Rapports économiques et sociaux
Évaluations que font les Canadiens des médias sociaux dans leur vie
par Christoph Schimmele, Jonathan Fonberg et Grant Schellenberg
DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202100300004-fra
Résumé
Dans le cadre de cette étude, les données de l’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018 sont utilisées pour examiner les déclarations des effets négatifs que ressentent les personnes de 15 à 64 ans en raison de leur utilisation des sites ou des applications de réseaux sociaux. Les médias sociaux désignent des plateformes numériques permettant aux utilisateurs de créer et de partager du contenu (p. ex. des messages texte, des photos et des vidéos) et des profils en ligne, et d’interagir avec d’autres utilisateurs. En 2018, les médias sociaux étaient utilisés régulièrement par environ 9 Canadiens de 15 à 34 ans sur 10, 8 Canadiens de 35 à 49 ans sur 10 et 6 Canadiens de 50 à 64 ans sur 10.
Six résultats attribués à l’utilisation des médias sociaux sont examinés : la perte de sommeil, la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités, le fait de faire moins d’activité physique, le fait de se sentir anxieux ou déprimé, le fait de se sentir envieux de la vie des autres et le fait de se sentir frustré ou en colère. Chez l’ensemble des utilisateurs des médias sociaux de 15 à 64 ans, environ le cinquième ont déclaré, au cours des 12 mois précédents, qu’ils avaient perdu du sommeil (19 %), qu’ils avaient fait moins d’activité physique (22 %) ou qu’ils avaient eu de la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités (18 %) en raison de leur utilisation des médias sociaux. Environ 1 utilisateur sur 8 (12 % à 14 %) a déclaré s’être senti anxieux ou déprimé, frustré ou en colère, ou envieux de la vie des autres.
Les différences dans l’incidence de ces résultats entre les utilisateurs des médias sociaux appartenant à différents groupes d’âge présentent un intérêt particulier. Comparativement aux utilisateurs des médias sociaux appartenant à des groupes plus âgés, des proportions plus grandes d’utilisateurs appartenant aux groupes plus jeunes ont déclaré avoir constaté chacun de ces six résultats. Cela témoigne en partie de la plus grande intensité d’utilisation des médias sociaux chez les personnes plus jeunes, laquelle est mesurée en fonction du nombre de comptes de médias sociaux utilisés, du nombre et des types d’activités effectuées sur les médias sociaux et de l’intensité de l’utilisation des téléphones intelligents.
Après la prise en compte de ces caractéristiques, les utilisateurs plus jeunes demeuraient beaucoup plus susceptibles que leurs homologues plus âgés de déclarer quatre des six résultats. Le fait de perdre du sommeil était particulièrement fréquent chez les personnes de 15 à 19 ans, et la difficulté à se concentrer était particulièrement fréquente chez les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 24 ans. Le fait de se sentir anxieux ou déprimé ou de se sentir envieux de la vie des autres était plus fréquent chez les jeunes, définis de façon générale dans cette étude comme les personnes de 15 à 34 ans. L’activité physique réduite et les sentiments de frustration ou de colère ne variaient pas dans les différents groupes d’âge une fois que les caractéristiques liées à l’utilisation des médias sociaux étaient prises en compte.
Mots clés : bien-être, jeunes, médias sociaux, utilisation d’Internet
Auteurs
Christoph Schimmele, Jonathan Fonberg et Grant Schellenberg travaillent au sein de la Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Direction des études analytiques, de Statistique Canada.
Introduction
Les sites de réseaux sociaux existent depuis plus de deux décennies et leur utilisation s’est généralisée chez les jeunes au milieu des années 2000 (Boyd et Ellison, 2007). Les médias sociaux désignent des plateformes numériques permettant aux utilisateurs de créer et de partager du contenu (p. ex. des messages texte, des photos et des vidéos) et des profils en ligne, et d’interagir avec d’autres utilisateurs. Il existe un large éventail de telles plateformes, comme Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, LinkedIn, YouTube, Tinder et Flickr. De nos jours, les médias sociaux sont couramment utilisés dans les différents groupes d’âge, de façon régulière par environ 9 Canadiens de 15 à 34 ans sur 10 et par environ 8 Canadiens de 35 à 49 ans sur 10. De nombreux Canadiens des groupes plus âgés utilisent aussi les médias sociaux, notamment 6 Canadiens de 50 à 64 ans sur 10 et environ 1 personne âgée sur 3.
Les médias sociaux présentent à la fois des possibilités et des risques. Ils permettent aux gens d’entretenir des relations personnelles avec la famille et les amis (Ellison, Steinfield et Lampe, 2007; Keles, McRae et Grealish, 2020), d’établir des liens et d’interagir avec des réseaux élargis (Boyd et Ellison, 2007; Verduyn et coll., 2017) et d’exprimer des points de vue et de faire preuve de créativité (Keles, McRae et Grealish, 2020; Oh, Ozkaya et LaRose, 2014). Cependant, ils présentent également des risques, de plus en plus d’études documentant des résultats comme l’isolement social, la solitude, une mauvaise santé mentale et la cyberintimidation (Hango, 2016; Kelly et coll., 2018; Lin et coll., 2016; Nesi et Prinstein, 2015; Primack et coll., 2017; Rosen et coll., 2013a; Sampasa-Kanyinga et Lewis, 2015; Twenge et coll., 2018; Vannucci, Flannery et Ohannessian, 2017).
