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Ensemble, les tumeurs du côlon et du rectum se classent au troisième rang des cancers les plus fréquents chez les Canadiens adultes1. Quelque 22 000 nouveaux cas seront diagnostiqués en 2009, soit environ un sur huit de tous les nouveaux cas de cancer diagnostiqués cette année-là. Dans environ 94 % des cas, le cancer colorectal (CCR) est diagnostiqué chez les personnes de 50 ans et plus. Le CCR est également une importante cause de décès; pour 2009, on estime à 9 100 les décès qui seront attribuables à cancer au Canada, de sorte qu’il est la deuxième cause de décès liés au cancer. Depuis 1990, les taux de mortalité normalisés selon l’âge ont baissé quelque peu chez les hommes ainsi que chez les femmes1.
Les preuves s’accumulent que l’intervention consistant en une recherche de sang occulte dans les selles (RSOS) réduit le taux de mortalité par CCR2-6. Si environ 70 % des Canadiens de 50 à 74 ans faisaient l’objet d’une RSOS tous les deux ans, suivie d’une colonoscopie dans le cas d’un résultat positif, on estime que le taux de mortalité par CCR baisserait de 15 % à 17 %5, 7. Des renseignements détaillés sur les points forts et les limites de la RSOS et de l’endoscopie figurent dans un rapport publié antérieurement8.
Plusieurs organismes canadiens ont publié des recommandations sur le dépistage du cancer colorectal au cours des dernières années (encadré 1). Même si les détails diffèrent légèrement, une recommandation fondamentale commune veut que toutes les personnes de 50 ans et plus qui présentent un risque moyen de CCR (c’est-à-dire qui n’ont pas de maladie intestinale ou d’antécédents familiaux de CCR) fassent l’objet d’une RSOS au moins tous les deux ans. La colonoscopie est le suivi habituellement recommandé dans le cas d’un résultat positif de la RSOS.
Organismes (année de publication des recommandations/lignes directrices) | Recommandations/lignes directrices |
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Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (2001)27 |
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Comité national sur le dépistage du cancer colorectal (2002)28 |
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Association canadienne de gastroentérologie et Fondation canadienne de la santé digestive (2004)29 |
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Société canadienne du cancer (2008)30 |
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Les programmes organisés de dépistage, comme ceux du cancer du sein, visent l’ensemble des personnes dans des groupes cibles particuliers; la possibilité de dépistage ne dépend pas entièrement de la consultation d’un médecin9, 10. Dans la plupart des régions du Canada, les médecins offrent actuellement le dépistage du CCR à leurs patients sur une base individuelle et opportuniste plutôt que dans le cadre de programmes organisés de dépistage à l’échelle de la population. Les obstacles à la mise en œuvre de programmes organisés de dépistage du CCR peuvent comprendre l’incertitude quant à la rentabilité du dépistage à grande échelle; le pourcentage élevé de résultats faussement positifs de la RSOS; les préoccupations concernant la disponibilité de ressources pour le suivi des résultats positifs de la RSOS ou le traitement des nouveaux cas diagnostiqués; la possibilité que des cancers ne soient pas détectés; et le non-respect des lignes directrices par les patients2, 8, 11-16.
En 2007, l’Ontario a lancé un programme organisé de dépistage du CCR à l’échelle de la province, le Manitoba a entrepris la phase pilote d’un tel programme dans les offices régionaux de la santé de Winnipeg et d’Assiniboine, et l’Alberta a publié de nouvelles lignes directrices cliniques pour le dépistage du CCR et lancé une campagne de sensibilisation du public et des professionnels17-19. Dans les trois provinces, le dépistage par RSOS tous les deux ans est recommandé pour les personnes qui présentent un risque moyen de CCR. Les lignes directrices de l’Ontario s’adressent aux personnes de 50 ans et plus, tandis que celles du Manitoba et de l’Alberta visent les personnes de 50 à 74 ans.
Le nombre de travaux de recherche antérieurs relatifs au dépistage du CCR au Canada est limité; des données basées sur la population ont été recueillies seulement pour certaines provinces ou régions infraprovinciales20-23. Ces données n’ont pas permis d’estimer la mesure dans laquelle les Canadiens partout au pays participent au dépistage du CCR.
Certains résultats de l’analyse des données canadiennes recueillies précédemment sont conformes à ceux des études effectuées aux États-Unis. Ces résultats comprennent des associations positives avec le revenu et le fait d’avoir un médecin de famille21, 24-26.
