Rapports économiques et sociaux
La sécurité d’emploi à l’ère de l’intelligence artificielle et des pandémies potentielles
par Marc Frenette et René Morissette
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DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202100600004-fra
Résumé
Les progrès récents en matière d’intelligence artificielle et de robotique ont donné lieu à un risque accru de perte d’emploi ou de transformation de l’emploi pour certains groupes de travailleurs. De plus, la pandémie de COVID-19 a démontré que dans le contexte d’un confinement, les travailleurs qui occupent un emploi pouvant être effectué à domicile, leur permettant de maintenir une distance physique suffisante avec autrui ou ayant été jugée essentielle par les autorités jouissent d’une plus grande sécurité d’emploi que les autres travailleurs. À la lumière de ces faits nouveaux, il importe de déterminer les groupes de travailleurs au Canada qui sont susceptibles de jouir du niveau de sécurité d’emploi le plus élevé ou le plus faible au cours des prochaines années.
À cette fin, une mesure prospective de la sécurité d’emploi a été mise au point dans le cadre de la présente étude. Celle-ci permet de mesurer la proportion d’employés canadiens qui occupent un emploi « à triple protection », soit un emploi qui a) n’a pas de date de fin prédéterminée, b) présente un faible risque d’être perdu ou transformé en raison de l’automatisation et c) est résistant à une pandémie. Cette mesure repose sur l’échantillon de référence de l’Enquête sur la population active (EPA) de 2019 de Statistique Canada, qui est complété par les données de l’Étude longitudinale et internationale des adultes (ELIA) de 2016 de Statistique Canada et du Occupational Information Network (O*NET, version 17.0) du Bureau of Labor Statistics des États-Unis. L’étude montre que 2 employés sur 5 occupaient un emploi à triple protection au Canada en 2019, avant la pandémie de COVID-19. Cependant, ces emplois n’étaient pas répartis équitablement entre les travailleurs, les familles et les régions. Les travailleurs très scolarisés et très bien rémunérés étaient les plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection. De même, chez les couples à deux revenus très scolarisés et les couples à deux revenus du décile supérieur de l’échelle de la répartition du revenu, les deux conjoints étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir un emploi à triple protection que les autres couples à deux revenus. En fait, pour les emplois à triple protection, les disparités sur le plan de l’éducation et du revenu étaient plus prononcées chez les couples à deux revenus que chez les personnes seules. Enfin, les couples vivant dans des régions économiques comptant de grandes villes étaient beaucoup plus susceptibles de bénéficier de niveaux de sécurité d’emploi relativement élevés que ceux qui habitaient dans de petites villes et des régions rurales. Considérés ensemble, ces résultats donnent à penser que l’évolution ultérieure de l’intelligence artificielle et d’éventuelles pandémies à venir pourraient exacerber l’inégalité des revenus familiaux.
Auteurs
Marc Frenette et René Morissette travaillent au sein de la Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Direction des études analytiques, de Statistique Canada.
Introduction
La sécurité d’emploi est un élément clé du bien-être des travailleurs. Une méthode de mesure de la sécurité d’emploi permet de distinguer les emplois permanents — les emplois sans date de fin prédéterminée — des emplois temporaires (p. ex. les emplois saisonniers, les emplois à durée déterminée ou à forfait, les emplois occasionnels, les emplois offerts par une agence de placement temporaire ou les emplois dont la date de fin est prédéterminée) (Galarneau, 2005) ou d’un emploi de type « petits boulots » (Jeon et coll., 2019).
Une autre approche tient compte du fait que tous les types d’emplois, qu’il soit question d’un emploi permanent, temporaire ou de petits boulots, peuvent faire l’objet d’une mise à pied en raison de la fin de contrats ou d’ententes de travail. Cette approche est axée sur les trois aspects suivants : a) la probabilité de perdre son emploi; b) la perte de revenu subie à la suite d’une perte d’emploi; c) la probabilité de subir des réductions de salaire importantes tout en demeurant employé dans une entreprise donnée (Nickell, Jones et Quintini, 2002).
Des études antérieures ont montré que ni la probabilité de perte d’emploi ni la perte de revenus à court terme après les mises à pied n’ont augmenté au Canada depuis la fin des années 1970 (Morissette, Qiu et Chan, 2013; Morissette et Qiu, 2020). De plus, la part de la main-d’œuvre rémunérée occupant un emploi temporaire s’est maintenue à un niveau relativement stable au cours des années 2000 et 2010, atteignant un sommet de 13,7 % en 2017 et un creux de 12,3 % en 2008 (Statistique Canada, s.d.). Cependant, deux changements récents de la situation pourraient susciter des préoccupations quant à l’évolution de la sécurité d’emploi au cours des prochaines années, soit les avancées considérables en matière d’intelligence artificielle et la pandémie de COVID-19.
Les progrès récents réalisés en intelligence artificielle et en robotique ont soulevé des préoccupations au sujet de la sécurité d’emploi à l’avenir (Brynjolfsson et McAfee, 2014). La technologie qui permet aux robots ou aux algorithmes informatiques d’effectuer des tâches traditionnellement accomplies par les humains existe depuis un certain temps, mais était souvent coûteuse. Cependant, les progrès de la puissance informatique et le développement de nouvelles applications informatiques devraient rendre cette technologie plus abordable à long terme. Bien que l’automatisation s’étende de plus en plus au secteur de la fabricationNote , les tâches accomplies par les travailleurs dans l’ensemble de l’économie ont progressivement évolué au cours des trois dernières décennies, d’une manière qui concorde avec l’adoption accrue de la technologie de l’automatisation. Celle-ci dépasse désormais les tâches manuelles routinières et gagne les tâches cognitives non routinières (Frank, Yang et Frenette, 2021). Cependant, la pandémie de COVID-19, et la réorganisation et le confinement subséquents de nombreuses entreprises, ont été un autre facteur ayant incité les sociétés à investir dans l’automatisation : rendre la production et la prestation de biens et de services plus résistantes en cas de future pandémie ou d’autres catastrophes naturelles (ou non naturelles) qui nécessitent un confinement. Par conséquent, les employés dont les emplois se prêtent moins à l’automatisation risquent moins de perdre leur emploi ou de subir une transformation que les autres travailleurs au cours des prochaines années.
