Compétences en littératie des Canadiens de tous âges : moins de Canadiens aux deux extrémités de l'échelle de rendement
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Formation de compétences en littératie
Distribution des compétences en littératie
Formation de compétences en littératie dans le milieu de travail après les études
Conclusion
Dans une étude récente, David Green et Craig Riddell, économistes à l'Université de la Colombie-Britannique, examinent la distribution des compétences en littératie au sein de la population née au Canada et la façon dont se forment ces compétences1. Ils se penchent aussi sur la nature de la formation des compétences en littératie au cours des années qui suivent la fin des études et l'entrée sur le marché du travail, et sur la relation entre la littératie et le revenu. Le présent article résume les résultats de cette étude.
L'étude révèle, comme d'autres études l'ont fait, que la littératie augmente fortement (bien qu'à un taux décroissant) avec le niveau de scolarité. Le niveau d'études des parents a également un effet positif marqué sur la littératie, celui de la mère étant particulièrement important à cet égard.
Une des surprises qu'a révélées leur étude est que le niveau de littératie des jeunes Canadiens est moins élevé que celui qu'affichaient au même âge et au même niveau de scolarité les Canadiens aujourd'hui plus âgés, particulièrement dans le cas des personnes ayant un haut niveau de scolarité. Par exemple, à l'aide de données tirées de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) de 2003, Green et Riddell indiquent qu'en 2003, une personne âgée de 35 ans avait à peu près la même note moyenne en littératie qu'une personne âgée de 25 ans. Ce n'est pas que la personne de 25 ans se trouverait au même niveau de littératie 10 ans plus tard, mais plutôt que la personne de 35 ans avait atteint un niveau de littératie plus élevé à 25 ans (c'est-à-dire qu'elle appartenait à une cohorte ayant plus de compétences en littératie), puis a perdu une partie de ses compétences initiales au cours des années écoulées depuis la fin de ses études. Cette constatation que les cohortes plus âgées avaient de meilleures compétences en littératie à la fin de leurs études que les cohortes plus jeunes est vraie dans toute la distribution selon l'âge.
Green et Riddell signalent que la littératie joue un rôle important dans la rémunération. Ils ont constaté qu'une augmentation de 25 points de la note moyenne en littératie a sur les gains une incidence qui équivaut à une année de scolarité supplémentaire. Ils révèlent également que l'incidence ordinairement mesurée de la scolarité sur la rémunération est en partie attribuable (à environ un cinquième) au fait que la scolarité améliore la littératie.
Formation de compétences en littératie
Citant les travaux de Sen (1999)2, Green et Riddell soulignent que les compétences en littératie jouent un rôle fondamental en permettant aux individus de participer pleinement à la société et à l'économie. S'il n'a pas de compétences en littératie, l'individu ne peut participer intégralement et en toute égalité au discours social et politique : sans les instruments de base nécessaires à la réalisation de ses objectifs, il ne peut être un membre à part entière de la société. Les auteurs soutiennent donc que dans tout mouvement d'édification d'une société meilleure, la distribution et la formation des compétences en littératie revêtent une importance fondamentale. Une personne qui a amélioré ses compétences dans ce domaine peut s'attendre à avoir de meilleures possibilités d'emploi se traduisant par des gains plus élevés, et donc à jouir d'un plus grand degré de bien-être. D'un point de vue sociétal, une main-d'œuvre ayant plus de compétences en littératie serait mieux en mesure de s'adapter au changement et de faire siennes les nouvelles technologies. Ainsi, l'amélioration de la littératie des individus pourrait avoir des retombées sur la productivité de l'ensemble de l'économie.
Afin de mieux encadrer leur étude, Green et Riddell décrivent un modèle de la formation des compétences en littératie selon lequel, à la naissance, les gens sont dotés de deux caractéristiques clés, soit leurs aptitudes et les ressources parentales. Par ressources parentales, ils entendent quelque chose d'assez général, qui intègre aussi bien le revenu des parents que la capacité et la volonté de ceux ci de favoriser l'éducation et la littératie de leurs enfants. À l'âge préscolaire, les enfants commencent à développer des compétences en littératie à l'aide de ces caractéristiques fondamentales (les aptitudes et les ressources parentales).