La plupart des études sur ces enjeux sont axées sur les adolescents et les jeunes. Cela témoigne des préoccupations au sujet de la vulnérabilité des jeunes aux résultats négatifs découlant de l’intensité et de la durée de leur utilisation des médias sociaux, des effets que les médias sociaux peuvent avoir sur les processus de développement en cours tout au long de l’adolescence et de la perturbation et de la transformation des contacts en personne et d’autres activités importantes dans la vie des jeunes. Toutefois, comme souligné ci-dessus, l’utilisation des médias sociaux est généralisée dans la plupart des groupes d’âge, ce qui soulève des questions quant à la prévalence de divers résultats au sein de la population en général. Le présent document a pour objectif de documenter les déclarations de la prévalence des résultats associés aux médias sociaux chez les personnes appartenant à différents groupes d’âge. Pour donner un aperçu des résultats, les jeunes sont plus susceptibles de déclarer certains résultats qu’ils attribuent aux médias sociaux, en particulier la perte de sommeil et la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités, tandis que d’autres résultats, en particulier l’activité physique réduite et les sentiments de frustration et de colère, sont déclarés plus uniformément dans les différents groupes d’âge.
En plus de l’âge, les comportements associés aux médias sociaux et les tendances en matière d’utilisation, comme la durée et le but de l’utilisation, ont été relevés comme étant des facteurs de risque associés à divers résultats (Organisation de coopération et de développement économiques, 2016; Rosen et coll., 2013a; Twenge et Martin, 2020; Verduyn et coll., 2017). Dans cette étude, l’utilisation des médias sociaux est mesurée en fonction du nombre de comptes de médias sociaux utilisés, du nombre et des types d’activités effectuées et de l’intensité de l’utilisation des téléphones intelligents. Les quatre facteurs présentent tous une forte corrélation avec les déclarations de résultats négatifs attribués à l’utilisation des médias sociaux. Un effet d’interaction avec l’âge (c.-à-d. les jeunes) et l’intensité de l’utilisation des médias sociaux est observé pour certains résultats, mais non pour d’autres.
Le reste du présent document est structuré de la manière suivante. Un examen de la documentation fournit un aperçu des principaux thèmes et des constatations d’autres études, soulignant l’âge et des aspects de l’utilisation des médias sociaux comme des facteurs de risque associés à divers résultats. Un examen des sources de données et des concepts utilisés aux fins de cette analyse est ensuite présenté, de même que les résultats de l’analyse bivariée et multivariée. Les conclusions et des pistes éventuelles pour des études futures sont exposées dans la dernière section.
Examen de la documentation
Les résultats positifs et négatifs associés à l’utilisation des médias sociaux, et les facteurs de risque connexes, ont fait l’objet de nombreuses études au cours de la dernière décennie, études qui ont principalement mis l’accent sur les adolescents et les jeunes, un nombre de plus en plus grand d’études examinant un éventail de résultats (surtout négatifs) associés à leur utilisation des médias sociaux.
L’âge a été considéré comme étant un facteur de risque pour plusieurs raisons. Le manque relatif d’autoréglementation chez les enfants et les adolescents peut nuire à leur capacité d’éviter des risques, comme l’utilisation excessive des médias sociaux ou leur utilisation à des heures inadéquates (Keles, McRae et Grealish, 2020). La durée du sommeil et la qualité du sommeil ont toutes deux été reliées au temps passé quotidiennement sur les médias sociaux et à leur utilisation nocturne, qui ont tendance à être plus élevés chez les adolescents et les jeunes adultes que chez les personnes plus âgées (Reid Chassiakos et coll., 2016; Woods et Scott, 2016). En général, on a constaté que la perte de sommeil contribue à la dysfonction diurne, comme le fait d’avoir de la difficulté à se concentrer (Reid Chassiakos et coll., 2016). En outre, on a constaté un lien important entre les perturbations du sommeil et la quantité de temps que les jeunes passent sur les médias sociaux et les symptômes de dépression (Kelly et coll., 2018; Reid Chassiakos et coll., 2016). Les perturbations du sommeil peuvent aussi résulter d’interactions de piètre qualité sur les médias sociaux, comme l’exposition au harcèlement ou à l’intimidation en ligne, qui présentent également une corrélation négative avec le bien-être mental (Kelly et coll., 2018; Pew Research Center, 2018).
L’âge des utilisateurs des médias sociaux est aussi important comme facteur de risque lié aux résultats négatifs, compte tenu des processus de développement en cours tout au long de l’adolescence. La formation de l’identité est un de ces processus et met en jeu la comparaison sociale et la recherche de rétroaction (Nesi et Prinstein, 2015). Les médias sociaux représentent un environnement interpersonnel unique dans ce contexte, car ils fournissent un flux presque continu d’interactions et une immense base pour la comparaison et la rétroaction sociale (Vogel et coll., 2014). Des données donnent à penser que les médias sociaux ont accru l’influence des groupes de pairs sur le bien-être des adolescents, facilitant et multipliant les effets de l’autocomparaison à cet âge (Kelly et coll., 2018; Seabrook, Kern et Rickard, 2016). De plus, les utilisateurs des plateformes de médias sociaux peuvent s’efforcer de « se présenter positivement » en utilisant des images et des renseignements avantageux concernant des activités passionnantes, la réussite matérielle et les accomplissements personnels (Tandoc, Ferruci et Duffy, 2015; Verduyn et coll., 2015). Pour les utilisateurs, l’exposition fréquente à de telles représentations et la comparaison avec ces représentations peuvent mener à des perceptions idéalisées de la vie des autres, s’accompagnant de possibilités accrues de comparaisons sociales négatives et du sentiment de privation sociale, d’une faible estime de soi et du mécontentement (Georges, 2009; Nesi et Prinstein, 2015; Primack et coll., 2017; Tandoc, Ferrucci et Duffy, 2015). Nesi et Prinstein (2015) signalent que la comparaison sociale représente une plus grande menace pour le bien-être mental des adolescentes que des adolescents, peut-être parce que les adolescentes accordent davantage d’importance à la comparaison sociale lorsqu’elles évaluent leur valeur.