Bien entendu, la pandémie de COVID-19 a eu des conséquences bien plus directes et immédiates sur la sécurité d’emploi. La pandémie nous en a beaucoup appris sur le risque de perte d’emploi pendant un confinement. Pendant la pandémie, les niveaux de sécurité d’emploi les plus élevés ont été observés chez les travailleurs qui occupent un emploi pouvant être exercé à domicileNote , leur permettant de maintenir une distance physique suffisante avec autrui, ou ayant été jugé essentiel par les autorités. Les emplois qui présentent une ou plusieurs de ces caractéristiques peuvent donc résister à d’éventuelles pandémies et aux confinements connexesNote .
Des études antérieures ont montré que plusieurs de ces aspects de la sécurité d’emploi ne sont pas répartis équitablement. Par exemple, les travailleurs très scolarisés et dont le salaire est élevé sont plus susceptibles que les autres travailleurs d’occuper des emplois dont les tâches peuvent être effectuées à domicile (Messacar, Morissette et Deng, 2020) et qui présentent un moins grand risque d’automatisation (Frenette et Frank, 2020). Les travailleurs très scolarisés sont aussi généralement moins susceptibles de perdre leur emploi que leurs homologues moins scolarisés (Morissette et Qiu, 2020). Cependant, les données concernant les emplois temporaires sont moins claires. Bien que les travailleurs occupant un emploi temporaire gagnent moins de l’heure que ceux occupant un emploi permanent (Statistique Canada, 2018), des travaux de recherche antérieurs ont révélé que le lien entre le niveau de scolarité et la probabilité qu’un emploi soit temporaire suit une tendance en forme de « U »; cette probabilité est plus élevée chez les travailleurs n’ayant pas de diplôme d’études secondaires ou de diplôme universitaire (Galarneau, 2005).
Compte tenu des progrès récents réalisés en intelligence artificielle et de la possibilité que des pandémies surviennent à l’avenirNote , il est important d’évaluer les groupes de travailleurs canadiens pour lesquels le niveau de sécurité d’emploi pourrait être le plus élevé (ou le plus faible) au cours des prochaines années. L’objectif de la présente étude est d’éclairer cette question en élaborant une mesure prospective de la sécurité d’emploi. Plus précisément, l’étude fournira une estimation de la proportion d’employés canadiensNote qui occupent un emploi « à triple protection », c’est-à-dire un emploi qui a) n’a pas de date de fin prédéterminée, b) présente un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et c) est résistant à une pandémieNote . Elle vise également à quantifier la proportion d’employés qui occupent un emploi « à protection unique » et « à double protection », c’est-à-dire un emploi comportant respectivement un ou deux éléments de la protection d’emploi mentionnés précédemment. Les résultats sont présentés pour les personnes seules ainsi que pour les couples à deux revenusNote .
Il convient de souligner que l’étude n’accorde aucun poids, que ce soit sur le plan de la probabilité (de perte d’emploi) ou de l’importance (perte de revenus conditionnelle à la perte d’emploi), à l’un ou l’autre des trois aspects de la sécurité d’emploi mentionnés précédemment. L’objectif est simplement de mettre en lumière trois dimensions clés de la sécurité d’emploi et d’estimer la proportion de travailleurs occupant un emploi qui n’a aucune de ces dimensions ou qui en a une, deux ou troisNote .
Les renseignements détaillés sur la sécurité d’emploi sont peut-être plus importants que jamais maintenant que l’économie se remet de la pandémie de COVID-19. Bien qu’on ne sache pas exactement à quoi ressemblera la reprise à long terme, une possibilité qui a beaucoup retenu l’attention est une tendance en forme de « K », où différents secteurs ou groupes de travailleurs se rétablissent à des taux ou à des degrés différents. Le degré de disparité en matière de sécurité d’emploi pourrait être un facteur clé pour la détermination de la mesure dans laquelle les travailleurs vont s’en sortir au cours des prochains mois ou des prochaines années. Cette disparité pourrait avoir une incidence marquée sur l’évolution de l’inégalité des revenus au Canada.
Dans l’ensemble, 2 employés sur 5 occupaient un emploi à triple protection avant la pandémie de COVID-19
Dans l’ensemble, 2 employés sur 5 (40,7 %) âgés de 18 à 64 ans occupaient un emploi à triple protection en 2019, soit avant la pandémie de COVID-19 (graphique 1), et 44,7 % occupaient un emploi à double protection; la majorité de ces emplois n’avait pas de date de fin prédéterminée et était résistante à une pandémie. Par conséquent, 85,4 % des employés occupaient un emploi ayant au moins deux niveaux de protection d’emploi. La plupart des autres employés (13,3 %), occupaient un emploi à protection unique, et presque tous ces emplois n’avaient pas de date de fin prédéterminée ou étaient résistants à une pandémie. Seul un très faible pourcentage de travailleurs occupaient un emploi sans protection, au sens de la présente étude (1,3 %)Note .
Tableau de données du graphique 1
Niveau de sécurité d’emploi | Employés |
---|---|
pourcentage | |
Emploi sans protection | 1,302 |
Emploi à protection unique | 13,299 |
Emploi à double protection | 44,740 |
Emploi à triple protection | 40,660 |
Note : L’échantillon comprend les employés âgés de 18 à 64 ans qui n’ont pas de revenu de travail autonome. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et sont résistants à une pandémie. Les emplois à double protection, à protection unique et sans protection présentent respectivement deux, une et aucune de ces caractéristiques. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Les travailleurs très scolarisés et très bien rémunérés étaient beaucoup plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection
Les niveaux de sécurité d’emploi variaient selon le groupe de travailleurs (tableau 1)Note . Les hommes (42,4 %) étaient un peu plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que les femmes (38,8 %)Note . De même, les personnes nées au Canada et les immigrants de longue date étaient un peu plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que les immigrants récents.