Des renseignements sur le dépistage du CCR ont été recueillis à l’échelle nationale pour la première fois dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2008. Fondée sur les données de cette enquête, la présente étude fournit des estimations du dépistage récent du CCR à quelque fin que ce soit (dépistage ou diagnostic) chez les Canadiens de 50 ans et plus. Le dépistage récent est défini comme étant une RSOS subie au cours des deux dernières années, ou une colonoscopie ou sigmoïdoscopie subie au cours des cinq dernières années.
Les caractéristiques personnelles, les facteurs sociodémographiques et d’autres facteurs de risque liés à la santé sont examinés par rapport à la situation en matière de participation au dépistage du CCR. En outre, l’étude fournit les différences par province pour 2008 ainsi que les estimations qu’il a été possible de tirer de l’ESCC de 2003 et de 2005.
Les données proviennent des cycles de 2003, 2005 et 2008 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC). Des données sur le dépistage du CCR (par RSOS et endoscopie) ont été recueillies en même temps que des renseignements sur les caractéristiques personnelles et socioéconomiques ainsi que d’autres caractéristiques liées à la santé.
L’ESCC est une enquête transversale qui a pour champ d’observation la population à domicile de 12 ans et plus ne vivant pas en établissement dans toutes les provinces et les territoires, sauf les membres réguliers des Forces armées canadiennes et les habitants des réserves indiennes, des bases des Forces armées canadiennes (militaires et civils) et de certaines régions éloignées. En 2008, le taux de réponse global était de 75,2 % (échantillon de 66 013 personnes); en 2005, il était de 78,9 % (échantillon de 132 947 personnes); et en 2003, il était de 80,6 % (échantillon de 135 573 personnes). Une description technique de la méthodologie de l’ESCC figure dans un rapport déjà publié31.
Les données de 2008 ont été recueillies de janvier à décembre. La présente analyse est limitée aux personnes de 50 ans et plus, dont 62 % ont été interviewées par téléphone, et les autres 38 %, en personne. Des 32 298 personnes dans ce groupe d’âge qui ont participé à l’enquête, 30 835 ont fourni des renseignements sur leur expérience de la RSOS, de la colonoscopie ou de la sigmoïdoscopie et, donc, constituaient l’échantillon sur lequel porte l’étude.
Examen colorectal
RSOS : « Une RSOS est un test qui consiste à détecter la présence de sang dans les selles. Au moyen d’un bâtonnet, vous prélevez un petit échantillon de votre selle que vous étalez sur une carte spéciale. Avez-vous déjà passé ce test? » (Oui/Non) « À quand remonte la dernière fois? » (Moins d’un an/d’un an à moins de deux ans/de deux ans à moins de trois ans/de trois ans à moins de cinq ans/de cinq ans à moins de dix ans/dix ans ou plus).
Endoscopie : « Une colonoscopie ou une sigmoïdoscopie est un examen qui consiste à insérer un tube dans le rectum pour examiner l’intestin afin de détecter les signes éventuels de cancer ou d’autres problèmes de santé. Avez-vous déjà passé l’un ou l’autre de ces examens? (Oui/Non) « À quand remonte la dernière fois? » (Moins d’un an/d’un an à moins de deux ans/de deux ans à moins de trois ans/de trois ans à moins de cinq ans/de cinq ans à moins de dix ans/dix ans ou plus).
Trois mesures de dépistage du cancer colorectal ont été utilisées aux fins de la présente étude : RSOS subie au cours des deux dernières années; endoscopie (colonoscopie ou sigmoïdoscopie) subie au cours des cinq dernières années; et RSOS au cours des deux dernières années ou endoscopie au cours des cinq dernières années. Un participant à l’enquête qui a déclaré une RSOS ainsi qu’une endoscopie a été compté comme ayant subi l’une et l’autre intervention. Pour la variable coordonnée, un participant ayant déclaré une RSOS ainsi qu’une endoscopie a été compté une seule fois.
Région métropolitaine de recensement
Selon la définition de Statistique Canada, une région métropolitaine de recensement (RMR) est formée d’une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d’une grande région urbaine. Pour être incluses dans la RMR, les municipalités doivent avoir un degré d’intégration élevé avec la région urbaine centrale, lequel est déterminé par le pourcentage de navetteurs établi d’après les données du recensement sur le lieu de travail32.