La façon dont l’utilisation des médias sociaux modifie les relations sociales est un secteur d’intérêt connexe. Twenge, Spitzberg et Campbell (2019) soulignent que les adolescents de la « génération Z » (ceux nés dans les années 1990) consacrent moins de temps aux activités sociales en personne que les adolescents des générations précédentes, un changement qui coïncide avec l’augmentation du temps passé sur les médias numériques. Selon Twenge, Spitzberg et Campbell (2019), les sentiments de solitude sont aussi relativement plus importants chez les adolescents de la génération Z, et les degrés de solitude les plus élevés sont observés chez les jeunes qui ont peu de contacts sociaux en personne et qui consacrent beaucoup de temps à l’utilisation des médias sociaux. Cela soulève des questions quant à la mesure dans laquelle les relations sociales en ligne constituent une source de camaraderie, de soutien émotif et de soutien social qui contribue à la santé mentale et au bien-être, surtout en l’absence d’interactions en face à face (Helliwell et Huang, 2013). D’autres études ont documenté une relation entre le temps passé sur les médias sociaux et des résultats négatifs, comme des augmentations de la dépression et de l’anxiété et des diminutions de la réflexion (Annisette et Lafreniere, 2016; Kelly et coll., 2018; Kross et coll., 2013; Lin et coll., 2016; Primack et coll., 2017; Rosen et coll. 2013a; Sampasa-Kanyinga et Lewis, 2015; Twenge et coll., 2018; Vannucci, Flannery et Ohannessian, 2017).
Le temps passé devant un écran a aussi des répercussions pour la santé physique, dans la mesure où l’utilisation des médias sociaux diminue le temps consacré aux activités hors ligne, comme l’exercice et les sports (Twenge, Martin et Campbell, 2018). En tant qu’activité sédentaire, l’utilisation des médias traditionnels (p. ex. regarder la télévision) est un facteur de risque connu de l’obésité et des problèmes de santé (p. ex. les maladies cardiovasculaires) au cours de la vie (Reid Chassiakos et coll., 2016).
Seules quelques études ont permis d’examiner explicitement les différences entre les sexes au chapitre de l’association entre l’utilisation des médias sociaux et le bien-être. Dans celles qui l’ont fait, l’accent a été mis sur les résultats en matière de santé mentale chez les adolescents, permettant d’observer que les femmes sont plus à risque que les hommes. Par exemple, Twenge et Martin (2020) signalent que le temps passé sur les médias sociaux présente une corrélation plus forte avec un faible degré de bien-être psychologique chez les adolescentes que chez les adolescents; de plus, Kelly et coll. (2018) signalent que la relation entre le temps passé sur les médias sociaux et les symptômes de dépression était plus forte chez les filles de 14 ans que chez les garçons, témoignant en partie de différences entre les sexes en ce qui a trait à d’autres facteurs de risque, comme les perturbations du sommeil, la faible estime de soi, une piètre image corporelle et le harcèlement en ligne.
En plus de l’âge et du sexe, les façons dont les personnes utilisent les médias sociaux ont été examinées comme facteurs de risque. Par exemple, on a fait une distinction entre l’utilisation « active » des médias sociaux, comme la création et la publication de contenu et la participation à des échanges en ligne, et l’utilisation « passive », comme la consultation de profils ou de mises à jour de statut. On a constaté que l’utilisation passive des médias sociaux permet de prédire la dépression et l’estime de soi à travers des processus de comparaison sociale ascendante (p. ex. avoir le sentiment que la vie des autres est meilleure) (Tandoc, Ferruci et Duffy, 2015; Verduyn et coll., 2015; Vogel et coll., 2014), tandis que l’utilisation active peut constituer une source de capital social et d’appartenance, améliorant le bien-être (Verduyn et coll., 2017). Cependant, la causalité peut aller dans l’autre sens. Les personnes qui souffrent de dépression ou qui ont une faible estime d’elles-mêmes peuvent être plus susceptibles que les autres de se livrer à des activités passives, et celles qui ont une meilleure estime d’elles-mêmes et une santé mentale plus positive peuvent être plus susceptibles de se livrer à des activités actives.
La fréquence de l’utilisation des médias sociaux, qui est différente de la durée de l’utilisation, a été relevée comme autre facteur de risque (Lin et coll., 2016; Primack et coll., 2017; Rosen et coll., 2013b). La fréquence de l’utilisation se rapporte à des comportements comme ceux associés au nombre de plateformes de médias sociaux utilisées de façon régulière ou au nombre de « vérifications » quotidiennes pour suivre des mises à jour ou consulter des profils. Pour de nombreuses personnes, les téléphones intelligents constituent le principal appareil utilisé pour consulter les médias sociaux (Pew Research Center, 2015), et le temps passé en ligne est difficile à mesurer, compte tenu de la connexion immédiate et constante (Twenge, Martin et Campbell, 2018). Par conséquent, l’utilisation compulsive ou habituelle est peut-être une mesure plus adéquate pour évaluer l’intensité de l’utilisation des médias sociaux. Des études signalent que l’utilisation fréquente des téléphones intelligents peut entraîner une dépendance psychologique, les utilisateurs à grande fréquence éprouvant une « anxiété de séparation » lorsqu’ils se voient refuser l’accès à leur appareil pendant aussi peu que 10 à 20 minutes (Cheever et coll., 2014; Organisation de coopération et de développement économiques, 2016). Elhai et coll. (2017) documentent une corrélation positive entre l’utilisation habituelle des téléphones intelligents et le stress, l’anxiété et la dépression. En ce qui a trait aux différences d’âge, les personnes de la génération Z ont tendance à consulter leurs comptes de médias sociaux plus fréquemment que les personnes des générations plus âgées et déclarent se sentir plus angoissées lorsqu’elles ne sont pas en mesure de le faire (Rosen et coll., 2013b).
