Rapports économiques et sociaux
Petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes au Canada : regard sur l’exportation

Date de diffusion : le 24 mars 2024

DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202400400005-fra

Passer au texte

Début du texte

Résumé

D’après les données de l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de 2017, il s’avère que les petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des femmes au Canada sont tout aussi susceptibles d’effectuer des exportations que les entreprises appartenant à des hommes. Il s’avère aussi que l’intensité des exportations (exportations en proportion des ventes totales) n’était pas significativement différente entre ces deux groupes, et ce, en dépit du fait que les entreprises appartenant à des femmes sont concentrées au bas de l’échelle de répartition selon la taille et sont exploitées dans des secteurs moins susceptibles d’effectuer des exportations. La réussite des PME appartenant à des femmes en ce qui a trait à la propension à l’exportation dépend de plusieurs facteurs, dont la capacité d’accepter des paiements en ligne, la mise en œuvre des innovations organisationnelles et des façons novatrices de vendre ses produits et services. Pour que les PME soient en mesure d’assurer une forte intensité des exportations, leurs principaux décideurs doivent être plus scolarisés et avoir une plus grande expérience. Lorsque ces effets sexospécifiques sont pris en compte, les PME appartenant à des femmes sont moins susceptibles de se livrer à l’exportation, et celles qui le font exportent relativement moins, comparativement aux PME appartenant à des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes.

Mots-clés : écart entre les genres; entreprises appartenant à des femmes; exportation

Auteurs

Julia Sekkel travaille à Affaires mondiales Canada. Weimin Wang travaille à la Division de l’analyse économique de la Direction des études analytiques et de la modélisation de Statistique Canada.

Introduction

Le présent article examine les facteurs liés au succès d’exportation des petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des femmes au CanadaNote  . La participation des entreprises détenues par des femmes à l’exportation est un facteur important pour les politiques ayant pour but de veiller à ce que tous les groupes aient accès aux avantages du commerce international. 

Au Canada, les PME appartenant à des femmes sont sous-représentées dans le monde de l’exportation, traduisant apparemment un écart entre les genres au chapitre de l’entrepreneuriat. En 2017Note  , les PME appartenant à des femmes représentaient 15,6 % de toutes les PME, alors que 63,5 % de l’ensemble des PME étaient détenues majoritairement par des hommes; les 20,9 % restants étaient détenues à parts égales par des hommes et des femmes (Baur, 2019). Une répartition selon le genre semblable est observée chez les PME exportatrices : 14,8 % étaient détenues par des femmes, 66,3 % par des hommes et 18,9 % par des hommes et des femmes à parts égales. Cette répartition indique que les entreprises appartenant à des femmes sont presque aussi susceptibles d’effectuer des exportations que les entreprises détenues par des hommes. De plus, même si les PME appartenant à des femmes exportent de manière moins intensive que les PME appartenant à des hommes ou les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmesNote  , ces écarts ne sont pas significativement différents.

Les résultats empiriques de l’étude de Sekkel et Wang (2023) suggèrent que la réussite des PME appartenant à des femmes dans le monde de l’exportation dépend de leur adoption de certaines pratiques opérationnelles et du fait que leurs principaux décideurs présentent certaines caractéristiques. Plus précisément, l’acceptation de paiements en ligne, la mise en œuvre d’innovations organisationnelles et des façons novatrices de vendre ses produits et services ont joué un rôle déterminant dans la probabilité des PME détenues par des femmes d’effectuer des exportations. De plus, un plus grand nombre d’années d’études et d’années d’expérience en gestion a été associé à une plus forte intensité d’exportation chez les PME appartenant à des femmes, comparativement à leurs homologues. Lorsque ces effets sexospécifiques sont pris en compte, les PME détenues par des femmes étaient tout de même moins susceptibles d’exporter si elles n’étaient pas novatrices et n’offraient pas l’option de paiement en ligne. Elles exportaient aussi relativement moins si leurs gestionnaires n’étaient pas titulaires d’au moins un baccalauréat et n’avaient pas au moins cinq ans d’expérience.

Propension à l’exportation : Qu’est-ce que les petites et moyennes entreprises détenues par des femmes ont fait pour rattraper les PME détenues par des hommes?

