La semaine de travail de la famille

Par Katherine Marshall

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La semaine de travail rémunéré a récemment connu une diminution constante au Canada et dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (Usalcas, 2008). Bien qu'une baisse du temps moyen passé au travail puisse laisser entendre plus de temps libre pour l'individu, le temps disponible passé en famille dépend des horaires combinés de travail rémunéré des membres de la famille. En fait, le total des heures de travail de la famille a augmenté, car le nombre de personnes qui travaillent au sein de la famille a augmenté. En 2008, les couples comptant deux soutiens représentaient les trois quarts du total des couples avec des enfants à charge — une augmentation par rapport à un peu plus du tiers en 1976. Bien que les heures de travail rémunéré soient bien documentées, on possède moins de renseignements au sujet des heures et des gains liés à l'emploi au sein des familles.

Davantage de familles à deux revenus signifie moins de temps libre pour le travail non rémunéré et les loisirs. On pourrait craindre que les parents passent moins de temps avec leurs enfants. Toutefois, ce n'est pas nécessairement le cas parce que les gens font des choix quant à la façon dont ils occupent leur temps. En effet, les recherches ont montré que les mères et les pères dans les familles comptant deux soutiens ont accru le temps qu'ils passent à s'occuper des enfants, et ce, au détriment d'autres activités (Bianchi, 2000 et Marshall, 2006).

La pression et le stress que subissent les parents essayant de gérer à la fois les responsabilités professionnelles et les responsabilités familiales sont une autre préoccupation. L'enjeu consistant à jongler avec le travail rémunéré et le travail non rémunéré a favorisé la création de divers programmes et politiques en milieu de travail comme les initiatives pour les personnes à charge, la gestion du stress lié au travail et à la vie personnelle, les régimes de travail flexibles, les congés et avantages sociaux (RHDCC, 2007). La compréhension de la dynamique du marché du travail au sein des familles facilite la progression du développement de ces pratiques.

Le troisième champ d'intérêt majeur est la spécialisation des rôles familiaux. D'après les recherches, bien que les couples partagent de plus en plus les responsabilités économiques et domestiques au sein des familles, la répartition du travail selon le sexe est toujours évidente (Marshall, 2006). Dans de nombreux couples comptant deux soutiens, les femmes continuent de consacrer relativement plus de temps aux tâches domestiques et les hommes plus de temps aux tâches économiques. L'augmentation du nombre de couples comptant deux soutiens a ralenti, il est donc possible que l'évolution des structures de soutien de la famille au sein des couples ait ralenti également.

Cette étude utilise l'Enquête sur la population active (EPA) pour examiner les tendances par rapport au total des heures travaillées par les couples (ceux comprenant au moins un conjoint occupant un emploi), la répartition des familles comptant un soutien et celles comptant deux soutiens et la proportion des heures travaillées et des gains par les deux soutiens1 au cours de la dernière décennie. Finalement, l'Enquête sociale générale est utilisée pour étudier les heures de travail selon les préférences et les impressions sur l'équilibre travail-vie personnelle et le stress personnel dans les couples comptant deux soutiens (voir Sources des données et définitions).

Un jour de plus dans la semaine de travail de la famille

Le total des heures de travail hebdomadaires des couples est passé d'une moyenne de 57,6 en 1976 à une moyenne de 64,8 en 2008 (graphique A), ce qui représente une augmentation de 13 % et l'équivalent de presque un jour entier de travail rémunéré par semaine (7,2 heures). Cependant, cette tendance cache un changement dans le type de famille à soutien (familles comptant un soutien contre familles comptant deux soutiens), même si la moyenne d'heures pour chaque type n'a pas changé. En d'autres termes, plus de familles ont deux soutiens simultanés2, mais le temps passé au travail par les familles comptant deux soutiens est demeuré très stable. En 1976, les heures combinées des conjoints et des conjointes dans les couples comptant deux soutiens atteignaient une moyenne de 77,6, tandis que cette moyenne était de 76,7 en 2008. La moyenne légèrement plus élevée en 1976 peut être expliquée par l'inclusion des heures supplémentaires habituelles parmi les employés avant 1997 (voir Sources des données et définitions). Comme pour le total des heures de la famille, l'année 2008 a été la première en cinq ans au cours de laquelle les heures des couples comptant deux soutiens ont considérablement changé, diminuant de 0,5 depuis 2007, ce qui reflète probablement le ralentissement de l'économie mondiale.