Si dans la plupart des études sur les répercussions des médias sociaux, l’accent a été mis sur les résultats négatifs, d’autres ont permis de documenter des résultats positifs. Les médias sociaux représentent des outils efficaces pour interagir avec les amis et les proches, maintenir des relations malgré la distance et faciliter la planification et la communication chez les membres des ménages. Les sites de réseaux sociaux permettent de rapprocher les personnes qui ont des valeurs, des activités et des intérêts communs, et permettent aux personnes d’interagir avec des réseaux élargis qu’il serait difficile de maintenir dans un contexte hors ligne (Boyd et Ellison, 2007; Verduyn et coll., 2017). Des études signalent que le fait d’avoir un grand nombre de contacts en ligne permet de prédire des degrés plus élevés de satisfaction à l’égard de la vie et d’intégration sociale autoévaluée (Manago, Taylor et Greenfield, 2012; Seabrook, Kern et Rickard, 2016; Verduyn et coll., 2017). Les sites de réseaux sociaux peuvent également permettre de réduire les obstacles à la participation sociale (Ellison, Steinfield et Lampe, 2007). Plusieurs études ont documenté des corrélations entre les médias sociaux et des résultats positifs, comme le soutien émotionnel et la diminution de l’isolement social et de la solitude (Ellison, Steinfield et Lampe ,2007; Keles, McRae et Grealish, 2020; Oh, Ozkaya et LaRose, 2014).
Les thèmes soulignés dans cet examen de la documentation orientent la conception de la présente étude. Un éventail de variables de résultat sont utilisées, dont certaines ont trait aux émotions (p. ex. le fait de se sentir envieux de la vie des autres) et certaines mettent davantage l’accent sur l’aspect physiologique (p. ex. la réduction de l’exercice physique ou la perte de sommeil). Les facteurs de risque pris en compte reprennent aussi les thèmes ci-dessus, l’accent étant mis sur les résultats chez les adolescents et les jeunes, et chez les personnes qui utilisent les médias sociaux de différentes façons et à différentes intensités.
Données et méthodes
Données et échantillon
Les données utilisées aux fins de cette étude proviennent de l’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet (ECUI) de 2018. L’ECUI de 2018 a été menée auprès d’un échantillon représentatif à l’échelle nationale de près de 14 000 Canadiens et a permis de recueillir des données sur leur adoption et leur utilisation des technologies numériques. L’enquête a été menée de novembre 2018 à mars 2019. La population observée comprend les personnes de 15 ans et plus vivant dans les 10 provinces, à l’exclusion des personnes vivant en établissement à temps plein.
Le tableau 1 fournit un aperçu des réponses données aux questions de l’ECUI sur l’utilisation d’Internet et des médias sociaux. L’utilisation d’Internet, qui est une condition préalable à l’utilisation des médias sociaux, est omniprésente chez les Canadiens de moins de 50 ans (dans une proportion de plus de 97 %) et est très fréquente chez les Canadiens de 50 à 64 ans (dans une proportion de 93 %) (tableau 1, colonne 1). L’utilisation d’Internet est plus faible chez les personnes âgées (65 ans ou plus), pour qui la proportion s’est établie à 71 %. Chez les utilisateurs d’Internet, plus de 90 % des personnes de 15 à 34 ans utilisent régulièrement des sites ou des applications de réseaux sociaux, tout comme 84 % des personnes de 35 à 49 ans et 68 % des personnes de 50 à 64 ans. Environ la moitié des utilisateurs d’Internet de 65 ans ou plus sont des utilisateurs réguliers des médias sociaux.
Au sein de la population des utilisateurs des médias sociaux, ceux qui font partie des groupes plus jeunes ont tendance à utiliser davantage de comptes de médias sociaux que ceux qui font partie des groupes plus âgés. Par exemple, plus de 50 % des personnes de 15 à 24 ans utilisent trois comptes ou plus, tandis que c’est le cas de seulement 15 % des personnes de 50 à 64 ans (tableau 1, colonne 3). Le nombre moyen de comptes de médias sociaux utilisés diminue aussi dans les différents groupes d’âge (tableau 1, colonne 4). Lorsqu’on les a interrogées au sujet des types d’activités qu’elles font habituellement sur les médias sociaux, les personnes de moins de 50 ans ont déclaré en moyenne 3,3 à 3,6 activités pour un ensemble de réponses comprenant sept optionsNote (tableau 1, colonne 5).
Cette étude se limite aux utilisateurs des médias sociaux de 15 à 64 ans. Comme souligné ci-dessus, les utilisateurs des médias sociaux représentent un sous-ensemble beaucoup moins grand de la population des personnes âgées que dans le cas de la population des personnes plus jeunes. Cela témoigne de la plus grande variabilité de l’adoption de la technologie chez les personnes âgées que chez les personnes plus jeunes (Davidson et Schimmele, 2019) et d’un plus grand degré de sélection au sein de la population d’intérêt (c.-à-d. les utilisateurs des médias sociaux). Cette question se pose moins chez les personnes plus jeunes, et surtout chez les jeunes, compte tenu du caractère quasi omniprésent de l’utilisation des médias sociaux chez ceux-ci. C’est pourquoi dans cette étude on évite de faire des comparaisons entre tous les groupes d’âge, l’examen se limitant aux personnes qui ne sont pas des personnes âgées. L’utilisation des médias sociaux chez les personnes âgées mérite une analyse ciblée, mais cette dernière devra faire l’objet de travaux futurs. Cette analyse repose sur un peu moins de 6 900 utilisateurs des médias sociaux de 15 à 64 ans ayant répondu à l’ECUI.
