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Les immigrants dans les régions

par André Bernard

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Les immigrants récents ont connu plus de difficultés à s'intégrer au marché du travail que les cohortes d'immigrants qui les ont précédés dans les années 1970 et 1980. Depuis les années 1990, les cohortes d'immigrants ont enregistré, durant leurs premières années passées au pays, des gains largement inférieurs à ceux des autres Canadiens, et la croissance de leurs gains au cours des années suivantes n'a pas été assez rapide pour atteindre la parité entre les revenus (Frenette et Morissette, 2003).

La population des immigrants a beaucoup changé au cours des dernières décennies, le pays d'origine figurant parmi les changements les plus spectaculaires. Les immigrants viennent de plus en plus d'Asie (en particulier, la Chine, l'Inde et les Philippines) que des États-Unis ou des pays d'Europe comme le Royaume-Uni et l'Italie. En conséquence, la proportion d'immigrants qui parlent une autre langue que le français ou l'anglais à la maison a fortement augmenté (Citoyenneté et Immigration Canada, 2005a).

Parallèlement, les immigrants détenant un diplôme universitaire sont de plus en plus nombreux. Parmi les immigrants arrivés entre 1996 et 2001, plus d'un tiers détenaient un diplôme universitaire, soit une proportion deux fois plus importante que celle des Canadiens de naissance (CIC, 2005a). Les immigrants récents sont aussi beaucoup plus susceptibles de faire partie de la catégorie « économique », qui désigne les immigrants qualifiés selon les critères d'admission, résultat des politiques visant justement à favoriser leur entrée au Canada. Puisque cela devrait normalement se traduire par une amélioration des résultats économiques des immigrants, les détériorations observées au cours des dernières années ont suscité de grandes inquiétudes (Picot, Hou et Coulombe, 2007).

Une tendance qui a particulièrement retenu l'attention est la concentration de plus en plus importante des immigrants dans les villes de Toronto et Vancouver. La proportion s'établissant dans ces deux villes est en effet passée de 43 % pour les immigrants admis avant 1986 à 61 % pour ceux admis entre 1996 et 2001 (CIC, 2005a). Si relativement peu d'immigrants choisissent de s'établir à l'extérieur des grands centres urbains, l'immigration suscite néanmoins beaucoup d'intérêt dans les plus petites communautés. Ces dernières, notamment les milieux plus ruraux, font souvent face à des populations en déclin, et l'immigration peut représenter un potentiel de redynamisation économique. Une répartition géographique mieux équilibrée de l'immigration est d'ailleurs généralement reconnue comme souhaitable (CIC, 2001). Certaines politiques spécifiques ont d'ailleurs déjà été mises sur pied pour attirer davantage d'immigrants dans certaines régions rurales du pays1.

Résultats économiques défavorables des immigrants

La concentration des nouveaux immigrants s'établissant dans les très grands centres urbains suggère d'examiner de plus près les différences entres les grands centres urbains et le reste du pays. Se pourrait-il que certaines difficultés d'intégration économique soient surtout le reflet des problèmes éprouvés dans les grands centres urbains?

Évidemment, tout nouveau venu sur le marché du travail, qu'il soit immigrant ou non, doit surmonter certains défis tels que le manque d'expérience de travail, l'inadéquation entre les connaissances acquises à l'école et les exigences de l'industrie, de même que le manque d'information sur les possibilités d'emploi. Cependant, les immigrants doivent surmonter des difficultés supplémentaires, comme la reconnaissance de leurs titres de compétences acquis à l'étranger, le manque encore plus important d'information sur les exigences du marché du travail et les possibilités d'emploi, ainsi que leur connaissance parfois imparfaite d'une des langues officielles du Canada. La discrimination peut également représenter une difficulté, étant donné que les immigrants sont de plus en plus susceptibles d'être membres de minorités visibles (Hum et Simpson, 2004).