La proportion des couples dans lesquels les deux conjoints gagnent un revenu a augmenté de façon continue pour passer de 4 sur 10 au milieu des années 1970 à environ 7 sur 10 à la fin des années 1990, quand les chiffres ont commencé à se stabiliser (68 % en 2008). Le taux de croissance plus lent du nombre de couples comptant deux soutiens au cours des dix dernières années se reflète dans le nivellement du total des heures de travail de la famille. Tandis que le nombre de familles à un soutien a diminué, le rôle du soutien de famille au sein de ces familles a changé. De 1976 à 2008, la proportion des familles dans lesquelles seul le conjoint travaille est passée de 53 % à 21 %, tandis que la proportion de celles dans lesquelles seule la conjointe travaille est passée de 4 % à 10 %. Ces tendances sont davantage accentuées au sein des familles ayant des enfants à charge à la maison. Par exemple, la proportion des familles comptant deux soutiens ayant des enfants d'âge préscolaire à la maison (âgés de moins de six ans) est passée de 31 % à 67 % au cours des trente dernières années, tandis que la proportion des familles ayant des enfants plus âgés (les plus jeunes ayant de 6 à 15 ans) est passée de 45 % à 77 % (graphique B). Le reste de cet article s'attarde à la dynamique de l'emploi au sein des familles comptant deux soutiens de 1997 (lorsque l'Enquête sur la population active a commencé à recueillir des données sur les gains) à 2008. Depuis 1997, les heures habituelles incluent seulement les heures travaillées pour une paye régulière.

La semaine de travail se normalise

Bien que la moyenne des heures combinées de travail des couples comptant deux soutiens soit restée autour de 77 depuis 1997, la répartition autour de cette moyenne a changé au cours des dernières années. En 2008, 59 % des couples comptant deux soutiens ont travaillé de 65 à 80 heures combinées par semaine, une hausse par rapport à 54 % en 1997 (tableau 1). L'augmentation des heures « normales » est principalement due aux faibles diminutions dans les proportions des familles effectuant de courtes et de longues heures de travail. De plus, même si environ un quart des familles comptant deux soutiens ont travaillé plus de 80 heures par semaine au cours de toutes les années prises en compte, la moyenne de ces couples travaillant de longues semaines est passée de 99 heures en 1997 à 96 heures en 2008. Des études montrent que les couples travaillant plus de 100 heures combinées par semaine sont particulièrement stressés par le manque de temps et ont plus tendance à signaler des niveaux accrus de stress dans la vie personnelle (Jacobs et Gerson, 2001; Larochelle-Côté et Dionne, à paraître).

Cependant, le véritable sujet sous-jacent à la normalisation des heures pour les couples comptant deux soutiens est le changement dans la contribution globale de chaque conjoint. Bien que la durée de la semaine de travail de la famille soit restée inchangée, la moyenne d'heures des conjointes a augmenté continuellement tandis que celle des conjoints a diminué (graphique C). La répartition des heures individuelles des conjoints et des conjointes a évolué vers une semaine de travail normale, surtout pour les conjointes. Comme celles-ci travaillent plus d'heures, la proportion des couples à deux soutiens qui travaillent à temps plein est passée de 70 % à 74 % entre 1997 et 2008.

En 2005, la majorité des couples comptant deux soutiens travaillant à temps plein ont déclaré que leurs heures actuelles étaient l'arrangement qui leur convenait le mieux, mais 13 % des conjoints et 16 % des conjointes auraient préféré travailler moins d'heures en étant moins payés. De plus, les femmes dans les couples comptant deux soutiens signalent des niveaux de « contraintes de temps » et d'insatisfaction quant à leur équilibre travail-vie personnelle plus élevés que les hommes, surtout si elles ont des enfants d'âge préscolaire (voir Perceptions et préférences des familles comptant deux soutiens).

