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Données et méthodes
Définitions
Résultats
Discussion

La  maladie cardiaque et la dépression représentent un fardeau considérable en matière de santé1. Au niveau mondial, la maladie coronarienne est la deuxième cause d'incapacité en importance pour les hommes et la troisième cause en importance pour les femmes; la dépression est la quatrième cause d'incapacité en importance pour les hommes et la principale cause pour les femmes2.

Au Canada, selon les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2002, soit le cycle 1.2 (Santé mentale et bien-être) de l'enquête, 9,9 % des hommes (soit environ 682 000) et 8,2 % des femmes (606 000) de 40 ans et plus ont déclaré un diagnostic de maladie cardiaque. Dans ce même groupe d'âge, 2,7 % des hommes (184 000) et 4,1 % des femmes (302 000) répondaient aux critères d'épisode dépressif majeur au cours de l'année précédant l'enquête.

Outre les facteurs de risque courants, comme l'usage du tabac, le diabète, l'hypertension, la consommation d'alcool, l'activité physique et l'obésité, des caractéristiques psychosociales sont associées à la maladie cardiaque3. De façon plus particulière, on a déterminé que la dépression aggravait le pronostic pour les personnes qui avaient subi un infarctus aigu du myocarde (crise cardiaque) et elle a été étudiée comme facteur de risque pour la maladie coronarienne4-7. Malgré certains résultats négatifs8, 9, des études étiologiques de populations qui ne souffraient initialement d'aucune maladie cardiaque appuient de façon générale le lien entre la dépression et la maladie cardiaque10-23.

Des facteurs comportementaux et physiologiques ont été proposés comme mécanismes pouvant expliquer le rapport entre la dépression et la maladie cardiaque24. Étant donné que la dépression est associée à des comportements influant sur la santé qui sont eux-mêmes des facteurs de risque de la maladie cardiaque25, il est possible que le lien avec la dépression se fasse par l'entremise de ces comportements. Néanmoins, de nombreuses études10-15 ont démontré que la dépression est associée de façon indépendante à la maladie cardiaque, lorsque les facteurs de risque comme l'usage du tabac, l'obésité, le diabète, la consommation d'alcool, l'activité physique et l'hypertension sont pris en compte. Le rôle des facteurs physiologiques qui sont liés à la fois à la dépression et à la maladie cardiaque, comme les déterminants génétiques communs, la variabilité de la fréquence cardiaque et les réactions inflammatoires24, pourrait contribuer à expliquer l'association.

Le présent article rend compte des résultats d'une étude prospective sur 12 ans du rapport entre la dépression et un diagnostic subséquent de maladie cardiaque ou le décès par maladie cardiaque chez des personnes qui ne souffraient initialement d'aucune maladie cardiaque, une fois contrôlés les facteurs de risque courants de la maladie cardiaque.

Données et méthodes

Sources des données

Enquête nationale sur la santé de la population

La présente analyse est fondée sur les données longitudinales des sept premiers cycles (1994-1995 à 2006-2007 inclusivement) de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP). La composante des ménages englobe la population vivant dans des ménages privés dans les dix provinces en 1994-1995, à l'exclusion de la population des réserves indiennes, des territoires, des bases des Forces canadiennes et de certaines régions éloignées.

En 1994-1995, 20 095 personnes ont été sélectionnées pour faire partie du panel longitudinal, dont 17 276 ont convenu de participer, pour un taux de réponse de 86,0 %. Les taux de réponse pour les cycles subséquents, basés sur ces 17 276 participants, ont été de 92,8 % en 1996-1997, de 88,2 % en 1998-1999, de 84,8 % en 2000-2001, de 80,6 % en 2002-2003, de 77,4 % en 2004-2005, et de 77,0 % en 2006-2007. La présente analyse repose sur le fichier longitudinal « carré » du cycle 7 (2006-2007), qui comprend des enregistrements pour tous les membres du panel original, peu importe si des données ont été obtenues à leur sujet à chaque cycle subséquent. Le plan d'enquête, l'échantillon et les méthodes d'entrevue sont décrits plus en détail dans des rapports parus antérieurement26, 27.

Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Santé mentale et bien-être

Les estimations de la prévalence de la maladie cardiaque et de la dépression sont fondées sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2002, soit le cycle 1.2 (Santé mentale et bien-être) de l'enquête, qui a permis de recueillir des données auprès d'un échantillon de 36 984 résidents des ménages de 15 ans et plus vivant dans les dix provinces. Les résidents des trois territoires, des réserves indiennes, des établissements et de certaines régions éloignées, les membres à temps plein des Forces canadiennes et les résidents (militaires et civils) des bases militaires ont été exclus. Le taux de réponse a été de 77 %. Des descriptions plus détaillées du plan d'enquête, de l'échantillon et des méthodes d'entrevue peuvent être consultées dans d'autres rapports et dans le site Web de Statistique Canada28, 29.

Échantillon étudié

L'échantillon pour l'étude a été sélectionné à partir des 17 276 participants qui faisaient partie du panel longitudinal de l'ENSP en 1994-1995 (graphique 1). Les personnes dont le statut vital en 2006-2007 n'était pas connu (n = 3 889) ou qui n'avaient pas répondu à l'ensemble du questionnaire en 1994-1995 (n = 294) ont été exclues, tout comme les personnes âgées de moins de 40 ans au cycle 1 (1994-1995) (n = 6 646). Les personnes qui, en 1994-1995, ont déclaré un diagnostic de maladie cardiaque, n'ont pas répondu à la question concernant la maladie cardiaque, ou ont indiqué avoir pris des « médicaments pour le cœur » au cours du mois précédent (même sans avoir déclaré un diagnostic de maladie cardiaque) ont été exclues (n = 852). On a aussi exclu 264 personnes pour lesquelles les données sur la dépression étaient incomplètes en 1994-1995; 220 personnes qui n'ont pas répondu aux questions concernant la maladie cardiaque ou dont les réponses étaient incomplètes après le cycle 1, pour lesquelles on n'a pu confirmer les données grâce à d'autres questions de l'enquête (insuffisance cardiaque, angine, ou crise cardiaque aux cycles 4 à 7, ou la prise de médicaments pour le cœur aux cycles 2 à 7); et 143 personnes dont la cause de décès était inconnue. Enfin, 20 personnes dont le premier épisode de dépression avait eu lieu pendant la période d'observation et qui ont déclaré une maladie cardiaque pour la première fois au cours du même cycle (1994-1995) ont été supprimées. L'échantillon final étudié était constitué de 4 948 personnes (2 851 femmes et 2 097 hommes).

Graphique 1 Échantillon étudié. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 1
Échantillon étudié

Définitions

Dépression

Au moyen de la méthode de Kessler et al.30, un sous-ensemble de questions de la Composite International Diagnostic Interview (CIDI-SF) a servi à mesurer la dépression, dans le cadre de l'ENSP. Ces questions englobent un groupe de symptômes du trouble dépressif qui sont énumérés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III-R)31. On a demandé aux participants s'ils s'étaient sentis tristes, mélancoliques ou déprimés ou s'ils avaient perdu intérêt pour la plupart des choses pendant une période de deux semaines consécutives ou plus, parallèlement à d'autres symptômes, y compris une baisse d'énergie, la perte de l'appétit ou un sommeil perturbé, de la difficulté à se concentrer, le sentiment de n'être bon à rien ou l'apparition d'idées suicidaires. On a totalisé les scores, et les résultats ont été transformés en une probabilité estimative de répondre aux critères d'épisode dépressif majeur au cours de l'année précédente si le participant avait répondu à toutes les questions comprises dans la version intégrale de la CIDI. Pour les besoins de l'article, si l'estimation était de 0,9 ou plus, on a déterminé que le participant avait souffert de dépression au cours des 12 mois précédents. Les questions particulières du module sur la dépression du questionnaire de l'ENSP se trouvent à l'adresse suivante : /imdb-bmdi/instrument/3225_Q1_V7_F-fra.pdf.

L'estimation de la prévalence de la dépression à partir du cycle 1.2 de l'ESCC est fondée sur la version World Mental Health de la Composite International Diagnostic Interview (WMH-CIDI). La WMH-CIDI a été conçue pour être administrée par des intervieweurs non professionnels et est fondée de façon générale sur les critères diagnostiques énoncés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Quatrième édition, Révision du texte ((DSM-IV®-TR)32. Le questionnaire de l'ESCC est disponible à l'adresse suivante : http://www. statcan.ca/francais/sdds/instrument/5015_Q1_V1_F.pdf. L'algorithme utilisé pour mesurer la prévalence sur 12 mois de la dépression est disponible dans l'annexe du supplément de 2004 des Rapports sur lasanté33.