Lorsque les enfants commencent à fréquenter l'école, ces caractéristiques entrent en interaction avec des caractéristiques de l'école comme la qualité de l'enseignement, la taille de la classe ainsi que les attitudes et aptitudes des pairs. Les nouvelles compétences en littératie acquises avec chaque année de scolarité sont alors fonction des aptitudes, des ressources parentales, des caractéristiques de l'école et du niveau de littératie en début de période, l'interaction de ces facteurs étant par ailleurs fort complexe. Les élèves accumulent ainsi des compétences en littératie jusqu'à l'âge où la fréquentation scolaire cesse d'être obligatoire, après quoi ils décident chaque année s'ils poursuivent ou non leurs études. Cette décision sera une fois de plus fonction de leurs aptitudes, des ressources parentales et des caractéristiques de l'école, mais aussi sans doute des compétences en littératie acquises jusque-là. Plus l'élève a des compétences en littératie, moins il trouve pénible de fréquenter l'école et plus il est enclin à décider d'y passer une année de plus.
Enfin, après les études secondaires, la poursuite de la scolarisation sera déterminée à la fois par la décision de l'élève de continuer à étudier et par la décision du collège ou de l'université quant à son admission. L'établissement prendra sans doute sa décision en fonction du niveau de littératie de l'élève, dont feront foi les notes que ce dernier aura obtenues. Ainsi, scolarité et littératie sont déterminées conjointement, une augmentation de la scolarité entraînant un accroissement de la littératie, et vice versa, plus particulièrement après l'âge de fréquentation scolaire obligatoire. Il est possible que les élèves qui ne prévoient pas poursuivre leurs études après avoir atteint l'âge de fréquentation scolaire obligatoire décident rationnellement de ne pas s'investir dans l'acquisition de compétences en littératie.
L'acquisition de compétences en littératie est probablement plus difficile après la fin des études. Elle peut se faire au travail si la personne a besoin de telles compétences pour remplir certaines tâches, mais dans les autres cas, il lui faudra s'y consacrer dans ses heures de loisir. De fait, il semble fort possible que les individus perdent de leurs compétences en littératie une fois leurs études terminées, s'il s'agit de compétences qui se détériorent lorsqu'elles ne sont pas employées.
Distribution des compétences en littératie
Green et Riddell constatent que la littératie est distribuée beaucoup plus uniformément que le revenu, et que le degré d'inégalité dans la distribution de la littératie au sein de la population née au Canada a diminué entre l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA) de 1994 et l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) de 2003 (voir la description des données dans l'encadré 1). Cependant, alors que la littératie s'est améliorée à l'extrémité inférieure de la distribution, elle s'est détériorée à l'extrémité supérieure. L'amélioration semble surtout attribuable à la progression de la scolarisation de la population et à l'augmentation du niveau de littératie parmi les décrocheurs du secondaire. L'une des explications possibles avancées par les auteurs serait que les écoles réussissent moins bien à inculquer des compétences en littératie, résultat qui est toutefois contrebalancé par le fait que les générations successives sont restées plus longtemps à l'école. Une autre hypothèse voudrait qu'en dehors du contexte scolaire, c'est-à-dire à la maison, au travail et dans les activités quotidiennes, les compétences en littératie sont peu utilisées ou transmises.
Encadré 1 :
Les données
L'échantillon de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA) de 1994 livre des observations sur 5 660 personnes, alors que celui de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) de 2003 était beaucoup plus grand, avec 23 038 personnes interviewées. L'étude porte avant tout sur la formation de compétences en littératie dans l'économie canadienne. L'objet de l'étude étant le système d'éducation canadien, les personnes nées à l'étranger ont été exclues de ces deux échantillons. Les observations relatives aux Autochtones ont également été exclues de cette analyse, car elles feront l'objet d'une autre étude. Les enquêtes portent sur la population de plus de 16 ans, mais les élèves et étudiants ont été exclus de l'étude puisque l'objet de celle-ci est l'évolution des compétences acquises en litératie une fois la scolarité terminée.