Convergence des heures chez les couples qui ont des enfants

La convergence des heures de travail rémunéré chez les couples comptant deux soutiens a mené à une augmentation de la contribution des conjointes au total des heures d'emploi de la famille, qui est passée de 43,8 % en 1997 à 45,3 % en 2008 (tableau 2). En d'autres termes, la différence nette dans les heures de travail hebdomadaires est passée d'une moyenne de 9 à 7, ce qui représente une augmentation de plus d'une semaine de travail à temps plein pour les femmes et une baisse de deux semaines pour les hommes, sur un an. D'autres recherches ont montré une convergence similaire dans les heures de travail rémunéré et non rémunéré chez les couples comptant deux soutiens3. Ces tendances laissent entendre que le modèle des couples comptant deux soutiens peut davantage évoluer vers ce qui a été désigné comme « les mariages à contribution égale des conjoints » [traduction] (Nock, 2001).

De nombreux facteurs peuvent influer sur la convergence des heures de travail rémunéré des conjoints et des conjointes, notamment le changement de la structure industrielle et professionnelle, le niveau de scolarité et les occasions du marché du travail ainsi que les préférences et les choix des personnes et des familles. Des études récentes ont démontré que les longues heures de travail ont diminué en raison d'une croissance de l'emploi dans le secteur des services, d'une baisse du travail autonome et des heures de travail autonome et d'une évolution vers des heures normales parmi les familles ayant un plus haut niveau de scolarité (Usalcas, 2008). Ces tendances sont plus susceptibles d'influer sur la moyenne d'heures des hommes, car ces derniers ont traditionnellement plus de chances de travailler de longues heures. En effet, les heures des conjoints dans les couples qui ont un travail autonome sont beaucoup plus similaires aujourd'hui que dans le passé. Par exemple, les couples dont les deux conjoints ont un travail autonome effectuaient en moyenne la plus longue semaine de travail en 1997 (88 heures combinées) et en 2008 (84 heures), mais tandis que la moyenne d'heures des conjointes était similaire au cours de ces deux années, les heures des conjoints sont passées de 53 à 48.

Bien qu'un plus haut niveau de scolarité puisse avoir un effet modérateur sur les longues heures, cela a aussi ouvert des occasions sur le marché du travail et renforcé la participation des femmes à la vie active. Au Canada, la proportion des femmes âgées de 25 ans ou plus, possédant un diplôme universitaire, est passée de 14 % en 1997 à 22 % en 2008 (pour les hommes, de 18 % à 23 %). De plus, les femmes plus jeunes ont désormais des niveaux de scolarité plus élevés que les hommes (en 2008, 32 % des femmes âgées de 25 à 44 ans avaient un diplôme universitaire contre 26 % pour les hommes) et par conséquent, le nombre de couples comptant deux soutiens comprenant une conjointe ayant un diplôme universitaire a considérablement augmenté. L'investissement plus grand des conjointes dans les études supérieures augmente leurs chances de forte participation à la vie active puisque les études universitaires sont associées à des taux d'activité plus élevés, des possibilités d'emploi de plus grande qualité et des gains plus élevés. En 1997 et en 2008, les heures des conjointes étaient en moyenne plus longues et les heures de la famille plus similaires lorsque les conjointes avaient fait des études universitaires.

On constate un autre changement notable dans les heures des conjoints quand des enfants à charge sont à la maison. La moyenne d'heures de travail rémunéré a considérablement convergé chez les couples ayant des enfants âgés de moins de six ans à la maison. Les heures des conjointes sont passées de 32 à 34 depuis 1997 alors que celles des conjoints ont diminué, passant de 44 à 42. Non seulement le nombre d'heures est plus élevé pour les mères ayant de jeunes enfants, mais leur activité sur le marché du travail est passée de 37 % en 1976 à 72 % en 1997 et à 74 % en 2008, ce qui est une preuve supplémentaire que la maternité ne modifie pas les tendances de l'emploi des femmes de façon aussi importante que dans le passé. De même, l'implication croissante des hommes dans les responsabilités familiales telles que plus de temps consacré aux tâches ménagères et à la garde des enfants ainsi que la prise du congé parental peut être l'un des éléments justifiant la baisse de leurs heures de travail rémunéré. Comme le modèle des gains familiaux a évolué au fil du temps, les attentes associées aux rôles des conjoints ont également évolué (Beaujot, 2006).