Les estimations de la dépression à partir du cycle 1.2 de l'ESCC excluent les répondants qui ont aussi connu un épisode maniaque au cours de leur vie, mais pas celles à partir de l'ENSP.

Maladie cardiaque

La prévalence des problèmes de santé chroniques est fondée sur les autodéclarations de problèmes de santé diagnostiqués. On a interrogé les participants sur les problèmes de santé de longue durée — c'est-à-dire ceux qui avaient persisté ou devaient persister pendant six mois ou plus — qui avaient été diagnostiqués par un professionnel de la santé. Dans le cadre de l'ENSP, on a utilisé une liste de problèmes, dont l'un était la maladie cardiaque.

L'utilisation de médicaments pour le cœur a été déterminée en demandant aux participants si, au cours du dernier mois, ils avaient pris des « médicaments pour le cœur ».

Le décès par maladie cardiaque a été fondé sur les codes de la CIM-10 pour la cardiopathie ischémique (I20-I25) ou l'insuffisance cardiaque (I50.0-150.9).

Covariables

L'âge en 1994-1995 a été utilisé comme variable continue et comprenait des valeurs de 40 ans et plus.

Trois catégories d'état matrimonial ont été précisées : partenaire (marié(e), conjoint(e) de fait ou vit avec un partenaire); séparé(e), divorcé(e) ou veuf(ve); et jamais marié(e).

Le revenu du ménage a été fondé sur le revenu total provenant de toutes les sources déclaré par le ménage au cours des 12 mois précédents. Pour chaque ménage, on a calculé le rapport entre le revenu total du ménage et le seuil de faible revenu correspondant au nombre de personnes dans le ménage et à la taille de la communauté. Les rapports ont par la suite été rajustés en les divisant par le rapport le plus élevé pour tous les participants de l'ENSP. Les rapports corrigés ont été regroupés en déciles, qui ont été ramenés à cinq catégories de revenu de ménage : faible (déciles 1 et 2), faible à moyen (déciles 3 et 4), moyen (déciles 5 et 6), moyen à élevé (déciles 7 et 8) et élevé (déciles 9 et 10). Des détails sur la variable du revenu se trouvent dans la documentation sur les variables dérivées de l'ENSP, à l'adresse suivante : /imdb-bmdi/document/3225_D10_T9_V3_F-fra.pdf.

L'hypertension artérielle a été mesurée à partir d'un diagnostic autodéclaré du problème ou d'une indication que le répondant avait pris des « médicaments pour la tension artérielle » au cours du dernier mois.

Le diabète a été mesuré à partir d'un diagnostic autodéclaré du problème.

L'indice de masse corporelle (IMC) est calculé en divisant le poids autodéclaré en kilogrammes par le carré de la taille autodéclarée exprimé en mètres. Les groupes d'IMC utilisés dans le présent article sont les suivants : poids insuffisant/poids normal (IMC inférieur à 25 kg/m2), embonpoint (IMC de 25,0 kg/m2 à 29,9 kg/m2) ou obésité (IMC de 30 kg/m2 et plus).

L'usage du tabac a été regroupé en six catégories, selon les habitudes actuelles et les anciennes habitudes d'usage du tabac : fumeur quotidien/occasionnel; ancien fumeur occasionnel (a fumé par le passé, mais pas quotidiennement); a abandonné l'usage quotidien du tabac de 0 à 4 ans auparavant; a abandonné l'usage quotidien du tabac de 5 à 9 ans auparavant; a abandonné l'usage quotidien du tabac 10 ans ou plus auparavant; et n'a jamais fumé.

L'activité physique durant les loisirs a été mesurée à partir de la dépense énergétique (DE) totale pendant les loisirs. La DE a été calculée d'après la fréquence et la durée déclarées de toutes les activités physiques pratiquées pendant les loisirs par une personne au cours des trois mois qui ont précédé l'entrevue de l'enquête et d'après la demande d'énergie métabolique de chaque activité (le nombre de kilocalories dépensées par kilogramme de poids corporel par heure d'activité). Pour calculer la DE quotidienne moyenne pour une activité, on a divisé l'estimation par 365. Ce calcul a été repris pour chaque activité durant les loisirs déclarée, et les estimations en découlant ont été additionnées pour produire une DE quotidienne moyenne agrégée. Les participants dont la DE durant les loisirs était de 3,0 KKJ (kilocalories par kilogramme de poids corporel par jour) ou plus ont été considérés comme étant actifs, ceux dont la DE variait entre 1,5 et 2,9 KKJ, comme étant modérément actifs, et ceux dont la DE était inférieure à 1,5 KKJ, comme étant inactifs.

