Rapports économiques et sociaux
L’incidence nette du télétravail sur les revenus des restaurants au Canada
DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202401000003-fra
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Résumé
Au moyen des données provinciales mensuelles couvrant la période de mars 2020 à juillet 2022, la présente étude quantifie l’association entre le travail à domicile et les revenus du sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons. En tenant compte des changements dans les restrictions liées à la COVID-19 et les préoccupations des Canadiens à l’égard de la santé, l’étude permet d’estimer qu’une augmentation de 1 point de pourcentage de l’incidence mensuelle du travail à domicile était associée à une réduction de 0,55 point de pourcentage du taux de croissance mensuelle des recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons dans une province quelconque au cours de cette période. De simples calculs reposant sur ces estimations laissent supposer que la hausse du travail à domicile observée de février à avril 2020 représentait environ le tiers du recul des revenus observé dans ce sous-secteur pendant ces deux mois.
Mots-clés : pandémie de COVID-19, restaurants, services de restauration et débits de boissons, télétravail, travail à domicile
Auteurs
Tahsin Mehdi et René Morissette travaillent au sein de la Division de l’analyse sociale et de la modélisation de la Direction des études analytiques et de la modélisation à Statistique Canada.
Introduction
En avril 2020, les recettes totales du sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont diminué considérablement pour atteindre 2,5 milliards de dollars, en baisse par rapport aux 5,7 milliards de dollars enregistrés en février 2020 (tableau 21-10-0019-01 de Statistique Canada). Deux ans plus tard, soit en février 2022, les recettes totales de ce sous-secteur s’élevaient à 5,3 milliards de dollars, ce qui est tout de même inférieur aux niveaux observés avant la pandémie de COVID-19. Dans quelle mesure, s’il y a lieu, ces changements peuvent-ils être associés au travail à domicile dont l’incidence est passée de 7 % (avant la pandémie) à 41 % (en avril 2020)?
Il est difficile de répondre à cette question pour diverses raisons. La hausse du travail à domicile pendant le premier semestre de 2020 est survenue en raison de l’imposition de mesures de confinement et de certaines restrictions par les gouvernements ainsi qu’au moment où les Canadiens étaient grandement préoccupés par l’infection au virus de la COVID-19 dans des lieux publics comme les restaurants et les bars. En 2021, l’inflation a commencé à croître et a fait augmenter les coûts du logement et les coûts des aliments achetés en magasin, ce qui pourrait avoir réduit la demande des Canadiens de services de restauration et de comptoirs de service alimentaire. À compter de mars 2021, les employeurs ont éprouvé de plus en plus de difficultés de recrutement (calculées par approximation au moyen des taux de postes vacants) dans le secteur des services d’hébergement et de restauration, ce qui pourrait avoir restreint l’offre des services de restauration.
Heureusement, Statistique Canada a compilé des données mensuelles par province sur diverses restrictions imposées par la santé publique pendant la pandémie de COVID-19 jusqu’en juillet 2022. L’Enquête sur la population active (EPA) a permis de recueillir des données sur les préoccupations des Canadiens à l’égard de la santé pendant la période d’octobre 2020 à juin 2021, puis elle a commencé à recueillir des données sur le travail à domicile en avril 2020. Statistique Canada publie des données mensuelles à l’échelle provinciale sur l’inflation des prix des aliments, l’inflation des frais de logement et les revenus générés par les services de restauration et les débits de boissons. Comme il est mentionné ci-dessous, les difficultés accrues de recrutement éprouvées par les employeurs à l’échelle nationale peuvent être prises en considération dans des analyses multivariées.
Grâce à la combinaison de ces sources d’information, il est possible d’examiner la relation entre la croissance du télétravail et les changements observés dans les recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons, tout en tenant compte des variables confusionnelles éventuelles mentionnées précédemment. Pour ce faire, la présente étude tire avantage du fait que, pendant un mois quelconque de la pandémie de COVID-19, l’ampleur des changements liés au travail à domicile variait parfois d’une province à l’autre, même si ces provinces apportaient des changements semblables à leurs restrictions liées à la COVID-19.
