Rapports économiques et sociaux
Les entrepreneurs immigrants et de deuxième génération au Canada : une comparaison intergénérationnelle de la propriété d’entreprise
DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202100900003-fra
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Résumé
L’entrepreneuriat et la propriété d’entreprise sont des aspects importants de la contribution économique des immigrants. On en sait beaucoup sur les taux élevés de travailleurs autonomes et les autres caractéristiques des entrepreneurs immigrants. On en sait, en revanche, très peu sur la contribution économique des Canadiens de deuxième génération (personnes dont les parents sont des immigrants) qui sont propriétaires d’entreprises. Le présent article comble cette lacune en utilisant un nouvel ensemble de données couplant des données administratives au niveau de la personne et au niveau des entreprises à des microdonnées du Recensement de la population de 2016. Les taux de propriété d’entreprise de cette deuxième génération étaient inférieurs à ceux des immigrants, mais supérieurs à ceux de la troisième génération ou plus (c’est-à-dire, les personnes dont les parents sont nés au Canada). Cette constatation s’appliquait aux trois formes de propriété d’entreprise examinées dans le cadre de la présente étude : 1) la propriété d’entreprises privées constituées en société comptant des employés; 2) la propriété d’entreprises privées constituées en société dans des industries de haute technologie à forte intensité de recherche et développement (R-D) et; 3) les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes (non constitués en société). Toutefois, parmi les entreprises privées constituées en société, notamment celles qui œuvrent dans des industries à forte intensité de R-D, les différences intergénérationnelles en matière de propriété étaient principalement attribuables aux différences de caractéristiques des propriétaires. La probabilité de posséder une entreprise privée constituée en société était très faible ou inexistante, une fois des caractéristiques, comme l’éducation, l’âge, le lieu de résidence et le pays d’origine, prises en compte. Parmi les entreprises privées constituées en société, l’« effet générationnel » était relativement faible après cette prise en compte. En revanche, même après la prise en compte des différences observables, les immigrants ont maintenu une tendance plus élevée à être des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société, ce qui peut être lié à leur difficulté à trouver un emploi rémunéré convenable. Un niveau de scolarité plus élevé tendait à accroître la probabilité de posséder une entreprise privée constituée en société, mais diminuait la probabilité d’être entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société pour tous les groupes générationnels. La répartition sectorielle des entreprises détenues variait également entre les trois groupes. Dans l’ensemble, les taux de propriété et les types d’entreprises appartenant à la deuxième génération ressemblaient plus étroitement à ceux de la troisième génération ou plus qu’à ceux des immigrants.
Auteurs
Garnett Picot travaille à la Direction générale de la recherche et de l’évaluation, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Yuri Ostrovsky travaille à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Direction des études analytiques et de la modélisation de Statistique Canada.
Introduction
L’entrepreneuriat et la propriété d’entreprise sont des aspects importants de la contribution économique des immigrants. Une documentation substantielle a été élaborée concernant l’entrepreneuriat des immigrants aux États-Unis et au Canada (Fairlie et Lofstrom, 2015; Green et coll., 2016). On constate habituellement que les immigrants enregistrent un taux de propriété d’entreprise plus élevé que la population née au pays, bien que cette différence puisse être en partie attribuée aux difficultés auxquelles de nombreux immigrants sont confrontés sur le marché du travail (Hou et Wang, 2011). De multiples études aux États-Unis ont permis de conclure que les entrepreneurs immigrants représentent un déterminant important dans le secteur de la technologie et que les immigrants ont joué un rôle disproportionné dans le développement de lieux comme la Silicon Valley (Saxenian, 2002; Wadhwa et coll., 2008; Hunt et Gauthier-Loiselle, 2010). Des recherches canadiennes récentes montrent que les immigrants de la catégorie économique sont plus enclins à posséder des entreprises axées sur la technologie que les propriétaires d’entreprises nés au Canada, possiblement parce qu’ils sont beaucoup plus susceptibles d’être titulaires d’un diplôme universitaire en sciences, technologie, génie ou mathématiques (STGM) (Picot et Ostrovsky, 2017).
La présente étude va au-delà des tendances des immigrants en matière de propriété d’entreprise et de travail autonome, en portant essentiellement sur les propriétaires d’entreprises nés au Canada qui ont des parents immigrants ou sur les Canadiens de deuxième génération. Cette étude est principalement motivée par la question de savoir si les niveaux élevés d’entrepreneuriat généralement observés chez les immigrants sont également observés au sein de la deuxième génération. Il y a lieu de croire que les Canadiens de deuxième génération abordent l’entrepreneuriat différemment de leurs parents immigrants et des générations subséquentes de personnes nées au Canada, dont les parents étaient également nés au Canada (la troisième génération ou plus)Note . Par exemple, la plupart des Canadiens de deuxième génération ont un avantage linguistique par rapport à leurs parents immigrants; étant nés au Canada, ils sont peu nombreux à éprouver des difficultés linguistiques et bon nombre d’entre eux maîtrisent les deux langues officielles. Contrairement à la plupart de leurs parents, les Canadiens de deuxième génération sont scolarisés au Canada et développent d’importants réseaux sociaux en tant que jeunes adultes, ce qui peut leur donner un avantage entrepreneurial par rapport aux entrepreneurs immigrant plus tard dans leur vie. La situation financière des Canadiens de deuxième génération est généralement meilleure que celle des immigrants, ce qui donne aux entrepreneurs potentiels de deuxième génération un avantage pour financer une nouvelle entreprise. Comparativement aux Canadiens de la troisième génération ou plus, ceux de la deuxième génération ont l’avantage d’être exposés à la langue, à la culture et aux réseaux sociaux de leurs parents et peuvent même établir des liens avec leur pays d’origine qui profitent au fonctionnement de leurs entreprises.
La présente étude comporte trois éléments nouveaux essentiels par rapport à la documentation précédente. Premièrement, elle fait une distinction importante entre la propriété d’entreprises constituées en société et celle d’entreprises non constituées en société. Des études récentes soulignent une différence importante entre les propriétaires immigrants d’entreprises privées constituées en société et les travailleurs autonomes propriétaires d’entreprises non constituées en société (Levine et Rubenstein, 2017; Light et Munk, 2018). Les premiers sont, par exemple, plus susceptibles d’être des employeurs, tandis que les derniers ont rarement des employés au-delà du propriétaire (Green et coll., 2016). Il existe également des différences importantes dans la répartition sectorielle des entreprises constituées en société et des entreprises non constituées en société. Comme on pourra le constater, les caractéristiques des propriétaires de ces deux types d’entreprises sont également très différentes.
Deuxièmement, il s’agit de la première étude de ce genre combinant la force des données administratives à la richesse des microdonnées de recensement, en couplant des dossiers fiscaux administratifs représentatifs à l’échelle nationale aux dossiers du Recensement de la population de 2016. Les données du recensement sont essentielles pour examiner l’incidence des différences de niveau de scolarité sur l’entrepreneuriat. Au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, la deuxième génération dépasse généralement la première et la troisième génération ou plus en matière de scolarité et souvent en matière de situation sur le marché du travail (Chen et Hou, 2019)Note . Ce phénomène se produit moins aux États-Unis (Picot et Hou, 2011; Picot et Hou, 2018b) et n’est généralement pas le cas en Europe, où les résultats en matière d’éducation et la situation économique des personnes de la deuxième génération nées au pays ont tendance à être inférieurs. Par conséquent, la contribution économique de la deuxième génération varie probablement beaucoup d’un pays à l’autre.