L'examen des tendances du revenu des immigrants en termes absolus au fil des ans ne fournirait qu'un portrait bien incomplet de l'intégration économique. Des revenus très élevés ne suggèrent pas nécessairement une bonne intégration si les revenus des autres Canadiens sont encore plus élevés. C'est pourquoi le recours à des mesures de revenus relatifs est nécessaire.

L'intégration économique peut être mesurée par deux éléments : l'écart de revenu initial entre les immigrants et l'ensemble des Canadiens, et la rapidité avec laquelle cet écart s'amenuise au fil des années. Compte tenu de tous les facteurs mentionnés ci-dessus, il est prévisible que le revenu des immigrants soit plus faible au moment de leur établissement. Toutefois, une bonne intégration économique entraînerait rapidement une diminution de cet écart jusqu'à l'atteinte d'une parité après quelques années. Cette mesure de l'intégration économique n'est pas la seule qui peut être étudiée. L'intégration économique est en effet un phénomène complexe qui comprend d'autres éléments que le revenu, comme la participation au marché du travail.

Les immigrants moins enclins à s'établir dans les petits centres urbains

La répartition des immigrants selon cinq types de régions définis aux fins de cette étude (voir Sources des données et définitions) est bien inégale et ne reflète en rien la répartition de la population canadienne. Si près de 34 % des Canadiens de 20 ans ou plus habitent dans un des trois plus grands centres urbains du pays (Toronto, Montréal et Vancouver), près de 75 % des immigrants en font autant. À l'inverse, si un peu plus d'un Canadien sur cinq habite dans une petite ville ou une région rurale de moins de 15 000 habitants, la proportion d'immigrants correspondante chute à un sur quarante (graphique A).

Les immigrants des grandes villes et ceux des petites villes ne sont pas si différents (tableau 1). Les immigrants des plus petites régions sont légèrement moins susceptibles que l'ensemble des Canadiens à détenir un grade universitaire. Par contre, ils sont plus susceptibles d'avoir fait des études postsecondaires sans obtention d'un grade universitaire. Les immigrants des petites régions sont aussi moins susceptibles d'être des réfugiés, mais on compte des proportions comparables d'immigrants appartenant à la catégorie économique des travailleurs qualifiés et d'immigrants appartenant à la classe familiale dans tous les types de régions. Sachant que la connaissance d'une langue officielle est plus cruciale dans les plus petites régions étant donné la plus faible diversité linguistique, on constate qu'il y a quand même un immigrant sur quatre habitant une petite ville ou une région rurale qui n'avait pas de connaissance d'une langue officielle lors de son établissement (comparativement à près de deux sur cinq dans les très grandes régions urbaines).

Les différences de composition les plus frappantes entre les types de régions sont celles relatives au pays d'origine. Les immigrants vivant dans les petites régions proviennent majoritairement d'Europe et des États-Unis, contrairement aux immigrants dans les grands centres urbains qui sont davantage originaires d'Asie. Néanmoins, plus d'un immigrant sur quatre habitant dans les plus petites régions est originaire d'Asie, et les proportions d'immigrants originaires d'Afrique dans les très grandes régions urbaines et les petites régions urbaines sont comparables.

Les immigrants gagnent généralement moins, mais l'écart est plus faible en régions moins urbanisées

Pour l'ensemble des Canadiens, vivre dans une grande région métropolitaine est synonyme de revenus plus élevés. Les revenus médians des Canadiens habitant dans les très grandes et les grandes régions urbaines sont de 28 100 $ et de 30 500 $ respectivement, comparativement à 22 500 $ dans les petites villes et les régions rurales (graphique B). La différence est donc significative.

Chez les immigrants, la tendance est inverse. Les revenus des immigrants sont les plus bas dans les très grandes régions urbaines (médiane de 16 800 $) et les plus élevés dans les petites régions urbaines (médiane de 19 500 $), ce qui représente une différence de 16 %. Les revenus des immigrants habitant dans les petites villes et les régions rurales (médiane de 18 800 $) sont également supérieurs de manière significative (de 12 %) à ceux des immigrants dans les très grandes régions urbaines.

