Années potentielles de vie perdues ajustées sur la santé par suite des causes de décès et maladies traitables

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par Sara Allin, Erin Graves, Michel Grignon, Diana Ridgeway et Li Wang

En 1996, Wolfson a proposé une méthode pour mesurer l’espérance de vie ajustée sur la santé (EVAS) à partir de statistiques de l’état civil et de données d’enquêteNote1. Le concept d’EVAS a été utilisé pour la première fois au Canada en 1993 par Berthelot et coll.Note2 et à l’échelle mondiale, par Romieu et RobineNote3. La proposition donnait suite à une recommandation du Groupe de travail national sur l’information en matière de santé de 1991, voulant que le Canada utilise une mesure synthétique de l’état de santé moyen fondée sur des données sur la mortalité et sur la morbidité, afin d’examiner les tendances de la santé de la population, d’éclairer les politiques en matière de santé et de surveiller le rendement du système de santé. Toute mesure synthétique de l’état de santé moyen dans un groupe de population est fonction d’un grand nombre de déterminants, outre les soins de santé, mais la détérioration d’une telle mesure pourrait être le signe que quelque chose ne va pas au sein du système de soins de santé d’un pays.

L’EVAS prend appui sur l’espérance de vie, qui est fondée uniquement sur des taux de décès par âge, en utilisant des données d’enquête pour décrire la répartition des états de santé à chaque âge. À chaque état de santé, on attribue un poids qui reflète la valeur de cet état par rapport à une parfaite santé. Ainsi, on évalue à 1,00 une année vécue en parfaite santé et à 0,5 une moitié d’année vécue en parfaite santé. En coordonnant les poids moyens pour les états de santé à chaque âge aux taux de décès par âge, on obtient l’EVAS.

Par conséquent, l’EVAS donne un aperçu de la santé d’une population du fait qu’elle exprime le nombre d’équivalants-années en parfaite santé qu’une personne peut s’attendre à vivre si elle survit aux conditions du moment relatives à la santé et à la morbidité. Par exemple, si l’espérance de vie est de 78 ans et l’EVAS est de 72 ans, alors sur les 78 années, l’équivalent de 6 d’entre elles sont « perdues » en raison d’un état de santé imparfait.

Le Health Utilities Index

L’évaluation d’un état de santé en fonction d’une cote, ou score, représente un aspect essentiel de l’EVAS. On peut, pour ce faire, avoir recours à deux approches : l’une dépend d’un jugement clinique (les valeurs sont assignées aux états de santé par un consensus de médecins) et l’autre dépend du grand public (ces mesures sont fondées sur des « préférences »). Selon cette dernière approche, qui est employée couramment au Canada pour mesurer l’EVAS, les cotes sont attribuées aux états de santé à partir du Health Utilities Index Mark 3 (HUI3)Note1,Note2.

Le HUI3 reflète les préférences sociétales à l’égard d’états de santé divers. Ces états de santé sont représentés par des combinaisons de niveaux de fonctionnement à l’égard de huit domaines ou attributs de la santé (la vision, l’ouïe, la parole, la mobilité, l’émotion, la pensée et la mémoire, la dextérité, et le niveau de douleur et d’inconfort). Chaque attribut compte cinq ou six niveaux qui varient d’un fonctionnement normal à un fonctionnement gravement limité (ou absence complète de fonctionnement). Les préférences sociétales s’entendent de la moyenne des préférences personnelles, dans la mesure où celles-ci sont d’un échantillon représentatif de la population.