Il est important, pour diverses raisons, d’évaluer l’ampleur dans laquelle, le cas échéant, la hausse du travail à domicile observée depuis le début de 2020 a eu une incidence sur les revenus générés par les services de restauration et les débits de boissons.
Une telle évaluation aide à comprendre diverses répercussions du travail à domicile. La croissance du travail à domicile pourrait avoir d’importantes répercussions sur le marché du logement, de la location de locaux à bureaux et de l’activité économique dans les centres-villes, la productivité, la croissance des salaires, le roulement des travailleurs, la conciliation travail-famille, la garde des enfants, le navettage, le transport en commun et les émissions de gaz à effet de serre. La relation entre la hausse du travail à domicile et les revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons est un exemple d’une telle répercussion.
Cette évaluation met aussi en lumière le fait que certaines conditions de travail souples (p. ex. choisir les heures de début et de fin de sa journée de travail) pourraient n’avoir aucune corrélation intersectorielle, alors que d’autres conditions de travail souples, appliquées à grande échelle, pourraient avoir une incidence sur des secteurs comme le commerce de détail, ainsi que sur des sous-secteurs comme les services de restauration et les débits de boissons et les services immobiliers. En d’autres mots, l’ampleur des retombées des conditions de travail souple sur d’autres secteurs et sous-secteurs de l’économie dépend de la nature et de l’étendue de la mise en œuvre de ces conditions de travail.
La présente étude a permis d’effectuer une évaluation à l’aide des données mensuelles provinciales tirées de diverses enquêtes. Elle a porté sur la mesure dans laquelle les hausses mensuelles du travail à domicile nuisaient aux taux mensuels de croissance des recettes générées par le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons pendant la période de mars 2020 à juillet 2022.
La hausse du travail à domicile peut avoir réduit les revenus générés par les entreprises dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons en raison de la baisse de la demande de repas dans les restaurants et les comptoirs de service alimentaire à proximité des bureaux et en raison de la baisse du nombre de rassemblements après les heures de travail où les travailleurs rencontrent des collègues ou des clients pour consommer de la nourriture ou des boissons. Inversement, les personnes qui ont commencé à travailler à domicile pourraient avoir fait plus de dépenses d’achat de repas à des cafés et à des comptoirs de service alimentaire près de leur domicile, comparativement aux dépenses engagées lorsqu’elles travaillaient principalement au bureau. Par conséquent, la hausse du télétravail pourrait avoir mené à une réallocation spatiale de la demande de services de restauration et de débits de boissons au sein des villes (Alipour et coll. 2022; De Fraja et coll. 2021, 2022). Étant donné que l’ampleur des effets nets à l’échelle provinciale demeure inconnue, la présente étude visait à quantifier ces effets.
Contexte
De mars 2020 à juillet 2022, les hausses mensuelles provinciales du pourcentage de personnes travaillant la majorité de leurs heures de travail à domicile étaient associées aux diminutions des taux de croissance mensuels provinciaux des recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons (figure 1). Les changements mensuels de l’incidence du travail à domicile expliquaient 64 % de la variation des taux de croissance mensuels des recettes pendant cette période.
Les changements mensuels à l’égard de l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 (outil publié par Statistique Canada pour mesurer les diverses restrictions imposées par la santé publique) étaient aussi fortement associés à la baisse des taux de croissance mensuels des recettes (figure 2). Ils représentaient près des deux tiers de la variation des taux de croissance mensuels des recettes.
D’autres changements ont eu lieu au cours de la période de mars 2020 à juillet 2022. En septembre 2021, l’inflation des prix des aliments achetés au magasin a commencé à grimper, pour atteindre près de 10 % en juillet 2022 (graphique 1). Plus tôt dans l’année, on a aussi observé le début du gonflement de l’inflation des frais de logement. Ces deux hausses peuvent avoir incité les Canadiens à réduire leur consommation d’aliments dans les restaurants. À partir de mars 2021, les taux de postes vacants dans le secteur des services d’hébergement et de restauration ont augmenté considérablement, ce qui pourrait avoir restreint les services d’alimentation offerts par les restaurants et les comptoirs de service alimentaire (graphique 2).