Emploi sans protection | Emploi à protection unique | Emploi à double protection |
Emploi à triple protection |
|
---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||
Dans l’ensemble | 1,3 | 13,3 | 44,7 | 40,7 |
Sexe | ||||
Hommes | 0,9 | 10,5 | 46,1 | 42,4 |
Femmes | 1,7 | 16,2 | 43,3 | 38,8 |
Groupes d’âge | ||||
18 à 24 ans | 5,8 | 32,1 | 48,5 | 13,6 |
Étudiants | 10,5 | 43,2 | 40,1 | 6,1 |
Non étudiants | 2,7 | 24,8 | 54,1 | 18,5 |
25 à 34 ans | 1,0 | 12,3 | 43,8 | 42,9 |
35 à 54 ans | 0,4 | 9,1 | 42,1 | 48,4 |
55 à 64 ans | 0,6 | 11,3 | 50,2 | 37,9 |
Statut d’immigration | ||||
Né au Canada | 1,2 | 13,3 | 44,4 | 41,1 |
Immigrant de longue date (au moins 10 ans au Canada) | 1,2 | 11,2 | 45,8 | 41,8 |
Immigrant récent (moins de 10 ans au Canada) | 2,0 | 16,4 | 46,1 | 35,4 |
Autres | 3,0 | 19,5 | 43,2 | 34,2 |
Plus haut niveau de scolarité atteint | ||||
Sans diplôme d’études secondaires | 1,9 | 17,4 | 64,5 | 16,2 |
Diplôme d’études secondaires | 2,6 | 20,5 | 54,7 | 22,2 |
Certificat ou diplôme d’études postsecondaires | 0,9 | 13,0 | 49,9 | 36,2 |
Baccalauréat | 0,7 | 8,2 | 28,7 | 62,4 |
Grade universitaire supérieur au baccalauréat | 0,5 | 4,6 | 21,6 | 73,3 |
Décile du salaire horaire | ||||
Échelon inférieur de 10 % | 6,1 | 35,9 | 48,8 | 9,2 |
2e décile | 3,5 | 27,6 | 56,4 | 12,5 |
3e décile | 0,9 | 17,4 | 61,4 | 20,3 |
4e décile | 0,8 | 15,3 | 57,5 | 26,4 |
5e décile | 0,4 | 11,2 | 56,3 | 32,1 |
6e décile | 0,2 | 7,8 | 49,9 | 42,2 |
7e décile | 0,4 | 5,9 | 43,4 | 50,3 |
8e décile | 0,2 | 3,8 | 31,7 | 64,3 |
9e décile | 0,1 | 2,8 | 23,3 | 73,9 |
Échelon supérieur de 10 % | 0,0 | 1,3 | 11,5 | 87,2 |
Note : L’échantillon comprend les employés âgés de 18 à 64 ans qui n’ont pas de revenu de travail autonome. Les personnes appartenant à la catégorie de statut d’immigration « autres » comprennent ceux qui ne sont ni des immigrants reçus ni des personnes nées au Canada. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et résistent aux pandémies. Les emplois à double protection, à protection unique et sans protection présentent respectivement deux, une et aucune de ces caractéristiques. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Les différences en matière de sécurité d’emploi étaient plus prononcées entre les différents groupes d’âge, niveaux de scolarité et taux de rémunération. Seulement 13,6 % des jeunes employés (âgés de 18 à 24 ans) occupaient un emploi à triple protection, comparativement à au moins 37,9 % des employés de 25 ans et plus. À l’inverse, les jeunes travailleurs (32,1 %) étaient beaucoup plus susceptibles d’occuper un emploi à protection unique que leurs homologues plus âgés (entre 9,1 % et 12,3 %). Les étudiants de 18 à 24 ans (6,1 %) étaient beaucoup moins susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que les non-étudiants (18,5 %) du même groupe d’âge.
La sécurité d’emploi variait encore plus selon le niveau de scolarité atteint. Moins de 1 diplômé d’une école secondaire sur 4 occupait un emploi à triple protection, comparativement à 6 titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires sur 10. En fait, il existe une relation claire, positive et constante entre le plus haut niveau de scolarité atteint par un travailleur et sa probabilité d’occuper un emploi à triple protection. À l’inverse, les personnes ayant un faible niveau de scolarité étaient beaucoup plus susceptibles d’occuper un emploi à protection unique ou à double protection.
Les différences de sécurité d’emploi les plus marquées ont été observées dans la répartition des salaires horaires. Alors que seulement 9,2 % des employés du décile inférieur de la répartition des salaires occupaient un emploi à triple protection, c’était le cas pour 87,2 % de ceux du décile supérieur. Par conséquent, les travailleurs très scolarisés et très bien rémunérés étaient beaucoup plus susceptibles que les autres travailleurs d’occuper un emploi à triple protection.
Les conjoints qui étaient tous deux titulaires d’un grade universitaire étaient sept fois plus susceptibles d’avoir un emploi à triple protection que ceux n’ayant pas de certificat ou de diplôme d’études postsecondaires
La sécurité d’emploi individuelle est une mesure essentielle du bien-être potentiel. Cependant, le bien-être économique des familles dépend non seulement du niveau de sécurité d’emploi d’une personne, mais souvent de la sécurité d’emploi des deux conjoints. C’est d’autant plus vrai en période de turbulence économique, car la perte d’emploi est une possibilité réelle, et les couples touchés peuvent devoir compter sur le conjoint qui a conservé son emploi. Le graphique 2 montre la proportion de couples à deux revenus où les deux conjoints occupaient un emploi à triple protection, selon le plus haut niveau de scolarité des deux conjointsNote .