Enfin, à l’aide d’une taxonomie de l’intensité de recherche et développement (R-D) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) entre différentes industries, la présente étude souligne les différences intergénérationnelles en matière de propriété d’entreprise dans le secteur fondé sur le savoir de l’économie canadienne. Elle examine également la relation entre le fait d’être titulaire d’un diplôme en STGM et d’être propriétaire d’une entreprise dans des industries à forte et moyenne intensité de R-D.
Brève analyse documentaire
La documentation sur l’entrepreneuriat de deuxième génération est rare. Parmi les études menées au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande (pays dont les personnes de deuxième génération ont tendance à avoir des caractéristiques et une situation semblables), un seul document canadien a été trouvé. Hou, Abada et Lu (2013) se sont penchés sur le travail autonome chez les immigrants et leurs enfants dans le cadre d’une étude longitudinale couvrant la période de 1981 à 2006. Ils ont constaté que les taux de travail autonome chez les hommes de deuxième génération étaient inférieurs à ceux de leurs parents immigrants et que ceux des femmes de deuxième génération étaient supérieurs à ceux de leurs parents. Une étude américaine a révélé que les Américains de deuxième génération étaient moins susceptibles de devenir entrepreneurs (dans ce cas-ci des travailleurs autonomes) que la première génération, mais que ceux qui l’ont fait avaient beaucoup de succès (Somashekhar, 2016). L’étude a conclu que l’entrepreneuriat était principalement une stratégie de marché du travail pour la première génération aux États-Unis. Aucune information ne portait sur le rôle des entrepreneurs de deuxième génération dans les industries technologiques ou professionnelles.
Parmi les études européennes, une étude néerlandaise a révélé que la deuxième génération démarrait des entreprises dans des industries très différentes de celles des immigrants, mais en dépit d’un niveau de scolarité plus élevé et d’une plus grande intégration sociale, elle n’enregistrait pas un plus grand succès que les entreprises de première génération (Beckers et Blumberg, 2013). Une étude suédoise a révélé qu’au cours d’une période de quatre ans, les entreprises exploitées par des personnes de la deuxième génération provenant d’un pays de l’OCDE avaient enregistré des taux de croissance des revenus supérieurs à ceux des entreprises détenues par la population née au pays. Toutefois, les entreprises de deuxième génération appartenant à des personnes provenant d’un pays non membre de l’OCDE enregistraient une plus faible croissance des revenus. Ils ont conclu que le contexte du pays d’origine était important et qu’un modèle d’assimilation segmentée à long terme s’observait en Suède (Efendic, Andersson et Wennberg, 2016). De nombreuses études ont examiné si l’enracinement transnational (mesure de l’orientation internationale) était supérieur dans les entreprises appartenant à la première ou à la deuxième génération. Cette recherche a révélé qu’un tel enracinement était un aspect important pour les entrepreneurs de deuxième génération, mais son étendue était inférieure à celle des entrepreneurs de première génération (Rusinovic, 2008). Aucune étude ne semble fournir de perspective d’ensemble des activités entrepreneuriales de la deuxième génération ni aborder spécifiquement le rôle des entrepreneurs de deuxième génération dans les secteurs technologiques et professionnels.
Selon les données probantes internationales, la principale hypothèse examinée dans la présente étude est que le pourcentage de propriétaires d’entreprises parmi les Canadiens de deuxième génération est inférieur à celui de la génération des immigrants. Les avantages linguistiques, culturels, matériels et en matière d’éducation dont bénéficient les Canadiens de deuxième génération leur permettent de réussir dans des emplois professionnels, qu’ils peuvent choisir plutôt que d’être propriétaires d’une entreprise. Bien que bon nombre d’entre eux choisissent volontairement l’entrepreneuriat, comme c’est le cas parmi la population immigrante, ils sont beaucoup moins nombreux à se tourner vers l’entrepreneuriat en tant que stratégie du marché du travail lorsqu’ils sont confrontés à de piètres possibilités d’emploi. La présente étude examine également la proposition selon laquelle les personnes devenant propriétaires d’entreprises sont plus susceptibles de travailler dans des industries à forte intensité de R-D, en partie en raison de leur niveau de scolarité. Même si les immigrants au Canada ont un niveau de scolarité élevé (bon nombre d’entre eux dans des disciplines en STGM), les diplômes obtenus dans des pays non occidentaux n’offrent souvent pas les mêmes avantages que les diplômes obtenus dans des pays occidentaux (Boyd et Tian, 2018; Picot et Hou, 2020). Les Canadiens de deuxième génération ne sont pas confrontés à la même difficulté, puisque leurs diplômes sont en grande partie obtenus au Canada.
Concepts et définitions
La présente étude établit une distinction générale entre la propriété d’entreprises constituées en société et la propriété d’entreprises non constituées en société. Ces deux types d’entreprises sont très différents, tout comme les caractéristiques de leurs propriétaires (Green et coll., 2016; Levine et Rubenstein, 2017). À part les sociétés d’État, il existe deux principaux types de sociétés au Canada : les sociétés publiques et les sociétés privées. Les actionnaires de sociétés publiques (sociétés dont les actions sont cotées dans une bourse canadienne désignée) ne sont pas des entrepreneurs au sens large et ne sont pas considérés comme des propriétaires d’entreprises dans cette étude. Parmi les sociétés privées, environ la moitié n’ont pas d’employés (première et deuxième lignes de la dernière colonne du tableau 1) et sont souvent des sociétés fictives ayant peu d’activité économique. Pour cette raison, l’analyse de la propriété d’entreprises constituées en société porte sur les propriétaires de sociétés privées ayant des employés. Les renseignements sur les propriétaires d’entreprises constituées en société comptant des employés sont disponibles dans les déclarations de revenus des entreprises.
Une partie de l’analyse porte spécifiquement sur la propriété d’entreprises privées constituées en société dans des industries à forte intensité de R-D. La détermination des industries à forte intensité de R-D est fondée sur la taxonomie des industries de l’OCDE en fonction de leur niveau d’intensité de R-D (Galindo-Rueda et Verger, 2016). Cette taxonomie divise les industries manufacturières et non manufacturières en cinq groupes : les industries d’intensité de R-D élevée, moyennement élevée, moyenne, moyennement faible et faible. La présente étude adapte la taxonomie de l’OCDE pour examiner la propriété d’entreprises constituées en société dans des industries à intensité de R-D élevée et moyennement élevéeNote .
La présente étude examine également la propriété d’entreprises non constituées en société. La détermination des travailleurs autonomes non constitués en société est fondée sur les renseignements sur le revenu provenant d’un travail autonome figurant dans les déclarations de revenus des particuliers (formulaire T1). Les sources de revenu d’un travail autonome comprennent les revenus d’entreprise, de profession libérale, de commissions, d’agriculture et de pêche. Pour plus de 40 % des travailleurs autonomes non constitués en société, le travail autonome n’est pas leur principale source de revenus et génère souvent peu d’activité économique. Seuls les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes (ceux dont le revenu net provenant d’un travail autonome dépasse celui provenant d’un travail rémunéré) sont inclus dans cette étude.