Ces changements se sont produits à un moment où les Canadiens étaient préoccupés par la possibilité de contracter la COVID-19 dans des lieux publics, comme les restaurants et les bars, et où ces préoccupations ne se manifestaient pas de façon égale d’une province à l’autre. Par exemple, en janvier 2021, 60 % des travailleurs ontariens âgés de 15 à 69 ans ont déclaré être préoccupés par la possibilité de contracter la COVID-19 dans des lieux publics, comparativement à 43 % des travailleurs québécois.
Outre la hausse du travail à domicile, d’autres facteurs peuvent aussi avoir contribué à la baisse des revenus générés par les entreprises dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons pendant la période observée, notamment l’intensification des inquiétudes des Canadiens concernant la santé, le renforcement des restrictions imposées par la santé publique en réponse à la COVID-19, le gonflement de l’inflation des prix des aliments et des frais de logement, et les difficultés accrues de recrutement dans le secteur des services d’hébergement et de restauration . Pour quantifier les effets de la hausse du travail à domicile, ces facteurs doivent être pris en compte dans une analyse multivariée.
Description de la figure 1
La figure 1 est un nuage de points qui permet d’examiner la mesure dans laquelle de plus grandes hausses mensuelles du pourcentage des personnes travaillant la majorité de leurs heures de travail à domicile sont associées à de plus faibles taux de croissance des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons. Les deux statistiques sont mesurées à l’échelon provincial. La période visée est de mars 2020 à juillet 2022.
L’axe horizontal mesure les changements mensuels liés au pourcentage de personnes qui travaillent la majorité de leurs heures de travail à domicile dans une province quelconque, tandis que l’axe vertical mesure les taux de croissance mensuels des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons pour cette province.
Par exemple, les données montrent que le pourcentage de personnes qui travaillent la majorité de leurs heures de travail à domicile a augmenté de 11,4 points de pourcentage de mars à avril 2020 à Terre-Neuve-et-Labrador. Pendant cette période, les revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont reculé d’environ 41 % (ou -0,41 en termes logarithmiques). D’avril à mai 2020, le pourcentage de personnes travaillant la majorité de leurs heures de travail à domicile a augmenté de 1,0 point de pourcentage à Terre-Neuve-et-Labrador et les revenus dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont augmenté d’environ 36 % (ou +0,36 en termes logarithmiques) pendant cette période.
De même, les données montrent que le pourcentage de personnes qui travaillent la majorité de leurs heures de travail à domicile a augmenté de 14,1 points de pourcentage de mars à avril 2020 en Colombie-Britannique. Pendant cette période, les revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont diminué d’environ 51 % (ou -0,51 en termes logarithmiques). D’avril à mai 2020, le pourcentage de personnes travaillant la majorité de leurs heures de travail à domicile a diminué de 1,2 point de pourcentage en Colombie-Britannique, et les revenus dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont augmenté d’environ 33 % (ou +0,33 en termes logarithmiques) pendant cette période.
La figure 1 comprend aussi une droite de régression (c.-à-d. la ligne qui assure le meilleur ajustement à ces données). La droite de régression a une statistique du R au carré (R2) égale à 0,63, ce qui signifie que la variation observée dans les changements mensuels provinciaux concernant l’incidence du travail à domicile explique 63 % de la variation des taux de croissance mensuels provinciaux des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons.
Les données sur la croissance des revenus générés par les services de restauration et les débits de boissons n’étaient pas disponibles pour l’Île-du-Prince-Édouard en mars, en avril et en mai 2020. La figure 1 n’affiche donc pas de statistiques liées à cette province pour ces mois.
Description de la figure 2
La figure 2 est un nuage de points qui permet d’examiner la mesure dans laquelle de plus grandes hausses mensuelles de l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 sont associées à de plus faibles taux de croissance des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons. Les deux statistiques sont mesurées à l’échelon provincial. La période visée est de mars 2020 à juillet 2022.