Ainsi, bien que les immigrants aient un revenu plus faible dans tous les types de régions, l'écart se rétrécit à mesure qu'on se déplace le long du gradient d'urbain à rural. Dans les très grandes régions urbaines, l'écart entre le revenu médian des immigrants et celui des Canadiens est fort important, se situant à 67 %. Dans les petites régions urbaines, l'écart chute à 32 %, tandis que dans les petites villes et les régions rurales, il n'est plus que de 20 %.

Intégration économique plus rapide dans les plus petites régions

L'intégration économique comporte deux aspects : l'écart initial de revenu au moment de l'établissement entre les immigrants et les Canadiens, puis la vitesse de convergence ou le rattrapage subséquent à mesure que les années passent.

L'intégration des immigrants habitant dans les petites régions moins urbanisées est meilleure, et cet avantage s'accentue au fil des ans. Dans les très grandes régions urbaines, l'écart initial de revenu est de 37 %. Cet écart diminue progressivement, mais de façon plutôt lente. Après quatre ans, il est toujours de 22 %, et il faut attendre la douzième année pour qu'il tombe sous le seuil de 10 % (graphique C). En revanche, dans les petites régions urbaines, l'écart initial n'est que de 14 %, et dès la quatrième année, les immigrants gagnent 2 % de plus que les Canadiens. L'avantage relatif des immigrants continue d'augmenter au cours des années pour atteindre un sommet de 18 % à la onzième année.

Dans les petites villes et les régions rurales, l'avantage des immigrants est encore plus prononcé. Dès leur première année comme résidents permanents, leur revenu moyen est 4 % plus élevé que celui des Canadiens. À leur treizième année, les immigrants bénéficient d'un avantage relatif sur le plan du revenu de 19 %.

Les groupes d'immigrants les plus vulnérables s'intègrent rapidement dans les petites régions

Les immigrants habitant dans les plus petites régions, bien que possédant des caractéristiques diversifiées, sont plus susceptibles d'avoir une connaissance préalable d'une langue officielle et moins susceptibles d'avoir complété au plus des études secondaires ou d'être des réfugiés. Les groupes d'immigrants ayant terminé au plus des études secondaires, ceux n'ayant pas de connaissance d'une langue officielle ainsi que les réfugiés sont examinés plus en détails. L'examen des données concernant les réfugiés est particulièrement important puisque ces derniers s'établissent au Canada dans un contexte totalement différent de celui des immigrants qualifiés de la catégorie économique.

Pour chacun de ces groupes, l'intégration économique est considérablement meilleure dans les plus petites régions que dans les grands centres urbains. Les immigrants ayant terminé au plus leurs études secondaires enregistrent un écart initial défavorable de leur revenu de 46 % dans les très grandes régions urbaines, comparativement à 23 % dans les petites villes et les régions rurales (graphique D). La convergence est d'ailleurs très lente dans ces grandes villes : après 13 ans, l'écart est toujours de près de 20 %. Cependant, dans les petites villes et les régions rurales, on observe un rattrapage plutôt rapide, si bien qu'à partir de la cinquième année et pour la plupart des années subséquentes, l'écart est largement inférieur à 10 %2.

On observe un phénomène similaire parmi les immigrants n'ayant pas de connaissance préalable d'une des deux langues officielles du Canada. L'écart initial est plus faible dans les petites villes et les régions rurales (écart de 31 %) que dans tout autre type de régions, particulièrement dans les très grandes régions urbaines (écart de 50 %), et la croissance subséquente de leur revenu relatif y est également beaucoup plus rapide (graphique E).

