Rapports sur la santé
Exposition aux émissions industrielles de polluants atmosphériques et fonction pulmonaire chez les enfants : Enquête canadienne sur les mesures de la santé, 2007 à 2011

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par Suzy L. Wong, Allan L. Coates et Teresa To

Date de diffusion : le 17 février 2016 Date de correction: (si nécessaire)

La fonction pulmonaire constitue une mesure objective de la santé respiratoire, de même qu’un prédicteur de la morbidité et de la mortalité associées à des causes cardiorespiratoiresNote 1. Certains chercheurs ont conclu à une association entre l’exposition à long terme à la pollution de l’air ambiant et des effets néfastes sur la fonction pulmonaire des enfantsNote 2 Note 3Note 4. Les polluants en question comprennent entre autres le dioxyde d’azote (NO2) et les matières particulaires fines (dont le diamètre est inférieur à 25 micromètres) (PM2.5).

Les émissions de NO2 et de PM2.5 attribuables à l’activité humaine sont principalement produites par la combustion, notamment celle liée aux véhicules et aux procédés industriels. Plusieurs études ont examiné la fonction pulmonaire par rapport à l’exposition à long terme à ces polluants atmosphériques dans l’air ambiant ou aux émissions imputables à la circulation automobile, mais rares sont celles qui ont porté sur les émissions industriellesNote 2. Parmi celles-ci, certaines ont fait état d’une diminution de la fonction pulmonaire chez les enfants vivant à proximité d’établissements industrielsNote 5Note 6, mais d’autres n’ont rien observé de telNote 7.

Le présent article se penche sur la relation entre l’exposition à long terme aux émissions atmosphériques industrielles d’oxydes d’azote (NOx) et de PM2.5 et la fonction pulmonaire chez un échantillon représentatif de la population canadienne d’enfants et de jeunes âgés de 6 à 18 ans. Les données utilisées proviennent de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé et de l’Inventaire national des rejets de polluants.

Méthodes

Enquête canadienne sur les mesures de la santé

L’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) est une enquête permanente qui a été conçue en vue d’obtenir des données nationales sur les mesures directes de la santé pour la population vivant dans les ménages privés. Le cycle 1, qui s’est déroulé de mars 2007 à la fin février 2009, a servi à recueillir des renseignements auprès des participants âgés de 6 à 79 ans. Le cycle 2, qui a eu lieu d’août 2009 à la fin novembre 2011, a permis de faire de même pour les participants âgés de 3 à 79 ans. Étaient exclus du champ de l’enquête les habitants des réserves des Premières Nations, d’autres établissements autochtones et de certaines régions éloignées, les personnes vivant en établissement, ainsi que les membres à temps plein des Forces canadiennes. L’échantillon représentait plus de 96 % de la population. L’ECMS a reçu l’approbation déontologique du Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada.

L’ECMS comporte une interview au domicile du participant aux fins d’administration d’un questionnaire, suivie d’une visite à un centre d’examen mobile (CEM), où le participant subit des mesures de la condition physique (y compris des mesures spirométriques pour évaluer la fonction pulmonaire) et où on lui administre d’autres questionnaires. La participation est volontaire : un participant pouvait se retirer de l’enquête ou refuser de répondre à une question à n’importe quel moment. Les participants de 14 ans et plus fournissaient eux-mêmes leur consentement éclairé par écrit, tandis que chez les enfants plus jeunes, c’est un parent ou le tuteur légal qui fournissait le consentement écrit, et l’enfant y joignait son assentiment écrit, si possible. Après correction pour tenir compte de la stratégie d’échantillonnage, le taux de réponse aux cycles 1 et 2 combinés a été de 53,5 %. Des précisions au sujet de l’enquête, y compris la stratégie d’échantillonnage, sont fournies à l’adresse http://www.statcan.gc.ca/ecms.

