure 2, lignes noires).
Effet corrigé de la désignation de soins palliatifs et de la désignation préterminale de soins palliatifs en milieu hospitalier
Après la prise en compte de l’âge, du sexe, de la province, de l’état matrimonial, du quintile de revenu du quartier, de la ruralité, de la cause initiale de décès et de l’année du décès, le fait d’avoir eu des consultations pour la réception de soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier au cours de la dernière année de vie présentait une association significative avec une probabilité accrue de décès en milieu hospitalier (rapport de cotes [RC] : 3,22; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 3,16 à 3,28), mais une probabilité réduite d’une admission à l’unité de soins intensifs (USI) au cours des 30 derniers jours de vie (RC : 0,31; IC à 95 % : 0,31 à 0,32; figure 3). Cependant, le fait d’avoir eu des consultations en SP en milieu hospitalier n’avait pas d’effet significatif sur le plan statistique sur l’utilisation des lits pour les patients nécessitant un autre niveau de soins (ANS).
Dans des modèles semblables (figure 3), la désignation préterminale de SP présentait une association significative avec une probabilité moins élevée de décès en milieu hospitalier (RC : 0,16; IC à 95 % : 0,15 à 0,17), d’une admission à l’USI au cours des 30 derniers jours de vie (RC : 0,28; IC à 95 % : 0,24 à 0,33) et de l’utilisation d’un lit désigné ANS au cours des 30 derniers jours de vie (RC : 0,52; IC à 95 % : 0,49 à 0,56).
Discussion
Cette étude porte sur la prévalence des soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier et les résultats associés à cette désignation au cours de la dernière année de vie. Dans l’ensemble, la présente étude a permis de conclure qu’une proportion croissante de Canadiens décédaient en dehors des établissements de soins de courte durée. Cependant, chez les Canadiens qui avaient été hospitalisés avant le décès, la majorité d’entre eux n’avaient pas eu de consultation en soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier pendant cette période, et encore moins avaient eu une consultation en SP en milieu hospitalier avant les 30 derniers jours de vie. Cette analyse permet également de conclure que les personnes décédées qui avaient eu une consultation précoce en SP en milieu hospitalier avant le décès peuvent avoir eu de meilleurs résultats, par exemple, une probabilité moins élevée d’admission à l’unité de soins intensifs (USI) au cours du dernier mois de vie.
Comme dans le cas des constatations issues d’autres études, cette étude a révélé qu’une proportion élevée de consultations en SP ont seulement eu lieu au cours du dernier mois de vieNote 2. Si de nombreuses études précédentes ont permis de conclure que le décès à l’hôpital était un indicateur d’une piètre qualité des soins et de mauvais résultatsNote 1Note 10Note 11, on peut considérer que les unités de SP (USP) spécialisées en milieu hospitalier constituent un lieu de décès adéquat, car ces dernières fournissent surtout des soins de confort et de gestion des symptômes (y compris la douleur, la nausée et la difficulté à respirer) aux patients qui sont admis dans ces unités. Malheureusement, en raison de l’absence de collecte systématique de données sur les USP et les lits désignés pour les SP dans les hôpitaux au Canada, il n’a pas été possible de distinguer les lits désignés pour les SP (p. ex. les lits dans une USP) des lits consacrés aux soins de courte durée dans la Base de données sur les congés des patients. Par conséquent, il n’a pas été possible de déterminer si les admissions et les consultations en SP qui sont survenues au cours du dernier mois de vie signifient qu’un patient a reçu des soins dans un contexte de SP ou que les SP ont été envisagés seulement après des tentatives infructueuses d’interventions actives (p. ex. la ventilation mécanique, la défibrillation, l’intervention coronarienne percutanée, la sonde d’alimentation ou la transfusion sanguine). Les travaux futurs pourraient porter sur la détermination et la présentation des résultats séparément pour les USP connues afin de déterminer la véritable prévalence des décès dans les hôpitaux, comme dans une application utilisant des bases de données administratives au ManitobaNote 4.
Les personnes décédées qui avaient eu une consultation préterminale en SP avaient en particulier de meilleurs résultats : elles étaient moins susceptibles de décéder à l’hôpital, d’être admises dans une USI ou d’être désignées comme un patient nécessitant un autre niveau de soins (ANS) au cours du dernier mois de vie. Il importe de souligner que si les données administratives offrent un vaste éventail de données pour étudier les tendances à l’échelle de la population de la consultation en SP en milieu hospitalier, elles ne fournissent pas d’information quant à la portée, à l’intensité et à la qualité des SP qui sont prodigués dans ce milieu. Néanmoins, bien qu’aucune relation causale n’ait pu être établie entre la réception de SP en phase préterminale en milieu hospitalier et les résultats en fin de vie subséquents, ces résultats indiquent une association qui pourrait être explorée dans les études futures, peut-être au moyen d’un couplage avec d’autres bases de données administratives. Par exemple, il serait possible d’examiner l’effet des SP en phase préterminale en milieu hospitalier sur la réception subséquente de SP dans un cadre communautaire ou de modéliser la relation entre les SP en milieu hospitalier et les résultats en fin de vie, en tenant compte de l’effet confusionnel de la réception d’autres services de santé. La tendance vers une proportion croissante de décès en dehors des hôpitaux observée pendant la période visée dans le cadre de l’étude pourrait indiquer que l’amélioration des soins de soutien dans un cadre communautaire au cours des dernières années a contribué à une moins grande dépendance à l’égard des services hospitaliers en fin de vie.