L'identification des personnes interrogées qui participent à des activités physiques en dehors des loisirs a été fondée sur les activités habituelles au quotidien et les habitudes de travail au cours des trois mois précédents. Les personnes qui ont déclaré « être souvent debout ou en train de marcher », « lever ou transporter habituellement des objets légers » ou « faire un travail forçant/porter des objets très lourds » ont été considérées comme ayant des activités physiques en dehors des loisirs, par rapport à celles qui ont déclaré « être normalement assises pendant la journée, sans trop marcher ».

La consommation d'alcool a été déterminée au moyen des questions suivantes :

  • « Au cours des 12 derniers mois, est-ce que vous avez bu un verre de bière, de vin, de spiritueux ou de toute autre boisson alcoolisée? »
  • « Avez-vous déjà pris un verre d'alcool? »
  • « En pensant à la dernière semaine, est-ce que vous avez bu de la bière, du vin, un spiritueux ou toute autre boisson alcoolisée? »

Pour chaque jour de la semaine précédente, on a demandé au participant : « Combien de verres avez-vous bu? » Cinq catégories de consommation d'alcool ont été établies : jamais au cours de la vie; ancien(ne) buveur(se); petit(e) buveur(se) (un verre ou moins au cours de la dernière semaine); buveur modéré dans le cas des hommes (de 2 à 14 verres au cours de la dernière semaine); et grand buveur dans le cas des hommes (15 verres ou plus au cours de la dernière semaine). Étant donné que peu de femmes se trouvent dans la catégorie des grandes buveuses, les catégories des buveuses modérées (de 2 à 9 verres au cours de la dernière semaine) et des grandes buveuses (10 verres ou plus au cours de la dernière semaine) ont été combinées.

Le recours à l'hormonothérapie a été déterminé dans le cadre de l'entrevue de l'ENSP de 1994-1995 en demandant aux femmes de 30 ans et plus si elles avaient pris « des hormones pour la ménopause et le vieillissement » au cours du dernier mois.

Analyses statistiques

Afin de déterminer les variables liées à une augmentation ou à une diminution du risque de diagnostic de maladie cardiaque ou de décès par maladie cardiaque, on a eu recours à la modélisation à risques proportionnels de Cox. Cette technique permet l'étude des rapports entre des caractéristiques individuelles et un résultat, lorsque ce résultat peut se produire sur une période donnée. La méthode tient compte de la possibilité que les participants ne développent pas une maladie cardiaque ou ne meurent pas d'une maladie cardiaque au cours de la période à l'étude, et elle réduit le biais lié à l'attrition.

Comme la maladie cardiaque est relativement rare chez les jeunes, l'analyse a été limitée aux participants de 40 ans et plus au cycle 1 (1994-1995). Étant donné que la prévalence et les caractéristiques de la maladie cardiaque et de la dépression diffèrent entre les hommes et les femmes34, l'analyse a été stratifiée selon le sexe.

Si un participant a déclaré un diagnostic de maladie cardiaque ou est décédé par suite d'une cardiopathie ischémique ou d'une insuffisance cardiaque après 1994-1995, cela a été considéré comme un cas. Étant donné que le développement d'une maladie cardiaque est un processus continu, qui a été mesuré uniquement à des intervalles déterminés (les entrevues de l'ENSP tous les deux ans), de nombreuses transitions à des cas de maladie cardiaque ont été enregistrées en même temps, après 2 ans, 4 ans, 6 ans, 8 ans, 10 ans ou 12 ans. On a donc eu recours à un modèle complémentaire log-log35.

S'il n'y avait pas de données autodéclarées sur la maladie cardiaque pour un ou plusieurs cycles d'enquête, mais que des valeurs étaient disponibles pour des cycles subséquents, les cas ont été retenus. Cela crée des intervalles de longueurs variées entre les observations. Afin de contrôler le fait que plus l'intervalle est long, plus un participant est susceptible de développer une maladie cardiaque, les valeurs de la durée de l'intervalle et du carré de la durée de l'intervalle ont été entrées comme variables indépendantes dans le modèle.