Les entreprises appartenant à des femmes sont surreprésentées parmi les plus petites PME : 63 % des entreprises comptent moins de 20 employés. Les entreprises exportatrices détenues par des femmes sont aussi concentrées dans les secteurs moins susceptibles d’effectuer des exportations. Par exemple, 32 % des entreprises exportatrices détenues par des femmes se trouvaient dans le secteur du commerce de détail (codes 44 et 45 du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord), et 6 % des entreprises exportatrices détenues par des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes étaient exploitées dans ce secteur. Par conséquent, 46 % des entreprises exportatrices dans le commerce de détail étaient des PME appartenant à des femmes, ce qui représente une part beaucoup plus importante que celle des entreprises exportatrices détenues par des femmes dans l’ensemble des industries (14,8 %).

Comme les entreprises de plus petite taille et celles qui se concentrent dans les secteurs de services sont habituellement moins susceptibles d’effectuer des exportations, une question se pose. Quels sont les comportements et les décisions des entreprises qui permettent aux PME appartenant à des femmes de devenir exportatrices à un taux semblable à celui des PME détenues par des hommes?

Le présent article examine les facteurs de réussite en matière d’exportation chez les PME détenues par des femmes au Canada à partir des données de l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de 2017 couplées aux données du Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux pour 2016 et 2017Note  . Les 9 000 entreprises dans cet ensemble de données couplé constituent un échantillon représentatif de la population des PME du Canada. Les données sont utilisées pour estimer divers modèles de régression probit afin de déterminer les facteurs associés à une plus forte propension à l’exportation. Le sexe des propriétaires est déterminé selon le pourcentage des propriétaires d’entreprises qui sont des femmes. Les entreprises sont classées en deux catégories : 1) les PME détenues par des hommes et les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes (0 % à 50 % des propriétaires d’entreprises qui sont des femmes) et 2) les PME détenues par des femmes (51 % à 100 % des propriétaires d’entreprises qui sont des femmes)Note 

Les données démontrent qu’il n’y a aucun écart entre les sexes en ce qui a trait à la propension à l’exportation. En 2017, 11,1 % des PME appartenant à des femmes effectuaient des exportations, comparativement à 12,2 % des PME appartenant à des hommes et à 10,5 % des PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Ces données indiquent que les PME appartenant à des femmes sont presque aussi susceptibles de faire des exportations que les PME appartenant à des hommes. Les statistiques descriptives sont un peu inattendues, car les PME appartenant à des femmes sont plus petites et concentrées dans les industries de service. Diverses régressions probit ont été effectuées afin de comprendre les raisons pour lesquelles il n’y a aucun écart entre les sexes dans la propension à l’exportation.

Les résultats de l’estimation par probit sur la propension à l’exportation sont présentés dans le tableau 1. La colonne (1) dans le tableau présente les spécifications de base de façon à ce que la propension à l’exportation soit modélisée en fonction du sexe des propriétaires, des groupes de taille des entreprises, du niveau de productivité du travail, du niveau de scolarité des propriétaires, de l’expérience en gestion des propriétaires et du fait que l’entreprise est une entreprise en démarrage (créée il y a deux ans ou moins), y compris les variables nominales de l’industrie et de la région. Les résultats révèlent que, après la prise en compte de ces caractéristiques observées des entreprises et des principaux décideurs, aucune preuve statistique ne montre que la probabilité d’exportation diffère entre les PME appartenant à des femmes et les PME appartenant à des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Le résultat semble cadrer avec la perspective féministe libérale, selon laquelle le sexe des propriétaires, en soi, n’a pas d’incidence sur les résultats d’exportation des PME.

D’autres résultats présentés dans la colonne (1) du tableau 1 concordent avec les constatations d’autres études publiées. Premièrement, le coefficient de la productivité du travail est positif et statistiquement significatif au niveau de 1 %, ce qui suggère que les entreprises ayant une meilleure productivité du travail auraient une plus forte propension à l’exportation. Deuxièmement, les coefficients des groupes de taille sont positifs et significatifs, et les résultats augmentent proportionnellement à la taille de l’entreprise, ce qui sous-entend que les plus grandes entreprises sont plus susceptibles d’effectuer des exportations. Troisièmement, les entreprises en démarrage sont plus susceptibles de se livrer à l’exportation. Cette constatation pourrait appuyer le concept d’« internationalisation », c’est-à-dire que les PME sont créées avec l’intention de faire de l’exportation ou de faire partie des chaînes de valeur mondiales (OMC, 2016). Enfin, le niveau de scolarité des propriétaires ou des principaux décideurs est aussi significatif et a une corrélation directe avec la probabilité d’exportation.

