Rapports sur la santé
Symptômes physiques médicalement inexpliqués chez les adultes au Canada : comorbidité, recours aux soins de santé et emploi

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par Jungwee Park and Heather Gilmour

Date de diffusion : le 15 mars 2017

Certains symptômes physiques ne semblent pas avoir d’étiologie distincte ou de conclusion pathophysiologique fermeNote 1. Ils sont alors nommés symptômes physiques médicalement inexpliqués (SPMI). Le manque d’uniformité qui se dégage des évaluations physiques ou en laboratoire a soulevé une polémique et semé beaucoup de confusion à l’égard de ces symptômesNote 2Note 3Note 4Note 5Note 6. Les SPMI peuvent avoir des répercussions sur le fonctionnement quotidienNote 2Note 3Note 7, nuire à la productivité au travailNote 8Note 9 et entraîner un recours accru aux ressources de soins de santéNote 2Note 9.

Même si un éventail de syndromes correspond aux SPMINote 1, la discussion est souvent restreinte au syndrome de fatigue chronique, à la fibromyalgie et aux sensibilités aux agresseurs chimiques. Les symptômes similaires de ces affections, les procédures semblables pour le diagnostic clinique ainsi que des études approfondies sur chacune suggèrent qu’elles méritent une étude ciblée et comparativeNote 10Note 11.

La fatigue extrême est le principal symptôme du syndrome de fatigue chronique. Un diagnostic n’est habituellement établi que si d’autres troubles comportant des symptômes semblables ont été écartés. Le critère de diagnostic pour la fibromyalgie est d’avoir ressenti de la douleur dans au moins 11 parties du corps (sur un total de 18 parties données), et ce, pendant trois mois ou plus. Cette douleur s’accompagne souvent de symptômes comparables à ceux du syndrome de fatigue chronique. Les sensibilités aux agresseurs chimiques peuvent se manifester par toute une série de symptômes chez les personnes qui en souffrent lorsque celles-ci sont exposées à des produits chimiques synthétiques, comme la variation de la fréquence cardiaque, des difficultés respiratoires, des éruptions cutanées, de la nausée, des maux de tête et de la confusionNote 9Note 10Note 11Note 12Note 13Note 14.

Fondée sur des données tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2014 et de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale de 2012, la présente étude fournit des estimations concernant la prévalence des SPMI au sein de la population à domicile. En raison de la faible prévalence des SPMI chez les personnes plus jeunes et de l’inclusion des variables du marché du travail, l’analyse mettait l’accent sur la population âgée de 25 ans et plus. Les SPMI sont étudiés en fonction de caractéristiques sociodémographiques; de la comorbidité physique et mentale; du recours aux soins de santé et des besoins insatisfaits en fait de soins; de la participation au marché du travail et de la productivité.

Prévalence

En 2014, 5,5 % des Canadiens âgés de 25 ans et plus, soit 1,3 million de personnes, ont déclaré avoir au moins une des trois affections présentant des SPMI : 1,6 % ont déclaré être atteints du syndrome de fatigue chronique, 2,0 %, de fibromyalgie et 2,7 %, de sensibilités aux agresseurs chimiques (tableau 1). Les femmes étaient plus de deux fois plus susceptibles que les hommes de faire état de chaque trouble. Établie à 3 %, la prévalence générale des SPMI était inférieure chez les personnes de 25 à 44 ans par rapport aux groupes de personnes plus âgées : 7 % chez les personnes de 45 à 59 ans, 8 % chez celles de 60 à 74 ans et 7 % chez celles âgées de 75 ans et plus. Ces profils d’âge et de sexe étaient semblables pour chaque affection.

Les personnes sans diplôme d’études postsecondaires étaient plus susceptibles que celles en ayant un d’être atteintes du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie. La vraisemblance que des sensibilités aux agresseurs chimiques soient déclarées n’a pas été associée à la scolarité.

La prévalence variait aussi selon le revenu du ménage. Par exemple, 3,3 % des personnes du quintile de revenu des ménages le plus bas étaient atteintes du syndrome de fatigue chronique par rapport à 0,7 % des personnes du quintile de revenu le plus élevé.