Le HUI a été mis au point dans les années 1990 par les chercheurs Feeney, Torrance et Furlong de l’université McMaster. On avait alors mené une enquête auprès de 504 personnes dans la région de Hamilton (Ontario), à qui l’on avait demandé de s’imaginer qu’elles vivaient avec des déficiences fonctionnelles de niveaux de gravité différentsNote4. Les participants à l’enquête ont fourni des scores de pari standard pour certains états de santé HUI. Selon la méthode du pari standard, une personne peut choisir entre une loterie – comprenant une probabilité « p » de santé parfaite et une probabilité « 1-p » du pire état de santé HUI – et un état de santé HUI intermédiaire certain. À partir d’une série de questions, on a déterminé la probabilité « p » à laquelle le participant à l’enquête n’avait pas de préférence entre la loterie et l’état de santé certain. La probabilité d’indifférence est d’autant plus grande que l’état de santé intermédiaire certain est souhaitable. Les préférences formulées ont permis aux chercheurs de l’université McMaster de calibrer une formule pour le calcul de scores pour chacune des déficiences et des combinaisons de déficiencesNote4.

La valeur axée sur les préférences attribuée à la santé pour une population donnée repose sur les résultats d’une enquête dans le cadre de laquelle on a demandé aux participants à l’enquête – sélectionnés parmi cette population – s’ils avaient les déficiences en question (et le niveau de gravité). À partir des valeurs décrivant le niveau de capacité pour chaque attribut, on calcule un score se situant entre 0,00 et 1,00, où 0,00 représente le décès et 1,00, une santé parfaite. Cela sert ensuite à calculer un niveau de santé fonctionnelle pour chaque participant à l’enquête, puis d’estimer l’état de santé fonctionnelle moyen pour tous les participants d’un même âge, autrement dit, une valeur HUI par âge ou groupe d’âge. Étant donné que les questions de l’enquête se rapportant au HUI étaient expressément conçues de façon qu’on compare une année vécue à un niveau de santé fonctionnelle donné à une année vécue en parfaite santé, la valeur HUI attribuée reflète le nombre (0 à 1) d’années vécues en parfaite santé auquel pourrait correspondre une année vécue dans l’état de santé du participant à l’enquête.

Écarts de santé

L’EVAS ne représente qu’une mesure synthétique de l’état de santé moyen de la population. Une autre option consiste à déclarer un écart de santé.

Plutôt que d’estimer les équivalents-années vécues dans les conditions de santé et de mortalité du moment, un écart de santé sert à calculer le nombre potentiel d’années en parfaite santé perdues en raison d’un décès prématuré ou d’une mauvaise santéNote5. Toutefois, la mesure sous forme d’écart initiale, soit les années potentielles de vie perdues (APVP), était fondée sur les décès uniquement, et ne comportait pas de correction pour le nombre d’années vécues en mauvaise santéNote6.

L’Organisation mondiale de la Santé reconnaît les limites de cette mesure dans les années 1990. Ainsi, on crée des mesures du fardeau global de la maladie, comme celle des années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI), laquelle représente la somme des APVP et des années vécues avec une incapacité (AVI). Toutefois, la mesure des AVI est une mesure binaire : si la santé est un indicateur continu se situant entre 0 et 1, on choisit un seuil au hasard, en-deçà duquel la personne est considérée comme ayant une « incapacité »; chaque année vécue dans cet état ajoute une valeur de 1 aux AVI. Toutes les années vécues dans un état de santé considérée comme étant « moins que bonne » (le sens de « bonne » étant arbitraire) sont perdues, comme si elles n’avaient jamais même été vécues.

L’objectif de la présente étude est d’élaborer une mesure de la santé de la population qui permette de combler certaines lacunes de la mesure des AVAI, en combinant les années de vie perdues par décès et une mesure continue de la qualité de vie pour les années vécues, c’est-à-dire les APVP ajustées sur la santé, ou APVPAS.

Comparaison des écarts de santé et de l’EVAS

Même si l’écart de santé s’apparente à l’EVAS, la différence entre les deux mesures est importanteNote7. Les écarts de santé s’additionnent, tandis que l’espérance de santé comporte une fausse hypothèse de multiplicativité.