Revenu du ménage
Les groupes de revenu du ménage ont été déterminés en calculant le rapport du revenu total du ménage en provenance de toutes les sources au cours des 12 mois qui ont précédé l’entrevue de l’enquête de 2008 au seuil de faible revenu de Statistique Canada établi en fonction du nombre de personnes dans le ménage, de la taille de la collectivité et de l’année de référence de l’enquête. À partir de l’ensemble du fichier de données pondérées de l’ESCC de 2008, on a regroupé les rapports corrigés en quintiles (cinq groupes contenant chacun un cinquième de la population canadienne à domicile).
Activité physique durant les loisirs
Trois niveaux d’activité physique durant les loisirs ont été établis, d’après les renseignements fournis par les personnes interrogées sur leur participation à des activités physiques au cours des trois mois précédents. Les niveaux ont été déterminés en fonction du nombre de kilocalories dépensées par kilogramme de poids corporel par jour (KKJ) pour les différentes activités physiques, à savoir actif(ve) (3 KKJ ou plus), modérément actif(ve) (1,5 à 2,9 KKJ) et inactif(ve) (moins de 1,5 KKJ).
Indice de masse corporelle
L’indice de masse corporelle (IMC) est un indice du poids rajusté en fonction de la taille, que l’on calcule en divisant le poids en kilogrammes par le carré de la taille exprimé en mètres. L’IMC a été calculé pour chaque participant à l’ESCC à partir des valeurs autodéclarées de la taille et du poids. Les catégories d’IMC sont les suivantes :
Techniques d’analyse
Des fréquences et des totalisations croisées ont été produites à partir de données pondérées de manière à être représentatives de la population canadienne à domicile de 50 ans et plus en 2008. La régression logistique a permis de calculer les rapports de cotes non corrigés pour chaque variable indépendante se rapportant au fait d’avoir subi un test de dépistage du CCR (RSOS au cours des deux dernières années ou endoscopie au cours des cinq dernières années). La modélisation par régression logistique multiple a servi à évaluer les changements quant aux associations observées dans l’analyse non corrigée après prise en compte de l’influence de certaines variables indépendantes. Ces variables comprenaient les caractéristiques sociodémographiques, le fait d’avoir un médecin de famille (et de le consulter), l’autoévaluation de l’état de santé et les facteurs de risque liés à la santé. La variance a été estimée par la méthode du bootstrap de manière à tenir compte du plan complexe de l’enquête33, 34.
L’échantillon pondéré de l’analyse représentait 10,2 millions de personnes de 50 ans et plus vivant dans des ménages en 2008 (tableau 1). Environ 62 % d’entre elles étaient âgées de 50 à 64 ans et 71 % étaient mariées ou en union libre. Près des deux tiers (66 %) résidaient dans une région métropolitaine de recensement (RMR). Une personne sur quatre (26 %) était née à l’extérieur du Canada et 5 % avaient immigré moins de 20 ans auparavant. Relativement peu de personnes de 50 ans et plus (8 %) ont déclaré qu’elles n’avaient pas de médecin de famille. Près d’une personne sur cinq (19 %) a déclaré que son état de santé général était passable ou mauvais.
En 2008, environ 40 % des Canadiens de 50 ans et plus ont déclaré avoir subi un test de dépistage du CCR, à savoir une RSOS au cours des deux dernières années ou une sigmoïdoscopie ou une colonoscopie au cours des cinq dernières années (tableau 2). La probabilité de dépistage n’était pas significativement différente dans le cas des hommes et des femmes. Des proportions plus élevées de personnes de 65 ans et plus avaient subi un test de dépistage, comparativement à celles de 50 à 64 ans. Le pourcentage de personnes ayant subi un test de dépistage était plus élevé chez les personnes mariées et chez celles habitant dans une RMR. Les immigrants établis au Canada depuis moins de 20 ans étaient moins susceptibles que les personnes nées au Canada d’avoir subi un test de dépistage du CCR. Les personnes dans les ménages dont le revenu se situait dans les deux quintiles inférieurs étaient moins susceptibles d’avoir subi un test de dépistage que celles dans les ménages à revenu plus élevé.