Afin d’examiner l’effet du comportement des entreprises, les variables liées à l’acceptation des paiements en ligne et à diverses activités d’innovation ont été ajoutées au modèle de régression. Les résultats de régression dans la colonne (2) du tableau 1 démontrent que chaque activité d’innovation individuelle est associée à une plus forte propension à l’exportation, ce qui suggère que les entreprises novatrices sont plus susceptibles de se livrer à l’exportation, peu importe le type d’innovation. Le fait d’offrir l’option de paiement en ligne sur le site Web de l’entreprise est aussi associé à une forte propension à l’exportation. Cette constatation est intuitive, car l’option facilite les achats transfrontaliers. Il convient de noter que, après la prise en compte des comportements des entreprises et de leurs activités d’innovation, la propension à l’exportation des PME appartenant à des femmes est demeurée non significativement différente de celle des PME appartenant à des hommes ou des PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Toutefois, les coefficients liés à l’expérience en gestion sont devenus positifs et significatifs sur le plan statistique, ce qui laisse entendre que le capital humain accumulé, possiblement grâce à une orientation internationale plus solide, accroît la capacité des PME à pénétrer les marchés étrangers.

Les spécifications du modèle de régression dans les colonnes (1) et (2) du tableau 1 supposent que les deux groupes de genre réagissent de la même façon à toutes les variables de contrôle. Selon cette hypothèse, la probabilité des PME appartenant à des femmes d’effectuer des exportations est la même que celle des PME appartenant à des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes.


Tableau 1
Modèle probit pour la probabilité d’exportation
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Modèle probit pour la probabilité d’exportation Spécification 1 du modèle , Spécification 2 du modèle et Spécification 3 du modèle, calculées selon coefficient unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Spécification 1 du modèle Spécification 2 du modèle Spécification 3 du modèle
coefficient
PME appartenant à des femmes 0,03020 -0,05960 -0,36500Tableau 1 Note 
Taille de l’entreprise (catégorie omise : 1 à 4 employés)
5 à 19 employés 0,14700Note * -0,04970 -0,00841
20 à 99 employés 0,33000Note ** 0,16100 0,21600Note *
100 à 499 employés 0,59800Note ** 0,48500Note ** 0,53400Note **
Interaction entre les PME appartenant à des femmes et la taille de l’entreprise
Entreprise comptant 5 à 19 employés Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,09860
Entreprise comptant 20 à 99 employés Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,39000
Entreprise comptant 100 à 499 employés Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,47200
Productivité du travail 0,18600Note ** 0,16800Note ** 0,17400Note **
Option de paiement en ligne Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,50000Note ** 0,28600Tableau 1 Note 
Interaction entre les PME appartenant à des femmes et l’option de paiement en ligne Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,89500Note **
Activités d’innovation (catégorie omise : aucune activité d’innovation)
Produit et processus Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,39200Note ** 0,38600Note **
Besoins organisationnels Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,58600Note ** 0,49500Note **
Vente Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,45500Note ** 0,33400Note **
Interaction entre les PME appartenant à des femmes et les activités d’innovation
Produit et processus Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,16800
Besoins organisationnels Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,66900Note *
Vente Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,66100Note **
Niveau de scolarité (catégorie omise : diplôme d’études secondaires)
Diplôme d’études collégiales ou d’un cégep 0,09870 0,05460 0,04950
Baccalauréat 0,34600Note ** 0,24100Note * 0,23800Note *
Maîtrise ou diplôme supérieur 0,21700Note * 0,27800Note * 0,26200Note *
Nombre d’années d’expérience en gestion
5 ans à moins de 10 ans 0,25300 0,55000Note ** 0,57700Note **
10 ans ou plus 0,22300 0,48400Note ** 0,49600Note **
Entreprises en démarrage 0,23400Tableau 1 Note  0,37200Note * 0,37500Note *