Des études précédentes ont révélé que la plupart des gens préfèrent finir leurs jours dans leur collectivité ou dans un cadre familialNote 1. Cependant, parfois, le transfert dans un cadre communautaire peut être dommageable pour les patients qui sont des cas médicaux complexes, surtout dans les régions rurales et éloignées, dont la capacité à fournir des soins médicaux et de gestion des symptômes complexes dans un cadre communautaire est réduite, et lorsque les membres de la famille ou les aidants naturels ne sont pas en mesure de donner des soins ou sont dépassés par le fardeau de prendre soin d’un patient qui présente un cas complexe. Selon leur disponibilité, ces patients peuvent être transférés dans d’autres milieux de SP désignés, comme les maisons de soins palliatifs ou les USP, et peuvent séjourner à l’hôpital dans un lit désigné ANS en attendant le transfert. On considère depuis longtemps que l’utilisation des lits désignés ANS est un indicateur de piètres soins. Par exemple, l’Institut canadien d’information sur la santé a signalé que près de la moitié (47 %) des patients en SP décédaient dans un lit désigné ANS en attendant d’être transférés dans un milieu mieux adaptéNote 2. Cette étude n’a révélé aucune différence observable dans l’utilisation des lits désignés ANS entre les personnes décédées qui avaient eu une consultation en SP en milieu hospitalier et celles qui n’en avaient pas eu. Cela peut témoigner du grand défi que pose l’accès à des ressources communautaires adéquates au Canada. Par exemple, en Ontario, soit la province qui affiche l’une des proportions les plus élevées de personnes décédées en attente d’être transférées dans un milieu de soins mieux adapté au cours des 30 derniers jours de vie, le nombre et le pourcentage des patients qui attendent à l’hôpital de recevoir des soins ailleurs ont augmenté d’année en annéeNote 25. Cependant, la consultation préterminale en SP était associée à une moins grande probabilité d’être transféré dans un lit désigné ANS dans la présente analyse, ce qui donne à penser que la reconnaissance précoce des besoins des patients en matière de SP peut être associée à une meilleure planification des transferts et à l’obtention d’un soutien adéquat dans un cadre communautaire qui réduit l’utilisation en aval des soins de courte durée. Cela est conforme aux constatations provenant d’un examen systématique récent qui a révélé que les consultations en SP en milieu hospitalier étaient associées à des taux plus élevés de transfert dans des milieux communautaires, à une plus grande prestation de services après le transfert, à une meilleure coordination et à de plus faibles taux de réhospitalisationNote 19.
Les résultats de cette analyse indiquent que le fait d’avoir eu des consultations pour la réception de SP en milieu hospitalier était associée à une moins grande probabilité d’admission à l’USI au cours du dernier mois de vie. L’admission à l’USI est considérée comme un indicateur de soins de fin de vie de piètre qualité, compte tenu du faible taux de survie suivant l’admission à l’USI (surtout chez les patients fragiles) et de son coût élevé pour le système de soins de santéNote 3Note 26. La présente analyse permet de souligner, en outre, la pertinence des hospitalisations au cours de la dernière année de vie comme une occasion de commencer à prodiguer des SP et l’incidence potentielle en aval de ces derniers sur l’expérience des Canadiens dans leurs derniers jours.
Limites
Les limites de cette étude comprennent le manque de précision du codage de certaines variables dans les bases de données administratives. Par exemple, on a estimé à environ le tiers des décès déclarés au Manitoba survenus à l’hôpital qui sont probablement survenus dans des foyers de soins personnelsNote 2. Les estimations provinciales, qui indiquent que 47 % des Manitobains sont décédés à l’hôpital entre 2000 et 2001, en plus d’un autre 7 % dans une des deux unités de soins palliatifs (SP) en milieu hospitalier de Winnipeg, confirment cet état de faitNote 4. Bien que cela n’ait pas été possible dans la présente étude, le couplage futur des données de la Base canadienne de données sur l’état civil avec d’autres sources de données sur l’administration des soins de santé de longue durée (p. ex. le Système d’information sur les soins de longue durée) pourrait améliorer la validation et la saisie des données. En outre, si l’hypothèse que les hôpitaux ne constituaient pas un lieu de décès privilégié dans le cadre de cette analyse, il faut reconnaître que certains patients peuvent préférer recevoir des soins en milieu hospitalier en fin de vie et que, dans certaines régions (p. ex. les régions rurales et éloignées du Canada), les hôpitaux de soins de courte durée peuvent représenter le seul milieu de soins dans lequel les patients peuvent recevoir des SPNote 2.