Désormais, les conjointes contribuent davantage aux gains familiaux

En 2008, les couples comptant deux soutiens ayant un emploi rémunéré (70 % des couples) ont gagné en moyenne 1 770 $ par semaine avant impôts, ce qui représente une augmentation réelle d'environ 10 % depuis 1997 (tableau 3). L'augmentation des gains est presque entièrement due aux rémunérations horaires plus élevées (hausse de 9,2 %) plutôt qu'au nombre plus important d'heures travaillées (0,8 %)4. L'écart bien documenté des gains entre les hommes et les femmes est clairement visible dans la moyenne des taux horaires des couples comptant deux soutiens, les conjointes gagnant 81 % de ce que gagnent les conjoints en 2008 (21,10 $ contre 26,20 $) (Drolet, à paraître). Néanmoins, cette différence s'est réduite depuis 1997. Les conjointes gagnaient alors 77 % de ce que gagnaient leurs conjoints. Les heures et la capacité de gagner de l'argent ayant augmenté pour les conjointes, leur contribution globale aux gains familiaux hebdomadaires a atteint 740 $ en 2008, ce qui représente plus de 41 % du total (graphique D). Bien que le changement dans la contribution des conjointes aux heures et aux gains familiaux ait été relativement modeste depuis 1997, la tendance a montré des augmentations annuelles continues et souvent importantes au cours des dix dernières années.

Les heures des conjoints sont plus égales que leurs gains

Le soutien de famille principal est souvent défini comme étant le partenaire qui rapporte la plus grande partie du revenu de la famille, mais cette définition peut également être basée sur de la contribution en temps sur le marché du travail. Le temps est un facteur important dans la notion de spécialisation des rôles, et mettre l'accent uniquement sur l'aspect financier du soutien de famille « pourrait masquer des dimensions temporelles intéressantes concernant la réparartition des rôles par sexe chez les travailleurs qui sont des soutiens de famille » [traduction] (Warren, 2004). En utilisant une catégorisation ordinaire des soutiens secondaires, des soutiens égaux et des soutiens principaux, on constate que 65 % des conjointes ont été considérées comme des salariées égales quant aux heures payées hebdomadaires en 2008, une hausse par rapport à 60 % en 1997 (tableau 6). En d'autres termes, presque les deux tiers des couples ont effectué des heures de travail hebdomadaires avec un écart maximal de 10 % entre les deux conjoints, ce qui signifie que chaque conjoint a apporté une contribution de 45 % à 55 % au total des heures hebdomadaires. Par exemple, si un couple avait une semaine de travail combiné de 80 heures, la contribution de la conjointe aurait été dans un intervalle de 36 à 44 heures.

En raison de leurs gains horaires plus faibles et de leurs semaines de travail relativement plus courtes, la plupart des femmes ont contribué à moins de 45 % des gains familiaux totaux, faisant de la majorité d'entre elles le soutien secondaire pour ces deux années. Cependant, de 1997 à 2008, la proportion de femmes représentant le soutien principal ou le soutien égal a augmenté, passant de 37 % à 42 %. La convergence progressive des heures et des rémunérations horaires des conjoints et des conjointes dans les couples comptant deux soutiens laisse entendre que les rôles économiques dans les familles continuent à évoluer et que la « contribution financière à part égale des ménages est en hausse » [traduction] (Raley et coll., 2006). Les changements de rôle de soutien de famille, comme celui qui survient lorsqu'une femme devient le soutien de famille principal ou lorsqu'une conjointe contribue autant ou plus en termes d'heures mais reste le salarié secondaire, peuvent entraîner des changements sociaux et psychologiques au sein de la famille. Les « implications des nouvelles modalités de gain pour le bonheur et le bien-être marital des couples » [traduction] méritent des études plus approfondies (Raley et coll., 2006).