L’axe horizontal mesure les changements mensuels observés dans l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 dans une province quelconque, tandis que l’axe vertical mesure les taux de croissance mensuels des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons pour cette province.
Par exemple, les données montrent que l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 a augmenté de 46,00 points de mars à avril 2020 à Terre-Neuve-et-Labrador. Pendant cette période, les revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont diminué d’environ 41 % (ou -0,41 en termes logarithmiques). D’avril à mai 2020, l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 a reculé de 8,32 points à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que les revenus dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont augmenté d’environ 36 % (ou +0,36 en termes logarithmiques) pendant cette période.
De même, les données montrent que l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 a augmenté de 25,72 points de mars à avril 2020 en Colombie-Britannique. Pendant cette période, les revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont diminué d’environ 51 % (ou -0,51 en termes logarithmiques). D’avril à mai 2020, l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 a reculé de 6,23 points en Colombie-Britannique, alors que les revenus dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons ont augmenté d’environ 33 % (ou +0,33 en termes logarithmiques) pendant cette période.
La figure 2 inclut aussi une droite de régression (c.-à-d. la ligne qui assure le meilleur ajustement à ces données). La droite de régression a une statistique du R au carré (R2) égale à 0,66, ce qui signifie que la variation dans les changements mensuels provinciaux de l’indice global des restrictions liées à la COVID-19 explique 66 % de la variation des taux de croissance mensuels provinciaux des revenus générés dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons.
Les données sur la croissance des revenus générés par les services de restauration et les débits de boissons n’étaient pas disponibles pour l’Île-du-Prince-Édouard en mars, en avril et en mai 2020. La figure 2 n’affiche donc pas de statistiques liées à cette province pour ces mois.
Tableau de données du graphique 1
Aliments achetés au magasin | Logement | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Note : Les données ne sont pas désaisonnalisées.
Source : Statistique Canada, tableau 18-10-0004-01. |
||
2020 | ||
mars | 2,4 | 1,9 |
avril | 4,0 | 1,3 |
mai | 3,5 | 1,0 |
juin | 3,0 | 1,7 |
juillet | 2,4 | 1,5 |
août | 1,6 | 1,5 |
septembre | 1,3 | 1,7 |
octobre | 2,3 | 1,8 |
novembre | 1,6 | 1,9 |
décembre | 0,5 | 1,6 |
2021 | ||
janvier | 0,1 | 1,4 |
février | 1,3 | 1,4 |
mars | 1,3 | 2,4 |
avril | 0,1 | 3,2 |
mai | 0,9 | 4,2 |
juin | 0,7 | 4,4 |
juillet | 1,0 | 4,8 |
août | 2,6 | 4,8 |
septembre | 4,2 | 4,8 |
octobre | 3,9 | 4,8 |
novembre | 4,7 | 4,8 |
décembre | 5,7 | 5,4 |
2022 | ||
janvier | 6,5 | 6,2 |
février | 7,4 | 6,6 |
mars | 8,7 | 6,8 |
avril | 9,7 | 7,4 |
mai | 9,7 | 7,4 |
juin | 9,4 | 7,1 |
juillet | 9,9 | 7,0 |
Tableau de données du graphique 2
Pourcentage | |
---|---|
... n'ayant pas lieu de figurer Source : Statistique Canada, tableau 14-10-0372-01. |
|
2020 | |
mars | 4,9 |
avril | ... n'ayant pas lieu de figurer |
mai | ... n'ayant pas lieu de figurer |
juin | ... n'ayant pas lieu de figurer |
juillet | ... n'ayant pas lieu de figurer |
août | ... n'ayant pas lieu de figurer |
septembre | ... n'ayant pas lieu de figurer |
octobre | 4,7 |
novembre | 4,0 |
décembre | 4,5 |
2021 | |
janvier | 3,4 |
février | 4,6 |
mars | 7,7 |
avril | 6,7 |
mai | 7,8 |
juin | 12,2 |
juillet | 12,0 |
août | 12,9 |
septembre | 14,0 |
octobre | 11,5 |
novembre | 10,2 |
décembre | 10,8 |
2022 | |
janvier | 7,6 |
février | 9,9 |
mars | 12,3 |
avril | 11,8 |
mai | 12,2 |
juin | 12,1 |
juillet | 10,3 |
Analyse multivariée
L’analyse multivariée effectuée dans la présente étude commence par l’équation suivante :
Où équivaut au taux de croissance mensuel des recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons dans une province quelconque du mois m-1 au mois m (valeurs estimées selon les changements observés dans le logarithme naturel des recettes du mois m-1 au mois m) au cours de l’année t, et où mesure les changements mensuels liés au pourcentage de personnes de 15 à 69 ans qui travaillent la majorité de leurs heures de travail à domicile dans une province quelconque pendant l’année t.