Les tests de spirométrie ont été effectués au moyen d’un spiromètre de type pneumotachographe, de Fleisch (KoKoMC, nSpire, Longmont (Colorado), États-Unis), conformément aux procédures énoncées dans les lignes directrices conjointes révisées de l’American Thoracic Society et de l’European Respiratory SocietyNote 8. Tous les techniciens du CEM avaient suivi la même formation, et on assurait une évaluation continue du contrôle de la qualité, manuellement et électroniquement. Seuls les spirogrammes satisfaisant aux normes internationalesNote 8 pouvaient être utilisés lors des tests. Tous les tracés ont été examinés par un technicien en fonction pulmonaire qualifié, à qui revenait la décision finale d’accepter ou rejeter les tracés obtenus sur le terrainNote 9. Les paramètres de la fonction pulmonaire examinés dans la présente étude sont les indices spirométriques conventionnels servant à détecter les déficiences de cette fonctionNote 10, à savoir la capacité vitale forcée (CVF), qui mesure le volume expiratoire total faisant suite à une inspiration maximale, le volume expiratoire maximal seconde (VEMS), qui comme son nom l’indique mesure le volume maximal pouvant être expiré en une seconde, et le ratio de ces deux indices, soit le VEMS/CVF.

On ne soumettait pas aux tests de spirométrie les personnes ayant participé à l’enquête qui étaient âgées de moins de 6 ans ou de plus de 79 ans, étaient enceintes de 27 semaines ou plus, avaient fait une crise cardiaque ou subi une intervention chirurgicale importante à la poitrine ou à l’abdomen au cours des trois mois ayant précédé l’enquête, avaient subi une intervention chirurgicale aux yeux dans les six dernières semaines, avaient déclaré prendre des médicaments contre la tuberculose, ou avaient une infection aiguë des voies respiratoires (comme le rhume ou la grippe). En outre, on excluait les participants qui avaient un autre problème de santé en raison duquel les tests de spirométrie pouvaient s’avérer dangereuxNote 8 ou produire des résultats non fiables ou non représentatifs de la fonction pulmonaire habituelle.

On a subdivisé les participants en deux catégories d’origine culturelle ou raciale, selon qu’ils avaient déclaré être de « race blanche » ou de « race non blanche », et en trois catégories de niveau de scolarité (pas de diplôme d’études secondaires, diplôme d’études secondaires ou études postsecondaires partielles, diplôme d’études postsecondaires), selon le plus haut niveau de scolarité atteint par un membre du ménage. Le revenu total du ménage, ajusté pour tenir compte de la taille du ménage, a été défini en fonction de trois catégories (faible, moyen, élevé). Les participants étaient réputés avoir un problème ou symptôme respiratoire s’ils avaient répondu « oui » à au moins une question parmi celles portant sur les problèmes de santé chroniques diagnostiqués, la respiration sifflante, la toux, les sécrétions ou l’essoufflement (tableau explicatif 1). Les personnes ayant répondu « non » à chacune de ces questions ont été classées comme n’ayant pas de problème/symptôme respiratoire.

Les participants étaient réputés être exposés à la fumée secondaire « régulièrement » s’ils avaient indiqué y être exposés à la maison (à l’intérieur du logement) chaque jour ou presque. Afin de déterminer l’usage du tabac maternel, on a demandé à la mère de chaque participant de moins de 12 ans si elle avait fumé pendant qu’elle était enceinte du participant. Les participants étaient réputés avoir des « antécédents d’usage du tabac » si au moins l’une des conditions suivantes s’appliquait : le participant a déclaré avoir fumé une centaine de cigarettes ou plus au cours de sa vie; le participant a déclaré fumer à l’heure actuelle, soit tous les jours ou à l’occasion; le participant affichait une concentration de cotinine supérieure à 50 ng/mLNote 11. La cotinine libre a été mesurée à partir d’un échantillon d’urine prélevé en milieu de jet au CEM et envoyé au laboratoire d’analyse de l’Institut national de santé publique du Québec (accrédité sous ISO 17025).