Conformément à des études antérieures, la catégorie de la deuxième génération comprend les personnes nées au Canada ayant au moins un parent immigrant, et les personnes de la troisième génération ou plus comprennent les personnes nées au Canada dont les deux parents sont nés au Canada. Il existe une différence importante entre les origines ethniques de la première et de la deuxième génération. Étant donné que l’immigration en provenance de Chine, d’Inde et des Philippines a été très élevée au cours des dernières décennies, ces pays sont les principaux pays d’origine des immigrants de l’échantillon. L’origine ethnique de la deuxième génération reflète celle des immigrants d’une période antérieure. Les trois principaux pays d’origine des parents de la deuxième génération sont le Royaume-Uni, l’Italie et les Pays-Bas.
L’unité d’analyse ci-dessous est le propriétaire individuel. Une entreprise peut avoir plus d’un propriétaire et chaque personne peut posséder plus d’une entreprise. Une personne peut également posséder des entreprises constituées en société et non constituées en société, bien que très peu le fassent. La population âgée de 25 à 69 ans est incluse dans cette analyse.
Données
Les données proviennent de trois sources principales. Combinées, ces données offrent une occasion nouvelle et unique de produire des renseignements inédits sur les activités entrepreneuriales des Canadiens de deuxième génération. La première source est la Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés (BDCDEE), une base de données administratives couplant des données provenant de multiples sources administratives, y compris les déclarations de revenus des particuliers (formulaire T1) et des sociétés (formulaire T2). Les fichiers T1 de la BDCDEE permettent de déterminer les travailleurs autonomes non constitués en société en fonction des renseignements sur leur revenu provenant d’un travail autonome. Dans la présente étude, les personnes dont le revenu brut provenant d’un travail autonome n’est pas nul sont considérées comme des travailleurs autonomes. Il est également possible de déterminer les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes en comparant les salaires et traitements annuels des travailleurs autonomes à leur revenu net provenant d’un travail autonome. Les fichiers T2 de la BDCDEE sont essentiels pour relever les propriétaires de sociétés privées. Chaque société privée qui produit une déclaration de revenus d’entreprise est également tenue de soumettre le formulaire de l’annexe 50, qui énumère tous les actionnaires ayant des parts égales ou supérieures à 10 %. Les renseignements sur la propriété figurant à l’annexe 50 servent à cerner les propriétaires d’entreprises privées constituées en société dans le cadre de la présente étude.
La deuxième source de données est le fichier de microdonnées du Recensement de la population de 2016. Il est désormais possible de coupler des données administratives à des microdonnées de recensement à l’aide de clés de couplage récemment créées par Statistique CanadaNote . Le fichier de microdonnées du Recensement de 2016 permet de cerner les immigrants ainsi que les Canadiens de deuxième et de troisième génération ou plus. Il fournit en outre des renseignements détaillés sur les caractéristiques individuelles, y compris des données détaillées sur le niveau de scolarité et le pays d’origine des immigrants et de la deuxième génération.
La troisième source de données utilisée dans la présente étude est le Fichier de microdonnées longitudinales des comptes nationaux (FMLCN). Le FMLCN est un ensemble de données au niveau de l’entreprise qui porte sur toutes les sociétés canadiennes et les entreprises non constituées qui déclarent des emplois. Il est utilisé dans cette étude pour cerner les entreprises constituées en société qui avaient des employés en 2016, à l’aide des numéros d’entreprise (NE) figurant sur les formulaires de l’annexe 50. Les industries dont l’intensité de R-D est élevée et moyennement élevée sont désignées au moyen du code à six chiffres du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord associé à chaque entreprise du FMLCNNote .
L’échantillon analytique comprend environ 4 612 700 observations (ce qui correspond à environ 19,0 millions de dossiers pondérés), dont 5,1 millions d’immigrants, 2,7 millions de Canadiens de deuxième génération et 11,3 millions de Canadiens de troisième génération ou plus. L’âge moyen de l’échantillon est de 47,3 ans.
Résultats
Incidence de la propriété pour les trois générations
Le tableau 1 montre que le taux de propriété d’entreprise chez les Canadiens de deuxième génération est supérieur à celui des Canadiens de troisième génération ou plus, mais inférieur à celui observé chez les immigrants. Les immigrants et les personnes nées au Canada dont les parents sont des immigrants ont un taux de propriété plus élevé que les personnes nées au Canada dont les parents sont nés au Canada. En 2016, 11,9 % des immigrants âgés de 25 à 69 ans étaient propriétaires d’une entreprise constituée en société comptant des employés ou entrepreneurs principalement travailleursNote autonomes non constitués en société, comparativement à 10,1 % pour la deuxième génération et à 8,4 % pour la troisième génération ou plusNote .
Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus |
Global | |
---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||
Propriétaires d’entreprises constituées en société | 9,8 | 10,3 | 8,1 | 8,8 |
Propriétaires d’entreprises constituées en société comptant des employés | 5,2 | 5,0 | 4,0 | 4,4 |
Travailleurs autonomes non constitués en société | 10,6 | 9,5 | 8,2 | 9,0 |
Entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société | 6,9 | 5,3 | 4,6 | 5,3 |
chiffresTableau 1 Note 1 | ||||
Observations | 1 209 900 | 634 000 | 2 777 800 | 4 621 700 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
L’écart dans la propriété globale d’une entreprise entre les immigrants et la deuxième génération est principalement lié aux différences dans le taux de travail principalement autonome (respectivement 6,9 % contre 5,3 %). Le taux plus élevé de travailleurs autonomes chez les immigrants reflète l’opinion selon laquelle le travail autonome est souvent une stratégie que les immigrants adoptent pour lutter contre de piètres possibilités d’emploi sur le marché du travail canadien. Chen et Hou (2019) ont constaté que les immigrants étaient plus susceptibles que la population née au Canada de déclarer avoir choisi le travail autonome en raison de difficultés à trouver un emploi. Hou, Abada et Lu (2013) ont également constaté qu’en raison de la difficulté à trouver un emploi, les immigrants de sexe masculin étaient plus portés que les hommes nés au Canada à travailler à leur compte. Ils ont également constaté qu’une rémunération plus élevée pour un travail autonome que pour un travail rémunéré était un facteur plus important de passage à un travail autonome au sein de la population née au Canada que pour les immigrants.
Il existe peu de différence entre les immigrants et la deuxième génération en matière de taux de propriété des entreprises privées constituées en société comptant des employés (respectivement 5,2 % contre 5,0 %). Toutefois, les deux groupes présentent une plus grande tendance à posséder de telles entreprises que la troisième génération ou plus, à un taux de propriété de 4,0 %.
Niveau de scolarité et propriétaires d’entreprises
Des études antérieures donnent à penser que le niveau de scolarité est corrélé avec la probabilité de devenir propriétaire d’une entreprise (p. ex. Green et coll., 2016). La relation entre le niveau de scolarité et la probabilité d’être propriétaire d’une entreprise distingue les entreprises privées constituées en société des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes. La tendance à posséder une entreprise privée constituée en société augmente généralement avec le niveau de scolarité, tandis que la tendance à être un entrepreneur principalement travailleur autonome diminue (tableau 2, partie supérieure). Cela vaut également pour les trois groupes générationnels. Par exemple, parmi la deuxième génération, 9,2 % des personnes titulaires d’un diplôme d’études supérieures étaient propriétaires d’une entreprise privée constituée en société, comparativement à 4,4 % de celles titulaires d’un diplôme d’études secondaires ou moins. Par ailleurs, 5,4 % des immigrants titulaires d’un diplôme d’études supérieures étaient des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société, comparativement à 8,0 % de ceux titulaires d’un diplôme d’études secondaires ou moins.