Le terme cerne les changements dans l’indice des restrictions liées à la COVID-19 à l’échelle provinciale. Au total, trois versions de sont prises en compte. La première version rend compte des changements mensuels observés dans l’indice mesurant les restrictions imposées aux services de restauration sur place, alors que la deuxième version mesure les changements mensuels dans l’indice global. La troisième version mesure les changements mensuels pour chacun des 15 indices de restrictions différents pour lesquels des données ont été recueilliesNote . Cela a donné lieu à la version la plus flexible de l’équation (1), sur laquelle sera axée la suite du présent article.
Le terme inclut l’ensemble des variables de contrôle ci-dessous, défini comme étant les taux de croissance mensuels provinciaux des éléments suivants : 1) le prix des aliments achetés au magasin (pour tenir compte de l’inflation des prix des aliments); 2) les frais de logement; 3) l’emploi dans des secteurs autres que les services d’hébergement et de restauration et les arts, spectacles et loisirs; 4) les salaires minimums réels.
Le terme est un vecteur des effets illimités de mois par année. Il cerne les effets saisonniers et les facteurs nationaux qui pourraient avoir une incidence sur la croissance des revenus dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons. Ces facteurs incluent les hausses nationales des taux mensuels de postes vacants (graphique 2), les changements observés à l’échelle nationale à l’égard des préoccupations des Canadiens concernant la santé et la COVID-19 et les variations du revenu familial mensuel à l’échelle nationale. Le terme est un terme d’erreurs.
L’inclusion de dans l’équation (1) sous-entend que la valeur découle de la variation interprovinciale des changements observés dans le travail à domicile et la croissance des revenus au cours d’un mois donné et d’une année précise. En d’autres mots, l’équation (1) répond à la question suivante : dans un mois donné d’une année précise, est-ce que les provinces ayant de plus fortes hausses de travail à domicile ont connu en moyenne, toutes autres choses étant égales, des taux de croissance de revenus plus faibles dans les services de restauration et les débits de boissons, comparativement aux autres provincesNote ?
L’équation (1) est d’abord estimée de mars 2020 à juillet 2022, et les résultats s’affichent dans la première partie du tableau 1. La version la plus flexible de l’équation (1) indique que, toutes autres choses étant égales, une hausse mensuelle de 1 point de pourcentage dans le travail à domicile pendant cette période était associée à une réduction de 0,55 point de pourcentage dans le taux de croissance des recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons dans une province donnée. Cela signifie que, si les recettes étaient stables avant cette hausse hypothétique de travail à domicile, elles chuteraient de 0,55 % dans le mois au cours duquel a augmenté le télétravail. Puisque le pourcentage de personnes travaillant principalement à domicile en Ontario a augmenté d’environ 20 points de pourcentage de mars 2020 (27 %) à avril 2020 (47 %), ce constat laisse supposer que cette hausse de travail à domicile a réduit de 11 points de pourcentage le taux de croissance des recettes générées dans le sous-secteur en Ontario de mars 2020 à avril 2020. Cette constatation se maintient pour la deuxième et la troisième partie du tableau 1, qui affichent les résultats de deux périodes (de mars 2020 à juillet 2022 et de mai 2020 à juillet 2020) pour un panel équilibré de neuf provinces (à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard) qui ont des renseignements complets sur toutes les variables pour les 29 mois observésNote .