L’âge a été déterminé en calculant la différence entre la date de naissance autodéclarée et la date de l’examen en clinique. La taille en position debout a été mesurée au dixième de centimètre près au moyen d’un stadiomètre numérique ProScale M150 (Accurate Technology Inc., Fletcher, États-Unis). Le poids a été mesuré au centième de kilogramme près au moyen d’une balance numérique Mettler Toledo. Les participants ont été classés comme étant obèses ou non, d’après les critères de l’Organisation mondiale de la Santé fondés sur l’âge, le sexe et l’indice de masse corporelle (kg/m2)Note 12.

La température ambiante à l’heure de la collecte des données a été obtenue des Archives nationales d’information et de données climatologiques d’Environnement Canada (http://climat.meteo.gc.ca/). Les concentrations de NO2 et de PM2.5 à l’heure de la collecte des données ont été obtenues de la station de surveillance de l’air du Réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique (http://www.ec.gc.ca/rnspa-naps/default.asp?lang=Fr&n=5C0D33CF-1) la plus proche du CEM qui enregistrait des mesures toutes les heures.

Inventaire national des rejets de polluants

L’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) contient des données sur les émissions industrielles de polluants atmosphériques. L’INRP constitue « l’inventaire légiféré du Canada, accessible au public, des polluants rejetés (dans l’atmosphère, dans l’eau et dans le sol), éliminés et recyclés ». On y compile l’information déclarée par les usines ou installations industrielles et publiée par Environnement Canada en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). En 2011, plus de 8 000 établissements industriels ont fait une déclaration auprès de l’INRP sur au-delà de 300 substances répertoriées, dont les NOx et les PM2.5. Les NOx comprennent le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2). L’oxyde de diazote (N2O) n’a pas été pris en compte dans le calcul des émissions de NOx. Étant donné que les NOx regroupent le NO et le NO2, ces deux substances ont été exprimées sous forme d’équivalent NO2 avant de combiner leurs quantités pour obtenir la valeur totale à déclarer d’émissions de NOxNote 13. Les établissements doivent déclarer les émissions de ces substances si elles excèdent les seuils de déclaration établis, soit de 20 tonnes pour les NOx et de 0,3 tonne pour les PM2.5. De plus amples renseignements à ce sujet sont fournis à l’adresse http://www.ec.gc.ca/inrp-npri/default.asp?lang=Fr&n=4A577BB9-1.

Pour déterminer le type d’établissement industriel, on s’est référé aux codes du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord dans l’INRP. Parmi les 5 763 établissements tenus de déclarer leurs émissions de PM2.5 qui ont été pris en compte dans la présente étude (ceux situés dans un rayon de 25 kilomètres de la résidence du participant à l’ECMS), 62 % appartenaient au secteur de la fabrication, 19 %, au secteur de l’agriculture, de la foresterie, de la chasse et de la pêche, et 5 %, au secteur des services publics. Le sous-secteur de l’extraction de pétrole et de gaz comptait le plus grand nombre d’établissements (n = 698), suivi de ceux de l’extraction de minerais non métalliques (n = 375), la fabrication de ciment et de produits en béton (n = 346), la fabrication de produits du pétrole et du charbon (n = 281) et la production, le transport et la distribution d’électricité (n = 169). Des 3 776 établissements tenus de déclarer leurs émissions de NOx qui ont été pris en compte dans la présente étude, 57 % appartenaient au secteur de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz, 35 % faisaient partie du secteur de la fabrication et 2 % provenaient du secteur du transport et de l’entreposage. Parmi ces établissements-ci, les plus nombreux étaient ceux de l’extraction du pétrole et du gaz (n = 1,802), de la production, du transport et de la distribution d’électricité (n = 188), de la fabrication de produits chimiques de base (n = 144), ainsi que les usines de pâte à papier, de papier et de carton (n = 140) et les réseaux d’aqueduc et d’égout et autres (n = 84).