Tableau de données du graphique 2
Plus haut niveau de scolarité atteint | Emplois à triple protection |
---|---|
pourcentage | |
Les deux conjoints ont un diplôme d’études secondaires ou moins | 8,171 |
Le conjoint a un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, la conjointe a un diplôme d’études secondaires ou moins | 11,464 |
La conjointe a un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, le conjoint a un diplôme d’études secondaires ou moins | 11,693 |
Les deux conjoints ont un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires | 18,434 |
Le conjoint a un baccalauréat ou un grade de niveau supérieur, la conjointe n’a pas de grade universitaire | 29,508 |
La conjointe a un baccalauréat ou un grade de niveau supérieur, le conjoint n’a pas de grade universitaire | 35,485 |
Les deux conjoints ont un baccalauréat ou un grade de niveau supérieur | 55,669 |
Note : L’échantillon comprend les couples mariés ou vivant en union libre dont les deux conjoints sont employés, sont âgés de 18 à 64 ans et n’ont pas de revenu provenant d’un travail autonome. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et sont résistants à une pandémie. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Les résultats indiquent que les couples très scolarisés sont beaucoup plus susceptibles de compter deux conjoints occupant un emploi à triple protection que leurs homologues moins scolarisés. De tous les couples à deux revenus où les deux conjoints sont titulaires d’au moins un baccalauréat, dans 55,7 % des cas, les deux conjoints ont un emploi à triple protection. Ce pourcentage est sept fois plus élevé que ce que l’on observe chez les couples dont les deux conjoints ont un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité inférieur (8,2 %). Même dans les couples où les deux conjoints ont un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, dans seulement 18,4 % des cas, les deux conjoints occupent un emploi à triple protection. Ce gradient est beaucoup plus grand que ce que le tableau 1 indique pour les personnes seules. Par exemple, les personnes titulaires d’un baccalauréat ou d’un grade de niveau supérieur étaient environ trois fois plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que ceux ayant un diplôme d’études secondaires ou un niveau de scolarité inférieurNote .
Le graphique 2 montre également l’importance pour les deux conjoints d’avoir atteint un certain niveau de scolarité plutôt qu’un seul des conjoints. Par exemple, lorsque les deux conjoints d’un couple avaient un grade universitaire, ils étaient beaucoup plus susceptibles d’occuper tous deux un emploi à triple protection (55,7 %) que les couples où un seul conjoint avait un grade universitaire (29,5 % quand c’était le conjoint qui était titulaire d’un grade, et 35,5 % quand c’était la conjointe). De même, parmi les couples dont les deux conjoints possédaient un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires, dans 18,4 % des cas, les deux conjoints occupaient un emploi à triple protection, ce qui est considérablement plus élevé que le taux observé pour les couples dont un seul conjoint détenait un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires (11,5 % quand c’était le conjoint qui était titulaire du certificat ou du diplôme, et 11,7 % quand c’était la conjointe).
Les conjoints du décile supérieur du revenu étaient environ 20 fois plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que ceux du décile inférieur
On ne sait pas encore si la COVID-19 aura des répercussions à long terme sur l’inégalité des revenus. Cependant, si l’automatisation et le télétravail deviennent plus courants en raison des progrès technologiques et de la pandémie, les couples à deux revenus qui se situent au sommet de l’échelle de la répartition du revenu seront probablement mieux en mesure de composer avec les incertitudes économiques que ceux au bas de l’échelle. Pour plus des trois quarts des couples du décile supérieur du revenu (77,0 %), les deux conjoints occupent un emploi à triple protection, un taux 20 fois plus élevé que pour leurs homologues du décile inférieur (3,5 %) (graphique 3). Les couples du décile supérieur du revenu sont environ quatre fois plus susceptibles de compter deux conjoints occupant un emploi à triple protection que les couples du cinquième décile (18,3 %).
Encore une fois, les disparités entre les couples à deux revenus sont plus marquées que les disparités entre les personnes (tableau 1). Par exemple, les personnes du décile supérieur de la répartition du salaire horaire étaient seulement 9,5 fois plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que ceux du décile inférieur.
Tableau de données du graphique 3
Déciles de revenu familial | Emplois à triple protection |
---|---|
pourcentage | |
Décile inférieur | 3,479 |
2ᵉ décile | 6,809 |
3ᵉ décile | 9,859 |
4ᵉ décile | 13,664 |
5ᵉ décile | 18,333 |
6ᵉ décile | 27,220 |
7ᵉ décile | 33,016 |
8ᵉ décile | 46,117 |
9ᵉ décile | 54,595 |
Décile supérieur | 77,030 |
Note : L’échantillon comprend les couples mariés ou vivant en union libre dont les deux conjoints sont employés, sont âgés de 18 à 64 ans et n’ont pas de revenu provenant d’un travail autonome. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et sont résistants à une pandémie. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Les conjoints vivant à Ottawa, à Toronto, en Outaouais et à Montréal étaient les plus susceptibles d’occuper tous deux un emploi à triple protection
Le degré de sécurité d’emploi des travailleurs dépend en grande partie de la nature du travail en cause, laquelle varie considérablement selon la région économique. Les conjoints au sein des couples qui travaillent dans des régions économiques comptant de grandes villes sont généralement plus susceptibles d’occuper tous deux un emploi à triple protection (graphique 4). Au sommet trône Ottawa, où se trouvent de nombreux ministères et entreprises de haute technologie. En général, de nombreux emplois au gouvernement et dans les secteurs de la haute technologie exigent un niveau de scolarité relativement élevé et s’effectuent souvent dans des bureaux. Ces deux facteurs peuvent, dans une certaine mesure, expliquer que 43,4 % de tous les couples à Ottawa ayant deux revenus sont formés de conjoints qui occupent tous deux un emploi à triple protection. La région de l’Outaouais, au Québec, laquelle est située à côté d’Ottawa, affiche aussi un haut pourcentage (33,6 %), se situant au troisième rang. Toronto (37,6 %) et Montréal (33,1 %) se classent respectivement deuxième et quatrième. D’autres régions comptant de grandes villes occupent la plupart des autres premières places du classement.
À l’opposé, il y a les petites collectivités loin des grandes villes. Côte-sud–Burin Peninsula et Notre Dame–Central Bonavista Bay (Terre-Neuve-et-Labrador) arrivent au dernier rang (7,8 %), suivies de Yorkton–Melville en Saskatchewan (12,6 %) et de Côte-ouest–Northern Peninsula–Labrador, également à Terre-Neuve-et-Labrador (12,7 %).
Ensemble, ces chiffres font ressortir un fossé entre les régions rurales et urbaines en matière de sécurité d’emploi.