Services de restauration sur place | Indice global des restrictions liées à la COVID-19 | Les 15 indices des restrictions | |
---|---|---|---|
estimations de paramètre | |||
Sources : Statistique Canada, Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail; Enquête sur la population active; Enquête mensuelle sur les services de restauration et débits de boissons; tableau 33-10-0497-01; tableau 18-10-0004-01. |
|||
Tient compte des restrictions liées à la COVID-19 | |||
1. Mars 2020 à juillet 2022 (N = 287) | |||
Taux mensuels de croissance des recettes | -0,0100 Tableau 1 Note *** | -0,0069 Tableau 1 Note *** | -0,0055 Tableau 1 Note ** |
Taux mensuels de croissance des recettes réelles | -0,0101 Tableau 1 Note *** | -0,0070 Tableau 1 Note *** | -0,0055 Tableau 1 Note ** |
2. Mars 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 261) | |||
Taux mensuels de croissance des recettes | -0,0098 Tableau 1 Note *** | -0,0067 Tableau 1 Note *** | -0,0060 Tableau 1 Note *** |
Taux mensuels de croissance des recettes réelles | -0,0098 Tableau 1 Note *** | -0,0069 Tableau 1 Note *** | -0,0061 Tableau 1 Note *** |
3. Mai 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 243) | |||
Taux mensuels de croissance des recettes | -0,0085 Tableau 1 Note *** | -0,0050 Tableau 1 Note ** | -0,0052 Tableau 1 Note ** |
Taux mensuels de croissance des recettes réelles | -0,0085 Tableau 1 Note *** | -0,0051 Tableau 1 Note ** | -0,0053 Tableau 1 Note ** |
4. Mars 2020 à mars 2021, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 117) | |||
Taux mensuels de croissance des recettes | -0,0110 Tableau 1 Note *** | -0,0060 Tableau 1 Note * | -0,0068 Tableau 1 Note * |
Taux mensuels de croissance des recettes réelles | -0,0109 Tableau 1 Note *** | -0,0061 Tableau 1 Note *** | -0,0070 Tableau 1 Note * |
5. Novembre 2020 à juin 2021, compte tenu des variations mensuelles des préoccupations à l'égard de la santé (N = 80) | |||
Taux mensuels de croissance des recettes | -0,0129 Tableau 1 Note *** | -0,0076 Tableau 1 Note * | -0,0101 Tableau 1 Note *** |
Taux mensuels de croissance des recettes réelles | -0,0127 Tableau 1 Note *** | -0,0074 Tableau 1 Note * | -0,0098 Tableau 1 Note *** |
L’une des craintes à ce sujet est que, même si l’équation (1) tient compte des variations mensuelles du revenu familial à l’échelle nationale (au moyen de la valeur ), elle ne tient pas compte des variations mensuelles provinciales du revenu familial. Si le revenu familial provincial a baissé davantage dans les provinces où il y a eu une hausse relativement importante du travail à domicile au cours d’un mois précis, les estimations présentées dans le tableau 1 pourraient être biaisées à la hausse en valeur absolue.
Une stratégie permettant de réduire au minimum ces craintes serait d’estimer l’équation (1) pour une période au cours de laquelle le revenu familial a augmenté, mais des préoccupations n’ont pas encore été soulevées à l’égard de l’inflation des prix des aliments. Au cours d’une telle période, il est peu probable que le revenu familial soit un déterminant important de la baisse des revenus observée dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons.
Puisque la période de mars 2020 à mars 2021 satisfait à ces conditionsNote , la quatrième partie du tableau 1 présente les résultats de cette période. Ces résultats indiquent que, toutes autres choses étant égales, une hausse mensuelle de 1 point de pourcentage du travail à domicile pendant cette période était associée à une réduction de 0,68 point de pourcentage du taux de croissance des recettes générées par les services de restauration et les débits de boissons dans une province donnée. Cette estimation est semblable à celle obtenue dans les trois premières parties du tableau 1, ce qui laisse supposer qu’il est peu probable que les résultats obtenus dans les trois premières parties du tableau 1 soient attribuables au fait que les variations mensuelles du revenu familial provincial ne sont pas comprises dans l’équation (1).