On a obtenu de la base de données de l’INRP les valeurs annuelles totales se rapportant aux émissions atmosphériques de NOx et de PM2.5, pour chaque établissement et pour chaque année de la période de référence, en commençant par 2007 et en finissant par 2011, de même que les coordonnées géographiques des établissements. Pour chaque polluant et chaque site industriel situé dans un rayon de 25 kilomètres du domicile du participant, on a calculé l’exposition annuelle aux émissions. Les coordonnées géographiques des lieux de résidence ont été établies à partir du code postal à six caractères et du logiciel FCCP+Note 14. Pour chaque participant, on a pondéré les valeurs des émissions provenant des sites industriels se trouvant dans un rayon déterminé [coefficient de pondération = exp(-0,5*(d/25)2), où d correspond à la distance entre le domicile du participant et le site industriel]Note 15, puis on en a fait la somme. On a imputé au participant les valeurs des expositions annuelles ainsi calculées pour l’année civile au cours de laquelle il avait participé à la composante du CEM de l’ECMS. Les émissions étaient fortement corrélées d’une année à l’autre (tableau 1).

Analyse statistique

Les participants ont été exclus de l’analyse s’ils avaient moins de 6 ans ou plus de 18 ans ou si la qualité de leurs mesures spirométriques n’était pas adéquate. Les équations de référence ayant trait à la fonction pulmonaire diffèrent selon le groupe ethnique, mais en raison de la trop petite taille des échantillons, l’analyse selon l’ethnicité n’a été réalisée que pour les participants de race blanche. Pour cette raison, les participants de race non blanche ont été exclus de l’étude. Ainsi, l’échantillon final comptait 2 833 participants, dont 1 429 garçons (50,4 %) et 1 404 filles (49,6 %).

La plupart des 2 833 participants (2 691, ou 95 %) avaient été exposés à des émissions de NOx ainsi que de PM2.5  dans un rayon de 25 kilomètres de leur résidence. Un total de 60 participants avaient été exposés uniquement à des émissions de PM2.5 et 82 n’avaient été exposés ni aux NOx ni aux PM2.5, dans un rayon de 25 kilomètres.

On a calculé des statistiques descriptives pour les participants des deux sexes dans leur ensemble, puis selon le sexe. Des régressions linéaires univariées ont servi à repérer les associations significatives entre les paramètres de la fonction pulmonaire et les émissions atmosphériques industrielles de PM2.5 et de NOx. Les paramètres de la fonction pulmonaire ont été modélisés sous forme de valeurs en pourcentage prédites, en se fondant sur les équations de prédiction de la Global Lung InitiativeNote 10. On a mené des analyses distinctes pour les garçons et pour les filles.

Dans le cas des paramètres de la fonction pulmonaire présentant une association significative avec les émissions atmosphériques industrielles (p < 0,05), on a procédé à des régressions linéaires multivariées afin de tenir compte des facteurs confusionnels possibles. Pour chaque paramètre de la fonction pulmonaire, il y avait cinq modèles emboîtés. Le premier modèle était non ajusté; le deuxième tenait compte des problèmes et symptômes respiratoires; le troisième incorporait le revenu du ménage, et les quatrième et cinquième modèles introduisaient respectivement l’exposition aux PM2.5 à court terme et l’âge.

D’autres facteurs confusionnels possibles étaient le niveau de scolarité, l’exposition régulière à la fumée secondaire à la maison, l’usage du tabac maternel (c.-à-d. par la mère du participant alors qu’elle le portait), la taille et l’obésité. Toutefois, étant donné que les régressions linéaires univariées n’ont montré aucune association entre les paramètres de la fonction pulmonaire et ces facteurs au seuil de 0,10, ceux-ci n’ont pas été incorporés aux modèles ajustés. Les régressions linéaires univariées qui incorporaient les paramètres de la fonction pulmonaire ont montré que les problèmes/symptômes respiratoires affichaient la valeur p la plus faible, suivis du revenu du ménage, de l’exposition aux PM2.5 à court terme, et de l’âge. Ces variables ont été incorporées aux modèles emboîtés en fonction de ces résultats.