La diminution des niveaux de littératie à l'extrémité supérieure de la distribution est particulièrement évidente pour les diplômés des écoles secondaires, des universités et des établissements postsecondaires non universitaires. De fait, l'étude révèle que la littératie se détériore à l'extrémité supérieure de la distribution pour les cohortes de naissance successives. Selon Green et Riddell, ce résultat laisse à penser que le système d'éducation, en tant qu'agent de formation de compétences en littératie, est plus efficace à l'extrémité inférieure qu'à l'extrémité supérieure de la distribution.
Les compétences en littératie tendent généralement à décroître avec l'âge, mais cet effet diffère selon le niveau d'études. Dans le groupe des personnes ayant un diplôme d'études secondaires ou moins, les effets du vieillissement sont inexistants pour les personnes ayant un faible niveau de littératie, ce qui indique peut-être qu'une littératie très sommaire ne se perd guère avec l'âge. Dans le groupe des diplômés universitaires, la baisse de la littératie avec l'âge est évidente à tous les niveaux de littératie.
Le niveau d'études des parents est étroitement lié à la littératie, mais d'une manière intéressante : le fait que les parents ont décroché au secondaire a une forte influence négative, mais au-delà des études secondaires, le niveau d'études des parents n'a presque aucune incidence.
Formation de compétences en littératie dans le milieu de travail après les études
Green et Riddell étudient également un modèle du type « utiliser ou perdre », afin de déterminer si les personnes qui se servent de compétences en littératie dans leur emploi conservent un plus haut niveau de littératie. Dans le cadre de l'EIACA de 2003, les questions sur l'utilisation de compétences en littératie au travail portaient sur la fréquence avec laquelle des tâches de lecture, d'écriture et de calcul étaient accomplies. Les questions portaient sur cinq tâches de lecture, cinq tâches d'écriture et cinq tâches de calcul. Aux fins de leur analyse, Green et Riddell ont élaboré des mesures indiquant si le répondant a déclaré avoir accompli quatre ou cinq des tâches de lecture au moins une fois par semaine; des mesures semblables ont été élaborées pour les tâches d'écriture et de calcul. De même, des mesures ont été élaborées pour l'accomplissement de une à trois des tâches de lecture, d'écriture et de calcul au moins une fois par semaine, ainsi que des mesures pour les cas où ces tâches ne sont accomplies que rarement.
Les variables de littératie au travail indiquent que les personnes qui font souvent appel à leurs compétences en littératie au travail (qui déclarent accomplir au moins quatre tâches dans un groupe donné au moins une fois par semaine) ont un meilleur niveau de littératie. L'accomplissement de tâches de lecture est en corrélation étroite avec l'accomplissement de tâches d'écriture. L'analyse montre que le niveau de littératie d'une personne qui accomplit au moins quatre tâches de lecture et au moins quatre tâches d'écriture par semaine est supérieur d'environ 3,7 % en moyenne. En revanche, une personne qui écrit ou lit rarement au travail affiche un niveau de littératie inférieur d'environ 2 % en moyenne.
Les auteurs de l'étude signalent que ces effets sont assez perceptibles pour être dignes de mention, mais qu'ils ne sont pas énormes. Ils soulignent en outre que rien n'indique le sens de la causalité, c'est-à-dire qu'il est possible que les personnes ayant un niveau de littératie plus élevé soient plus susceptibles d'occuper un emploi nécessitant de grandes compétences en littératie, ou que de tels emplois aident les personnes à conserver leurs compétences. Il se pourrait également que les deux phénomènes entrent en jeu.
L'utilisation de compétences en calcul n'est pas autant en corrélation avec les deux autres formes de compétences en littératie que ne le sont ces deux formes entre elles. Ainsi, seulement 43 % des personnes ayant déclaré ne lire que rarement au travail ont dit qu'elles utilisaient rarement leurs compétences en calcul. Selon les résultats de l'analyse, l'utilisation fréquente de compétences en calcul au travail n'a pas d'incidence positive sur la littératie, mais les personnes qui utilisent rarement des compétences en calcul affichent un niveau de littératie inférieur de plus de 3 %.