Les réfugiés, bien qu'ils ne représentent que 5 % des immigrants des petites villes et des régions rurales, s'intègrent très rapidement sur le plan économique. Leur intégration est si rapide qu'après seulement un an, leur revenu est de 10 % supérieur à celui des Canadiens qui habitent dans ce type de régions (graphique F). À titre de comparaison, les réfugiés des très grandes régions urbaines présentent un écart initial de revenu de 43 % et, après 13 ans, cet écart défavorable dépasse légèrement la barre des 20 %. Dans les autres types de régions, les réfugiés touchent généralement un revenu plus faible. Néanmoins, dans les plus petites régions, l'écart est plus faible.

Seuls les immigrants des États-Unis et de l'Océanie s'intègrent mieux sur le plan économique dans les plus grandes villes

Seuls les immigrants provenant des États-Unis (et dans une moindre mesure, de l'Océanie) s'intègrent plus rapidement sur le plan économique dans les grandes villes que dans les petites villes (données non présentées). Tous les autres immigrants, en particulier ceux d'Asie, présentent un écart initial plus faible et une croissance relative subséquente de leur revenu plus élevée dans les petites villes.

L'avantage des plus petites régions persiste lorsqu'on neutralise les caractéristiques des immigrants

Même en tenant compte des différentes caractéristiques propres aux immigrants ainsi que d'autres caractéristiques observables communes à l'ensemble des Canadiens, l'intégration économique est beaucoup plus rapide à l'extérieur des très grands centres urbains (tableau 2; voir aussi Régression linéaire).

Les immigrants de la catégorie d'admission économique s'intègrent difficilement dans les très grands centres urbains, peu importe leur niveau de scolarité, leur connaissance d'une langue officielle ou leur pays d'origine. Pour presque tous les groupes d'immigrants considérés, la parité n'est pas atteinte même après 13 ans, ce qui est le maximum observable avec les données. En fait, seuls ceux possédant un grade universitaire, ayant une connaissance d'une langue officielle et provenant d'une région autre que l'Afrique et l'Asie réussissent éventuellement à atteindre la parité. Et malgré cela, ces immigrants doivent attendre sept ans pour y arriver.

Par contre, lorsqu'ils habitent dans une petite région urbaine ou dans une région rurale, ces mêmes immigrants parviennent généralement à s'intégrer assez rapidement, surtout lorsqu'ils détiennent un grade universitaire au moment de leur établissement. En fait, tous les groupes d'immigrants possédant un tel grade atteignent la parité en un maximum de quatre ans, et plusieurs y arrivent dès la première année. On observe tout de même, dans nombre de cas, une meilleure intégration économique dans les plus petites régions même pour les immigrants possédant au plus, lors de leur établissement, un diplôme d'études secondaires.

Quant aux réfugiés, le contraste entre les très grandes régions urbaines et les petites régions urbaines et rurales est encore plus frappant. Dans les très grandes régions urbaines, aucun groupe n'atteint la parité dans les 13 années suivantes.

Les réfugiés des petites régions urbaines, des petites villes et des régions rurales s'intègrent bien sur le plan économique, surtout s'ils détiennent un grade universitaire au moment de leur établissement. Pour la grande majorité des groupes, les réfugiés vivant dans les petites villes et les régions rurales atteignent la parité des revenus très rapidement. Ceux qui détiennent un grade universitaire atteignent la parité dès la première année, peu importe leur pays d'origine ou leur connaissance préalable d'une langue officielle. Les réfugiés qui détiennent au plus un diplôme d'études secondaires ont de meilleurs résultats que ceux habitant dans les très grands centres urbains.

Facteurs liés à la meilleure intégration économique des immigrants dans les régions moins urbanisées

Il est difficile d'identifier clairement les facteurs expliquant une meilleure intégration économique des immigrants dans les plus petites régions. Étant donné le faible nombre de variables portant sur les caractéristiques des personnes dans la banque de données, il est vraisemblable qu'une bonne partie des différences trouvées ne soient que le fruit de certains facteurs inobservables propres aux immigrants, et non pas aux régions.