L’écart de santé mesure le nombre d’années en santé « perdues » dans une population, c’est-à-dire la somme des années « perdues » par décès ou maladieNote5. Si le décès représente l’état A et la maladie, l’état B, l’écart de santé estime x P x ( AUB ) MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaaeaa aaaaaaa8qadaGfqbqabSWdaeaapeGaamiEaaqab0WdaeaapeGaeyye IuoaaOGaamiua8aadaWgaaWcbaWdbiaadIhaa8aabeaak8qadaqada WdaeaapeGaamyqaiaadwfacaWGcbaacaGLOaGaayzkaaaaaa@41F7@  (pour tous les âges x). L’écart s’additionne naturellement parce que P( AUB )=P( A ) + P(B), MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aaatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaaeaa aaaaaaa8qacaWGqbWdamaabmaabaWdbiaadgeacaWGvbGaamOqaaWd aiaawIcacaGLPaaapeGaeyypa0Jaamiua8aadaqadaqaa8qacaWGbb aapaGaayjkaiaawMcaa8qacaqGGaGaey4kaSIaaeiiaiaadcfapaGa aiika8qacaWGcbWdaiaacMcapeGaaiilaaaa@47A7@  lorsque A MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaGaam yqaaaa@38D8@  et B MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaGaam Oqaaaa@38D9@  s’excluent mutuellement, comme dans le cas présent, étant donné qu’une personne ne peut être morte et malade en même temps.

L’espérance de santé estime x P x ( A ¯ B ¯ ) MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aaatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaaeaa aaaaaaa8qadaGfqbqabSWdaeaapeGaamiEaaqab0WdaeaapeGaeyye IuoaaOGaamiua8aadaWgaaWcbaWdbiaadIhaa8aabeaakmaabmqaba Waa0aaaeaacaWGbbaaaiabgMIihpaanaaabaGaamOqaaaaaiaawIca caGLPaaaaaa@42AE@ , où A ¯ MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaWaa0 aaaeaacaWGbbaaaaaa@38E9@  n’est pas A (survivre) et B ¯ MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aqatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiVu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaWaa0 aaaeaacaWGcbaaaaaa@38EA@  n’est pas B (être en santé)Note5. L’espérance de santé représente la probabilité d’une intersection des deux états : être vivant et être en santé. Une estimation empirique exigerait de connaître la répartition conjointe des deux états. Or, étant donné qu’en pratique la répartition conjointe n’est pas connue, la plupart des mesures de l’EVAS utilisent une approximation multiplicative : P( A ¯ B ¯ )=( 1P( A ) )x( 1P( B ) ) MathType@MTEF@5@5@+= feaagKart1ev2aaatCvAUfeBSjuyZL2yd9gzLbvyNv2CaerbuLwBLn hiov2DGi1BTfMBaeXatLxBI9gBaerbd9wDYLwzYbItLDharqqtubsr 4rNCHbcvPDwzYbGeaGqiFu0Je9sqqrpepC0xbbL8F4rqqrFfpeea0x e9Lq=Jc9vqaqpepm0xbba9pwe9Q8fs0=yqaqpepae9pg0FirpepeKk Fr0xfr=xfr=xb9adbaqaaeGaciGaaiaabeqaamaabaabaaGcbaaeaa aaaaaaa8qacaWGqbWdamaabmqabaWaa0aaaeaacaWGbbaaaiabgMIi hpaanaaabaGaamOqaaaaaiaawIcacaGLPaaapeGaeyypa0Zdamaabm aabaWdbiaaigdacqGHsislcaWGqbWdamaabmaabaWdbiaadgeaa8aa caGLOaGaayzkaaaacaGLOaGaayzkaaWdbiaadIhapaWaaeWaaeaape GaaGymaiabgkHiTiaadcfapaWaaeWaaeaapeGaamOqaaWdaiaawIca caGLPaaaaiaawIcacaGLPaaaaaa@4D44@ . Toutefois, l’approximation tient uniquement lorsque les deux états sont indépendants (le fait d’être en bonne santé ne change pas la probabilité de mourir). Comme l’approximation est erronée, l’espérance de santé est une mesure moins exacte que l’écart de santé.