Toutes les estimations sont fondées sur des données pondérées. On a utilisé les poids de sondage qui s’appliquaient pour le regroupement des cycles 1 et 2. Les analyses statistiques ont été exécutées en SAS et SUDAAN. On a calculé les erreurs types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % au moyen de la technique du bootstrapNote 16Note 17. Le nombre de degrés de liberté a été fixé à 24 afin de tenir compte du plan de sondage de l’ECMSNote 18.

Résultats

Le tableau 2 montre les valeurs en pourcentage moyennes prédites des paramètres de la fonction pulmonaire et les émissions atmosphériques industrielles moyennes, pour les participants des deux sexes globalement et par sexe.

Le tableau 3 présente les résultats des modèles de régression non ajusté et ajustés ayant servi à examiner l’association entre les émissions atmosphériques industrielles et les paramètres de la fonction pulmonaire. Aucune association significative n’est ressortie entre les émissions de NOx et la fonction pulmonaire, ni chez les garçons, ni chez les filles. Par contre, chez les garçons, les émissions de PM2.5 présentaient une association significative avec le VEMS et le ratio VEMS/CVF, même si elles n’en présentaient pas avec la CVF. Chez les filles, on n’observait pas d’association entre les émissions atmosphériques industrielles de PM2,5 et la fonction pulmonaire.

L’association entre les émissions atmosphériques industrielles de PM2.5 et le VEMS ainsi que le ratio VEMS/CVF chez les garçons demeurait significative après que l’on ait corrigé les données des problèmes et symptômes respiratoires, du revenu du ménage, des niveaux d’exposition à court terme aux PM2.5 et de l’âge. Une augmentation de 190 tonnes des émissions atmosphériques industrielles dans un rayon de 25 kilomètres de la résidence était associée à une réduction de 1 % de la valeur en pourcentage prédite du VEMS et une augmentation de 370 tonnes, à une réduction de 1 % de la valeur en pourcentage prédite du ratio VEMS/CVF.

Discussion

L’association entre l’exposition aux émissions atmosphériques industrielles de NOx et de PM2.5 et la fonction pulmonaire a été examinée auprès d’un échantillon représentatif de la population canadienne d’enfants et de jeunes de 6 à 18 ans, en utilisant les données de l’INRP et de l’ECMS. L’association négative significative observée chez les garçons entre les émissions de PM2.5 et le VEMS ainsi que le ratio VEMS/CVF donne à penser que ces émissions sont liées à l’obstruction des voies respiratoires chez ces derniers.

Ces conclusions concordent avec les résultats de recherches antérieures. Par exemple, selon une étude menée en Argentine, les enfants âgés de 6 à 12 ans vivant à proximité d’usines pétrochimiques avaient une moins bonne fonction pulmonaire (valeur en pourcentage prédite du VEMS de 13 % inférieure) que les enfants habitant deux régions relativement exemptes de pollutionNote 5. Les niveaux de matières particulaires, dont les PM2.5, étaient plus élevés à proximité des usines pétrochimiques que dans d’autres secteurs de la villeNote 19. En Espagne, une analyse qui a comparé la fonction pulmonaire chez des enfants de 6 à 14 ans vivant dans une municipalité située à proximité d’une grande installation de raffinage du pétrole et de gazéification et des enfants d’une municipalité rurale voisine a montré que les enfants vivant près de l’usine avaient une moins bonne fonction pulmonaire (VEMS de 10,3 % inférieur)Note 6.

Cependant, toutes les recherches n’ont pas dégagé des associations significatives. Une étude d’enfants de 13 et 14 ans en Espagne n’a pas trouvé d’écarts de fonction pulmonaire entre trois sous-groupes d’enfants, à savoir vivant non loin d’usines pétrochimiques, vivant dans une ville à circulation automobile modérée, et habitant une région sans industrie et à faible circulation automobile.