Par contre, il est permis d'examiner différentes hypothèses. On sait que les difficultés à faire reconnaître la scolarité acquise à l'étranger, le manque d'information sur les exigences du marché du travail et les possibilités d'emploi, ainsi que la connaissance parfois imparfaite d'une des langues officielles sont des exemples de facteurs pouvant ralentir l'intégration économique des immigrants.

En ce qui concerne la scolarité, l'effet des titres universitaires acquis à l'étranger sur le revenu relatif est plus important dans les régions moins urbanisées. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure cela s'explique par une meilleure capacité des immigrants habitant dans les plus petites régions à traduire la scolarité acquise à l'étranger en revenu ou par le fait qu'on trouve dans ces régions une proportion moins importante de diplômés universitaires parmi la population en général. D'après le Recensement de 2001, les taux de diplômés universitaires chez les adultes âgés de 25 à 64 ans sont de 30 % dans les très grandes régions urbaines (Montréal, Toronto et Vancouver) et de 16 % dans les régions de moins de 100 000 habitants. Chez les nouveaux immigrants, les différences selon le niveau de scolarité au moment de l'établissement sont beaucoup moins prononcées (tableau 1). Les immigrants ayant un grade universitaire font particulièrement bonne figure dans les plus petites régions (graphique D), et les études postsecondaires (pas uniquement universitaires) à l'étranger se traduisent par un avantage beaucoup plus marqué chez les immigrants habitant dans les plus petites régions. Toutefois, même les immigrants les moins scolarisés affichent une meilleure intégration économique dans les petites régions urbaines ainsi que dans les petites villes et régions rurales.

Le manque d'information sur les exigences du marché et les possibilités d'emploi laissent entendre que l'établissement d'un réseau, qu'il soit formel ou informel, avec les non-immigrants est souvent inévitable dans les plus petites régions, précisément en raison de la faible proportion d'immigrants qu'on y retrouve. En retour, ce réseau peut s'avérer essentiel à une bonne intégration économique, même si la faible proportion d'immigrants peut engendrer certains désavantages sur d'autres plans. Cela ne veut pas dire que les immigrants habitant dans les petites régions ne feront pas face aux mêmes difficultés inhérentes au marché du travail local que n'importe quel autre de leurs voisins. Ils seront plutôt moins susceptibles que les immigrants dans les grands centres urbains d'être désavantagés du seul fait qu'ils sont des immigrants.

Le manque de connaissance d'une langue officielle ne constitue pas un handicap aussi important à l'extérieur des grands centres. Dans les très grands centres urbains, aucun des groupes d'immigrants n'ayant pas de connaissance préalable d'une langue officielle ne parvient à la parité des revenus après 13 ans. Dans le cas des petites villes et des régions rurales, plusieurs groupes y arrivent, notamment les réfugiés. On peut en conclure que ces immigrants sont plus susceptibles d'apprendre rapidement une langue officielle s'ils habitent dans une région à plus forte proportion de francophones ou d'anglophones, de sorte qu'ils peuvent surmonter cette barrière linguistique beaucoup plus rapidement que dans les très grandes régions urbaines.

Les données permettent également, dans une large mesure, d'exclure au moins une autre hypothèse qui pourrait être avancée. Bien que les immigrants habitant dans les petites villes et les régions rurales soient plus susceptibles d'être originaires d'Europe et des États-Unis, cela n'explique pas leur avantage par rapport aux immigrants vivant dans les grands centres urbains. Les résultats bruts des régressions suggèrent que dans les petites villes et les régions rurales, l'effet du pays d'origine sur l'avantage au chapitre du revenu est très faible et ne favorise pas nécessairement les immigrants en provenance d'Europe, des États-Unis ou de l'Océanie. Ensuite, les immigrants des États-Unis sont les seuls à avoir une intégration économique plus rapide dans les très grandes régions urbaines. En d'autres mots, il y a fort à parier que les écarts trouvés seraient encore plus importants si la répartition selon le pays d'origine dans les petites villes et les régions rurales s'approchait davantage de celle dans les très grandes régions urbaines.