Dans la prochaine étape, des paramètres d’interaction de la variable nominale des femmes propriétaires avec les variables nominales de la taille de l’entreprise, de l’option de paiement en ligne et des activités d’innovation ont été ajoutés au modèle de régression. Le but est de déterminer s’il y a des différences à l’égard de la participation à l’exportation entre les PME appartenant à des femmes et les PME appartenant à des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes, selon le groupe de taille d’entreprise, les activités d’innovation et la disponibilité de l’option de paiement en ligne. Les résultats d’estimation sont présentés dans la colonne (3) du tableau 1. Plusieurs constatations sont dignes de mention. Premièrement, il a été constaté que, après l’inclusion de ces paramètres d’interaction, les PME appartenant à des femmes étaient moins susceptibles d’effectuer des exportations, comparativement aux PME appartenant à des hommes et aux PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Deuxièmement, l’effet de toutes les variables de contrôle demeure inchangé, ce qui indique que le modèle est robuste. Troisièmement, les coefficients des paramètres d’interaction entre les entreprises détenues par des femmes et les groupes de taille d’entreprise n’étaient pas significatifs, ce qui suggère que l’écart de la propension à l’exportation observé entre les PME appartenant à des femmes et les autres PME n’est pas influencé par la taille de ces entreprises. Quatrièmement, les PME détenues par des femmes qui offrent l’option de paiement en ligne sur leur site Web sont plus susceptibles de se livrer à l’exportation, comparativement aux PME appartenant à des hommes et aux PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes offrant cette même option de paiement, avec une probabilité prédite d’exportation supérieure de 18 à 20 points de pourcentageNote  . Enfin, les PME novatrices détenues par des femmes étaient plus susceptibles de devenir exportatrices que les PME détenues par des hommes et les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes.

La conséquence la plus importante des constatations est la suivante : les PME appartenant à des femmes sans être novatrices et sans effectuer de vente en ligne étaient moins susceptibles de devenir des entreprises exportatrices, comparativement aux PME appartenant à des hommes ou détenues à parts égales par des hommes et des femmes sans être novatrices et sans effectuer de vente en ligne. Ce résultat semble concorder avec le fait que les PME appartenant à des femmes sont plus concentrées au bas de l’échelle de répartition selon la taille, comparativement à leurs homologues. Cette constatation reflète aussi le fait que les grandes entreprises ont une plus forte propension à l’exportation. Toutefois, les PME appartenant à des femmes se comportaient différemment : une plus grande proportion de ces entreprises, par rapport à leurs homologues, menaient des activités d’innovation (c’est-à-dire chercher des façons novatrices de vendre des biens et des services) et offraient l’option de paiement en ligne sur leur site Web. Ainsi, les PME détenues par des femmes étaient plus susceptibles d’effectuer des exportations, tel qu’il a été prédit par le modèle de régression. Par conséquent, au niveau agrégé, il n’y a aucune différence significative à l’égard de la propension à l’exportation entre les PME détenues par des femmes et les PME détenues par des hommes. En d’autres mots, les femmes entrepreneures doivent être considérablement plus novatrices et participer davantage au monde numérique, comparativement aux hommes entrepreneurs, pour être en mesure de soutenir la concurrence dans les marchés d’exportation; autrement, les PME appartenant à des femmes seraient moins susceptibles d’effectuer des exportations.

Intensité des exportations : Quelles caractéristiques des propriétaires sont déterminantes pour que les petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes puissent rattraper les autres PME?

Les statistiques descriptives démontrent que, parmi les exportateurs, l’intensité moyenne des exportations (ou le ratio des exportations aux ventes) des PME canadiennes appartenant à des femmes en 2017 s’établissait à 31,6 %, comparativement à 37,1 % pour les PME appartenant à des hommes et les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Un test sur les moyennes indique que ces différences ne sont pas statistiquement différentes. Néanmoins, l’intérêt n’est pas seulement de définir le rôle que joue le sexe des propriétaires dans l’intensité des exportations, mais aussi de déterminer les caractéristiques qui sont liées aux résultats d’exportation.

L’intensité des exportations est analysée à l’aide d’un modèle en deux parties. Il s’avère que les PME appartenant à des femmes exportent relativement moins que les PME appartenant à des hommes et les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes, à moins que leurs gestionnaires soient plus scolarisés ou aient au moins cinq ans d’expérience. L’utilisation du modèle en deux parties assure l’indépendance entre la décision d’exporter et la décision concernant la quantité à exporter. Plus précisément, la première partie du modèle estime un modèle de choix binaire pour déterminer la probabilité d’exportation, et la deuxième partie estime l’intensité des exportations, qui est conditionnelle à la décision d’exportation. Cette stratégie corrige le biais d’échantillonnage parmi les exportateurs en fonction des différences observées dans le rendement des entreprises par rapport aux non-exportateursNote  .