Un deuxième point à aborder est le suivant : bien que l’équation (1) tienne compte des changements provinciaux des restrictions liées à la COVID-19 et des changements nationaux observés dans les préoccupations à l’égard de la santé (au moyen de la valeur ), elle ne tient pas compte des changements provinciaux en ce qui a trait aux craintes des Canadiens de contracter le virus de COVID-19 dans les lieux publics, comme les restaurants. La cinquième partie du tableau 1 aborde ce point et ajoute une variable de contrôle pour les changements mensuels provinciaux liés aux préoccupations de santé à ce sujet pour une plus courte période, soit de novembre 2020 à juin 2021. Les résultats indiquent qu’une hausse mensuelle de 1 point de pourcentage dans le travail à domicile pendant cette période était associée à une réduction de 1,01 point de pourcentage du taux de croissance des recettes des services de restauration et des débits de boissons dans une province donnée.
Vérifications de la robustesse
Les résultats affichés dans le tableau 1 associent les changements contemporains de l’incidence du travail à domicile aux taux de croissance contemporaine des revenus. Ils laissent supposer que les changements antérieurs liés au travail à domicile n’ont pas une incidence sur la croissance actuelle des revenus. Cette hypothèse ne s’applique plus si la hausse du travail à domicile entraîne une réponse d’ajustement dynamique de la part des ménages en ce qui a trait à la consommation d’aliments dans les restaurants et aux comptoirs de service alimentaire, ce qui pourrait faire en sorte que les télétravailleurs, par exemple, commencent à manger à des cafés ou à des comptoirs de service alimentaire à proximité de leur résidence (ou commencent à commander de la nourriture d’une tierce partie offrant des services de livraison) après avoir mangé uniquement à domicile pendant quelques mois.
Les résultats présentés dans le tableau 1 laissent aussi supposer que les restrictions liées à la COVID-19 n’ont aucune incidence sur la croissance actuelle des revenus. Cette hypothèse n’est plus valable s’il y a un certain décalage du retour des clients dans les restaurants après la levée des restrictions imposées aux services de restauration sur place.
Pour rendre compte de ces réponses dynamiques, une version plus flexible de l’équation (1), qui ajoute trois décalages à et aux deux premières versions de , est utilisée dans le tableau 1. Les estimations qui en découlent couvrent la période de mai 2020 à juillet 2022 et reposent sur les données de toutes les provinces, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard.
Services de restauration sur place | Indice global des restrictions liées à la COVID-19 | |
---|---|---|
estimations de paramètre | ||
Sources : Statistique Canada, Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail; Enquête sur la population active; Enquête mensuelle sur les services de restauration et débits de boissons; tableau 33-10-0497-01; tableau 18-10-0004-01. |
||
Tient compte des restrictions liées à la COVID-19 | ||
1. Mai 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 243) | ||
Valeur contemporaine de ΔWFH_pmt | -0,0085 Tableau 2 Note *** | -0,0050 Tableau 2 Note ** |
2. Mai 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard, trois décalages pour les changements dans les restrictions liées à la COVID-19 et les variations de l’incidence du travail à domicile (N = 243) | ||
Valeur contemporaine de ΔWFH_pmt | -0,0079 Tableau 2 Note *** | -0,0051 Tableau 2 Note * |
Valeur pour décalage d’un mois | 0,0005 | -0,0007 |
Valeur pour décalage de deux mois | 0,0015 | 0,0009 |
Valeur pour décalage de trois mois | 0,0012 | 0,0001 |
3. Mars 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 261), permettant aux restrictions de la COVID-19 d’avoir un effet différent après l’été de 2021 | ||
Valeur contemporaine de ΔWFH_pmt | -0,0094 Tableau 2 Note *** | -0,0067 Tableau 2 Note *** |
4. Mars 2020 à juillet 2022, à l’exclusion de l’Île-du-Prince-Édouard (N = 261), permettant aux restrictions de la COVID-19 d’avoir un effet différent d’une province à l’autre | ||
Valeur contemporaine de ΔWFH_pmt | -0,0095 Tableau 2 Note *** | -0,0069 Tableau 2 Note *** |
Les résultats indiquent que l’ajout de trois décalages à et aux deux premières versions de n’a pratiquement pas changé la valeur de , soit l’estimation de paramètre pour les changements contemporains de l’incidence du travail à domicile. Par exemple, lorsque la deuxième version du terme est utilisée (indice global des restrictions liées à la COVID-19), cette estimation de paramètre change, passant de 0,0050 (sans décalage) à 0,0051 (avec décalage)Note .