Propriétaires d’entreprises constituées en société avec des employés | Propriétaires d’entreprises non constituées en société étant principalement des travailleurs autonomes | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus | Tous | Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus | Tous | |
pourcentage | ||||||||
Taux de propriété selon le niveau de scolarité | ||||||||
Diplôme d’études secondaires ou niveau inférieur | 4,5 | 4,4 | 3,4 | 3,8 | 8,0 | 5,8 | 4,5 | 5,6 |
Études postsecondaires partielles | 4,6 | 4,6 | 4,0 | 4,2 | 7,4 | 5,7 | 5,0 | 5,6 |
Baccalauréat | 5,4 | 4,8 | 4,3 | 4,7 | 5,6 | 4,3 | 3,8 | 4,5 |
Diplôme d’études supérieures | 7,9 | 9,2 | 7,2 | 7,8 | 5,4 | 4,4 | 4,1 | 4,7 |
Répartition des entreprises selon le niveau de scolarité du propriétaire (total : 100 %) | ||||||||
Diplôme d’études secondaires ou niveau inférieur | 28,9 | 26,8 | 32,2 | 30,3 | 38,6 | 33,4 | 37,7 | 37,5 |
Études postsecondaires partielles | 25,1 | 33,4 | 40,7 | 34,7 | 30,3 | 38,8 | 43,8 | 38,3 |
Baccalauréat | 27,1 | 24,8 | 18,1 | 21,9 | 21,3 | 21,1 | 14,1 | 17,6 |
Diplôme d’études supérieures | 18,9 | 15,0 | 9,0 | 13,1 | 9,8 | 6,7 | 4,4 | 6,6 |
Note : Le terme « première génération » désigne les immigrants. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
Le niveau de scolarité des immigrants et de leurs enfants est supérieur à celui des personnes de la troisième génération ou plus, et les immigrants en particulier sont beaucoup plus susceptibles d’avoir fait des études dans les domaines des STGM que les personnes de la troisième génération ou plus (Picot et Hou, 2018a). Par conséquent, le niveau de scolarité des propriétaires d’entreprises est également plus élevé chez les immigrants et au sein de la deuxième génération. Par exemple, 46,0 % des immigrants propriétaires d’entreprises privées constituées en société étaient titulaires d’un diplôme universitaire, comparativement à 39,8 % des propriétaires de deuxième génération et à 27,1 % des propriétaires de troisième génération ou plus (tableau 2, partie inférieure). De plus, 36,7 % des propriétaires d’entreprises immigrants titulaires d’un diplôme universitaire étaient diplômés en STGM, un taux beaucoup plus élevé que leurs homologues de la deuxième génération (18,3 %) et de la troisième génération ou plus (17,3 %) (tableau 3).
Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus | Global | |
---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||
Tous les déclarants | 18,4 | 11,5 | 8,7 | 11,7 |
Propriétaires d’entreprises constituées en société comptant des employés | 22,1 | 12,3 | 10,0 | 14,2 |
Travailleurs principalement autonomes non constitués en société | 14,6 | 8,2 | 6,1 | 9,4 |
Tous les diplômés universitaires | 34,7 | 19,5 | 17,5 | 24,2 |
Propriétaires d’entreprises constituées en société avec des employés | 36,7 | 18,3 | 17,3 | 26,0 |
Entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société | 35,7 | 17,5 | 16,5 | 25,3 |
Note : Les diplômés en sciences, technologie, génie et mathématiques (STGM) ne sont pas tous titulaires d’un diplôme universitaire; les diplômes d'études collégiales sont inclus. Le terme « première génération » désigne les immigrants. Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
La même tendance se maintient pour les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes, bien que le niveau de scolarité de ces derniers soit généralement plus faible. Toutefois, les diplômés universitaires immigrants étaient plus susceptibles de posséder des diplômes obtenus dans des pays non occidentaux que les Canadiens de deuxième génération, et les rendements économiques liés à ces diplômes étaient inférieurs à ceux obtenus dans les pays occidentaux (Boyd et Tian, 2018; Picot et Hou, 2020). Par conséquent, les comparaisons directes entre les générations de propriétaires d’entreprises ayant suivi des études universitaires peuvent être trompeuses.
Structure industrielle des entreprises détenues
De nombreux immigrants créent des entreprises dans ce qui peut être perçu comme des industries traditionnellement favorisées par les immigrants, comme des restaurants, des épiceries ethniques, des entreprises de taxi et des entreprises de conciergerie ou d’aménagement paysager. De nombreuses raisons peuvent expliquer ce résultat. Les immigrants peuvent avoir un avantage comparatif dans de telles entreprises. Il se peut que les immigrants très instruits constatent que leurs titres de compétences ne reçoivent pas le même type de rendement économique que les titres de compétences obtenus au Canada, ou encore que les difficultés rencontrées par les immigrants sur le marché du travail les poussent à devenir propriétaires d’entreprises. C’est particulièrement le cas des immigrants de la catégorie du regroupement familial ou des réfugiés. Picot et Ostrovsky (2017) ont constaté que les immigrants de ces catégories étaient considérablement plus portés que les propriétaires d’entreprises nés au Canada à ouvrir des entreprises dans ces industries traditionnelles. En revanche, les immigrants de la catégorie économique ont tendance à être très instruits et, plus souvent que la population née au Canada, à être formés en génie, en informatique ou en technologie. Cela pourrait expliquer pourquoi les immigrants de la catégorie économique sont plus susceptibles que les personnes nées au Canada d’être propriétaires d’entreprises dans des industries du savoir ou de la technologie. Ainsi, des recherches antérieures donnent à penser que les immigrants s’orientent à la fois vers les industries traditionnellement favorisées par les immigrants et vers les industries de haute technologie. Les Canadiens de deuxième génération, ayant suivi leurs études principalement au Canada, peuvent ressembler plus étroitement aux personnes dont les parents sont nés au Canada en ce qui concerne les industries dans lesquelles ils ont tendance à posséder une entreprise.
Les données semblent indiquer que c’est en effet le cas. Les différences entre la répartition sectorielle des entreprises appartenant à des immigrants et celle des entreprises appartenant à des personnes de la deuxième génération ou de la troisième génération ou plus sont relativement importantes. Ces différences dans la structure sectorielle sont plus importantes que celles existant entre les entreprises de deuxième et de troisième génération ou plus. Ce résultat est fondé sur l’indice de dissimilitude (mesure de la différence entre deux répartitions)Note . Plus les deux répartitions sectorielles sont dissemblables, plus la valeur de l’indice est élevée. Pour les entreprises privées constituées en société, l’indice de dissimilitude était de 16,7 lors d’une comparaison entre la première et la deuxième génération, de 21,0 lors d’une comparaison entre la génération des immigrants et la troisième génération ou plus et de 11,8 lors de la comparaison entre la deuxième génération et la troisième génération ou plus. Par conséquent, les entreprises dont les propriétaires sont de la deuxième génération et celles dont les propriétaires sont de la troisième génération ou plus se ressemblent davantage en ce qui concerne leur industrie que celles appartenant à des immigrants et à d’autres générations.