Pourcentage des personnes ayant utilisé Internet au cours des trois mois précédents | Pourcentage des personnes qui utilisent régulièrement les médias sociauxTableau 1 Note 1 | Pourcentage des personnes qui utilisent trois sites Web ou applications de médias sociaux ou plusTableau 1 Note 2 | Nombre moyen de sites Web ou d’applications de médias sociaux utilisésTableau 1 Note 2 Tableau 1 Note 3 | Nombre moyen d’activités effectuées sur les sites Web ou les applications de médias sociauxTableau 1 Note 2 | |
---|---|---|---|---|---|
pourcentage | nombre | ||||
Total | 91,3 | 77,6 | 25,2 | 1,9 | 3,3 |
Homme | 92,2 | 73,3 | 25,3 | 1,9 | 3,1 |
Femme | 90,5 | 81,9 | 25,1 | 1,9 | 3,4 |
Groupe d’âge | |||||
15 à 19 ans | 99,6 | 92,2 | 53,3 | 2,6 | 3,5 |
20 à 24 ans | 97,7 | 95,9 | 50,7 | 2,5 | 3,4 |
25 à 29 ans | 99,1 | 92,8 | 35,8 | 2,2 | 3,6 |
30 à 34 ans | 98,7 | 91,1 | 24,6 | 1,9 | 3,6 |
35 à 49 ans | 97,3 | 83,7 | 19,0 | 1,8 | 3,3 |
50 à 64 ans | 92,9 | 68,3 | 14,5 | 1,6 | 3,0 |
65 ans ou plus | 71,2 | 50,5 | 5,9 | 1,3 | 2,7 |
|
Variables dépendantes
Les variables de résultat pour cette étude sont tirées des réponses à la question suivanteNote :
- Au cours des
12 derniers mois, y a-t-il eu des effets négatifs dans votre vie à cause
de votre utilisation de sites ou d’applications de réseaux sociaux?
Sélectionnez tout ce qui s’applique. Est-ce que :
- Vous êtes resté(e) en ligne plus longtemps que prévu
- Vous avez perdu du sommeil
- Vous avez fait moins d’activité physique
- Vous avez eu de la difficulté à vous concentrer sur vos tâches ou vos activités (p. ex. école, travail)
- Vous avez eu des problèmes relationnels avec des amis ou des membres de votre famille
- Vous avez ressenti de l’anxiété
- Vous avez vécu une période de dépression
- Vous avez ressenti de l’envie pour la vie des autres
- Vous pensez avoir vécu de l’intimidation ou du harcèlement
- Vous avez ressenti de la frustration ou de la colère
- Autre
La grande majorité des répondants admissibles ont été en mesure de répondre à cette question et ont été disposés à le faire, la non-réponse partielle s’établissant à moins de 3 % pour les différentes options de réponse. Si la question posée aux répondants portait sur les répercussions des médias sociaux dans leur vie, supposant une relation causale, les résultats présentés ci-dessous sont strictement corrélationnels, indiquant les proportions des utilisateurs des médias sociaux ayant différentes caractéristiques qui ont choisi chaque réponse. Dans le cadre de l’ECUI de 2018, on n’a pas interrogé les répondants au sujet des répercussions positives que leur utilisation des médias sociaux a eues dans leur vie. Il s’agit là d’une faiblesse du questionnaire et d’une limite de cette étude.
Des 11 réponses énumérées ci-dessus, 7 réponses ont été incluses dans cette analyse. La perte de sommeil, la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités et le fait de faire moins d’activité physique font partie de ces réponses. Comme souligné ci-dessus, les répercussions physiologiques font partie des préoccupations exprimées quant à l’utilisation des médias sociaux chez les adolescents et les jeunes. Quatre autres réponses se rapportent plus explicitement à l’état émotionnel : se sentir envieux de la vie des autres, se sentir frustré ou en colère, se sentir anxieux et se sentir déprimé. Les deux dernières réponses (se sentir anxieux et se sentir déprimé) sont regroupées en une mesure uniqueNote dans le but d’accroître les fréquences par cellule pour les sous-groupes de population et d’améliorer les estimations statistiques. Les réponses positives liées au fait de se sentir anxieux ou déprimé n’équivalent pas à des diagnostics cliniques. Dans l’ensemble, ces sept variables permettent d’obtenir six résultats.
Pour ce qui est des réponses qui ne sont pas incluses dans l’analyse, les problèmes relationnels et le fait de se sentir intimidé ou harcelé n’ont pas été pris en compte, car très peu de répondants dans la plupart des groupes d’âge ont répondu par l’affirmative, limitant la portée de l’estimation multivariée. Les répondants de 15 à 19 ans étaient les plus susceptibles de déclarer ces résultats. Une analyse axée sur ce groupe s’impose dans la pleine mesure que permettent les données. Le fait de rester en ligne plus longtemps que prévu n’a pas été pris en compte, car on a estimé qu’il s’agissait d’une caractéristique de l’utilisation des médias sociaux plutôt que d’un résultat qui en découle.