Tableau de données du graphique 4
Région économique | Emplois à triple protection |
---|---|
pourcentage | |
Côte-sud–Burin Peninsula et Notre Dame–Central Bonavista Bay (T.-N.-L.) | 7,838 |
Yorkton–Melville (Sask.) | 12,565 |
Côte-ouest–Northern Peninsula–Labrador (T.-N.-L.) | 12,677 |
Camrose–Drumheller (Alb.) | 13,230 |
Kootenay (C.-B.) | 13,599 |
Swift Current–Moose Jaw (Sask.) | 14,138 |
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (Qc) | 14,290 |
Annapolis Valley (N.-É.) | 14,484 |
Banff–Jasper–Rocky Mountain House et Athabasca–Grande Prairie–Peace River (Alb.) | 15,400 |
Campbellton–Miramichi (N.-B.) | 15,523 |
Sud (N.-É.) | 15,917 |
Côte nord (N.-É.) | 16,217 |
Edmundston–Woodstock (N.-B.) | 16,281 |
Cape Breton (N.-É.) | 16,924 |
Saguenay–Lac-Saint-Jean (Qc) | 17,120 |
Bas-Saint-Laurent (Qc) | 17,203 |
Centre-du-Québec (Qc) | 18,268 |
Nord-ouest (Ont.) | 18,309 |
Mauricie (Qc) | 18,582 |
Lanaudière (Qc) | 19,062 |
Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) | 19,104 |
Windsor-Sarnia (Ont.) | 19,364 |
Nord-est (C.-B.) | 19,406 |
Cariboo (C.-B.) | 19,910 |
Chaudière-Appalaches (Qc) | 19,917 |
Parklands et Nord (Man.) | 20,415 |
Thompson–Okanagan (C.-B.) | 20,984 |
Estrie (Qc) | 21,785 |
Nord-est (Ont.) | 22,060 |
London (Ont.) | 22,320 |
Lethbridge–Medicine Hat (Alb.) | 22,436 |
Sud-est (Man.) | 22,721 |
Prince Albert et Northern (Sask.) | 22,905 |
Montérégie (Qc) | 23,043 |
Interlake (Man.) | 23,053 |
Kingston-Pembroke (Ont.) | 23,824 |
Abitibi-Témiscamingue (Qc) | 23,985 |
Centre sud et Centre nord (Man.) | 24,018 |
Stratford–Bruce Peninsula (Ont.) | 24,072 |
Île de Vancouver et la côte (C.-B.) | 24,319 |
Laurentides (Qc) | 24,607 |
Laval (Qc) | 24,638 |
Wood Buffalo–Cold Lake (Alb.) | 24,688 |
Côte-nord et Nechako (C.-B.) | 24,823 |
Muskoka–Kawarthas (Ont.) | 24,960 |
Avalon Peninsula (T.-N.-L.) | 25,141 |
Red Deer (Alb.) | 25,547 |
Saskatoon–Biggar (Sask.) | 25,716 |
Côte-Nord et Nord-du-Québec (Qc) | 25,782 |
Kitchener–Waterloo–Barrie (Ont.) | 25,833 |
Fredericton–Oromocto (N.-B.) | 26,284 |
Hamilton–Niagara Peninsula (Ont.) | 26,332 |
Winnipeg (Man.) | 26,685 |
Saint John–St. Stephen (N.-B.) | 27,015 |
Capitale nationale (Qc) | 27,776 |
Moncton–Richibucto (N.-B.) | 28,987 |
Sud-ouest (Man.) | 29,011 |
Regina–Moose Mountain (Sask.) | 29,551 |
Calgary (Alb.) | 29,958 |
Edmonton (Alb.) | 29,978 |
Lower Mainland–Southwest (C.-B.) | 30,500 |
Halifax (N.-É.) | 30,662 |
Montréal (Qc) | 33,087 |
Outaouais (Qc) | 33,641 |
Toronto (Ont.) | 37,601 |
Ottawa (Ont.) | 43,374 |
Note : L’échantillon comprend les couples mariés ou vivant en union libre dont les deux conjoints sont employés, sont âgés de 18 à 64 ans et n’ont pas de revenu provenant d’un travail autonome. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et sont résistants à une pandémie. T.-N.-L. : Terre-Neuve-et-Labrador, Î.-P.-É. : Île-du-Prince-Édouard, N.-É. : Nouvelle-Écosse, N.-B. : Nouveau-Brunswick; Ont. : Ontario; Qc : Québec; Man. : Manitoba; Sask. : Saskatchewan; Alb. : Alberta; C.-B. : Colombie-Britannique. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Conclusion
La sécurité d’emploi est parfois mesurée par la mesure dans laquelle un emploi est temporaire ou permanent (c.-à-d. qu’il a ou non une date de fin prédéterminée). Cependant, les progrès récents réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle et la pandémie de COVID-19 ont créé deux nouvelles sources potentielles d’insécurité d’emploi. Pour tenir compte de ces nouvelles réalités, la présente étude a mis au point une nouvelle mesure de sécurité d’emploi qui intègre trois niveaux de protection de l’emploi. Plus précisément, l’étude vise à réexaminer la sécurité d’emploi des Canadiens en définissant un emploi à triple protection comme un emploi qui n’a pas de date de fin prédéterminée, qui présente un faible risque d’être perdu ou transformé en raison de l’automatisation et qui résiste aux pandémies.
L’étude montre que 2 employés sur 5 occupaient un emploi à triple protection au Canada en 2019, avant la pandémie de COVID-19. Cependant, ces emplois n’étaient pas répartis équitablement entre les travailleurs, les familles et les régions. Les travailleurs très scolarisés et très bien rémunérés étaient les plus susceptibles d’occuper de tels emplois. De même, au sein des couples à deux revenus très scolarisés et des couples à deux revenus du décile supérieur de l’échelle de la répartition du revenu, les deux conjoints étaient beaucoup plus susceptibles d’occuper un emploi à triple protection que les autres couples à deux revenus. En fait, pour les emplois à triple protection, les disparités en ce qui concerne l’éducation et le revenu étaient plus prononcées chez les couples à deux revenus que chez les personnes seules. Enfin, les couples vivant dans des régions économiques comptant de grandes villes étaient beaucoup plus susceptibles de bénéficier de niveaux de sécurité d’emploi relativement élevés que les couples des petites villes et des régions rurales. Il convient de mentionner que ces résultats n’accordent aucun poids — que ce soit sur le plan de la probabilité (de perte d’emploi) ou de l’importance (perte de revenus conditionnelle à la perte d’emploi) — à l’une ou l’autre des trois critères de la sécurité d’emploi examinés dans la présente étude.