Conclusion

Les heures de travail rémunéré combinées des couples ont augmenté, passant d'une moyenne de 58 par semaine en 1976 à une moyenne de 65 en 2008. Cependant, ces chiffres cachent deux tendances sous-jacentes, à savoir des changements dans le type de famille à soutien et dans les dynamiques des gains entre les conjoints. Le nombre de couples comptant deux soutiens est passé de 1,9 million (43 % des couples) à 4,2 millions (68 % des couples). Cependant, la moyenne des heures combinées des couples comptant deux soutiens est restée constante, à environ 77 par semaine.

Le nombre croissant de familles comptant deux soutiens travaillant à plein temps continue de faire de la conciliation travail-vie personnelle un problème important. Moins de familles ont un parent à domicile, à plein temps ou à temps partiel, pour les aider à s'occuper du ménage, pour assurer la garde des enfants et, de plus en plus, pour assurer des services aux aînés. Un nombre plus faible de familles comptant un soutien laisse entendre qu'« un déclin du soutien à domicile plutôt qu'une hausse des périodes de travail des individus souligne le sentiment croissant que les familles manquent de temps et que le travail et la vie de famille sont en conflit » [traduction] (Jacobs et Gerson, 2001). Environ un homme sur quatre dans les familles comptant deux soutiens avec de jeunes enfants à domicile, et plus d'une femme sur trois, ont signalé manquer sérieusement de temps, une situation liée à des taux bien plus bas de satisfaction relative à la conciliation travail-vie personnelle. Évidemment, les femmes ont aussi exprimé une plus grande insatisfaction en matière de conciliation travail-vie personnelle (CTV) par rapport à leurs homologues masculins. Chose intéressante, la majorité des hommes et des femmes ayant exprimé un important manque de temps et une insatisfaction en matière de CTV ont signalé leur préférence pour le nombre d'heures actuelles de travail voire, pour plus d'heures, ce qui laisserait entendre que dans certains cas la sécurité économique de la famille est peut-être considérée comme plus importante que le bien-être personnel. Il existe de plus en plus de documents relatifs au besoin d'un lieu de travail offrant un soutien familial, y compris des guides pour aider les employeurs, les gestionnaires et les décideurs à introduire de tels accommodements (voir, par exemple, Barrette, 2009 et Lero et coll., 2009).

Les structures de rémunération au sein des familles comptant deux soutiens ont aussi changé. La moyenne des heures hebdomadaires des conjoints et des conjointes a convergé en passant d'une différence de plus de 9 en 1997 (43,3 et 33,8 respectivement) à un peu plus de 7 en 2008 (42,0 et 34,7), plaçant ainsi les deux tiers des couples dans une même catégorie de nombre d'heures de travail (un écart d'au plus 10 % séparant leurs heures). Cependant, la combinaison d'heures relativement moins élevées et de gains horaires plus faibles a placé plus de la moitié des femmes (57 %) comme soutien secondaire en 2008 étant donné qu'elles représentaient moins de 45 % des gains familiaux totaux. En moyenne, les couples gagnaient 1 770 $ par semaine avant impôts, soit 1 040 $ par conjoint et 740 $ par conjointe.

Le niveau de scolarité et le potentiel de gains croissants des femmes leur offrent plus de possibilités pour contribuer à niveau égal ou à un niveau supérieur au revenu familial, mais certains facteurs ont un effet négatif : l'écart de gains entre les hommes et les femmes, les attentes sociales en matière de premier rôle de soutien de famille et les choix personnels et familiaux relatifs aux modalités de travail rémunéré et non rémunéré (Raley et coll., 2006). Toutefois, les femmes et les hommes plus jeunes ont tendance à avoir des visions plus neutres sur les rôles familiaux étant donné que la plupart ont grandi dans des ménages comptant deux soutiens. Comme l'entrée de ces plus jeunes cohortes dans la population active se poursuit, on pourrait assister à des changements encore plus importants dans les tendances de l'emploi et des gains au sein des familles.