Les résultats empiriques sont présentés au tableau 2. Trois spécifications sont présentées dans le tableau. La première spécification comprend des variables explicatives de la variable nominale liée aux femmes propriétaires, à la taille de l’entreprise, à la productivité du travail, au niveau de scolarité et au nombre d’années d’expérience en gestion, ainsi que les variables nominales liées aux entreprises en démarrage, à l’industrie et à la région. La deuxième spécification ajoute la disponibilité de l’option de paiement en ligne et les activités d’innovation. Quant à la troisième spécification, elle ajoute les paramètres d’interaction entre les femmes propriétaires et le niveau de scolarité ainsi que le nombre d’années d’expérience en gestion. À partir de la première spécification, il s’avère que l’intensité des exportations des PME est plus forte lorsque ces entreprises ont une meilleure productivité du travail, que leurs propriétaires sont titulaires d’un baccalauréat et ont acquis plusieurs années d’expérience en gestion et que ces entreprises sont des entreprises en démarrage. Toutes les autres variables, y compris la variable nominale liée aux femmes propriétaires, ne sont pas significatives sur le plan statistique, ce qui suggère qu’il n’y a aucun écart entre les sexes au chapitre de l’intensité des exportations. Les résultats de la deuxième spécification indiquent que la disponibilité de l’option de paiement en ligne et les activités d’innovation n’ont aucune incidence sur l’intensité des exportations, et l’ajout de ces variables n’a eu aucun effet sur les coefficients de toutes les autres variables, sauf la variable liée au nombre d’années d’expérience en gestion.

Le résultat de régression de la troisième spécification est intéressant. Tout d’abord, l’interaction entre les femmes propriétaires et le fait d’être titulaire d’un baccalauréat est positive et significative, alors que le fait de détenir un baccalauréat, en soi, devient non significatif, ce qui suggère que l’incidence positive d’un baccalauréat sur l’intensité des exportations est attribuable aux PME appartenant à des femmes. Ensuite, les paramètres d’interaction entre les femmes propriétaires et le nombre d’années d’expérience en gestion ont généré des résultats positifs et significatifs, alors que le nombre d’années d’expérience en gestion, en soi, devient non significatif, ce qui suggère également que l’incidence positive du nombre d’années d’expérience en gestion sur l’intensité des exportations est attribuable aux PME appartenant à des femmes. Enfin et surtout, le coefficient lié aux femmes propriétaires devient négatif et significatif, ce qui signifie que, après la prise en compte de l’interaction entre les femmes propriétaires et le fait de détenir un baccalauréat et d’avoir des années d’expérience en gestion, les PME appartenant à des femmes exportent à une intensité moindre que les PME appartenant à des hommes ou les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes.

Dans l’ensemble, les PME appartenant à des femmes au sein desquelles la principale personne qui prend les décisions est titulaire d’un baccalauréat ou a plusieurs années d’expérience en gestion ont affiché une plus forte intensité des exportations que les PME appartenant à des hommes ou les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes (au sein desquelles les principaux décideurs avaient les mêmes qualifications). Toutefois, ces effets ne sont pas significatifs sur le plan statistique pour les PME appartenant à des hommes ou les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Ces résultats suggèrent que, malgré leur plus petite taille et le fait qu’elles exercent leurs activités dans des industries moins susceptibles de se livrer à l’exportation, les PME exportatrices détenues par des femmes bénéficient plus que leurs homologues d’un niveau de scolarité plus élevé et d’un plus grand nombre d’années d’expérience en gestion pour accroître l’intensité de leurs exportations. De plus, lorsque l’effet du genre indirect lié au niveau de scolarité et à l’expérience en gestion est pris en compte, l’effet résiduel des femmes propriétaires sur l’intensité des exportations est nettement inférieur à celui observé chez les PME appartenant à des hommes et les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes.