Évidemment, de nombreux autres facteurs peuvent influer sur la capacité d'intégration des immigrants. On peut penser notamment aux infrastructures d'accueil, qu'elles soient de nature gouvernementale, communautaire ou informelle, aux différents niveaux de discrimination dont peuvent faire l'objet les immigrants, ou à la motivation de ces derniers à intégrer le marché du travail. Les données de cette étude ne permettent pas de mesurer ces facteurs.

Écarts stables entre les divers types de régions

L'étude des trois cohortes d'immigrants montre une étonnante stabilité dans les différences entre régions urbaines et rurales à travers le temps. De 1994 à 1996, les immigrants arrivés en 1992 et 1993 ont présenté des revenus relatifs de 32 % plus élevés dans les petites villes et les régions rurales que dans les très grandes régions urbaines. Chez les immigrants arrivés en 2001 et 2002, cette différence n'a que légèrement diminué, passant à 27 % pour les années 2003, 2004 et 2005. L'avantage comparatif des petites régions urbaines par rapport aux très grandes régions urbaines est passé de 24 % à 25 % (données non présentées).

Conclusion

Le bien-être économique des immigrants est crucial pour un pays comme le Canada, qui dépend beaucoup de l'immigration pour assurer sa croissance démographique. L'endroit où les immigrants choisissent de s'établir semble avoir une incidence sur leur intégration économique. En effet, cette dernière est beaucoup plus rapide à l'extérieur des très grands centres urbains, où ils s'établissent pourtant en grande majorité. À l'inverse, ceux qui choisissent de s'établir à l'extérieur de ces grands centres ont des revenus qui sont plus semblables à ceux des autres Canadiens. Ce désavantage initial des immigrants, lorsqu'il existe, disparaît généralement après quelques années.

Au contraire, dans les très grands centres urbains, les immigrants font face à un désavantage initial important au chapitre du revenu, et les hausses subséquentes ne leur sont pas suffisantes pour atteindre la parité. Une meilleure intégration économique des immigrants à l'extérieur des très grands centres urbains est observée même après avoir tenu compte des différences liées au niveau de scolarité des immigrants au moment de l'établissement, à leur connaissance préalable d'une langue officielle, à leur catégorie d'admission et à leur pays d'origine.

Ces résultats mettent en perspective les différences importantes de revenu entre les immigrants récents et les autres Canadiens, signalées lors d'études précédentes. Il semble que ces différences soient, du moins en bonne partie, le fruit d'une dynamique propre aux très grands centres urbains.

Les immigrants vivant à l'extérieur des très grands centres urbains sont plus facilement en mesure de traduire leurs titres de compétences acquis à l'étranger en un avantage sur le plan du revenu. Ils sont plus susceptibles de surmonter leur manque de connaissance d'une langue officielle, apprenant le français ou l'anglais, et accroissant ainsi leur capacité d'engendrer un revenu plus rapidement.

Sources des données et définitions

La banque de Données administratives longitudinales (DAL) constitue un échantillon de 20 % du Fichier sur la famille T1 (T1FF), qui renferme les données transversales annuelles de tous les déclarants canadiens et de leur famille. Des familles de recensement sont créées d'après les renseignements fournis chaque année à l'Agence du revenu du Canada dans les déclarations de revenus des particuliers et les demandes de prestations fiscales canadiennes pour enfants. La banque DAL contient également des données tirées de la Base de données longitudinales sur les immigrants au sujet des caractéristiques des immigrants au moment de leur établissement.

L'échantillon a été limité aux personnes âgées de 20 ans ou plus.

Le revenu avant impôt comprend les gains d'emploi (74 % pour l'année 2005), d'autres revenus du marché comme les revenus de placement (14 %), et les transferts gouvernementaux (12 %). Les données sont exprimées en dollars constants de 2005. Seules les personnes dont le revenu est de plus de 1 000 $ sont incluses dans l'échantillon.

Un immigrant est défini aux fins de la présente étude comme toute personne ayant obtenu sa résidence permanente au Canada entre 1992 et 2003.