Variables indépendantes
Les proportions des utilisateurs des médias sociaux qui déclarent ces six résultats sont comparées selon un petit ensemble de variables sociodémographiques et de variables liées à l’utilisation des médias sociaux. Le sexe et l’âge sont inclus. L’âge est regroupé au moyen d’intervalles de cinq ans, allant de 15 à 34 ans, et au moyen d’intervalles plus longs de 15 ans, allant de 35 à 64 ans. Ces groupes d’âge fournissent le détail nécessaire pour relever les différences entre les adolescents et les jeunes, ainsi que le point de départ pour des comparaisons plus générales au sein de la population des personnes qui ne font pas partie du groupe des personnes âgées. Comme le montre le tableau 2, de 10 % à 12 % des répondants font partie de chacune des catégories d’âge à intervalle de cinq ans, allant de 15 à 19 ans à 30 à 34 ans. D’autres caractéristiques sociodémographiques, en particulier le niveau de scolarité, ne sont pas incluses dans l’analyse, compte tenu de l’accent mis sur les jeunes et du fait que bon nombre d’entre eux n’ont pas encore terminé leurs études.
Quatre variables se rapportant à la manière dont les personnes utilisent les médias sociaux sont incluses dans l’analyse. La première est le nombre de sites ou d’applications de médias sociaux que les répondants utilisent régulièrement. La plus grande proportion des répondants (41 %) utilisent régulièrement un seul compte de médias sociaux, tandis qu’un peu plus de 1 répondant sur 4 (28 %) en utilise régulièrement trois ou plus (tableau 2). Comme le montre le tableau 1, le nombre de comptes de médias sociaux utilisés est en corrélation avec l’âge.
La deuxième variable liée aux médias sociaux indique si les personnes sont ou non des utilisateurs « intensifs » de téléphones intelligents, définis comme les personnes qui : i) possèdent un téléphone intelligent; ii) déclarent le consulter toutes les 30 minutes ou moins; iii) déclarent que la consultation de leur téléphone est la dernière chose qu’elles font avant d’aller dormir. Tous les autres répondants, y compris ceux qui ne possèdent pas de téléphone intelligent, sont classés dans la catégorie « autre ». Les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents représentent environ le tiers de l’échantillon. Là encore, il existe une corrélation avec l’âge, 44 % des utilisateurs des médias sociaux de 15 à 29 ans étant déterminés comme étant des utilisateurs intensifs de téléphones intelligents, comparativement à 18 % de ceux de 50 à 64 ans.
Pourcentage | |
---|---|
Sexe | |
Homme | 47,6 |
Femme | 52,4 |
Total | 100,0 |
Groupe d’âge | |
15 à 19 ans | 9,9 |
20 à 24 ans | 11,0 |
25 à 29 ans | 12,1 |
30 à 34 ans | 11,8 |
35 à 49 ans | 30,3 |
50 à 64 ans | 24,8 |
Total | 100,0 |
Nombre de comptes de médias sociaux | |
Un | 40,8 |
Deux | 31,8 |
Trois ou plus | 27,5 |
Total | 100,0 |
Utilisateur intensif d'un téléphone intelligent | |
Non | 64,1 |
Oui | 36,0 |
Total | 100,0 |
Suivre les activités des amis et des membres de la famille | |
Non | 18,8 |
Oui | 81,3 |
Total | 100,0 |
Partager du contenu avec les amis et les membres de la famille | |
Non | 41,7 |
Oui | 58,4 |
Total | 100,0 |
Partager du contenu publiquement | |
Non | 73,9 |
Oui | 26,1 |
Total | 100,0 |
Suivre les actualités | |
Non | 42,4 |
Oui | 57,6 |
Total | 100,0 |
Nombre d’activités effectuées sur les médias sociaux | |
Aucune | 8,1 |
Une | 21,5 |
Deux | 27,0 |
Trois | 26,2 |
Quatre | 17,3 |
Total | 100,0 |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Un ensemble de variables est inclus pour signaler des activités précises que les personnes déclarent faire sur les médias sociaux. Ces activités comprennent l’utilisation des médias sociaux pour : i) suivre les activités de leurs amis et des membres de leur famille; ii) partager ou publier leurs propres idées, photos ou vidéos pour leurs amis et les membres de leur famille; iii) partager ou publier leurs propres idées, photos ou vidéos publiquement; iv) suivre les actualités. Les désignations d’utilisation « passive » ou « active », telles que décrites ci-dessus, ne sont pas reliées à ces activités. Plus de 80 % des personnes utilisent les médias sociaux pour suivre les activités de leurs amis et des membres de leur famille, et près de 60 % partagent leur propre contenu (p. ex. des photos ou des vidéos) avec leurs amis et les membres de leur famille. Ces activités sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes (tableau 3)Note . Un peu plus du quart des utilisateurs des médias sociaux (26 %) partagent leur propre contenu publiquement, les personnes de 15 à 19 ans étant plus susceptibles de le faire (33 %) que celles appartenant aux groupes plus âgés. Enfin, 58 % des utilisateurs des médias sociaux suivent les actualités de cette façon, les personnes dans la vingtaine et le début de la trentaine étant plus susceptibles de le faire que celles appartenant aux groupes plus âgés.
Enfin, le nombre d’activités effectuées sur les médias sociaux déclarées par les personnes a été additionné, permettant d’obtenir une mesure allant de 0 (aucune activité) à 4 (toutes les activités). Comme le montre le tableau 2, 8 % des utilisateurs des médias sociaux ne font aucune de ces quatre activités, tandis que 17 % les font toutes. Plus de 50 % d’entre eux en font deux ou trois.