La probabilité de participer au dépistage du CCR était la plus élevée (44 %) chez les personnes ayant un médecin de famille qu’elles avaient consulté au cours de l’année précédente. Les pourcentages étaient plus faibles chez celles ayant un médecin de famille qu’elles n’avaient pas consulté au cours de l’année précédente (29 %) et chez celles n’ayant pas de médecin de famille mais qui avaient consulté un médecin (21 %). Les personnes sans médecin de famille qui n’avaient pas consulté un médecin au cours de l’année précédente étaient les moins susceptibles d’avoir subi un test de dépistage du CCR (10 %). Une proportion plus élevée de personnes qui ont évalué leur état de santé général comme étant passable ou mauvais avaient subi un test de dépistage du CCR, comparativement à celles qui étaient en meilleure santé.
Chez le faible pourcentage (8 %) de personnes qui n’avaient pas de médecin de famille, la probabilité de subir un test de dépistage du CCR a été estimée selon l’endroit où elles s’adressent habituellement pour obtenir des soins de santé. Le pourcentage de personnes qui ont déclaré avoir subi un test était de 29 % dans le cas des personnes qui s’adressent habituellement à une clinique de santé communautaire ou à un centre local de services communautaires (CLSC), de 27 % pour celles qui se rendent dans une clinique sur rendez-vous et de 15 % pour celles qui vont dans une clinique sans rendez-vous (données non présentées).
La probabilité de participer au dépistage du CCR différait selon la présence de facteurs de risque pour la santé. Les fumeurs quotidiens étaient beaucoup moins susceptibles d’avoir subi un test de dépistage que les non-fumeurs, et les personnes physiquement inactives, moins susceptibles que les plus actives. Comparativement aux personnes dont la taille et le poids autodéclarés les classaient dans la catégorie d’IMC poids normal, celles dans la catégorie obésité de class I étaient plus susceptibles d’avoir subi un test de dépistage du CCR. Les personnes classées dans la catégorie poids insuffisant ou obésité de classe III étaient moins susceptibles d’avoir participé au dépistage du CCR que celles dont l’IMC était normal.
La plupart des associations avec le dépistage du CCR observées dans les analyses bivariées (tableau 2; rapports de cotes non corrigés au tableau 3) persistent dans un modèle de régression logistique multiple (tableau 3, rapports de cotes corrigés).
Les différences géographiques dans le pourcentage de personnes ayant subi des tests de dépistage du CCR étaient notables, celui-ci allant de 28 % au Québec à 53 % au Manitoba (figure 1). De façon générale, la probabilité de participer au dépistage était plus faible dans les provinces situées à l’est de l’Ontario et dans les territoires qu’ailleurs, et sensiblement plus élevée au Manitoba et en Ontario.
Des variations géographiques s’observent également dans les pourcentages de personnes ayant subi chaque type d’examen de dépistage du CCR. La RSOS au cours des deux dernières années était moins probable chez les résidents du Québec et des provinces de l’Atlantique et plus probable en Ontario et au Manitoba, comme en témoigne la proportion de 10 % au Québec et celle de 42 % au Manitoba (tableau A en annexe). Les variations d’une province ou d’un territoire à l’autre s’observent dans une moindre mesure pour l’endoscopie au cours des cinq dernières années; ainsi, les proportions variaient de 11 % au Yukon à 30 % en Ontario. Au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Nouveau-Brunswick, des pourcentages plus élevés de personnes avaient subi une endoscopie au cours des cinq dernières années que n’avaient fait l’objet d’une RSOS au cours des deux dernières années; au Manitoba, en Colombie-Britannique et au Yukon, on observe l’inverse.
Les comparaisons au fil du temps montrent qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, le pourcentage de personnes qui ont déclaré avoir fait l’objet d’une RSOS au cours des deux dernières années et la proportion de celles ayant subi une endoscopie au cours des cinq dernières années ont augmenté de façon marquée de 2005 à 2008 (tableau B en annexe). De 2003 à 2008, les pourcentages de personnes ayant subi ces tests ont augmenté de façon significative en Colombie-Britannique. Les données pour les années précédant 2008 n’étaient pas disponibles pour le Québec, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta. En raison de la petite taille des échantillons, des estimations fiables n’étaient pas disponibles pour le Nunavut.