Une valeur imputée de « Non » à la question sur la maladie cardiaque a été utilisée si une réponse manquante était précédée et suivie par des réponses de « Non » dans les autres cycles. Parmi les 4 948 participants, 493 (10,0 %) avaient une ou des réponses imputées de « Non » à la question sur la maladie cardiaque dans un ou plusieurs cycles.

On a suivi les 4 948 participants jusqu'en 2006-2007. Au cours de la période de suivi, on a enregistré 429 diagnostics de maladie cardiaque ou décès par maladie cardiaque chez les hommes, et 486 chez les femmes. Deux modèles ont été appliqués. Le premier tenait compte de la dépression, de l'âge et des divers intervalles entre les observations. Le deuxième tenait compte de ces variables, ainsi que des variables sociodémographiques, des problèmes de santé chroniques et des comportements en matière de santé. Des variables indépendantes ont été mesurées en 1994-1995, sauf la dépression, qui a été mesurée au moment de l'entrevue de référence et dans les cycles subséquents. On a considéré qu'un participant avait souffert de dépression à partir de la première occurrence de dépression au cours de la période à l'étude, ce qui fait que la dépression est devenue une « caractéristique » du participant à partir de ce moment-là. S'il manquait des données sur la dépression pour un cycle donné, et que le participant n'avait pas souffert de dépression au cours d'un cycle précédent, il a été considéré comme ne souffrant pas de dépression pour ce cycle.

Dans un effort en vue d'étudier la population ne souffrant pas de maladie cardiaque, on a exclu les participants qui ont déclaré un diagnostic de maladie cardiaque ou l'utilisation de médicaments pour le cœur dans l'entrevue de référence. Toutefois, étant donné que l'enquête ne comprenait pas d'examens cliniques, il est possible que certains répondants qui sont demeurés dans l'échantillon aient eu une maladie cardiaque non diagnostiquée ou infraclinique. Afin de réduire la possibilité que la maladie infraclinique ou non diagnostiquée au moment de l'entrevue de référence entraîne un biais dans le rapport entre la dépression et la maladie cardiaque, l'analyse a été reprise, après avoir exclu les cas de maladie cardiaque qui se sont produits au cours du premier cycle de suivi.

Toutes les analyses ont été pondérées au moyen de poids longitudinaux établis pour représenter la population totale en 1994. On a eu recours à la méthode du bootstrap pour le calcul des intervalles de confiance et l'évaluation de la signification statistique, afin de tenir compte du plan d'enquête complexe36-38. Le niveau de signification a été établi à p < 0,05.

Résultats

Les estimations à partir de la population étudiée montrent que 16,8 % des femmes et 10,9 % des hommes (p < 0,01) ont souffert de dépression dans au moins un des sept cycles de l'enquête. Les hommes et les femmes qui ont souffert de dépression étaient en moyenne environ cinq ans plus jeunes au moment de l'entrevue de référence, étaient plus susceptibles de fumer et étaient plus susceptibles de prendre des antidépresseurs que ceux qui ne souffraient pas de dépression (tableau A en annexe). Les femmes qui souffraient de dépression étaient moins susceptibles de n'avoir jamais consommé d'alcool et d'avoir une tension artérielle élevée, et étaient plus susceptibles d'avoir recours à l'hormonothérapie et d'appartenir au groupe de revenu élevé.

Parmi les personnes qui n'ont pas déclaré de maladie cardiaque ou l'utilisation de médicaments pour le cœur en 1994-1995, 19 % des hommes et 15 % des femmes ont déclaré un nouveau diagnostic de maladie cardiaque ou sont décédés par suite d'une cardiopathie ischémique ou d'une insuffisance cardiaque au cours des 12 années qui ont suivi (tableau 1). Les diagnostics de nouveaux cas de maladie cardiaque (plutôt que les décès) ont représenté 81,6 % des cas de maladie cardiaque pour les hommes, et 86,8 % des cas pour les femmes.