Pourcentage des utilisateurs qui utilisent les médias sociaux pour | ||||
---|---|---|---|---|
Suivre les activités des amis et des membres de la famille | Partager du contenu avec les amis et les membres de la famille | Partager du contenu publiquement | Suivre les actualités | |
pourcentage | ||||
Total | 81,3 | 58,4 | 26,1 | 57,6 |
Homme | 75,7 | 50,7 | 26,9 | 56,8 |
Femme | 86,3 | 65,4 | 25,3 | 58,2 |
Groupe d’âge | ||||
15 à 19 ans | 83,8 | 59,8 | 32,8 | 61,8 |
20 à 24 ans | 76,8 | 56,3 | 27,9 | 67,1 |
25 à 29 ans | 84,7 | 59,9 | 28,3 | 65,2 |
30 à 34 ans | 83,3 | 64,1 | 26,8 | 65,5 |
35 à 49 ans | 80,7 | 60,0 | 25,8 | 57,4 |
50 à 64 ans | 80,3 | 53,2 | 21,4 | 44,4 |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Résultats
Chez l’ensemble des utilisateurs des médias sociaux de 15 à 64 ans, environ le cinquième ont déclaré que, au cours des 12 mois précédents, ils avaient perdu du sommeil (19 %), avaient fait moins d’activité physique (22 %) ou avaient eu de la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités (18 %) en raison de leur utilisation des médias sociaux (tableau 4). Environ 1 utilisateur sur 8 (12 % à 14 %) a déclaré s’être senti anxieux ou déprimé, frustré ou en colère, ou envieux de la vie des autres.
Le tableau 4 montre les pourcentages des utilisateurs des médias sociaux ayant une caractéristique précise et qui ont déclaré chacun de ces résultats. Par exemple, 19 % des femmes avaient eu de la difficulté à se concentrer en raison de leur utilisation des médias sociaux, comparativement à 16 % des hommes. Pour mieux évaluer ces différences, un modèle de régression logistique a été exécuté pour chacune des six variables de résultat. Les résultats sont présentés comme des effets marginaux dans le tableau 5, interprétés comme étant la différence en points de pourcentage dans la probabilité que les personnes appartenant à une catégorie (p. ex. les femmes) déclarent un résultat par rapport à un groupe de référence (p. ex. les hommes), indépendamment des autres caractéristiques dans le modèle. Les modèles indiquent également si ces différences sont significatives sur le plan statistique. Pour revenir à l’exemple mentionné ci-dessus, les femmes étaient près de 4 points de pourcentage plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir eu de la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités en raison de leur utilisation des médias sociaux, indépendamment des autres caractéristiques dans le modèle (tableau 5). On peut également observer des différences de 3 à 4 points de pourcentage dans la probabilité de déclarer avoir fait moins d’activité physique et s’être senti anxieux ou déprimé, et une différence de 7 points de pourcentage est observée pour ce qui est de s’être senti envieux de la vie des autres. Le fait de perdre du sommeil ou de se sentir frustré ou en colère ne présentait pas de différence significative selon le sexe. Dans l’ensemble, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer quatre des six résultats pris en compte, d’une ampleur de 3 à 7 points de pourcentageNote .
Dans les différents groupes d’âge, le fait de perdre du sommeil et le fait d’avoir de la difficulté à se concentrer présentaient les plus grandes variations. Près de la moitié des utilisateurs des médias sociaux de 15 à 19 ans (47 %) ont déclaré avoir perdu du sommeil en raison de leur utilisation des médias sociaux, tout comme 28 % de ceux de 20 à 24 ans et 21 % de ceux de 25 à 29 ans (tableau 4). Autrement dit, le fait de perdre du sommeil était particulièrement fréquent chez les adolescents. Si l’on tient compte de l’utilisation des médias sociaux et des téléphones intelligents, les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 19 ans étaient 24 points de pourcentage plus susceptibles de déclarer avoir perdu du sommeil que leurs homologues de 35 à 49 ans (tableau 5). Le fait d’avoir de la difficulté à se concentrer présente une tendance semblable, les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans étant de 15 à 17 points de pourcentage plus susceptibles de déclarer ce résultat que leurs homologues de 35 à 49 ans.
D’autres résultats étaient également plus fréquents chez les jeunes, définis de façon générale comme les personnes dans la vingtaine et le début de la trentaine. Environ 20 % des utilisateurs des médias sociaux de moins de 30 ans ont déclaré s’être sentis anxieux ou déprimés en raison de leur utilisation des médias sociaux, comparativement à 12 % de ceux de 35 à 49 ans (tableau 3); les résultats multivariés permettent d’obtenir une différence de 5 à 6 points de pourcentage (tableau 5). Les utilisateurs des médias sociaux de 20 à 34 ans étaient aussi beaucoup plus susceptibles de déclarer s’être sentis envieux de la vie des autres que ceux de 35 à 49 ans, les résultats multivariés permettant d’obtenir des différences de 5 à 9 points de pourcentage.
Enfin, les autres résultats déclarés ne variaient pas autant dans les différents groupes d’âge. Plus précisément, le fait de faire moins d’activité physique et le fait de se sentir frustré ou en colère n’étaient pas plus fréquents chez les utilisateurs des médias sociaux de moins de 35 ans que chez ceux de 35 à 49 ans. Les différences d’âge pour ces résultats étaient seulement évidentes chez les utilisateurs des médias sociaux de 50 à 64 ans, qui étaient beaucoup moins susceptibles de déclarer ces deux résultats (ainsi que les quatre autres) que ceux de 35 à 49 ans.