Cette limite est importante pour l’analyse de la santé de la population. L’EVAS représente le nombre d’années en santé qu’une personne peut s’attendre à vivre à la naissance, et se calcule en soustrayant de l’espérance de vie globale les années en mauvaise santé, pondérées selon la gravité. Toutefois, l’hypothèse multiplicative étant probablement fausse, on ne peut séparer l’effet des gains exogènes de longévité d’avec l’effet indirect d’une pleine santé sur la variation de la mortalité. C’est pourquoi l’EVAS ne convient pas aux fins de prédiction ou de simulation d’aspects contrefactuels. À titre d’exemple, on ne peut répondre à des questions comme celle-ci : « Quel effet une baisse de la morbidité aurait-elle sur l’EVAS? », parce que la formule de calcul de l’EVAS ne tient pas compte de l’effet d’une meilleure santé sur la mortalité. Par exemple, dans le cas de l’EVAS, une baisse de la morbidité dans la population n’aurait aucune incidence sur la mortalité, l’une et l’autre étant traitées indépendamment. Toutefois, dans les faits, il est peu probable qu’il en soit ainsi, étant donné qu’une baisse de la morbidité entraînerait vraisemblablement une diminution de la mortalité.

La nature additive des écarts de santé présente un autre avantage, du fait que l’on peut calculer les écarts attribuables à un problème de santé en particulier. De tels calculs sont similaires à ceux qui déterminent les années de vie en santé sauvées grâce à une intervention (par exemple, l’utilisation au quotidien d’aspirine pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaquesNote8, ou l’effet de l’élimination des maladies cardiovasculaires sur l’espérance de vieNote9). La présente analyse vise à mesurer les équivalents-années « perdues » en raison d’un ensemble de problèmes de santé traitables. L’aspect contrefactuel implicite est le cas où personne ne mourrait ou n’aurait ces problèmes de santé. Dans la plupart des simulations de l’effet d’une intervention, un ou deux problèmes de santé seulement sont pris en compte, et les poids attribués aux états de santé, avec ou sans la maladie, proviennent d’évaluations d’experts. Par contre, dans la présente analyse, l’ensemble de problèmes de santé traitables est plus large, et des poids représentatifs de la population servent à estimer les années vécues dans un état de santé moins que parfaite en raison de ces problèmes de santé.

Le but recherché est de calculer un écart de santé « traitable » : combien d’années sont perdues par décès ou par suite d’un état de santé moins que parfaite qui sont attribuables à des problèmes de santé considérés comme étant traitables? Conformément à la pratique couranteNote10-12, on a utilisé 75 ans comme l’âge de référence pour calculer les années de vie perdues. En mettant l’accent sur les problèmes de santé traitables, le lien entre la mesure de la santé de la population et le rendement des systèmes de soins de santé se resserreNote10,Note12.

Méthodes

Selon les tables de mortalité de 2007 à 2009 pour le Canada et les provinces, les taux de mortalité toutes causes confondues ont été ajustés en utilisant le HUI3 comme mesure de la valeur moyenne d’une année de vie. Les étapes du calcul des années potentielles de vie perdues ajustées sur la santé (APVPAS) pour la période de 2007 à 2009 sont décrites ci-après.

Pour chaque personne, on a calculé les APVP en soustrayant l’âge au moment du décès de l’âge de référence (75 ans). Par exemple, les APVP pour un décès à 60 ans égalent 15 ans (75 - 60 = 15) (dans le cas des personnes décédées après l’âge de référence, on a fixé les APVP à 0.) Les APVP dans la population sont obtenues en additionnant les APVP de toutes les personnes et en divisant ce nombre par 100 000 années-personnes. Dans le cas des APVP « traitables », seuls les décès attribuables à des causes considérées comme se prêtant aux soins médicaux (tableau A en annexe) ont été inclus dans le calculNote10-13. De cette façon, on assurait la cohérence entre les estimations pour les APVPAS et celles pour les APVP publiées par Statistique Canada.