Les personnes divorcées, séparées ou veuves étaient presque deux fois plus susceptibles que les personnes mariées ou conjointes de fait de déclarer avoir des SPMI : 9,1 % par rapport à 4,8 %. Le même profil se dégage pour les trois affections. En plus, les Canadiens de race blanche étaient plus susceptibles de déclarer être atteints de fibromyalgie que les autres Canadiens.

Comorbidité

Il arrive souvent que des personnes répondent aux critères de diagnostic pour plus d’une des trois affectionsNote 1Note 10Note 11Note 15Note 16. De fait, 30 % des personnes atteintes du syndrome de fatigue chronique étaient aussi atteintes de fibromyalgie, et 15 % souffraient de sensibilités aux agresseurs chimiques. De plus, 23 % des personnes atteintes de fibromyalgie étaient aussi atteintes du syndrome de fatigue chronique, et 13 % souffraient de sensibilités aux agresseurs chimiques. Finalement, 9 % des personnes souffrant de sensibilités aux agresseurs chimiques étaient aussi atteintes du syndrome de fatigue chronique, et 10 % souffraient de fibromyalgie (données n’apparaissant pas dans les tableaux). Ce chevauchement soulève une question. Les SPMI, dont l’étiologie de chacun peut être unique, se manifestent-ils tous plus ou moins de la même façonNote 1Note 3Note 16?

Des pourcentages élevés de personnes ayant des SPMI ont fait état d’autres problèmes physiques. La moitié d’entre elles (51 %) avaient au moins trois troubles chroniques n’ayant aucun SPMI, par rapport à 13 % des personnes qui n’ont aucun SPMI (tableau 2).

De plus, les personnes ayant des SPMI étaient plus susceptibles que celles n’en ayant pas de déclarer avoir des troubles anxieux ou des troubles de l’humeur : 35 % par rapport à 10 %.

En utilisant des données de l’ESCC-SM de 2012, on a étudié la prévalence de troubles mentaux particuliers chez les personnes atteintes du syndrome de fatigue chronique ou de sensibilités aux agresseurs chimiques au cours des 12 derniers mois (l’étude ne portait pas sur la fibromyalgie). Un tiers (35 %) des personnes atteintes du syndrome de fatigue chronique, et 19 % des personnes souffrant de sensibilités aux agresseurs chimiques répondaient aux critères pour au moins un trouble mental parmi les six sélectionnés, soit un épisode dépressif majeur, un trouble bipolaire, un trouble d’anxiété généralisée, une consommation abusive d’alcool ou une dépendance à celle-ci, une consommation abusive de cannabis ou une dépendance à celui-ci ou une consommation abusive d’autres drogues ou une dépendance à celles-ci. Ce chiffre n’est que de 8 % chez les personnes n’étant pas atteintes du syndrome de fatigue chronique et ne souffrant pas de sensibilités aux agresseurs chimiques.

Selon certaines études, les problèmes de santé mentale sont attribuables au stress découlant du fait d’avoir des symptômes inexpliqués. Dans plusieurs cas, les SPMI précèdent les symptômes psychiatriquesNote 17.

Recours aux soins de santé et besoins insatisfaits

En 2014, 16 % des personnes ayant des SPMI ont déclaré avoir consulté à au moins 10 reprises un médecin de famille ou un omnipraticien au cours de la dernière année, par rapport à 5 % des personnes n’ayant pas de SPMI (figure 1). La moitié (53 %) des personnes ayant des SPMI ont consulté des spécialistes, par rapport au tiers (32 %) des personnes n’en ayant aucun. Le quart (26 %) des personnes ayant des SPMI ont eu recours à des services de santé mentale par rapport à 12 % des personnes n’ayant pas de SPMI. Les personnes ayant des SPMI consultent aussi davantage les autres fournisseurs de soins de santé, notamment des infirmiers, des chiropraticiens, des physiothérapeutes, des psychologues, des travailleurs sociaux et des conseillers : 48 % par rapport à 34 %.

Les taux d’hospitalisation d’une nuit au cours de la dernière année, qui laissent présager des maladies plus graves, ont été de 15 % chez les personnes ayant des SPMI et de 8 % chez les personnes sans SPMI.

Les recommandations pourraient expliquer une partie du recours accru aux soins de santé. En effet, en l’absence d’explication concernant les symptômes, les patients peuvent être recommandés à des spécialistes de différents domainesNote 1.