Le nombre d'années depuis l'établissement est établi en fonction de l'obtention de la résidence permanente (ce qui ne correspond pas toujours à l'arrivée de l'immigrant au pays). Seules les années complètes sont considérées, de sorte que les résultats relatifs à l'année d'établissement, au cours de laquelle l'immigrant n'a pas été un résident permanent pendant toute l'année, sont omis.

Les très grandes régions urbaines correspondent aux régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal, Toronto et Vancouver.

Les grandes régions urbaines représentent les autres RMR de plus de 500 000 habitants, soit Québec, Ottawa-Gatineau, Hamilton, Winnipeg, Calgary et Edmonton.

Les régions urbaines de taille moyenne correspondent aux 20 RMR dont la population est de 100 000 à 500 000 habitants.

Les petites régions urbaines représentent les agglomérations de recensement dont la population se situe entre 15 000 et 100 000 habitants.

Les petites villes et les régions rurales comprennent toutes les autres localités.

Les écarts de revenu entre les immigrants et l'ensemble de la population, selon l'année, depuis l'établissement, sont corrigés pour tenir compte de l'âge. Le revenu des immigrants est comparé au revenu médian de la population en général pour le même type de régions géographiques et pour le même groupe d'âge (13 groupes d'âge ont été définis). Cette correction est nécessaire puisque le nombre d'années depuis l'établissement est corrélé avec l'âge, et que l'âge est corrélé avec le revenu.

Régression linéaire

Les modèles de régression permettent de mesurer la contribution de certains facteurs d'intérêt pour l'explication d'un phénomène en exécutant un contrôle pour d'autres caractéristiques observables. Aux fins de la présente étude, on utilise le modèle de régression linéaire des moindres carrés ordinaires :

Ln(yitr/Yr) = α + β1X' + β2IMMIGRANT + β3(ANNÉES)' + β4(ORIGINE)' + β5(SCOLARITÉ)' + β6(CATÉGORIE)' + β7(LANGUE)' + εitr

La variable dépendante est une mesure de l'avantage sur le plan du revenu d'une personne. Il s'agit du ratio entre d'une part, le revenu de la personne i à l'année t vivant dans la région r et, d'autre part, le revenu médian (Y) de l'ensemble de la population de la région r (médiane du revenu en dollars constants, toutes les années prises en compte).

Un ratio égal à un signifie qu'il y a parité entre le revenu d'une personne et celui de ses voisins; un ratio supérieur (inférieur) à un signifie qu'il y a avantage (désavantage) sur le plan du revenu. Pour faciliter les calculs, on utilise le logarithme du ratio comme variable dépendante des régressions. De cette manière, les coefficients des variables explicatives peuvent être additionnés et s'interprètent comme des effets en pourcentage sur le ratio, ou, en d'autres mots, l'incidence en pourcentage sur l'avantage lié au revenu. L'élaboration de cette variable dépendante s'apparente à celle de Li (2003). Seules les personnes ayant un revenu de plus de 1 000 $ sont incluses dans les modèles de régression (tout comme pour les tableaux descriptifs), afin d'exclure celles qui ne participent pas au marché du travail ou qui sont des personnes à charge.

La régression considère toutes les personnes, et non pas seulement les immigrants. Les variables explicatives sont donc de deux types. Les variables de contrôle communes aux immigrants, comme à tous les autres Canadiens, sont comprises dans le vecteur X. Malheureusement, les données administratives qu'on utilise ne comportent qu'un nombre assez limité de variables portant sur les caractéristiques des personnes. La province de résidence, le type de famille, le groupe d'âge et le sexe de la personne sont néanmoins inclus dans le modèle. Des variables dichotomiques pour chacune des années 1992 à 2005 sont également comprises afin de prendre en compte l'effet du cycle économique.