Les données administratives sont souvent limitées par les fonctions organisationnelles pour lesquelles elles ont été conçues. Dans cette étude, les enregistrements de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) présentant le code de diagnostic principal Z51.5 ont été utilisés pour relever l’accès aux SP en milieu hospitalier. En privilégiant une définition précise de la consultation en SP, semblable à celle utilisée dans une analyse précédente menée par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)Note 2, on présume qu’il s’agit là d’une bonne approximation de la réception de SP en milieu hospitalier. Si l’utilisation d’une définition de l’exposition aux SP plus détaillée que le code de diagnostic principal peut avoir donné une perspective plus globale de l’accès aux SP en milieu hospitalier au Canada, l’inclusion de codes secondaires soulève des préoccupations, car ces derniers sont moins susceptibles de témoigner de véritables services de SP offerts et plus susceptibles de permettre de simplement reconnaître que le patient approche la fin de sa vie. Selon le document de l’ICIS portant sur la norme de codage des SPNote 20, l’utilisation du code Z51.5 peut varier de la mise en œuvre d’un plan de traitement en SP à la documentation par un médecin d’un « besoin de soins palliatifs » ou à la détermination du besoin potentiel de soins de confort, de soutien ou de compassion. Néanmoins, malgré l’utilisation de cette définition plus restrictive, il n’était toujours pas possible de déterminer la gamme et l’intensité des services offerts d’après ce seul code de diagnostic. Cette étude présente une application des codes de diagnostic permettant d’examiner l’efficacité des consultations en SP en milieu hospitalier. Les travaux futurs pourraient envisager d’en étendre la portée pour inclure des expositions secondaires (c.-à-d. lorsque les SP peuvent être consignés comme un des 24 codes de diagnostic notés dans le sommaire de congé).
Conformément au rapport de l’ICISNote 1, un seuil de 30 jours avant le décès a été utilisé pour définir la détermination précoce (c.-à-d. préterminale) des besoins de SP, et l’effet associé à d’autres périodes n’a pas été exploré. En raison de la faible proportion des personnes décédées qui avaient eu une consultation en SP avant les 30 derniers jours de vie et de préoccupations relatives à la généralisation des constatations (c.-à-d. un biais en faveur des patients souffrant d’une maladie en phase terminale qui ont une trajectoire de déclin mieux définie et qui sont plus susceptibles de recevoir une désignation précoce de SP), la capacité à explorer l’effet des SP en phase préterminale peut être limitée si la BDCP est l’unique source de renseignements utilisée. Les travaux futurs fondés sur un plan prospectif et le couplage avec d’autres bases de données sur l’administration des soins de santé communautaires pourraient être mieux outillés pour examiner adéquatement l’efficacité des interventions préterminales en SP.
Si l’examen des services de SP fournis en dehors du milieu hospitalier dépassait le cadre de la présente étude, on sait que la réception de services à domicile et de services communautaires a une incidence sur les résultats en fin de vie des patients. Par conséquent, l’association liée aux consultations préterminales en SP en milieu hospitalier relevée dans cette étude pourrait découler des services reçus dans la collectivité. Si elle permet de brosser un tableau incomplet des soins reçus par les personnes décédées, cette étude fait la démonstration de l’utilisation de bases de données sur l’administration des soins de santé couplées pour avoir une meilleure compréhension de l’accès aux SP et des résultats des SP dans les différents milieux de soins de santé au Canada. À mesure que des données sur les services à domicile et les services communautaires seront disponibles, les études futures pourraient examiner cette question à l’échelle nationale et tenir compte des effets confusionnels liés à la réception d’autres services.
Conclusion
Cette analyse présente un exemple d’application utilisant des bases de données sur l’administration des soins de santé couplées afin d’examiner la réception de soins palliatifs (SP) en consultations en milieu hospitalier et les résultats des SP lors de consultations en milieu hospitalier au cours de la dernière année de vie. Malgré certaines limites, cette étude apporte un nouvel éclairage sur l’association entre la désignation de SP en milieu hospitalier et les résultats en fin de vie chez les Canadiens. Cette étude a révélé que les personnes décédées qui avaient eu une consultation en SP en milieu hospitalier avant le décès peuvent avoir eu de meilleurs résultats en fin de vie, y compris une plus faible probabilité de décéder à l’hôpital, d’être admises à l’unité de soins intensifs au cours de leur dernier mois de vie ou d’être placées dans un lit pour les patients nécessitant un autre niveau de soins. Les études futures pourraient s’appuyer sur ces observations pour chercher à mieux comprendre le rôle de la consultation en SP en milieu hospitalier dans l’expérience de fin de vie chez différentes populations au Canada.
Remerciements
Les auteurs aimeraient remercier Julie Lachance (Santé Canada), qui a formulé de précieux commentaires et des observations utiles dans le cadre de ce projet et une version antérieure de ce manuscrit.
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