À partir des estimations de la prévalence des états de santé et de leur valeur HUI3 telle qu’elle a été déclarée dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2009-2010, on a estimé la valeur moyenne d’une année de vie dans une catégorie d’âge donnée. Aux personnes qui n’avaient aucun des problèmes considérés comme étant traitables, on a attribué un score HUI3 de 1,0. Même s’il est peu probable que les personnes n’ayant aucun de ces problèmes de santé soient toutes en parfaite santéNote14, cela n’a aucune incidence sur l’analyse, l’objectif étant de mesurer l’augmentation du HUI3 dans la situation hypothétique où personne n’aurait aucun de ces problèmes de santé avant l’âge de 75 ans. On a considéré que la valeur HUI3 estimée pour une personne était la valeur d’une année de vie dans son cas, ce qui représente une surestimation de l’écart, parce que les participants à l’enquête ayant l’un des problèmes de santé énumérés et un autre problème de santé non énuméré auront un score HUI3 plus faible que celui généré à partir du seul problème de santé traitable. La valeur selon l’âge pour les années de vie perdues (hx) a été estimée par tranches d’âge de cinq ans, puis on a estimé hx par année d’âge à l’aide d’une interpolation linéaire.

Les taux de mortalité selon l’âge et hx ont été combinés pour chaque groupe d’âge selon le sexe.

On a eu recours à la méthode couramment utilisée pour calculer l’espérance de vie et l’espérance de vie ajustée sur la santé selon le sexe et pour chaque âge. Comme pour les APVP, l’âge de référence a été fixé à 75 ans, les années-personnes vécues après 75 ans n’ayant pas été comptées.

Pour chaque personne, on a agrégé les résultats pour l’écart HUI3 entre l’espérance de vie et l’espérance de vie ajustée sur la santé à chaque âge jusqu’à 75 ans. L’écart HUI3 normalisé selon l’âge et l’écart HUI3 normalisé selon l’âge et le sexe ont été calculés. Les estimations normalisées selon l’âge et le sexe sont présentées.

On a estimé les APVP pour 100 000 années-personnes et l’écart HUI3, afin de déterminer le nombre global d’équivalents-années perdues en raison de causes de décès traitables et de problèmes de santé traitables parmi les survivants.

Le tableau B en annexe montre comment a été effectué le calcul des APVPAS dans le cas des hommes. Par exemple, à 20 ans, l’homme canadien moyen pouvait perdre l’équivalent de 2,48 années de vie (écart HUI3) en raison de problèmes de santé traitables.

Résultats

Pour la période de 2007 à 2009, les écarts HUI3 attribuables aux problèmes de santé traitables étaient beaucoup plus importants que les APVP attribuables aux problèmes de santé traitables. L’écart HUI3 global normalisé selon l’âge et le sexe attribuable aux problèmes de santé traitables représentait l’équivalent de 6 477 années de vie perdues pour 100 000 années-personnes, comparativement à 1 257 années de vie perdues pour 100 000 années-personnes dans le cas des APVP attribuables aux problèmes de santé traitables (tableau 1).

La variation entre les provinces était plus importante dans le cas de l’écart HUI3 attribuable aux problèmes de santé traitables que dans celui des APVP attribuables aux problèmes de santé traitables. En outre, les classements provinciaux variaient lorsque les équivalents-années de vie perdues en raison de la morbidité attribuable aux causes traitables étaient prises en compte en même temps que la mortalité attribuable aux causes traitables (tableau 2) (le classement au premier rang correspond au nombre minimum d’années potentielles de vie perdues et le classement au dixième rang, au nombre maximum d’années potentielles de vie perdues). Par exemple, le Québec se classait au quatrième rang pour les APVP attribuables aux problèmes de santé traitables, mais au premier rang pour les APVPAS attribuables aux problèmes de santé traitables. De même, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba sont remontés dans le classement lorsque les années perdues en raison de la morbidité ont été intégrées dans la mesure. En revanche, l’ajout d’équivalents-années de vie perdues à la morbidité a donné un classement plus faible pour la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