Malgré le taux élevé de consultations auprès de médecins, les personnes ayant des SPMI étaient plus susceptibles que celles n’en ayant pas de déclarer avoir eu besoin de soins de santé, mais ne pas les avoir reçus au cours des 12 derniers mois : 25 % par rapport à 11 %. La prévalence supérieure des besoins insatisfaits en matière de soins de santé chez les patients ayant des SPMI peut indiquer qu’il est difficile d’obtenir un diagnostic et un traitementNote 18.

Participation au marché du travail

Les personnes ayant des SPMI étaient plus susceptibles que celles n’en ayant pas de ne pas avoir d’emploi ou d’être incapables de travailler de façon permanente. Environ 40 % des personnes ayant des SPMI n’avaient pas d’emploi en 2014, par rapport à 26 % des personnes sans SPMI (figure 2). Le pourcentage de personnes qui avaient un emploi était particulièrement élevé chez les gens souffrant de sensibilités aux agresseurs chimiques : 53 %.

Dans l’ensemble, 45 % des personnes ayant des SPMI avaient un emploi. De plus, 18 % de ces personnes ont déclaré s’être absentées du travail en raison d’un trouble chronique au cours des trois derniers mois, par rapport à 5 % des travailleurs sans SPMI (figure 3).

Les personnes ayant des SPMI vivaient des restrictions dans plusieurs domaines. En 2014, 45 % ont déclaré qu’une affection ou un trouble physique ou mental de longue durée réduisait « souvent » ou « parfois » la quantité de travail qu’elles réalisent ou le type d’activité qu’elles font au travail; 14 % des personnes sans SPMI ont déclaré devoir restreindre leurs activités au travail. Une majorité (61 %) de personnes ayant des SPMI ont déclaré devoir restreindre leurs activités à la maison, par rapport à 19 % des personnes sans SPMI. Des restrictions s’appliquaient aussi pour des activités comme les déplacements et les loisirs.

Mot de la fin

En 2014, plus d’un million d’adultes canadiens âgés de 25 ans ou plus ont déclaré avoir reçu un diagnostic de SPMI. Ils étaient plus susceptibles que les autres Canadiens d’avoir recours aux services de soins de santé et de déclarer que leurs besoins en matière de soins de santé étaient insatisfaits. Les SPMI ont eu une incidence importante sur leurs activités économiques : 40 % n’avaient pas d’emploi; et une personne ayant un emploi sur cinq a déclaré s’être récemment absentée du travail en raison d’un trouble chronique.

Début de l'encadré

Les données

Sources de données

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2014 a recueilli de l’information sur l’état de santé, le recours aux soins de santé et les déterminants de la santé pour environ 98 % de la population âgée de 12 ans et plus. Elle visait les ménages des provinces et des territoires. Les membres des Forces canadiennes, les personnes vivant en établissement et les habitants des réserves indiennes, d’autres établissements autochtones et de certaines régions éloignées étaient exclus. Le taux de réponse a été de 65,6 %. L’échantillon pour analyse comprenait 54 166 personnes âgées de 25 ans et plus, représentant 24,5 millions de Canadiens.

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC-SM) de 2012 a recueilli de l’information sur les troubles de santé mentale de la population âgée de 15 ans et plus dans les 10 provinces. Les exclusions étaient semblables à celles de l’ESCC. Le taux de réponse a été de 68,9 %, permettant d’obtenir ainsi un échantillon pour analyse de 21 100 personnes âgées de 25 ans et plus, représentant 23,9 millions de Canadiens.

Les analyses ont été effectuées au moyen de la version 9.3 de SAS. On a appliqué des poids d’échantillonnage, de sorte que les analyses sont représentatives de la population canadienne. Afin de tenir compte de la sous-estimation des erreurs types attribuable au plan de sondage complexe, on a appliqué des poids bootstrap au moyen de la version 11.0 de SUDAAN.

Définitions

Pour déterminer la présence de problèmes de santé chroniques, on a demandé aux participants à l’enquête si un professionnel de la santé avait diagnostiqué chez eux un problème de santé qui avait duré, ou qui devait durer, six mois ou plus. L’intervieweur a lu une liste de problèmes de santé qui comprenait le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie et les sensibilités aux agresseurs chimiques. Les participants qui ont indiqué avoir au moins une des trois affections ont été classés parmi le groupe des personnes ayant des SPMI.