Sources des données et définitions

L'Enquête sur la population active (EPA) est une enquête-ménage mensuelle qui recueille des renseignements concernant l'activité sur le marché du travail durant une période d'une semaine et elle couvre toutes les personnes âgées de 15 ans et plus. L'enquête porte notamment sur des questions concernant les heures hebdomadaires habituelles et réelles passées à exercer un emploi principal et tout autre emploi. Ce document examine les heures travaillées habituellement, ce qui reflète mieux l'emploi du temps de travail hebdomadaire moyen ou régulier des familles.

L'Enquête sociale générale (ESG) est une enquête-ménage annuelle qui recueille des renseignements relatifs à un large éventail de tendances sociales et d'enjeux politiques. Les données sont recueillies mensuellement par un membre du ménage âgé de 15 ans ou plus. Deux des cycles relatifs au temps utilisé, 1998 et 2005, ont recueilli des renseignements sur les « horaires surchargés » (voir définition ci-dessous) et sur la préférence relative aux heures de travail parmi les personnes occupant un emploi à plein temps.

La population cible comprend tous les couples mariés et les couples en union libre dont au moins un conjoint occupe un emploi au moment de l'enquête. Les couples comptant un seul soutien sont ceux dont un des deux conjoints occupe un emploi et l'autre est en chômage ou ne fait pas partie de la population active. Les couples comptant deux soutiens sont ceux dont les deux conjoints occupent un emploi pendant la semaine de référence de l'enquête. Les couples comptant deux soutiens peuvent également être définis comme étant le conjoint et la conjointe déclarant un revenu d'emploi au cours de l'année précédente. Le taux des familles comptant deux soutiens en fonction de la participation actuelle au marché de l'emploi sera inférieur à celui qui sera calculé en utilisant le taux du revenu d'emploi annuel. L'EPA recueille les renseignements relatifs à l'activité sur le marché du travail au niveau de chaque personne. Pour cette étude, les facteurs de pondération du nombre total d'individus ont été divisés par deux pour refléter le nombre de couples. Par exemple, en 2008, les 12 188 000 conjoints et conjointes de mêmes ménages correspondent à 6 094 000 couples.

Les heures effectivement travaillées pendant la semaine de référence incluent les heures supplémentaires rémunérées ou non rémunérées. Cette mesure reflète les augmentations et les diminutions temporaires du nombre d'heures travaillées chaque semaine en raison de maladie, de vacances, d'heures supplémentaires et d'horaires de travail irréguliers.

Les heures habituellement travaillées ne comprennent pas les heures supplémentaires. Pour les employés autonomes, elles font référence au nombre habituel d'heures travaillées pour leur entreprise au cours d'une semaine type, qu'elles soient payées ou non. La définition des heures habituelles est restée inchangée pour le travailleur autonome depuis 1976. Toutefois, avant 1997, les employés devaient inclure les heures supplémentaires dans leurs estimations si celles-ci étaient habituelles dans leur emploi du temps. Même si le changement pourrait entraîner une légère tendance à la baisse dans les estimations des heures habituelles, il n'est pas censé être problématique pour cette étude étant donné que l'accent est mis sur les dynamiques du changement au sein des familles. En d'autres termes, toute tendance à la baisse dans les estimations influerait de la même façon sur les heures des conjoints et des conjointes.

Les catégories de soutien secondaire, de soutien égal et de soutien principal sont déterminées en fonction de la contribution de chaque conjoint au niveau du temps global passé en travail rémunéré par semaine et en fonction de leurs rémunérations horaires et hebdomadaires. Les partenaires sont définis comme ayant les mêmes heures ou des heures ou des gains égaux s'ils représentent de 45 % à 55 % du total, comme secondaire s'ils représentent moins de 45 % et principal s'ils représentent plus de 55 %. Plusieurs études ont utilisé l'écart de 10 % pour représenter « égal » tandis que d'autres ont utilisé un écart plus grand, soit 20 % (Warren, 2004).