La présente étude fournit les premières estimations nationales du pourcentage de Canadiens qui déclarent avoir subi une intervention de dépistage du CCR, à savoir une RSOS au cours des deux dernières années ou une endoscopie au cours des cinq dernières années. En 2008, 40 % des personnes de 50 ans et plus – groupe d’âge où l’incidence du CCR augmente rapidement – ont déclaré avoir subi récemment un test de dépistage du CCR.
Il n’a pas été possible de limiter l’analyse aux personnes qui présentent un risque moyen de CCR (voir Limites). Étant donné l’inclusion de personnes présentant un risque plus élevé, lesquelles subissent sans doute un test de dépistage du CCR plus souvent qu’il n’est recommandé dans le cas des personnes présentant un risque moyen, le pourcentage estimé de la population participant au dépistage du CCR est probablement un peu plus élevé que ne serait l’estimation relative à la population présentant un risque moyen.
Une étude fondée sur les dossiers administratifs de l’Ontario qui a porté sur la période de six ans allant de 1995 à la fin de 2000 a révélé que 20,5 % des personnes de 50 à 59 ans sans antécédents de CCR, d’autre maladie intestinale ou d’examen du gros intestin (RSOS, lavement baryté, sigmoïdoscopie ou colonoscopie) ont fait l’objet d’une intervention de dépistage du CCR (par RSOS, lavement baryté ou endoscopie)20. Ce chiffre est sensiblement inférieur aux résultats basés sur les données de l’ESCC selon lesquels 38 % de la population de l’Ontario de 50 ans et plus a déclaré avoir subi un test de dépistage du CCR en 2005. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à cette estimation plus élevée, à savoir l’utilisation du groupe des 50 ans et plus plutôt que des 50 à 59 ans, l’utilisation de données autodéclarées, l’inclusion de personnes présentant un risque supérieur à la moyenne et, peut-être, une hausse réelle du pourcentage de la population ayant subi des tests de dépistage en 2005 par rapport au pourcentage les ayant subi de 1995 à 2000.
L’année de collecte de données 2008 convient pour deux raisons, à savoir une période de temps suffisante s’est écoulée pour permettre aux médecins d’adopter des pratiques cliniques conformes aux lignes directrices concernant le dépistage publiées au début des années 2000, et elle suit de près le lancement en 2007 d’un programme organisé de dépistage à l’échelle de la province en Ontario et de l’initiative pilote au Manitoba. Les niveaux relativement élevés de dépistage au Manitoba et en Ontario peuvent être attribuables en partie aux premiers résultats du dépistage organisé. Les grandes variations interprovinciales en matière de participation au dépistage du CCR offrent un contraste avec les taux de participation aux examens mammographiques, devenus plus uniformes depuis l’établissement de programmes organisés de dépistage du cancer du sein dans toutes les provinces35.
L’un des avantages notables de l’ESCC tient à la grande taille de son échantillon, qui soutient les estimations portant sur des sous-populations ainsi que les comparaisons des profils d’utilisation des différents tests de dépistage du CCR des provinces et des territoires. Par exemple, au Québec, le pourcentage de personnes ayant déclaré avoir subi une endoscopie représentait environ le double de celui ayant déclaré avoir fait l’objet d’une RSOS; au Manitoba, l’inverse s’observe. Ces différences peuvent tenir aux préférences des provinces pour certaines modalités de dépistage, à la disponibilité d’installations et de spécialistes ou aux premiers effets des interventions de dépistage dans la population13.
Les incohérences dans les protocoles régissant le dépistage du CCR rendent difficiles les comparaisons entre les États-Unis et le Canada. Néanmoins, le taux de participation aux États-Unis est peut-être plus élevé qu’au Canada. Selon les données de 2006, le pourcentage de personnes qui ont déclaré avoir fait l’objet d’une RSOS au cours de l’année précédente (unique) ou avoir subi une endoscopie au cours des dix dernières années était supérieur à 50 % dans chaque état et à 60 % dans 21 états36.
De nombreuses études ont signalé la proportion particulièrement faible d’Américains non couverts par un régime d’assurance-maladie qui participent au dépistage du CCR, obstacle auquel les Canadiens ne se heurtent pas37, 38. Toutefois, malgré l’accès universel aux services de soins de santé, les Canadiens à faible revenu étaient moins susceptibles que les Canadiens à revenu plus élevé de déclarer avoir subi un test de dépistage du CCR en 2008, ce qui est en harmonie avec les observations d’études canadiennes et américaines antérieures21, 24, 26, 27.