Le nombre d’affections physiques chroniques autres que les SPMI a été classé en quatre groupes : aucune, une, deux et trois ou plus. Les problèmes de santé pris en compte comprenaient l’asthme; l’arthrite, à l’exclusion de la fibromyalgie; les problèmes de dos, à l’exclusion de la fibromyalgie et de l’arthrite; la migraine; les maladies pulmonaires obstructives chroniques; le diabète; les maladies cardiaques; le cancer; les ulcères à l’intestin ou à l’estomac; les séquelles d’un accident vasculaire cérébral; l’incontinence urinaire; les troubles intestinaux; la maladie d’Alzheimer et les autres formes de démence; l’hypertension. Les troubles de l’humeur et anxieux ont été regroupés pour représenter la comorbidité mentale.

Le niveau de scolarité le plus élevé dans le ménage a été classé comme suit : diplôme d’études postsecondaires ou aucun diplôme d’études postsecondaires. Le revenu du ménage était le ratio du revenu du ménage par rapport au seuil de faible revenuNote 19 divisé en quintiles. L’état matrimonial a été classé en deux catégories : avec un partenaire (marié, conjoint de fait) ou sans partenaire (célibataire, séparé, divorcé, veuf). L’identité culturelle ou la race ont été classées en deux catégories : de race blanche ou autre.

Les participants ont été classés en fonction du fait qu’ils avaient vu un médecin de famille ou un omnipraticien ou parlé avec un tel fournisseur à propos de leur santé physique, émotionnelle ou mentale à au moins 10 reprises au cours des 12 derniers moisNote 20. Les consultations auprès de spécialistes (comme des chirurgiens, des allergologues, des orthopédistes ou des psychiatres), d’infirmiers, de chiropraticiens, de physiothérapeutes, de psychologues ou de travailleurs sociaux/conseillers ont aussi été déclarées. Par hospitalisation d’une nuit au cours des 12 derniers mois, on entendait les séjours dans un hôpital, un établissement de soins infirmiers ou une maison de convalescence.

Par consultations en santé mentale, on entendait le fait d’avoir vu un professionnel de la santé ou d’avoir parlé avec un tel professionnel à propos de la santé mentale ou émotionnelle.

On considérait que les personnes avaient des besoins insatisfaits en fait de soins de santé si elles avaient déclaré un moment, au cours des 12 derniers mois, où elles pensaient avoir besoin de soins de santé, mais qu’elles n’en ont pas reçu.

Les restrictions quant au niveau d’activité se fondaient sur les réponses « souvent » ou « parfois » (par rapport à « jamais ») aux questions : « Est-ce qu’un état physique ou un état mental ou un problème de santé de longue durée réduit la quantité ou le genre d’activités que vous pouvez faire...

  • ... à la maison? »
  • ... à l’école? »
  • ...au travail? »
  • ...dans d’autres activités, par exemple dans les déplacements ou les loisirs? »

Les participants âgés de moins de 75 ans ont été classés parmi les personnes qui ont occupé un emploi au cours des trois derniers mois s’ils avaient un emploi ou s’ils avaient travaillé dans une entreprise ou s’ils s’étaient absentés du travail. Chez les personnes absentes du travail, les absences attribuables à un trouble chronique ont été déterminées.

L’ESCC-SM de 2012 mesurait la prévalence de six troubles mentaux (épisode dépressif majeur, trouble bipolaire, trouble d’anxiété généralisée, une consommation abusive d’alcool ou une dépendance à celle-ci, une consommation abusive de cannabis ou une dépendance à celui-ci ou une consommation abusive d’autres drogues ou une dépendance à celles-ci), conformément à la version 3.0 du Composite International Diagnostic Interview adapté par l’Organisation mondiale de la SantéNote 21.

Limites

L’exclusion de la population institutionnalisée de l’analyse peut entraîner des sous-estimations de la prévalence des SPMI. Il faut faire preuve de prudence lors de l’interprétation des conclusions à propos des troubles de santé mentale en fonction de l’ESCC-SM de 2012, puisque l’ensemble de données ne comprend pas les territoires ou les données sur la fibromyalgie. Étant donné qu’il s’agit d’une enquête transversale, il est impossible d’inférer un ordre temporel.

Fin de l'encadré

Références
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