Tableau 2
Résultats des estimations pour l’intensité des exportations
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Résultats des estimations pour l’intensité des exportations Spécification 1 du modèle , Spécification 2 du modèle et Spécification 3 du modèle, calculées selon coefficient unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Spécification 1 du modèle Spécification 2 du modèle Spécification 3 du modèle
coefficient
Taille de l’entreprise (catégorie omise : 1 à 4 employés)
5 à 19 employés -0,1570 -0,2450 -0,1950
20 à 99 employés -0,0832 -0,0751 -0,1070
100 à 499 employés -0,0672 -0,1650 -0,0748
Productivité du travail 0,1370Note * 0,1600Note * 0,1540Note *
Niveau de scolarité (catégories omises : diplôme d’études secondaires et diplôme d’études collégiales ou d’un cégep)
Baccalauréat 0,3050Tableau 2 Note  0,3880Note * 0,1630
Maîtrise ou diplôme supérieur 0,1390 0,2750 0,1090
Interaction entre les PME appartenant à des femmes et le niveau de scolarité
Baccalauréat Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 1,2010Note *
Maîtrise ou diplôme supérieur Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,0899
Nombre d’années d’expérience en gestion (catégorie omise : moins de 5 ans)
5 ans à moins de 10 ans 0,7000Tableau 2 Note  0,5740 0,1440
10 ans ou plus 0,7420Tableau 2 Note  0,5630 0,1600
Interaction entre les PME appartenant à des femmes et le nombre d’années d’expérience en gestion
5 ans à moins de 10 ans Note ...: n'ayant pas lieu de figurer Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 2,1170Note **
Entreprises en démarrage 0,6690Note ** 0,5420Note * 0,6460Note **
Option de paiement en ligne Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,4090 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Activités d’innovation (catégorie omise : aucune activité d’innovation)
Produit Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,2970 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Processus Note ...: n'ayant pas lieu de figurer -0,0781 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Besoins organisationnels Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,3190 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Vente Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 0,1450 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Conclusion

Des études antérieures (Baur, 2019; Sekkel, 2020) utilisaient des données descriptives sur l’internationalisation et le sexe des propriétaires des PME canadiennes afin de démontrer que les entreprises appartenant à des femmes, malgré le fait qu’elles soient surreprésentées parmi les entreprises de plus petite taille et axées sur le service, ont réussi à presque combler l’écart entre les sexes au chapitre de la propension à l’exportation et de l’intensité des exportations, et qu’elles sont presque aussi susceptibles d’effectuer des exportations que les PME appartenant à des hommes ou les PME détenues à parts égales par des hommes et des femmes. Ces études ont aussi constaté que les PME détenues par des femmes exportent des parts semblables de leurs ventes, comparativement à leurs homologues. Sekkel et Wang (2023) démontrent que l’acceptation de paiements en ligne, la mise en œuvre d’innovations organisationnelles et des façons novatrices de vendre les biens et services ont joué un rôle déterminant dans la probabilité des PME détenues par des femmes d’effectuer des exportations. De plus, le fait d’être plus scolarisé et d’avoir plus d’années d’expérience en gestion a été associé à une plus forte intensité des exportations chez les PME appartenant à des femmes, comparativement à leurs homologues. Après la prise en compte de ces paramètres d’interaction, les PME appartenant à des femmes demeuraient moins susceptibles d’exporter, et celles qui le faisaient exportaient relativement moins.

Ces résultats ont des effets intéressants sur les politiques, car ils suggèrent que les PME appartenant à des femmes ont différentes stratégies opérationnelles pour pénétrer les marchés d’exportation, comparativement aux PME appartenant à des hommes ou aux PME détenues de parts égales par des hommes et des femmes; de plus, les PME détenues par des femmes dépendent nettement plus que leurs homologues du niveau de scolarité et de l’expérience en gestion pour accroître leur intensité des exportations. Des politiques qui offrent un soutien pour accroître l’accès aux technologies numériques et élargir les types d’innovation en allant au-delà des produits et des processus pourraient aider les PME appartenant à des femmes à surmonter les obstacles à l’exportation, ce qui contribuerait à la marge extensive du commerce. De plus, des politiques traditionnelles qui favorisent l’éducation et offrent des occasions aux femmes pour acquérir de l’expérience en gestion pourraient contribuer à la marge intensive du commerce.

Références

Baur, A. A. B. (2019). « Petites et moyennes entreprises exportatrices appartenant à des femmes », Ottawa : Affaires mondiales Canada.

Sekkel, J. V. (2020). « PME appartenant à des femmes et obstacles au commerce », Ottawa : Affaires mondiales Canada.

Sekkel, J. V. et W. Wang (2023), « Women’s exporting success: evidence from Canadian small and medium-sized enterprises », dans Mettre le commerce au service des femmes : principaux enseignements tirés du Congrès mondial 2022 sur le commerce et l’égalité des genres, chapitre 5, page 80 à 101, Organisation mondiale du commerce.

WTO [Organisation mondiale du commerce]. (2016). « Levelling the trading field for SMEs ». Rapport sur le commerce mondial.

Date de modification :