Comparativement aux propriétaires d’entreprises nés au Canada, un pourcentage plus élevé d’entreprises constituées en société appartenant à des immigrants ont tendance à correspondre à des entreprises traditionnellement favorisées par les immigrants, notamment dans le domaine du transport et de l’entreposage (11,6 %) et des services d’hébergement et de restauration (10,6 %) (tableau 4). Toutefois, une proportion significative des entreprises constituées en société appartenant à des immigrants correspondait également aux services professionnels, scientifiques et techniques (18,1 %) ainsi qu’aux soins de santé et à l’assistance sociale (11,7 %). Les entreprises privées constituées en société appartenant à des Canadiens de deuxième génération étaient plus susceptibles d’appartenir au secteur des services professionnels, scientifiques et techniques (18,2 %) ou au secteur des soins de santé et de l’assistance sociale (13,6 %) que les autres générations. Les personnes de la troisième génération ou plus étaient plus enclines que les autres à être propriétaires d’entreprises constituées en société dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie, de la pêche et de la chasse (8,8 %) et de la construction (18,2 %).
Propriétaires d’entreprises constituées en société avec des employésTableau 4 Note 1 | Propriétaires d’entreprises non constituées en société étant principalement des travailleurs autonomesTableau 4 Note 2 | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus |
Tous | Première génération | Deuxième génération | Troisième génération ou plus |
Tous | |
pourcentage | ||||||||
Inconnu | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 10,8 | 5,9 | 5,7 | 7,5 |
Agriculture, foresterie, pêche et chasse | 1,6 | 5,1 | 8,8 | 6,0 | 0,7 | 1,8 | 3,0 | 2,0 |
Extraction minière, exploitation en carrière, et extraction de pétrole et de gaz | 0,2 | 0,7 | 1,6 | 1,0 | 0,2 | 0,3 | 0,4 | 0,3 |
Services publics | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Construction | 10,5 | 15,1 | 18,2 | 15,4 | 13,7 | 14,9 | 13,6 | 13,8 |
Fabrication | 3,9 | 4,5 | 4,4 | 4,2 | 2,8 | 2,7 | 2,9 | 2,8 |
Commerce de gros | 4,4 | 4,1 | 4,0 | 4,2 | 1,6 | 1,6 | 1,4 | 1,5 |
Commerce de détail | 10,5 | 8,0 | 9,3 | 9,5 | 6,3 | 5,3 | 5,0 | 5,5 |
Transport et entreposage | 11,6 | 3,4 | 5,4 | 7,0 | 13,4 | 3,9 | 4,5 | 7,5 |
Industrie de l’information et industrie culturelle | 0,8 | 1,5 | 1,0 | 1,0 | 1,2 | 2,5 | 1,9 | 1,7 |
Finance et assurances | 1,9 | 3,1 | 2,9 | 2,6 | 2,0 | 2,3 | 1,8 | 1,9 |
Services immobiliers et services de location et de location à bail | 3,1 | 4,6 | 3,5 | 3,5 | 3,6 | 4,6 | 3,1 | 3,5 |
Services professionnels, scientifiques et techniques | 18,1 | 18,2 | 15,4 | 16,7 | 9,4 | 14,3 | 11,4 | 11,2 |
Gestion de sociétés et d’entreprises | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 0,2 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Services administratifs, services de soutien, services de gestion des déchets et services d’assainissement | 3,9 | 4,8 | 4,5 | 4,4 | 8,0 | 8,3 | 8,9 | 8,5 |
Services d’enseignement | 1,1 | 1,1 | 0,8 | 0,9 | 3,5 | 4,9 | 3,7 | 3,8 |
Soins de santé et assistance sociale | 11,7 | 13,6 | 8,3 | 10,2 | 8,2 | 9,7 | 13,1 | 10,9 |
Arts, spectacles et loisirs | 0,6 | 1,3 | 1,3 | 1,1 | 2,0 | 5,0 | 4,0 | 3,4 |
Hébergement et services de restauration | 10,6 | 4,8 | 3,7 | 6,0 | 3,5 | 2,2 | 2,1 | 2,6 |
Autres services (sauf les administrations publiques) | 5,7 | 5,7 | 6,6 | 6,2 | 8,5 | 9,1 | 12,6 | 10,7 |
Administrations publiques | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 0,3 | 0,6 | 0,7 | 0,6 |
Entreprises à intensité de R-D élevée | 0,8 | 0,6 | 0,5 | 0,6 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Entreprises à intensité de R-D élevée et moyennement élevée | 9,9 | 6,4 | 5,3 | 6,9 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
... n'ayant pas lieu de figurer
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
Les résultats sont semblables pour les travailleurs autonomes non constitués en sociétéNote . Comparativement aux autres générations, un pourcentage élevé d’immigrants principalement travailleurs autonomes travaille dans le transport et l’entreposage (13,4 %) et dans le commerce de détail dans une moindre mesure (6,3 %). La répartition sectorielle des travailleurs autonomes de deuxième génération était plus semblable à la répartition sectorielle de la troisième génération ou plus qu’à celle des immigrants. L’indice de dissimilitude était de 16,9 entre la première et la deuxième génération, de 17,7 entre la première et la troisième génération ou plus et de 9,7 entre la deuxième et la troisième génération ou plus.
Taux de propriété des entreprises dans les industries à forte intensité de R‑D
De nombreux pays occidentaux se tournent vers des immigrants hautement qualifiés pour promouvoir le développement d’industries de haute technologie. Plusieurs études américaines affirment que le développement du secteur de la haute technologie aux États-Unis a été en grande partie attribuable à la contribution de propriétaires et d’entrepreneurs immigrants (Saxenian, 2002; Wadhwa et coll., 2008). La présente analyse porte sur la mesure dans laquelle les trois groupes générationnels participent aux industries de haute technologie par l’entremise de la propriété d’entreprise. Les immigrants et leurs enfants peuvent apporter une contribution importante, car ils sont plus susceptibles que les personnes de la troisième génération ou plus d’avoir fait des études en science, en génie ou en technologie.
L’analyse repose sur une classification des industries de l’OCDE par intensité de R-D (Galindo-Rueda et Verger, 2016) pour évaluer cette situation. Les « industries du savoir » désignent les industries de la fabrication et des services ayant un niveau élevé et moyennement élevé d’intensité de R-D. Il s’agit d’industries qui consacrent une proportion élevée de leurs revenus à la R-D. Pour les propriétaires d’entreprises privées constituées en société ayant des employés, les immigrants sont plus susceptibles d’être propriétaires d’une entreprise dans une industrie du savoir (9,9 %) que les propriétaires de deuxième génération (6,4 %) ou de troisième génération ou plus (5,3 %) (tableau 4). Les immigrants sont également plus enclins à posséder une entreprise dans une industrie à forte intensité de R-D (0,8 %) que la deuxième génération (0,6 %) ou la troisième génération ou plus (0,5 %), même si pour toutes les générations, le taux de propriété d’une entreprise dans une industrie à forte intensité de R-D est inférieur à 1 %. Selon des recherches antérieures (Picot et Ostrovsky, 2017), il est probable que la majorité des immigrants propriétaires de telles entreprises soient des immigrants de la catégorie économique. Contrairement aux immigrants de la catégorie du regroupement familial et aux réfugiés, les immigrants de la catégorie économique sont près de deux fois plus susceptibles que la population née au Canada d’être propriétaires d’une entreprise de haute technologie.