Les résultats de l’étude portent à croire que d’autres progrès en intelligence artificielle et d’éventuelles pandémies pourraient exacerber l’inégalité des revenus familiaux dans les années à venir. À ce titre, ils éclairent les discussions sur des enjeux majeurs, comme la croissance inclusive et la résilience économique. La question de savoir si ces nouvelles réalités entraîneront une augmentation de l’inégalité des revenus familiaux est importante pour les travaux de recherche à venir ainsi que pour les organismes de statistique des pays industrialisés.
Annexe 1 : Données et méthodes
Trois ensembles de données sont utilisés dans la présente étude : l’Enquête sur la population active (EPA) de 2019 de Statistique Canada, l’Étude longitudinale et internationale des adultes (ELIA) de 2016 (vague 3), et l’Occupational Information Network (O*NET, version 17.0) du Bureau of Labor Statistics des États-Unis.
L’échantillon de travailleurs de l’EPA est composé d’employésNote âgés de 18 à 64 ans et pour lesquels des renseignements sur le risque d’automatisation sont accessibles dans l’ELIA en fonction de leur profession. Étant donné que l’ELIA contient des renseignements sur le risque d’automatisation pour 454 professions (sur 500), cet échantillon de travail rend compte de 94 % de la population d’employés de 18 à 64 ans. L’échantillon de couples comprend les couples mariés ou vivant en union libre de l’EPA où les deux conjoints sont employés, sont âgés de 18 à 64 ans et n’ont pas de revenu provenant d’un travail autonome. Cet échantillon exclut les couples à un seul revenu, les couples à deux revenus dont l’un de ces revenus provient d’un travail autonome et les couples à deux revenus pour lesquels l’information sur le risque d’automatisation ne peut être déterminée à partir de l’ELIA. Il englobe 46,9 % de la population des couples de travailleurs.
Les emplois à triple protection satisfont aux trois critères suivants : a) ils n’ont pas de date de fin prédéterminée; b) ils présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation; c) ils sont résistants à une pandémie.
L’information sur les emplois sans date de fin prédéterminée est tirée de l’EPA, au moyen d’une approche fondée sur la distinction entre les emplois permanents et les emplois temporaires.
L’information sur le risque d’automatisation est tirée de l’ELIA, à l’aide d’une méthodologie élaborée par Arntz, Gregory et Zierahn (2016) et appliquée au contexte canadien par Frenette et Frank (2020). Les estimations individuelles de la probabilité d’occuper un emploi qui peut être automatisé sont agrégées au niveau de la profession, selon les codes à quatre chiffres de la Classification nationale des professions (CNP) 2011. Les personnes sont réputées occuper un emploi présentant un faible risque d’automatisation si la probabilité moyenne d’occuper un tel emploi, mesurée au niveau de la profession à quatre chiffres, est inférieure à 50 %.
Les emplois qui sont résistants à une pandémie satisfont à au moins l’un des trois critères suivants : a) ils peuvent être effectués à domicile; b) ils permettent de maintenir une distance physique suffisante (entre les travailleurs et le public) pour respecter les protocoles de sécurité; c) ils sont jugés essentiels par les autorités.
Les emplois qui peuvent être effectués à domicile sont déterminés à l’aide de l’indicateur de faisabilité du télétravail élaboré par Dingel et Neiman (2020) et appliqué au contexte canadien par Messacar, Morissette et Deng (2020). Cette mesure repose sur une concordance entre la Classification type des professions (CTP) 2010 des États-Unis et la CNP 2011, présentée dans Frenette et Frank (2017), ainsi que sur des renseignements provenant d’O*NET.
Deux mesures sont utilisées pour déterminer si les emplois permettent de maintenir une distance physique suffisante pour respecter les protocoles de sécurité : a) ils s’effectuent au sein d’industries où il n’y a pas de grande foule et où il est possible de conserver une distance physique suffisante entre les employés et le public (déterminé dans la présente étude) et b) ils concernent des professions qui n’exigent pas de proximité physique étroite entre les travailleurs (comme mesuré par O*NET); c’est-à-dire travailler très près (en touchant presque) d’autres collègues.
De même, deux mesures sont utilisées pour déterminer si les emplois sont jugés essentiels par les autorités : a) la proportion d’emplois dans les industries qui fournissent des biens et services essentiels; b) la proportion d’emplois dans les professions liées aux infrastructures essentielles, comme elles sont déterminées par le Labor Market Information Institute et le Council for Community and Economic Research aux États-Unis (et complétées par des vérifications manuelles dans l’étudeNote ).
La première mesure est intentionnellement conçue pour fournir une définition étroite des services essentiels. Par exemple, elle exclut la fabrication de gaz industriel (code 315120 du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord [SCIAN]), une industrie qui produit de l’oxygène, entre autres choses. De plus, l’extraction de potasse (SCIAN 212396) est exclue même si la potasse sert d’intrant dans la fabrication d’engrais, qui est incluse dans la première mesure. La première mesure vise 36,7 % des emplois occupés par des employés âgés de 18 à 64 ans (tableau 1 en annexe). La deuxième mesure est plus inclusive et vise 62,5 % des emplois occupés par les employés de ce groupe d’âge. L’utilisation de deux mesures qui portent sur des proportions nettement différentes de l’effectif est délibérée, car elles visent à tester la robustesse des résultats par rapport à des concepts très différents d’emplois essentiels. Si les principales constatations de l’étude sont les mêmes, peu importe les paramètres, en fin de compte, cela donne une plus grande assurance que les résultats ne sont pas sensibles à la définition des services essentiels.