Tableau 1 Nouveau diagnostic de maladie cardiaque ou décès par maladie cardiaque entre 1994-1995 et 2006-2007, selon le sexe, population à domicile de 40 ans et plus sans diagnostic de maladie cardiaque ou n'utilisant pas de médicaments pour le coeur en 1994-1995, Canada, territoires non compris. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Nouveau diagnostic de maladie cardiaque ou décès par maladie cardiaque entre 1994-1995 et 2006-2007, selon le sexe, population à domicile de 40 ans et plus sans diagnostic de maladie cardiaque ou n'utilisant pas de médicaments pour le coeur en 1994-1995, Canada, territoires non compris

Les femmes souffrant de dépression étaient plus susceptibles de développer une maladie cardiaque ou de décéder par suite d'une maladie cardiaque que celles qui ne souffraient pas de dépression (RR = 1,8, IC de 95 % = 1,3, 2,7); les hommes souffrant de dépression n'étaient pas significativement plus susceptibles de développer une maladie cardiaque ou de décéder par maladie cardiaque (RR = 1,4, IC de 95 % = 0,8, 2,4); (tableaux 2 et 3). Lorsque le modèle a été corrigé pour tenir compte d'autres facteurs de risque de maladie cardiaque, le risque était légèrement atténué pour les femmes souffrant de dépression (RR = 1,7, IC de 95 % = 1,1, 2,5), mais demeurait significatif. Dans le cas des hommes souffrant de dépression, le risque de maladie cardiaque n'était pas significativement plus élevé dans le modèle corrigé pour tenir compte des covariables (RR = 1,2, IC de 95 % = 0,7, 2,2).

Tableau 2 Rapports corrigés de risques proportionnels reliant certaines caractéristiques à un diagnostic de maladie cardiaque ou à un décès par maladie cardiaque entre 1996-1997 à 2006-2007, population à domicile de femmes de 40 ans et plus sans maladie cardiaque en 1994-1995, Canada, territoires non compris. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 2
Rapports corrigés de risques proportionnels reliant certaines caractéristiques à un diagnostic de maladie cardiaque ou à un décès par maladie cardiaque entre 1996-1997 à 2006-2007, population à domicile de femmes de 40 ans et plus sans maladie cardiaque en 1994-1995, Canada, territoires non compris

Tableau 3 Rapports corrigés de risques proportionnels reliant certaines caractéristiques à un diagnostic de maladie cardiaque ou à un décès par maladie cardiaque entre 1996-1997 à 2006-2007, population à domicile d'hommes de 40 ans et plus sans maladie cardiaque en 1994-1995, Canada, territoires non compris. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 3
Rapports corrigés de risques proportionnels reliant certaines caractéristiques à un diagnostic de maladie cardiaque ou à un décès par maladie cardiaque entre 1996-1997 à 2006-2007, population à domicile d'hommes de 40 ans et plus sans maladie cardiaque en 1994-1995, Canada, territoires non compris

Lorsque les nouveaux cas de maladie cardiaque au cours des deux premières années après l'entrevue de référence (un cycle d'enquête) ont été supprimés du modèle (94 hommes, 90 femmes), la dépression n'était pas associée de façon significative à la maladie cardiaque, ni pour les hommes (RR = 1,6, IC à  95 % = 0,8, 3,0), ni pour les femmes (RR = 1,5, IC de 95 % = 0,9, 2,4). Les participants exclus représentaient 21,9 % des nouveaux cas de maladie cardiaque pour les hommes et 18,5 % pour les femmes.

Discussion

Il s'agit de la première étude représentative au niveau national de l'association entre la dépression et les nouveaux cas de maladie cardiaque dans la population canadienne. On a déterminé que la dépression était associée aux nouveaux cas de maladie cardiaque chez les femmes, même en tenant compte des autres facteurs de risque. L'association entre la dépression et la maladie cardiaque n'était pas statistiquement significative pour les hommes. Même si la plupart des études antérieures n'ont pas stratifié l'analyse selon le sexe, des données d'étude corrigées de façon appropriée montrent que l'association entre la dépression et la maladie cardiaque existe, tant chez les hommes que chez les femmes12, 14, 39. Étant donné que la maladie cardiaque se développe sur une longue période, l'intervalle de 12 ans peut ne pas avoir été suffisamment long pour que l'effet complet de l'association entre la dépression et la maladie cardiaque se manifeste chez les hommes.