Dans l’ensemble, les propriétaires d’entreprises nés au Canada dont les parents étaient des immigrants ressemblent plus étroitement aux personnes de la troisième génération ou plus en ce qui concerne leur tendance à posséder des entreprises de haute technologie, bien que leur part des entreprises de haute technologie soit légèrement plus élevée que celle de la troisième génération ou plus.
Analyse multivariée
Modèles économétriques
Les résultats présentés au tableau 1 font référence aux différences brutes ou non corrigées entre les taux de propriété des trois groupes générationnels. Certaines de ces différences sont dues à la variation des caractéristiques des trois groupes, comme les différences de niveau de scolarité dont il a été question ci-dessus. Pour tenir compte des différences intergénérationnelles dans les principales caractéristiques observées, la probabilité d’être propriétaire d’entreprise est estimée à l’aide de modèles probit multivariés reposant sur des variables fictives relatives aux générations et un ensemble de variables de contrôle du côté droit. Fait important, l’objectif de l’analyse multivariée n’est pas d’établir de lien de causalité, mais seulement de tenir compte des différences de caractéristiques des générations. Les différences entre les résultats corrigés et non corrigés permettront de déterminer la mesure dans laquelle les contrôles inclus dans le modèle tiennent compte des différences observées entre les taux de propriété d’une génération à l’autre.
Les modèles sont estimés séparément pour la probabilité de posséder une entreprise privée constituée en société, d’être propriétaire d’une entreprise dans une industrie de haute technologie à forte intensité de R-D et d’être entrepreneur principalement travailleur autonome. La principale spécification du modèle est la suivante :
, (1)
où est la fonction normale cumulative de la densité, est une variable dichotomique de statut de propriété, est l’indicateur de génération ( pour la génération d’immigrants et pour la deuxième génération), est un ensemble de caractéristiques individuelles et de capital humain comme l’âge, le sexe, le niveau de scolarité et l’état matrimonial, est le lieu des études (la même province que la province de résidence, une autre province canadienne ou hors du Canada), est un indicateur d’études en STGM, sont des variables fictives indiquant la résidence dans quatre grandes régions métropolitaines (Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver), et est la province de résidence. Les variables générationnelles sont les principales variables d’intérêt.
Des modèles distincts sont estimés pour déterminer la différence corrigée de la probabilité de posséder une entreprise entre la première et la deuxième génération, en excluant de l’analyse la troisième génération ou plus. Cela est fait parce que la région d’origine peut être utilisée comme variable de contrôle dans ce cas, en plus des variables de contrôle susmentionnéesNote . Les modèles probit estimés pour les deux premières générations seulement ont le même ensemble de variables de contrôle que dans l’équation (1), plus un ensemble de variables fictives pour neuf grandes régions d’origine : les pays anglophones, l’Europe de l’Ouest et de l’Est, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l’Afrique (sauf l’Afrique du Nord), l’Inde et la région environnante, la Chine et la région environnante, l’Amérique latine et l’Asie du Sud-EstNote .
Différences intergénérationnelles dans la probabilité d’être propriétaire d’une entreprise
Le tableau 5 présente les principaux résultats de l’estimation à partir des modèles abrégés (modèles sans variables de contrôle) et des modèles complets décrits par l’équation (1). Les résultats prédits dans le modèle abrégé représentent essentiellement les parts réelles observées indiquées plus tôt. Par exemple, la probabilité prédite que des personnes de la troisième génération ou plus possèdent une entreprise privée constituée en société comptant des employésNote est identique à la part de la même génération figurant au tableau 1 (4,0 %). Les différences intergénérationnelles estimées dans les modèles abrégés correspondent également étroitement aux différences observées non corrigées dans les taux de propriété du tableau 1.
Propriétaires d’entreprises constituées en société comptant des employés | Propriétaires d’entreprises de l’industrie du savoir constituées en société avec des employés | Entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
effets partiels | erreurs-types | effets partiels | erreurs-types | effets partiels | erreurs-types | |
A. Modèles abrégés (sans variables de contrôle) | ||||||
Générations (omis : troisième génération ou plus) | ||||||
Première génération | 0,012Note *** | 0,00011 | 0,0030Note *** | 0,000033 | 0,023Note *** | 0,00013 |
Deuxième génération | 0,010Note *** | 0,00015 | 0,0010Note *** | 0,000036 | 0,007Note *** | 0,00015 |
Probabilité prédite de référence d’un résultat positif | 0,040 | 0,00006 | 0,0020 | 0,000013 | 0,046 | 0,00006 |
B. Modèles complets (avec variables de contrôle) | ||||||
Générations (omis : troisième génération ou plus) | ||||||
Première génération | 0,005Note *** | 0,00014 | 0,0002Note *** | 0,000036 | 0,016Note *** | 0,00016 |
Deuxième génération | 0,007Note *** | 0,00015 | 0,0001Note * | 0,000038 | 0,005Note *** | 0,00016 |
Probabilité prédite de référence d’un résultat positif | 0,042 | 0,00007 | 0,0028 | 0,000020 | 0,048 | 0,00007 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
L’ajout de variables de contrôle réduit d’une marge substantielle les différences intergénérationnelles de probabilité de posséder une entreprise non constituée en société comptant des employés (partie B, tableau 5). La première génération est plus susceptible (dans une proportion de 0,5 point de pourcentage) de posséder une entreprise privée constituée en société comptant des employés que la troisième génération ou plus, en baisse par rapport à 1,2 point de pourcentage dans le modèle sans variables de contrôle. En d’autres termes, les différences dans les principales caractéristiques du capital humain et la répartition géographique entre les immigrants et les Canadiens de troisième génération ou plus expliquent en grande partie les différences en matière de propriété d’entreprises privées constituées en société pour ces catégories.
La situation des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes est quelque peu différente. Après correction pour tenir compte des caractéristiques d’origine, les différences entre les générations quant à la probabilité d’être des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes sont passées de 2,3 points de pourcentage dans le modèle abrégé à 1,6 point de pourcentage dans le modèle complet, mais la différence restante est toujours substantielle. Ce résultat reflète les données probantes antérieures donnant à penser que les immigrants trouvent souvent nécessaire de se tourner vers le travail autonome lorsqu’ils ont de la difficulté à trouver un bon emploiNote . Les personnes de la deuxième et de la troisième génération ou plus ont de bien meilleures perspectives d’emploi et sont moins souvent confrontées à cette nécessité. Les Canadiens de deuxième génération sont un peu plus portés à être des travailleurs autonomes non constitués en société que les personnes de la troisième génération ou plus, mais la différence est relativement faible (0,5 point de pourcentage), quoique significative au niveau d’importance de 0,1 %.