La collecte des renseignements relatifs aux gains a commencé en 1997 pour tous les employés pour leur emploi principal. Les répondants doivent consigner leur taux de rémunération horaire ou leur salaire de base (hebdomadaire, bihebdomadaire, etc.) avant impôts et autres retenues, y compris les pourboires, les commissions ou les primes. Les gains horaires et hebdomadaires sont calculés en utilisant les heures habituelles hebdomadaires de travail rémunéré.

Le stress lié aux horaires surchargés est déterminé par le nombre de réponses positives à 10 déclarations :

  • Je prévois ralentir mon rythme de vie au cours de la prochaine année;
  • Je me considère comme un bourreau de travail;
  • J'ai tendance à réduire mes heures de sommeil lorsque j'ai besoin de plus de temps;
  • À la fin de la journée, j'ai souvent l'impression que je n'ai pas accompli ce que je voulais accomplir;
  • Je crains de ne pas passer assez de temps avec ma famille ou mes amis;
  • Je suis constamment tendu parce que je veux en accomplir plus que je ne peux en faire;
  • Je me sens pris dans une routine quotidienne;
  • Je sens que je n'ai plus le temps de m'amuser;
  • Je me sens souvent tendu lorsque je manque de temps;
  • J'aimerais passer plus de temps seul.

Une personne qui répond « oui » à au moins sept de ces énoncés est considérée comme une personne ayant des horaires extrêmement surchargés (Frederick, 1993).

Perceptions et préférences des familles comptant deux soutiens

Le temps devient un élément plus précieux lorsque l'on en a moins, et sans doute, les familles comprenant deux soutiens occupés à plein temps et des enfants d'âge préscolaire à domicile sont confrontés à des contraintes de temps relativement élevées. Outre le fait que le niveau de garde soit plus intense pour les jeunes enfants, les parents peuvent aussi être « touchés par la tension générée par les difficultés liées à la garde de jour » [traduction] (Barrette, 2009). En effet, 24 % des hommes et 38 % des femmes dans de telles familles signalent un grand stress lié aux horaires surchargés (tableau 4). Une personne ressent un stress important lié au manque de temps si elle a répondu « oui » à au moins 7 déclarations sur 10, y compris : « À la fin de la journée, j'ai souvent l'impression que je n'ai pas accompli ce que je voulais accomplir » ou « Je sens que je n'ai plus le temps de m'amuser » (voir Sources des données et définitions pour plus de détails). L'âge et la période de la vie jouent un rôle étant donné qu'aussi bien les hommes que les femmes sans enfant à charge à domicile présentent des taux de stress lié au manque de temps bien moins élevés.

Comme mentionné dans d'autres études, sans tenir compte de la présence ou de l'âge des enfants à domicile, les femmes occupant un emploi ont tendance à présenter des taux plus élevés de stress lié au manque de temps par rapport aux hommes occupant un emploi. Certaines explications possibles de cette différence peuvent être le temps disponible, les normes sociales relatives à ce que représente un parent qui réussit et la qualité du temps libre personnel (Marshall, 2006; Nomaguchi et coll., 2005). Les taux de stress lié au manque de temps pour l'année 2005 sont très similaires à ceux des parents travaillant tous les deux en 1992 et en 1998. Même si le degré de stress lié au manque de temps n'augmente peut-être pas chez les familles comptant deux soutiens, le nombre de personnes touchées est probablement plus élevé du fait de l'augmentation du nombre de familles comptant deux soutiens.

Il n'est pas surprenant de constater que le degré de satisfaction par rapport à la conciliation travail-vie personnelle diminue à mesure que le niveau de stress lié au manque de temps augmente. Par exemple, plus de 90 % des hommes et des femmes dans des familles comptant deux soutiens et présentant un faible taux de stress lié au manque de temps se disent satisfaits de leur conciliation travail-vie personnelle, tandis que seulement la moitié de ceux présentant des taux élevés de stress lié au manque de temps se disent également satisfaits (graphique E). Un stress excessif lié au manque de temps est rattaché à une sensation moindre de bien-être pour les mères et les pères (Nomaguchi et coll., 2005). De plus, une exposition à long terme à un conflit travail-famille peut aussi avoir des conséquences négatives sur la santé physique (p. ex. hypertension, troubles cardiovasculaires, migraines) et sur la santé psychologique (p. ex. dépression, anxiété, irritabilité) (Frone, 2000 et Barrette, 2009).