Caractéristiques des emplois occupés par les employés | Emplois inclus dans la mesure |
---|---|
pourcentage | |
Caractéristiques de la triple protection | |
Emplois sans date de fin prédéterminée | 89,2 |
Emplois présentant un faible risque d’automatisation | 48,0 |
Emplois qui peuvent être effectués à domicile | 41,4 |
Services essentiels | |
Emplois dans les industries essentielles | 36,7 |
Emplois dans les professions essentielles | 62,5 |
Distance physique | |
Emplois dans des industries où la distanciation physique est suffisante | 63,5 |
Emplois dans les professions où la distanciation physique est suffisante | 76,3 |
Travail à domicile et distanciation physique | |
Emplois qui peuvent être effectués à domicile ou dans des industries où la distanciation physique est suffisante | 76,5 |
Emplois qui peuvent être effectués à domicile ou dans des professions où la distanciation physique est suffisante | 82,9 |
Résistance aux pandémies | |
Emplois résistants à une pandémie, version 1 | 87,6 |
Emplois résistants à une pandémie, version 2 | 83,3 |
Emplois résistants à une pandémie, version 3 | 91,3 |
Emplois résistants à une pandémie, version 4 | 87,9 |
Triple protection | |
Emplois à triple protection, version 1 | 40,7 |
Emplois à triple protection, version 2 | 40,0 |
Emplois à triple protection, version 3 | 41,1 |
Emplois à triple protection, version 4 | 41,3 |
Note : L’échantillon comprend les employés âgés de 18 à 64 ans qui n’ont pas de revenu provenant d’un travail autonome. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et résistent aux pandémies. La version 1 (2) visant à déterminer si les emplois sont résistants à une pandémie combine des estimations de la proportion d’emplois dans les industries permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion d’emplois dans les professions (industries) essentielles. La version 3 (4) visant à déterminer si les emplois sont résistants à une pandémie combine des estimations de la proportion des professions permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion des emplois dans les professions (industries) essentielles. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
En combinant les deux mesures des emplois qui permettent de maintenir une distance physique suffisante et les deux mesures des emplois qui fournissent des services essentiels, on obtient quatre mesures de la résistance aux pandémiesNote .
Le tableau 1 en annexe montre que de 76,5 % à 82,9 % des emplois peuvent être exercés à domicile, ou se situent dans des industries ou des professions qui permettent de maintenir une distance physique suffisante. Cette constatation est importante, car elle sous-entend qu’avant même de tenir compte des services essentiels, la grande majorité des emplois sont résistants à une pandémie. Elle aide à comprendre les raisons pour lesquelles l’ajout de services essentiels ne fait qu’augmenter légèrement le pourcentage d’emplois résistants à une pandémie; selon la mesure de résistance prise en compte, le pourcentage d’emplois résistants varie entre 83,3 % et 91,3 %. Par conséquent, même si les deux mesures des services essentiels diffèrent d’environ 25 points de pourcentage (36,7 % par rapport à 62,5 %), les diverses mesures de la résistance finissent par différer d’au plus 8 points de pourcentage. Plus important encore, la proportion de travailleurs occupant un emploi à triple protection varie à peine entre les quatre versions, celle-ci se situant entre 40,0 % et 41,3 %).
Le tableau 2 en annexe révèle dans quelle mesure les estimations du pourcentage de travailleurs occupant un emploi à triple protection sont sensibles au choix de la mesure utilisée pour définir les emplois résistants à une pandémie. La version 1 (2) de cette mesure combine des estimations de la proportion d’emplois dans les industries permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion d’emplois dans les professions (industries) essentielles. La version 3 (4) combine des estimations de la proportion d’emplois dans des professions permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion d’emplois dans des professions (industries) essentielles. À partir de ces quatre versions d’emplois résistants à une pandémie, on obtient quatre estimations du pourcentage de travailleurs occupant un emploi à triple protection.
L’emploi n’a pas de date de fin prédéterminée |
L’emploi comporte un faible risque d’automatisation | L’emploi est résistant à une pandémie | L’emploi est à triple protection | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Version 1 | Version 2 | Version 3 | Version 4 | Version 1 | Version 2 | Version 3 | Version 4 | |||
pourcentage | ||||||||||
Dans l’ensemble | 89,2 | 48,0 | 87,6 | 83,3 | 91,3 | 87,9 | 40,7 | 40,0 | 41,1 | 41,3 |
Sexe | ||||||||||
Hommes | 90,3 | 48,1 | 91,7 | 85,5 | 94,2 | 92,3 | 42,4 | 41,9 | 42,9 | 43,2 |
Femmes | 88,2 | 47,8 | 83,2 | 81,0 | 88,3 | 83,3 | 38,8 | 38,1 | 39,1 | 39,3 |
Âge | ||||||||||
18 à 24 ans | 75,0 | 24,3 | 70,5 | 61,3 | 82,3 | 77,3 | 13,6 | 13,3 | 14,6 | 15,2 |
Étudiants | 65,2 | 19,0 | 57,7 | 47,8 | 76,6 | 70,5 | 6,1 | 5,9 | 7,9 | 8,3 |
Non étudiants | 81,5 | 27,8 | 79,1 | 70,2 | 86,1 | 81,8 | 18,5 | 18,2 | 19,0 | 19,7 |
25 à 34 ans | 88,6 | 52,4 | 87,5 | 83,5 | 90,8 | 87,7 | 42,9 | 42,0 | 43,3 | 43,5 |
35 à 54 ans | 92,7 | 54,2 | 91,5 | 88,3 | 93,6 | 90,2 | 48,4 | 47,6 | 48,7 | 48,8 |
55 à 64 ans | 91,9 | 43,3 | 90,3 | 87,1 | 93,2 | 90,6 | 37,9 | 37,6 | 38,1 | 38,6 |