Ces résultats divergents sont peut-être attribuables à des différences quant aux caractéristiques des unités pétrochimiques, comme la direction et la vitesse du vent, l’humidité, les précipitations, la qualité du pétrole brut, les technologies de production, l’équipement de contrôle de la pollution ainsi que la présence, à proximité, d’autres activités industrielles et d’autres sources de pollution. De plus, la composition des PM2.5 peut varier de façon considérable selon leur origine et leur degré de toxicité peut également dépendre de leur sourceNote 20.

L’un des points forts de la présente étude tient au fait que les émissions atmosphériques industrielles ont été imputées au niveau individuel plutôt qu’au niveau de la collectivité ou de la municipalité, en fonction de la proximité d’une usine pétrochimique.

Il n’est pas certain que l’association entre la pollution atmosphérique et la fonction pulmonaire des enfants diffère selon le sexe. Dans la présente étude, on observe une association significative chez les garçons, mais non chez les filles, ce qui concorde avec plusieurs autres étudesNote 3Note 21Note 22Note 23Note 24. Par contre, certaines recherches ont signalé des associations plus marquées chez les filles que chez les garçonsNote 25Note 26Note 27 ou n’ont pas du tout révélé de différences selon le sexeNote 4Note 28Note 29.

Les écarts selon le sexe en ce qui a trait aux effets sur la santé de l’exposition aux matières particulaires peuvent dépendre de différences anatomiques et de la dynamique de ventilation, lesquelles déterminent peut-être la façon dont les particules se déposent dans les voies respiratoires des garçons et des filles, et il se peut que cet effet dépende à son tour de la taille des particulesNote 30. En outre, une activité physique même modérée peut donner lieu à un taux global de dépôt dans les poumons de trois à cinq fois plus élevé que celui obtenu au repos, en raison d’une plus forte ventilation minute et d’une prévalence de la respiration par la bouche plus élevéeNote 31Note 32. La respiration par la bouche ne permet pas le même filtrage des particules que la respiration par le nez. Si l’on se fie aux données pour 2007 à 2009 pour le Canada, les garçons sont plus actifs physiquement que les fillesNote 33, fait que certains associent au temps passé à l’extérieurNote 34 Note 35. Des variations en matière de temps passé à l’extérieur et l’exposition aux polluants atmosphériques en résultant peuvent avoir eu une incidence sur les différences selon le sexe observées dans la présente étude comme dans les autres.

Aucune association significative ne ressort de la présente étude entre les émissions industrielles de NOx et la fonction pulmonaire. Bien que les études aient pour la plupart examiné le NO2 par rapport à la santé respiratoireNote 2, certaines ont montré une association significative entre les NOx et la fonction pulmonaireNote 4Note 36. Or, celles-ci portent sur les émissions de NOx attribuables à la circulation plutôt qu’à l’industrie. Dans les études où l’on mesure les polluants atmosphériques associés à la circulation en fonction de la proximité du lieu de résidence aux autoroutes et aux routes importantes, les seuils établis pour décrire les personnes les plus exposées varient de 50 à 200 mNote 37Note 38. Dans la présente analyse, on considère que les installations situées à une distance nettement plus grande (25 kilomètres) sont des sources pertinentes d’émissions industrielles de NOx. Un rayon moins étendu pourrait donner des résultats différents.