Le tableau 5 montre également qu’après la prise en compte des différences de caractéristiques liées aux antécédents, les différences intergénérationnelles en matière de propriété d’une entreprise comptant des employés dans une industrie de haute technologie à forte intensité de R-D deviennent excessivement faibles. La probabilité, selon le modèle abrégé, que des personnes de la troisième génération ou plus soient propriétaires d’une telle entreprise est relativement faible, soit d’environ 0,2 %Note , et la plus grande différence entre les générations est de 0,3 point de pourcentage entre les immigrants et les personnes de la troisième génération ou plus. Après prise en compte des caractéristiques liées aux antécédents, cette différence est réduite à 0,02 point de pourcentage. Les différences corrigées entre la deuxième et la troisième génération ou plus et entre la première et la deuxième génération ne sont que d’environ 0,01 point de pourcentage. Bien que certaines de ces différences soient statistiquement significatives à des niveaux d’importance conventionnels, il s’agit de valeurs très faibles. Elles n’indiquent pratiquement aucune différence intergénérationnelle dans la probabilité de posséder une entreprise dans une industrie de R-D parmi les personnes ayant des niveaux comparables de capital humain et d’autres variables de contrôle incluses dans l’équation (1).
Une caractéristique (le contexte ancestral) est difficile à contrôler dans le modèle (1). Les immigrants et les Canadiens de deuxième génération de l’échantillon proviennent de milieux très différents. La répartition des immigrants dans les pays d’origine est dominée par les immigrants provenant d’Inde, de Chine, des Philippines et d’autres pays non européens. En revanche, les Canadiens de deuxième génération étaient surtout d’origine européenne, leurs parents étant arrivés du Royaume-Uni, d’Italie, de Pologne et d’autres pays européens. L’inclusion des caractéristiques liées aux antécédents dans l’équation (1) rendrait difficile l’interprétation des résultats en raison de la présence de la troisième génération ou plus. Pour explorer le rôle des caractéristiques liées aux antécédents dans la propriété d’entreprises constituées en société et non constituées en société, la deuxième partie de l’analyse multivariée est fondée sur le sous-échantillon constitué uniquement de la première et de la deuxième génération. L’ensemble de contrôles est le même que dans l’équation (1), mais avec l’ajout important de la variable de la région d’origine.
Les résultats sont présentés au tableau 6. La différence dans la probabilité de posséder une entreprise privée constituée en société entre la première et la deuxième génération est très faible (0,043 point de pourcentage), significative au niveau d’importance de 5 %, mais pas au niveau d’importance de 1 %. Cela correspond aux résultats précédents soulignant qu’après correction pour tenir compte d’importantes différences de caractéristiques du propriétaire, les différences de probabilité de posséder une entreprise privée constituée en société comptant des employés sont assez faibles. En revanche, les Canadiens de deuxième génération sont beaucoup moins susceptibles que les immigrants d’être entrepreneurs principalement travailleurs autonomes, même en tenant compte des différences liées aux antécédents. Cela reflète également l’opinion selon laquelle le travail autonome, surtout la propriété d’entreprises non constituées en société, est lié aux perspectives d’emploi.
Propriétaires d’entreprises constituées en société avec des employés | Propriétaires d’entreprises constituées en société avec des employés dans des industries à intensité de R-D élevée et moyennement élevée | Entrepreneurs principalement travailleurs autonomes non constitués en société | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
effets partiels | erreurs-types | effets partiels | erreurs-types | effets partiels | erreurs-types | |
Deuxième génération | -0,00043Note * | 0,00021 | -0,00078Note *** | 0,000062 | -0,01300Note *** | 0,00023 |
Âge (omis : moins de 30 ans) | ||||||
30 à 39 ans | 0,01600Note *** | 0,00027 | 0,00200Note *** | 0,000072 | 0,00990Note *** | 0,00034 |
40 à 49 ans | 0,03200Note *** | 0,00029 | 0,00390Note *** | 0,000079 | 0,01900Note *** | 0,00036 |
50 à 59 ans | 0,03400Note *** | 0,00030 | 0,00310Note *** | 0,000078 | 0,02000Note *** | 0,00036 |
60 ans et plus | 0,01800Note *** | 0,00029 | 0,00130Note *** | 0,000075 | 0,00530Note *** | 0,00036 |
Femme | -0,03300Note *** | 0,00016 | -0,00210Note *** | 0,000047 | -0,02600Note *** | 0,00018 |
Situation familiale (omis : jamais marié) | ||||||
Personne mariée ou vivant en cohabitation | 0,03400Note *** | 0,00027 | 0,00260Note *** | 0,000082 | 0,01100Note *** | 0,00038 |
Parent seul | 0,01100Note *** | 0,00039 | 0,00045Note *** | 0,000110 | 0,01100Note *** | 0,00051 |
Autre | 0,00600Note *** | 0,00029 | 0,00081Note *** | 0,000090 | 0,00570Note *** | 0,00041 |
Niveau de scolarité (omis : diplôme d’études secondaires ou niveau inférieur) | ||||||
Études postsecondaires partielles | 0,00440Note *** | 0,00020 | 0,00100Note *** | 0,000054 | -0,00670Note *** | 0,00025 |
Baccalauréat | 0,01200Note *** | 0,00024 | 0,00310Note *** | 0,000068 | -0,02200Note *** | 0,00027 |
Diplôme d’études supérieures | 0,03400Note *** | 0,00034 | 0,00380Note *** | 0,000089 | -0,02900Note *** | 0,00031 |
Diplôme en STGM | -0,00700Note *** | 0,00021 | 0,00630Note *** | 0,000087 | -0,02000Note *** | 0,00023 |
Études à l’extérieur du Canada | -0,00410Note *** | 0,00021 | -0,00017Note ** | 0,000058 | 0,01700Note *** | 0,00028 |
Grande ville (omis : pas une grande ville) | ||||||
Montréal | -0,00120 | 0,00065 | 0,00068Note *** | 0,000200 | -0,01000Note *** | 0,00057 |
Toronto | 0,00720Note *** | 0,00026 | 0,00250Note *** | 0,000078 | 0,01100Note *** | 0,00028 |
Calgary | -0,00340Note *** | 0,00039 | 0,00180Note *** | 0,000160 | 0,00390Note *** | 0,00059 |
Vancouver | -0,00850Note *** | 0,00034 | -0,00013 | 0,000100 | -0,00810Note *** | 0,00039 |
Province et territoires (omis : Ontario) | ||||||
Terre-Neuve-et-Labrador | -0,00700Note *** | 0,00150 | -0,00340Note *** | 0,000270 | -0,03100Note *** | 0,00150 |
Île-du-Prince-Édouard | 0,02400Note *** | 0,00250 | 0,00190Note * | 0,000850 | -0,00370 | 0,00230 |
Nouvelle-Écosse | 0,00087 | 0,00079 | -0,00200Note *** | 0,000210 | -0,00140 | 0,00094 |
Nouveau-Brunswick | 0,00850Note *** | 0,00110 | -0,00290Note *** | 0,000220 | -0,01400Note *** | 0,00110 |
Québec | -0,00610Note *** | 0,00052 | -0,00130Note *** | 0,000170 | 0,00510Note *** | 0,00065 |
Manitoba | 0,00140Note ** | 0,00048 | -0,00170Note *** | 0,000140 | -0,00800Note *** | 0,00051 |
Saskatchewan | 0,00840Note *** | 0,00066 | -0,00140Note *** | 0,000190 | -0,01000Note *** | 0,00066 |
Alberta | 0,03300Note *** | 0,00043 | -0,00040Note *** | 0,000120 | -0,01600Note *** | 0,00036 |
Colombie-Britannique | 0,02400Note *** | 0,00042 | 0,00030Note * | 0,000140 | 0,02500Note *** | 0,00049 |
Territoires | -0,00870Note *** | 0,00170 | -0,00390Note *** | 0,000250 | 0,00790Note ** | 0,00240 |
Lieu d’origine (omis : pays anglophones) | ||||||
Europe de l’Ouest | 0,01100Note *** | 0,00027 | -0,00020Note * | 0,000095 | 0,00048 | 0,00031 |
Europe de l’Est | 0,01200Note *** | 0,00032 | 0,00130Note *** | 0,000110 | 0,02800Note *** | 0,00039 |
Afrique du Nord et Moyen-Orient | 0,01100Note *** | 0,00038 | -0,00140Note *** | 0,000110 | 0,02200Note *** | 0,00046 |