Lorsque les nouveaux cas de maladie cardiaque qui se sont produits au cours des deux premières années de suivi (un cycle d'enquête) ont été éliminés de l'analyse, le rapport entre la dépression et la maladie cardiaque, même s'il était positif et uniforme avec d'autres modèles, n'était pas statistiquement significatif pour l'un ou l'autre sexe. D'autres études reposant sur cette technique20, 21, 39 ont déterminé que l'association entre la dépression et la maladie cardiaque subsistait, une fois éliminées les deux premières années de suivi pour les échantillons d'hommes. L'échantillon plus petit de la présente étude peut avoir réduit la puissance statistique des modèles. Toutefois, il est possible que des maladies infracliniques ou non diagnostiquées au moment de l'entrevue de référence aient eu des répercussions sur les résultats de l'analyse de l'échantillon complet.

Parmi les études qui n'ont pas permis de déterminer d'associations significatives entre la dépression et la maladie cardiaque, l'étude de Framingham8 utilisait un instrument différent pour mesurer la dépression et une période de suivi plus courte (6 ans) et incluait des participants plus jeunes (30 ans et plus), éléments qui ont peut-être tous contribué aux différences par rapport à la présente analyse. L'étude Leiden 859 a été limitée aux personnes âgées de 85 ans et plus et, comme il a été noté dans un compte rendu récent10, les résultats sont peut-être influencés par l'inclusion de personnes exceptionnellement en santé, qui ont vécu jusqu'à un âge avancé sans maladie cardiaque, de même que par la faible puissance statistique, en raison de l'échantillon plus petit.

Certains facteurs qui ont été traités comme des facteurs confusionnels dans la présente analyse appartiennent peut-être au lien de cause à effet entre la dépression et la maladie cardiaque (par exemple, l'usage du tabac, la consommation d'alcool, l'obésité, l'activité physique). Le fait que les rapports de risques de dépression étaient atténués dans une certaine mesure, une fois ces autres facteurs de risque pris en compte, laisse supposer que les répercussions de la dépression sur la maladie cardiaque s'exercent, au moins en partie, par l'entremise de ces comportements en matière de santé.

La plupart des études antérieures ont mesuré uniquement la dépression au moment de l'entrevue de référence, ce qui peut avoir entraîné une sous-estimation des associations entre la dépression et la maladie cardiaque. Parmi les forces de la présente étude figure le fait que la mesure de la dépression a été reprise à chaque cycle de l'enquête.

Limites

On a demandé aux participants de l'ENSP s'ils avaient une « maladie cardiaque », mais aucun renseignement n'a été recueilli sur le type particulier de maladie. Toutefois, les diagnostics autodéclarés de maladie cardiaque rendent probablement compte de problèmes de santé courants, comme la maladie coronarienne et la maladie du myocarde. Même s'il aurait été plus précis de limiter le résultat aux décès confirmés par suite d'une cardiopathie ischémique ou d'une insuffisance cardiaque, le faible nombre de personnes dans l'échantillon (102 hommes, 86 femmes) a fait en sorte que cette option n'était pas possible. Une petite partie des participants, pour lesquels le nouveau cas de maladie cardiaque était fondé sur un diagnostic autodéclaré, sont décédés par suite d'une cardiopathie ischémique ou d'une insuffisance cardiaque au cours de la période de suivi (6,6 % des hommes et 5,2 % des femmes).

Le degré d'imprécision des diagnostics autodéclarés de problèmes de santé chroniques, y compris la maladie cardiaque, vient de ce que les erreurs de déclaration sont inconnues.

L'échelle CIDI-SF utilisée pour évaluer la dépression majeure dans le cadre de l'ENSP n'est pas un instrument validé, même si les critères utilisés sont conformes au DSM-III-R. Par ailleurs, l'échelle CIDI-SF ne laisse pas de côté les symptômes liés à une maladie physique, à la consommation d'alcool ou de drogue ou au deuil. Par conséquent, les symptômes de certains participants classés comme souffrant de dépression sont peut-être dus dans les faits à une maladie physique, à des formes plus légères de trouble dépressif ou à un deuil40.

Dans le cadre de l'ENSP, on recueille des données tous les deux ans, mais les questions sur la dépression portent sur la période de 12 mois ayant précédé l'entrevue. Ainsi, il y a une période d'un an entre les cycles d'enquête pour laquelle des données sur la dépression ne sont pas disponibles, ce qui fait que la prévalence de la dépression parmi la population à l'étude est peut-être sous-estimée.