Statut d’immigration | ||||||||||
Né au Canada | 89,5 | 48,5 | 87,4 | 83,7 | 91,1 | 88,4 | 41,1 | 40,5 | 41,5 | 41,7 |
Immigrant de longue date (au moins 10 ans au Canada) | 90,9 | 48,6 | 88,8 | 84,4 | 92,7 | 88,1 | 41,8 | 41,2 | 42,3 | 42,6 |
Immigrant récent (moins de 10 ans au Canada) | 85,4 | 42,7 | 86,9 | 79,4 | 90,9 | 84,3 | 35,4 | 34,1 | 35,7 | 35,9 |
Autres | 80,5 | 43,7 | 84,5 | 75,2 | 88,6 | 82,2 | 34,2 | 33,7 | 34,1 | 34,7 |
Plus haut niveau de scolarité atteint | ||||||||||
Sans diplôme d’études secondaires | 87,7 | 21,4 | 86,0 | 74,9 | 89,1 | 84,3 | 16,2 | 16,2 | 16,4 | 17,2 |
Diplôme d’études secondaires | 87,3 | 29,2 | 80,1 | 73,5 | 87,4 | 84,5 | 22,2 | 22,3 | 22,7 | 23,7 |
Certificat ou diplôme d’études postsecondaires | 90,8 | 42,5 | 88,2 | 85,2 | 91,0 | 86,5 | 36,2 | 35,4 | 36,6 | 36,7 |
Baccalauréat | 89,4 | 71,6 | 91,8 | 89,2 | 94,5 | 92,7 | 62,4 | 61,1 | 62,9 | 62,8 |
Grade universitaire supérieur au baccalauréat | 89,1 | 82,7 | 96,0 | 93,9 | 97,2 | 94,5 | 73,3 | 72,3 | 73,2 | 72,2 |
Décile du salaire horaire | ||||||||||
Échelon inférieur de 10 % | 80,3 | 15,7 | 65,1 | 53,1 | 78,1 | 73,0 | 9,2 | 9,1 | 9,4 | 10,2 |
2e décile | 83,3 | 21,6 | 73,0 | 61,9 | 84,1 | 79,3 | 12,5 | 12,4 | 13,1 | 14,3 |
3e décile | 87,1 | 29,6 | 84,3 | 77,9 | 89,2 | 85,3 | 20,3 | 19,5 | 20,9 | 22,0 |
4e décile | 87,1 | 35,1 | 87,3 | 84,5 | 90,6 | 84,0 | 26,4 | 25,8 | 26,8 | 27,6 |
5e décile | 89,4 | 40,3 | 90,5 | 88,1 | 93,3 | 88,6 | 32,1 | 31,5 | 32,6 | 33,4 |
6e décile | 91,0 | 49,9 | 93,1 | 91,6 | 94,8 | 92,2 | 42,2 | 41,4 | 42,5 | 42,9 |
7e décile | 91,4 | 58,2 | 94,1 | 92,3 | 94,5 | 92,7 | 50,3 | 49,6 | 50,9 | 50,8 |
8e décile | 93,7 | 70,4 | 96,0 | 94,4 | 95,5 | 94,5 | 64,3 | 62,9 | 64,5 | 63,5 |
9e décile | 94,4 | 79,2 | 97,5 | 96,6 | 97,2 | 95,5 | 73,9 | 72,8 | 74,3 | 72,8 |
Échelon supérieur de 10 % | 96,7 | 90,9 | 98,3 | 97,9 | 98,0 | 97,6 | 87,2 | 86,8 | 87,4 | 86,9 |
Note : L’échantillon comprend les employés âgés de 18 à 64 ans qui n’ont pas de revenu de travail autonome. Les personnes appartenant à la catégorie de statut d’immigration « autres » comprennent ceux qui ne sont ni des immigrants reçus ni des personnes nées au Canada. Les emplois à triple protection n’ont pas de date de fin prédéterminée, présentent un faible risque d’être perdus ou transformés en raison de l’automatisation et résistent aux pandémies. Les emplois à double protection, à protection unique et sans protection présentent respectivement deux, une et aucune des caractéristiques des emplois à triple protection. La version 1 (2) visant à déterminer si les emplois sont résistants à une pandémie combine des estimations de la proportion d’emplois dans les industries permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion d’emplois dans les professions (industries) essentielles. La version 3 (4) visant à déterminer si les emplois sont résistants à une pandémie combine des estimations de la proportion de professions permettant de maintenir une distance physique suffisante avec des estimations de la proportion d’emplois dans les professions (industries) essentielles. Sources : Statistique Canada, Enquête sur la population active (2019) et Étude longitudinale et internationale des adultes, vague 3 (2016); et Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Occupational Information Network (version 17.0). |
Les quatre dernières colonnes du tableau 2 en annexe montrent que, peu importe la façon dont la résistance à une pandémie est mesurée, les estimations du pourcentage de travailleurs occupant un emploi à triple protection selon diverses caractéristiques socioéconomiques sont très semblables. Dans une certaine mesure, cette similitude n’est pas étonnante. Elle découle en partie du fait que les emplois à triple protection doivent satisfaire à trois critèresNote . Par conséquent, toute personne dont l’emploi est temporaire ou qui présente un risque élevé d’automatisation sera exclue de l’ensemble des travailleurs ayant un emploi à triple protection, que le travail puisse être effectué ou non à domicile, qu’il permette ou non de maintenir une distance physique suffisante ou qu’il assure ou non la prestation de services essentiels. Cela signifie que peu importe la mesure utilisée pour définir les services essentiels, les travailleurs qui occupent un emploi temporaire ou un emploi comportant un risque élevé d’automatisation seront exclus de l’ensemble des travailleurs occupant un emploi à triple protection. Par exemple, le fait que 21,4 % des employés n’ayant pas de diplôme d’études secondaires occupent un emploi à faible risque d’automatisation implique que 21,4 % de ces employés, dans la plupart des cas, occupent un emploi à triple protection, peu importe la définition des services essentiels utilisée. Des tendances semblables sont observées chez les employés de 25 à 64 ans et chez les couples à deux revenus (les résultats peuvent être obtenus sur demande).
Bien que les résultats soient solides par rapport aux différentes versions des indicateurs d’emploi à triple protection, l’étude adopte la version 1 afin d’être concise.
Bibliographie
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Galarneau, D. 2005. « L’écart salarial entre employés temporaires et permanents ». L’emploi et le revenu en perspective. Produit no 75-001XIE au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.
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