Afrique, sauf l’Afrique du Nord | -0,01800Note *** | 0,00039 | -0,00210Note *** | 0,000120 | -0,01200Note *** | 0,00049 |
Chine et région | 0,02000Note *** | 0,00035 | 0,00026Note * | 0,000110 | 0,00047 | 0,00037 |
Inde et région | 0,01400Note *** | 0,00035 | -0,00034Note *** | 0,000100 | -0,00360Note *** | 0,00037 |
Amérique latine | -0,01900Note *** | 0,00029 | -0,00210Note *** | 0,000099 | -0,00130Note *** | 0,00037 |
Asie du Sud-Est | -0,01200Note *** | 0,00029 | -0,00270Note *** | 0,000092 | -0,02000Note *** | 0,00033 |
Inconnu | -0,02500Note ** | 0,00930 | -0,00470Note *** | 0,000087 | 0,02900 | 0,01900 |
Probabilité prédite de référence d’un résultat positif | 0,05125 | 0,00011 | 0,00437 | 0,000031 | 0,06771 | 0,00012 |
Source : Statistique Canada, Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés–Recensement de 2016, calculs des auteurs. |
Les résultats du tableau 6 montrent également qu’en plus de l’âge et du niveau de scolarité, la région d’origine est une covariable importante de la propriété d’une entreprise privée constituée en société comptant des employés. Les immigrants et les enfants d’immigrants provenant de Chine, d’Inde, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, d’Europe de l’Ouest et de l’Est étaient plus susceptibles (dans une proportion de 1,0 à 1,7 point de pourcentage) de posséder une entreprise privée constituée en société que les personnes comparables provenant de pays anglophones. Ce résultat ne s’est pas maintenu pour les industries à forte intensité de R-D, pour lesquelles les immigrants et les Canadiens de deuxième génération provenant de pays anglophones et d’Europe de l’Est étaient plus portés à être propriétaires d’une telle entreprise que ceux venant d’autres régions. Les personnes provenant d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est étaient les moins susceptibles d’être propriétaires d’une entreprise privée constituée en société, que leur industrie soit à forte intensité de R-D ou non. Les personnes provenant d’Europe de l’Est (0,028) et d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (0,022) étaient les plus enclines à être des entrepreneurs principalement travailleurs autonomes.
Enfin, les résultats présentés au tableau 6 confirment l’importance des caractéristiques du capital humain. Les résultats corrigés démontrent que les personnes titulaires d’un diplôme d’études supérieures étaient plus susceptibles (dans une proportion de 3,4 points de pourcentage) d’être propriétaires d’une entreprise constituée en société que celles ayant un diplôme d’études secondaires ou moins. Les personnes âgées de 40 à 59 ans étaient également plus portées (dans une proportion d’environ 3,2 points de pourcentage) à être propriétaires que les personnes âgées de 25 à 29 ans. Le lien entre les études et la propriété était négatif pour les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes. Les personnes les plus instruites étaient moins susceptibles (dans une proportion se situant entre 2,2 et 2,9 points de pourcentage) d’être des travailleurs autonomes que celles possédant un diplôme d’études secondaires ou moins. En plus du niveau de scolarité et de l’âge, le fait d’avoir fait des études dans les domaines des STGM avait un effet significatif sur la probabilité d’être propriétaire d’une entreprise dans une industrie à forte intensité de R-D.
Conclusion
Le présent article fournit certains des premiers renseignements sur les tendances de propriété d’entreprise des Canadiens de deuxième génération, qui représente une partie de la contribution économique de cette génération. Un nouvel ensemble de données couplant les données d’entreprise au Recensement de 2016 a été utilisé dans cette étude, qui porte essentiellement sur les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes et les propriétaires d’entreprises privées constituées en société, y compris des entreprises dans des industries de haute technologie à forte intensité de recherche et développement (R-D). En 2016, les taux de propriété d’entreprise des immigrants et des personnes de la deuxième génération étaient supérieurs à ceux des personnes de la troisième génération ou plus (personnes nées au Canada dont les parents étaient nés au Canada). Les immigrants en particulier affichaient les taux les plus élevés de propriété d’entreprise. En 2016, 11,9 % des immigrants âgés de 25 à 69 ans étaient propriétaires d’une entreprise privée constituée en société ou entrepreneurs principalementNote travailleurs autonomes, comparativement à 10,1 % de la deuxième génération et à 8,4 % des personnes de la troisième génération ou plus. La différence entre les immigrants et les autres groupes générationnels était en grande partie liée à la plus grande tendance des immigrants à travailler principalement à leur compte : 6,9 % par rapport à 5,3 % des Canadiens de deuxième génération et à 4,6 % des Canadiens de troisième génération ou plus. Les différences de taux de propriété des entreprises privées constituées en société comptant des employés étaient moins marquées; les immigrants représentant 5,2 %, la deuxième génération, 5,0 % et les personnes de la troisième génération ou plus, 4,0 %. La propriété d’entreprises dans des industries de haute technologie à forte intensité de R-D, bien que faible pour tous les groupes générationnels, était plus élevée chez les immigrants et, dans une moindre mesure, au sein de la deuxième génération que pour la troisième génération ou plus, possiblement en raison de différences dans la probabilité d’avoir fait des études dans les domaines des STGM.
La présente étude met en évidence l’incidence des différences intergénérationnelles observées en matière de caractéristiques du capital humain et d’origine géographique sur la probabilité d’être propriétaire d’une entreprise. Une fois ces différences prises en compte, les différences intergénérationnelles de probabilité de posséder une entreprise constituée en société étaient très faibles ou non significatives. Cela était particulièrement vrai en ce qui concerne la propriété d’entreprises dans des industries à forte intensité de R-D. Les différences observées entre les générations au niveau de la propriété d’entreprises privées constituées en société ont été en grande partie causées par des différences dans les caractéristiques du capital humain et l’origine géographique. Ce n’était pas le cas pour les entrepreneurs principalement travailleurs autonomes. La probabilité d’être un entrepreneur principalement travailleur autonome était plus élevée chez les immigrants que dans les autres groupes, même après la prise en compte des variables de contrôle. Cela peut être lié à leur plus grande difficulté à trouver un emploi approprié.
Pour ce qui est de l’avenir, un changement important aura lieu dans la composition de la deuxième génération, en particulier parmi les groupes d’âge dont le taux de propriété d’entreprise est élevé (40 à 59 ans). En 2016, les personnes de la deuxième génération d’origine européenne étaient dominantes, en raison des tendances d’immigration observées dans un passé plus lointain. À l’avenir, les personnes de deuxième génération seront d’origine asiatique, reflétant davantage les tendances récentes en matière d’immigration. Cela peut avoir une incidence sur les modèles de propriété d’entreprise.
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