Les autres variables explicatives incluses dans le modèle sont propres aux immigrants. Il y a d'abord une variable dichotomique déterminant les immigrants comme tels. Cette variable définit un effet initial de l'immigration pour ce qui est de l'avantage (ou le désavantage) sur le plan du revenu. Ensuite, des variables dichotomiques sont incluses, représentant chacune des années subséquentes à l'établissement (à partir de la deuxième année). Ces variables sont incluses dans le vecteur ANNÉES. Comme les données portent sur les années 1992 à 2005, il est possible de suivre les immigrants jusqu'à 13 ans après leur établissement (pour les immigrants arrivés en 1992). Le coefficient de la variable déterminant les immigrants donne une indication de l' « écart de revenu au moment de l'établissement » (coefficient qu'on présume négatif), tandis que les coefficients associés aux différentes années depuis l'établissement donnent une indication de la « vitesse de rattrapage » (coefficients qu'on présume positifs) des revenus des immigrants par rapport à ceux de l'ensemble des Canadiens habitant le même type de régions.

D'autres variables de contrôle propres aux immigrants sont ajoutées afin de prendre en compte les différences de caractéristiques entre les immigrants habitant dans les grands centres urbains et les immigrants vivant ailleurs au pays. Il s'agit d'une variable déterminant la catégorie d'admission de l'immigrant (catégorie économique, classe familiale, réfugiés et autres), la connaissance préalable d'une langue officielle, le niveau de scolarité au moment de l'établissement, de même que le pays d'origine de l'immigrant. Toutes ces variables propres aux immigrants (incluant le nombre d'années depuis l'établissement) sont multipliées par l'indicateur (prenant une valeur de 0 ou 1) désignant les immigrants, de sorte qu'elles prennent toutes une valeur de zéro pour les autres Canadiens.

On considère que la parité des revenus entre les immigrants d'une certaine catégorie et l'ensemble des Canadiens du même type de régions est atteinte après un certain nombre d'années lorsque le coefficient associé au statut d'immigrant additionné au coefficient associé à ce nombre d'années depuis l'établissement est égal ou supérieur à zéro, ce qui signifie que le rattrapage après l'établissement a été suffisant pour compenser les écarts de revenu initiaux défavorables. Afin de faire ce calcul pour chacun des groupes d'immigrants, on doit additionner les coefficients associés aux différentes caractéristiques d'intérêt, c'est-à-dire les coefficients associés aux variables CATÉGORIE, LANGUE, SCOLARITÉ et ORIGINE.

Pour vérifier si les différences entre régions urbaines et rurales se sont accentuées ou se sont amenuisées au cours de la période à l'étude, on effectue trois autres régressions. La forme de ces régressions est, en majeure partie, similaire. Cependant, les données de tous les types de régions sont regroupées et des variables déterminant les régions sont incluses dans le modèle, alors que les variables relatives au nombre d'années depuis l'immigration sont omises. Ainsi, les coefficients associés aux différents types de régions représentent des moyennes de l'avantage sur le plan du revenu associées aux types de régions. Les trois régressions permettent de comparer l'évolution des résultats selon trois cohortes d'immigrants : celle arrivée en 1992 et 1993, celle arrivée en 1997 et 1998 et finalement celle arrivée en 2001 et 2002.

Notes

  1. À titre d'exemple, le gouvernement fédéral a récemment annoncé de nouvelles mesures pour attirer des immigrants francophones dans les régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard (CIC, 2007). Le Rapport annuel au Parlement sur l'immigration de 2005 reconnaissait déjà le potentiel du Programme des candidats des provinces pour « faciliter l'établissement des immigrants dans des collectivités hors des trois grandes agglomérations urbaines du Canada » (CIC, 2005b, p. 19).
  2. La variable utilisée ne mesure que le niveau de scolarité au moment de l'établissement. Le recours subséquent à l'éducation, non observé ici, est vraisemblablement un facteur important associé à ces tendances.

Documents consultés

Auteur

André Bernard est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut le joindre au 613-951-4660 ou à perspective@statcan.gc.ca.


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