Limites

La présente analyse comporte certaines limites. D’abord, les concentrations d’émissions atmosphériques industrielles n’ont pas été mesurées. Les données de l’INRP, utilisées en remplacement de mesures directes de l’exposition aux émissions industrielles, rendent compte uniquement des émissions provenant d’établissements déclarants (tenus de faire un rapport) aux fins de l’INRP. Les établissements déclarants sont ceux qui ont fabriqué, traité ou utilisé au moins l’une des substances répertoriées dans l’INRP au cours de l’année et où le nombre global d’heures travaillées se rapportant aux employés dépassait le seuil prescrit de 20 000 heures (soit l’équivalent d’environ dix employés à temps plein). Il y avait cependant des exceptions à la règle (http://www.ec.gc.ca/inrp-npri/default.asp?lang=Fr&n=4A577BB9-1). Parmi les établissements tenus de faire un rapport aux fins de l’INRP, ceux dont les niveaux des émissions n’atteignaient pas les seuils de déclaration n’ont pas été pris en compte dans le calcul des variables relatives aux émissions atmosphériques industrielles. Ainsi, ces émissions sont sous-estimées dans la mesure où les établissements polluant en deçà des seuils de déclaration étaient situés à proximité du lieu de résidence du participant.

L’exposition à long terme à des émissions atmosphériques industrielles fondée sur les données de l’INRP constitue une variable qui n’a pas été validée. En théorie, des appareils de mesure installés à la source des émissions pourraient être utilisés pour valider les quantités d’émissions déclarées par chaque établissement, mais cela ne permettrait pas de valider l’exposition des participants à ces substances.  Bien que des appareils de mesure individuels permettraient de mesurer les niveaux d’exposition, ils n’ont pas la capacité de distinguer entre les émissions industrielles et d’autres sources de pollution atmosphérique.

Les effets directionnels de la pollution atmosphérique attribuables aux conditions météorologiques et au climat n’ont pas été pris en compte, pas plus que l’effet de la hauteur des cheminées ou les profils temporels des émissions. Par ailleurs, on ne savait pas pendant combien de temps les participants avaient vécu au lieu de résidence déclaré ni où étaient situés les établissements scolaires qu’ils fréquentaient.

Il n’a pas été possible d’examiner l’effet intégral des émissions industrielles, car, dans le cas de certains établissements déclarants, il n’y avait peut-être aucun participant à l’ECMS qui résidait à proximité. Les répartitions des établissements ayant déclaré des émissions de NOx et de PM2.5, des émissions de NOx seulement, et des émissions de PM2.5 seulementNote 13 étaient à peu près similaires. En revanche, dans la majorité des cas, les participants vivaient à 25 kilomètres ou moins d’un établissement ayant déclaré des émissions de NOx et de PM2.5; aucun participant n’habitait à proximité d’un établissement ayant déclaré des émissions de NOx uniquement. Seules les régions comptant au moins 10 000 habitants et où la distance maximale que devait parcourir le participant n’excédait pas 50 km dans les régions urbaines et 100 km dans les régions rurales ont été prises en considération comme emplacements de collecte éventuels pour l’ECMSNote 9. La répartition des types d’établissements déclarants aurait peut-être été différente si l’enquête avait tenu compte des participants résidant dans des régions ayant une densité de population plus faible. Il se peut également que certains établissements déclarants soient situés à plus de 25 kilomètres de zones résidentielles. La détermination de l’emplacement des établissements déclarants par rapport aux zones résidentielles et aux densités de population débordait la portée de la présente étude.

Mot de la fin

Les données de l’INRP ont déjà été utilisées par le passé pour étudier des enjeux environnementaux, par exemple les émissions polluantes en fonction de la situation socioéconomique et des caractéristiques socioculturelles de la populationNote 39Note 40. La présente étude est la première où ces données servent à examiner la relation entre la pollution atmosphérique industrielle et des paramètres de mesure de la fonction pulmonaire.

Une association significative entre les émissions industrielles de polluants atmosphériques et la fonction pulmonaire ressort de la présente étude. Plus précisément, on observe une association négative entre les émissions de PM2.5 et le VEMS ainsi que le ratio VEMS/CVF chez les garçons, mais pas chez les filles. Entre les émissions de NOx et la fonction pulmonaire, aucune association n’était apparente. D’autres analyses s’imposent par rapport aux différences selon le sexe observées ici.

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