Enfin, les auteurs examinent le lien entre la littératie et la profession. Ils constatent que, par rapport au groupe des gestionnaires et professions connexes, les groupes des professionnels, des commis de bureau et des techniciens ont des niveaux de littératie équivalents. Aspect intéressant, il en va de même des travailleurs qualifiés en agriculture, des artisans et des gens de métiers. En revanche, les groupes des travailleurs des services, des opérateurs de machines et des manœuvres affichent un niveau de littératie moins élevé. Là encore, les effets sont loin d'être considérables. Ainsi, l'écart entre le niveau de littératie moyen d'un gestionnaire et celui d'un manœuvre est de 5 %. Cette valeur s'oppose à un écart de plus de 30 % entre des personnes comptant respectivement 12 et 16 ans de scolarité.
Dans l'ensemble, les auteurs concluent que même si la corrélation est nette entre l'utilisation de compétences en littératie au travail et le niveau de littératie moyen, elle demeure modeste par rapport à l'incidence du niveau d'études. Ils soulignent en outre que l'appartenance à une profession nécessitant un niveau élevé de littératie ne semble pas empêcher la diminution des compétences qui survient avec l'âge.
Conclusion
L'étude résumée ici permet de comprendre beaucoup mieux les liens complexes qui existent entre la scolarité, les compétences en littératie, le vieillissement et le marché du travail. Elle montre que la scolarité joue un rôle important dans l'acquisition de compétences en littératie, mais seulement jusqu'à un certain point. De fait, la scolarité a grandement contribué à accroître les niveaux de littératie à l'extrémité inférieure de la distribution. Cependant, les diplômés postsecondaires des dernières années n'atteignent pas le même niveau de littératie à l'extrémité supérieure de la distribution que ceux des générations antérieures.
Les compétences en littératie ont tendance à se détériorer avec l'âge. Toutefois, comme les générations plus âgées avaient atteint des niveaux de littératie plus élevés, la détérioration qui survient les rapproche des niveaux des générations plus jeunes. Cette constatation, alliée à la grande influence de l'éducation sur la littératie, amène Green et Riddell à conclure que les écoles réussissent mal à inculquer des compétences en littératie quel que soit le niveau, mais que ce résultat est contrebalancé par le fait que les générations successives ont atteint un niveau de scolarité plus élevé.
Une autre interprétation de ces résultats est également possible. Le taux de décrochage scolaire a diminué considérablement au fil des générations. Non seulement le pourcentage de Canadiens qui terminent leurs études secondaires est plus élevé, mais une plus forte proportion d'entre eux obtiennent un diplôme collégial ou universitaire, ce qui signifie que le système d'éducation est devenu plus inclusif avec le temps. De fait, des études ont révélé que l'écart entre les élèves ayant différents antécédents socio-économiques était comparativement faible au Canada par rapport à d'autres pays. On pourrait donc soutenir que le système d'éducation a servi une population étudiante plus nombreuse et plus diversifiée. En outre, il est dit que pour bien s'intégrer à la société, l'individu doit pouvoir fonctionner à un niveau minimal acceptable. Faire en sorte que la majorité, voire l'ensemble, des Canadiens puisse y arriver constitue un objectif important du système d'éducation.
Toutefois, l'atteinte de ces objectifs implique des compromis. Satisfaire aux exigences de compétence d'une population plus nombreuse et plus diverse signifiera sans doute moins d'efforts d'enseignement consacrés à ceux dont les compétences de départ excédaient le seuil minimum, ce qui pourrait causer la détérioration des compétences en littératie à l'extrémité supérieure de la distribution. La tension qui découle du double objectif de l'équité et de l'excellence dans la formation scolaire n'est pas près de disparaître. Le défi à relever est de chercher à atteindre les deux, sans sacrifier l'une pour l'autre.
Références
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Green , David A. et W. Craig Riddell. 2007. Littératie et marché du travail : formation de compétences et incidence sur les gains de la population de souche. Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (collection). Produit numéro 89-552-MWF numéro 18 au catalogue de Statistique Canada, Ottawa.
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Sen, A. 1999. Development as Freedom. New York: Anchor Books.
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