Dans la plupart des régions du Canada, les tests de dépistage du CCR doivent être prescrits par un médecin. Par conséquent, la forte association positive au fait d’avoir et de consulter un médecin était attendue et elle a été observée antérieurement21, 22, 26, 39. On n’a pas demandé aux participants à l’ESCC si leur médecin avait recommandé un test de dépistage du CCR, facteur également associé souvent et fortement au dépistage récent34, 37-43.
Les travaux de recherche antérieurs ont également révélé des associations entre les caractéristiques sociodémographiques et la participation au dépistage du CCR. Conformément à la présente étude, ils ont montré une relation positive entre l’âge plus avancé et la probabilité de subir un test de dépistage du CCR34, 42, 43. En outre, la constatation à partir des données de l’ESCC d’une corrélation positive entre la résidence en région urbaine et la participation au dépistage du CCR est conforme aux résultats des études américaines37, 38. Les associations avec l’état matrimonial indiquées précédemment sont moins cohérentes39, 42. Il y a peu de données sur la corrélation entre le statut d’immigrant et la participation au dépistage du CCR, bien qu’on ait constaté une plus faible probabilité de participation aux tests de dépistage du CCR chez les personnes nées à l’extérieur du Canada21.
Le nombre d’études portant sur les associations entre les facteurs de risque liés à la santé et le dépistage du CCR est relativement petit, même si des recherches antérieures menées au Canada viennent corroborer l’association positive entre le niveau d’activité physique et le dépistage du CCR. La relation négative entre l’usage de la cigarette et le dépistage du CCR a été signalée au Canada et aux États-Unis21, 34, 39, 41, même si certains résultats incohérents ont été notés42. Les preuves d’une association entre l’IMC et le dépistage du CCR sont limitées, mais l’association négative pour les personnes dans la catégorie obésité de classe III est conforme aux résultats de recherches basées sur les dossiers médicaux aux États-Unis44.
L’échantillon étudié était représentatif de la population à domicile de 50 ans et plus. Étant donné que les questions sur le diagnostic personnel ou les antécédents familiaux de cancer de l’intestin n’ont pas été posées à tous les participants à l’enquête, il a été impossible de faire la distinction entre ceux présentant un risque moyen et ceux présentant un risque plus élevé, ce qui est courant dans d’autres études20-24.
Les données étaient autodéclarées; aucune vérification indépendante des renseignements fournis par les personnes interrogées n’a été faite. Les études de validité comparant la RSOS et l’endoscopie déclarées par les patients et celles notées par les médecins révèlent une tendance à surdéclarer ces interventions, ce qui entraîne une surestimation de leur prévalence45, 46. Ainsi, il est possible que les estimations du dépistage du CCR soient un peu exagérées.
La mesure dans laquelle l’erreur de déclaration peut avoir eu une incidence sur les associations entre le dépistage du CCR et d’autres variables est inconnue. Plus précisément, il se peut qu’elle ait influé sur l’exactitude des renseignements de nature délicate sur le plan social, comme ceux se rapportant au poids corporel (ou même au dépistage du CCR).
Des données n’ont pas été recueillies sur tous les facteurs susceptibles d’influer sur le respect des lignes directrices concernant le dépistage du CCR, de sorte que ces facteurs n’ont pu être pris en compte dans l’analyse. Les facteurs subjectifs dont on a observé qu’ils influent sur les décisions et les comportements préventifs liés à la santé sont exposés sous le modèle des croyances relatives à la santé (Health Belief Model) et comprennent la susceptibilité perçue, la gravité perçue du problème de santé à prévenir et les avantages perçus des mesures préventives ainsi que les obstacles à ces mesures47, 48. Dans le contexte particulier du dépistage du CCR, le fait de percevoir une intervention comme étant désagréable, invasive ou dangereuse peut être une entrave au respect des lignes directrices.
La présente étude fournit de nouveaux renseignements sur les niveaux actuels de dépistage du CCR dans la population canadienne. Les données révèlent des différences marquées entre les provinces et les territoires en matière de participation. L’analyse montre également que la participation au dépistage du CCR varie selon la consultation d’un médecin et certaines caractéristiques socioéconomiques et comportementales identifiables. Un suivi systématique du dépistage du CCR ainsi que de l’incidence du CCR et de la mortalité par ce cancer fournira d’autres renseignements utiles.