L’écart HUI3 attribuable aux problèmes de santé traitables était plus important chez les femmes que chez les hommes en général (7 623 années de vie perdues pour 100 000 années-personnes comparativement à 5 330), ainsi que dans toutes les provinces, sauf Terre-Neuve-et-Labrador (tableau 3). Par contre, la différence de mortalité bien établie entre les hommes et les femmes (taux masculins plus élevés) ressortait dans le cas des APVP attribuables aux problèmes de santé traitables : 1 316 années perdues pour 100 000 années-personnes chez les hommes, comparativement à 1 198 chez les femmes.

Discussion

L’EVAS mesure la morbidité et la mortalité simultanément. Quant aux APVPAS, elles fournissent des renseignements plus complets, la mesure pouvant servir à mesurer les années de vie perdues à cause des décès et des années de vie vécues dans un état de santé moins que parfaite en raison de problèmes de santé traitables. Les résultats de la présente étude portent à croire qu’avant 75 ans, un plus grand nombre d’années sont « perdues » par suite de la morbidité (qualité de vie) que par suite de la mortalité (quantité de vie).

Néanmoins, les APVPAS comportent certaines limites. La première tient à la nécessité d’établir un âge de référence au-delà duquel aucun décès n’est considéré comme étant traitable; manifestement, cet âge varie d’une personne à l’autre et avec le temps. La présente analyse repose sur des estimations accessibles au public sur les causes de décès traitables, qui sont calculées en fonction d’un âge de référence de 75 ans.

La deuxième limite a trait à la couverture de l’ESCC. La population cible de l’enquête est la population à domicile de 12 ans et plus. Par conséquent, il n’y a pas de valeurs HUI3 pour les enfants, les Autochtones vivant dans les réserves ou les résidents d’établissements. Par souci de simplification dans la présente analyse, on a considéré que le score HUI3 moyen des enfants de moins de 12 ans était le même que pour les enfants de 12 ans.

Une troisième limite tient au fait que les catégories de maladies / problèmes de santé dans l’ESCC sont vastes et difficiles à mettre en correspondance avec les codes de la CIM, dont on se sert pour calculer les APVP attribuables aux problèmes de santé traitables (tableau A en annexe). Certains problèmes de santé figurant dans la liste des causes de décès traitables, comme l’asthme, le diabète et l’hypertension, font l’objet de questions distinctes dans l’ESCC; d’autres, comme le cancer, comprennent tous les types de cancers, même si la définition de « traitable » ne s’applique qu’à certains cancers.

Enfin, il n’est pas possible chez les participants à l’enquête atteints de comorbidités et pour qui un problème de santé se trouve dans la liste, mais un autre pas, de déterminer la valeur exacte de la baisse du score HUI3 attribuable à une maladie figurant dans la liste des causes de décès traitables. Par conséquent, cette approche surestime la baisse du score HUI3 par suite des problèmes de santé traitables. Cela étant dit, de tenir compte du score HUI3 des personnes atteintes uniquement des problèmes de santé considérés comme étant traitables entraînerait une sous-estimation. Bien qu’il s’agisse d’une limite, dans les comparaisons des APVPAS de différents secteurs de compétence ou celles d’une période à l’autre, les conséquences qu’elle entraîne ne sont pas très graves. Il est peu probable que les comorbidités évoluent de façon telle que toutes les différences d’APVPAS entre deux populations découleraient de différences dans les répartitions conjointes des maladies représentant des causes de décès traitables et des maladies ne représentant pas des causes de décès traitables.

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