Sur la question des préférences relatives aux heures de travail, la même proportion (60 %) d'hommes et de femmes d'une famille comptant deux soutiens et travaillant à plein temps a opté pour les mêmes heures et le même salaire (tableau 5). Un peu plus d'une personne sur 10 préférerait plus d'heures pour un meilleur salaire, tandis que 13 % des hommes et 16 % des femmes préféreraient moins d'heures pour un moindre salaire. Tandis qu'aucune différence n'a été observée en ce qui a trait aux préférences signalées pour les heures de travail parmi les hommes et les femmes sans enfant d'une famille comptant deux soutiens, le désir de travailler moins d'heures a augmenté pour atteindre 20 % pour les femmes ayant des enfants à domicile, et inversement, le désir de travailler plus d'heures a augmenté chez les hommes ayant des enfants d'âge préscolaire (19 %). Même parmi ceux présentant des niveaux élevés de stress lié au manque de temps ou une insatisfaction concernant la conciliation travail-vie personnelle, seulement environ un quart des hommes et des femmes ont signalé une préférence pour travailler moins d'heures et une personne sur 10 préférerait travailler encore plus d'heures, tandis que la moitié sont satisfaits de garder leur nombre d'heures actuelles. La réalité pourrait être la suivante : même si les personnes se sentent trop occupées, elles peuvent aussi avoir le sentiment qu'elles n'ont pas les moyens financiers de réduire leurs heures de travail rémunéré.

Tableau 4 Stress lié au manque de temps chez les couples à deux soutiens occupés à temps pleinTableau 4 Stress lié au manque de temps chez les couples à deux soutiens occupés à temps plein

Tableau 5 Préférences liées aux heures de travail chez les couples à deux soutiens occupés à temps pleinTableau 5 Préférences liées aux heures de travail chez les couples à deux soutiens occupés à temps plein

Graphique E Chez les couples à deux soutiens occupés à temps plein, la satisfaction quant à la conciliation travail-vie recule lorsque le stress lié au manque de temps croîtGraphique E Chez les couples à deux soutiens occupés à temps plein, la satisfaction quant à la conciliation travail-vie recule lorsque le stress lié au manque de temps croît

 


Notes

  1. Pour faciliter la description, les hommes et les femmes dans tous les couples, mariés et en union libre, sont désignés sous les termes « conjoints » et « conjointes ».
  2. Les couples comptant deux soutiens peuvent également être définis comme des conjoints ayant occupé tous les deux un emploi au cours de l'année précédente. Voir Sources des données et définitions pour obtenir de plus amples renseignements.
  3. La convergence du temps passé à effectuer les tâches ménagères vient du fait que les conjointes y consacrent moins de temps par semaine (baisse de 17 à 15 heures entre 1992 et 2005) et que les conjoints y consacrent plus d'heures (hausse de 9 à 10) (Marshall, 2006). Les données sur l'emploi du temps de l'Enquête sociale générale montrent que les heures de travail rémunéré des couples comptant deux soutiens augmentent tandis que l'EPA indique que les heures sont stables. Cette variation peut être due en partie aux méthodes de collecte et aux définitions différentes entre les deux enquêtes.
  4. Même si les familles dans lesquelles seule la conjointe travaille sont celles qui ont connu la croissance relative la plus importante (13 %), la moyenne de leurs gains en 2008 (670 $) était encore très inférieure à celle des familles où seul le conjoint travaille (1 025 $) ou à celle des familles comptant deux soutiens. La moyenne du total des revenus hebdomadaires de tous les couples ayant un emploi rémunéré (1 590 $) en 2008 cache le fait qu'une famille sur cinq a seulement un revenu d'emploi et que leurs gains ne représentent qu'environ la moitié de cette moyenne.

Documents consultés

Auteur

Katherine Marshall est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut la joindre au 613-951-6890 ou à perspective@statcan.gc.ca.

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