Des vérifications supplémentaires de la robustesse sont effectuées dans les deux dernières parties du tableau 2 pour les deux premières versions de . La troisième partie tient compte de la variation des effets des restrictions liées à la COVID-19 après l’été de 2021, comparativement aux mois précédents. La quatrième partie tient compte de la variation des effets des restrictions liées à la COVID-19 d’une province à l’autreNote . Ni l’un ni l’autre de ces changements n’a produit des estimations des paramètres qui diffèrent considérablement des autres estimations présentées dans la deuxième partie du tableau 1.
Dans quelle mesure la baisse des revenus liés aux services de restauration et aux débits de boissons observée au début de la pandémie de COVID-19 s’explique-t-elle par la hausse du travail à domicile? D’après de simples calculs effectués à l’aide des données de la première partie du tableau 1 (troisième colonne), l’augmentation du travail à domicile de février à avril 2020 expliquait environ le tiers de la chute de 3,2 milliards de dollars en revenus observée pendant cette périodeNote .
Conclusion
En tenant compte des changements à l’égard des restrictions liées à la COVID-19 et des préoccupations des Canadiens concernant la santé, le présent article révèle une relation négative robuste entre les hausses mensuelles de travail à domicile pendant la pandémie et les taux de croissance mensuels des recettes générées dans le sous-secteur des services de restauration et des débits de boissons.
Il convient, par contre, de souligner plusieurs limites. La taille des échantillons utilisés pour mesurer les préoccupations à l’égard de la santé était relativement petite et pourrait avoir entraîné des erreurs de mesure pour cette variable. De plus, ces préoccupations à l’égard de la santé n’ont pas été mesurées pour la période d’observation complète. Enfin, des analyses multivariées ont été réalisées pour tenir compte des difficultés accrues de recrutement éprouvées par les employeurs à l’échelle nationale, mais elles n’ont pas permis de rendre compte des changements observés dans chaque province à l’égard de ces difficultés. Ces limites de données pourraient avoir une incidence sur les estimations des paramètres présentées dans cette étude.
Malgré ces limites, les résultats de l’étude s’ajoutent à un ensemble croissant de données probantes qui semblent indiquer que la hausse du travail à domicile provoquée par la pandémie de COVID-19 a eu des effets sur divers aspects de l’économie canadienneNote .
Bibliographie
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Clarke, S., J. Dekker, N. Habli, R. Macdonald et C. McCormack. 2022. « Mesurer la corrélation entre les restrictions liées à la COVID-19 et l’activité économique ». Études analytiques : méthodes et références, produit no 11-633-X au catalogue de Statistique Canada, no 040.
De Fraja, G., J. Matheson, P. Mizen, J.C. Rockey, S. Taneja et G. Thwaites. 2021. « Covid Reallocation of Spending: The Effect of Remote Working on the Retail and Hospitality Sector ». SSRN Working Paper, 3982122, p. 1 à 48.
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Morissette, R., V. Hardy et V. Zolkiewski. 2022. « Personnes qui travaillent la majorité de leurs heures de travail à domicile : nouvelles estimations pour la période de janvier à avril 2022 ». Direction des études analytiques : documents de recherche, no 472, produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada.
Statistique Canada. 2024. De la recherche aux connaissances : le travail à domicile au Canada. Produit no 11-631-X2024001 au catalogue.
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