Une relation dose-réponse entre les symptômes de la dépression et les cas de maladie cardiaque a été déterminée dans d'autres études10, 23. Toutefois, la mesure de la dépression selon la CIDI-SF est conçue pour être utilisée comme variable dichotomique plutôt que continue. Ainsi, il n'a pas été possible de déterminer si le risque de maladie cardiaque augmentait avec la gravité de la dépression.

Les participants pour lesquels on ne dispose pas de valeurs pour la dépression et qui ne répondaient pas aux critères servant à définir la dépression dans les cycles précédents de l'ENSP ont été considérés comme ne souffrant pas de dépression pour ce cycle. Si la non-réponse aux questions sur la dépression pour le cycle était plus élevée chez les personnes souffrant de dépression, la prévalence de la dépression dans l'échantillon serait sous-estimée.

Il serait intéressant de connaître la proportion de personnes qui ont eu des épisodes répétés de dépression au cours de la période étudiée. Toutefois, la durée de l'exposition des participants au risque de dépression a varié, parce que près du cinquième d'entre eux (19,4 %) sont décédés au cours de la période de 12 ans, et que des valeurs pour la dépression étaient absentes pour certains cycles. Néanmoins, la présente étude tient compte de tous les épisodes de dépression au cours de la période qui étaient associés à un nouveau cas de maladie cardiaque, ce qui fait que le nombre d'occurrences de dépression n'est pas directement pertinent pour les résultats de la présente analyse.

On n'a pas pu examiner tous les facteurs dont on sait qu'ils sont associés aux nouveaux cas de maladie cardiaque. Par exemple, l'ENSP ne recueille pas de données sur la diète, l'utilisation de l'aspirine ou les mesures biologiques, comme la présence de lipides dans le sang. Des données sur les antécédents familiaux de maladie cardiaque ont été recueillies au cycle 3 (1998-1999), mais comme ces données n'étaient pas disponibles pour les répondants qui étaient décédés à ce moment-là, elles n'ont pas été utilisées. De même, les antécédents complets de dépression n'ont pas été recueillis jusqu'au cycle 6 (2004-2005), ce qui fait que l'influence possible de la dépression avant l'année de référence n'a pas été évaluée.

L'absence d'association entre la maladie cardiaque et certains facteurs de risque communs, comme l'usage du tabac et le revenu du ménage chez les hommes, ainsi que l'activité physique durant les loisirs et l'IMC chez les femmes, est inattendue. Cela peut rendre compte des limites dans la façon dont ces covariables ont été mesurées. Par exemple, l'usage du tabac ne comporte pas d'intensité, ce qui peut avoir contribué à la faible association entre l'usage du tabac et la maladie cardiaque chez les hommes dans l'ensemble du modèle. En outre, l'obésité a été fondée sur le poids et la taille autodéclarés, ce qui a tendance à produire des estimations plus faibles que celles fondées sur des données mesurées41. Le résultat de cette analyse pourrait constituer une sous-estimation de l'association entre l'obésité et la maladie cardiaque qui, à son tour, pourrait influencer l'association observée entre la dépression et la maladie cardiaque. Toutefois, le revenu du ménage et l'usage du tabac étaient associés de façon significative avec la maladie cardiaque dans les modèles restreints qui en tenaient compte individuellement, de même que la dépression, et une variable servant à tenir compte des effets de la variation de la durée entre les observations; l'activité physique durant les loisirs et l'IMC ne l'étaient pas (données non présentées).

L'exclusion de 3 899 enregistrements pour la non-réponse au cycle 7 (dont celle qui pourrait être due au décès du participant) et des 143 décès pour lesquels la cause de décès n'était pas disponible a limité la puissance statistique de l'analyse. C'est pourquoi l'analyse peut sous-estimer les associations qui pourraient apparaître lorsque des données plus complètes pour ces enregistrements seront disponibles.

Conclusion

Même si la présente étude et d'autres études montrent une association entre la dépression et la maladie cardiaque, on n'a pas confirmé de lien de cause à effet entre les deux problèmes de santé.  Les recherches à venir pourraient faire ressortir les mécanismes qui sous-tendent cette association, qu'il s'agisse de comportements en matière de santé, de facteurs physiologiques ou d'autres variables non mesurées ou non encore déterminées. Les résultats de la présente étude soulignent l'importance de surveiller les personnes souffrant de dépression en ce qui a trait au développement d'une maladie cardiaque. 


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