Ont perdu du sommeil | Ont eu de la difficulté à se concentrer | Ont fait moins d’activité physique | Se sont sentis anxieux ou déprimés | Se sont sentis envieux | Se sont sentis frustrés ou en colère | |
---|---|---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||||
Total | 19,3 | 17,5 | 22,4 | 13,8 | 13,2 | 12,4 |
Sexe | ||||||
Homme | 19,1 | 15,5 | 20,2 | 11,7 | 9,4 | 11,5 |
Femme | 19,5 | 19,3 | 24,4 | 15,6 | 16,7 | 13,3 |
Groupe d’âge | ||||||
15 à 19 ans | 47,0 | 36,1 | 29,5 | 22,8 | 18,3 | 17,7 |
20 à 24 ans | 28,2 | 33,5 | 26,2 | 21,6 | 24,0 | 16,8 |
25 à 29 ans | 20,5 | 24,3 | 26,1 | 19,4 | 19,2 | 16,9 |
30 à 34 ans | 20,3 | 17,9 | 25,6 | 14,5 | 18,7 | 14,7 |
35 à 49 ans | 15,9 | 12,5 | 21,5 | 11,6 | 10,9 | 11,7 |
50 à 64 ans | 7,3 | 5,4 | 15,7 | 6,3 | 3,8 | 6,0 |
Nombre de comptes de médias sociaux | ||||||
Un | 10,8 | 9,0 | 16,6 | 7,7 | 6,9 | 7,3 |
Deux | 19,5 | 17,4 | 23,7 | 13,8 | 13,9 | 12,9 |
Trois ou plus | 31,7 | 30,2 | 29,5 | 22,7 | 21,8 | 19,5 |
Utilisateur intensif d'un téléphone intelligent | ||||||
Non | 13,3 | 11,1 | 17,2 | 10,5 | 9,2 | 9,4 |
Oui | 30,1 | 29,0 | 31,8 | 19,7 | 20,5 | 17,8 |
Suivre les activités des amis et des membres de la famille | ||||||
Non | 13,6 | 11,0 | 13,4 | 9,2 | 5,5 | 7,2 |
Oui | 20,6 | 18,9 | 24,5 | 14,8 | 15,0 | 13,7 |
Partager du contenu avec les amis et les membres de la famille | ||||||
Non | 15,2 | 11,5 | 15,5 | 10,1 | 8,8 | 7,4 |
Oui | 22,2 | 21,7 | 27,4 | 16,4 | 16,4 | 16,1 |
Partager du contenu publiquement | ||||||
Non | 16,3 | 15,0 | 19,5 | 11,2 | 11,1 | 9,9 |
Oui | 27,7 | 24,4 | 30,7 | 21,0 | 19,3 | 19,7 |
Suivre les actualités | ||||||
Non | 13,9 | 10,7 | 17,0 | 8,9 | 8,3 | 7,3 |
Oui | 23,3 | 22,5 | 26,5 | 17,4 | 16,9 | 16,3 |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Quant à l’utilisation des médias sociaux, le nombre de comptes de médias sociaux utilisés régulièrement est en corrélation avec les résultats d’intérêt. Cela peut témoigner de l’intensité de l’utilisation des médias sociaux. De 20 % à 32 % des personnes qui utilisent trois comptes ou plus déclarent avoir chacun des six résultats, tandis que c’est le cas d’environ 7 % à 11 % des personnes utilisant un seul compte de médias sociauxNote . Les modèles multivariés permettent d’obtenir des résultats semblables, les personnes utilisant trois comptes ou plus étant de 4 à 8 points de pourcentage plus susceptibles de déclarer chaque résultat que les personnes utilisant un seul compte. La prise en compte de l’utilisation intensive des téléphones intelligents permet d’obtenir des résultats semblables.
Les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents étaient plus susceptibles que les autres personnes de déclarer chacun des six résultats. Environ 30 % des utilisateurs intensifs de téléphones intelligents ont déclaré avoir perdu du sommeil, avoir eu de la difficulté à se concentrer et avoir fait moins d’activité physique en raison de l’utilisation des médias sociaux, et 18 % à 21 % ont déclaré des résultats liés aux émotions. Chez les autres personnes (c.-à-d. les utilisateurs non intensifs de téléphones intelligents), 9 % à 13 % ont généralement déclaré ces résultats. Les estimations multivariées permettent d’obtenir une différence de 10 à 11 points de pourcentage dans le fait de perdre du sommeil, d’avoir de la difficulté à se concentrer et de faire moins d’activité physique chez les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents par rapport aux autres utilisateurs, et des différences de 4 à 6 points de pourcentage dans les résultats déclarés liés aux émotions.
Les types d’activités que font les personnes sur les médias sociaux sont en corrélation avec la probabilité de déclarer des résultats précis. L’utilisation des médias sociaux pour suivre les activités des amis et des membres de la famille est en corrélation avec deux des six résultats, plus précisément l’activité physique réduite et les sentiments d’envie, tandis que la publication de son propre contenu pour les amis et les membres de la famille présente une corrélation significative avec trois résultats (tableau 5). Le fait de publier du contenu publiquement et le fait de suivre les actualités, c’est-à-dire deux activités effectuées sur les médias sociaux ayant une orientation davantage publique, présentent une corrélation significative avec tous ou presque tous les résultats, des différences variant de 3 à 6 points de pourcentage ayant été observées. Dans l’ensemble, les activités effectuées sur les médias sociaux qui sont axées sur les amis et les membres de la famille sont en corrélation avec moins de déclarations de résultats négatifs que les activités effectuées davantage publiquement.
Ont perdu du sommeil | Ont eu de la difficulté à se concentrer | Ont fait moins d’activité physique | Se sont sentis anxieux ou déprimés | Se sont sentis envieux | Se sont sentis frustrés ou en colère | |
---|---|---|---|---|---|---|
différence en points de pourcentage par rapport au groupe de référence | ||||||
Sexe | ||||||
Homme (groupe de référence) | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
Femme | 0,8 | 3,5Note ** | 3,3Note * | 3,9Note *** | 7,0Note *** | 1,4 |
Groupe d’âge | ||||||
15 à 19 ans | 23,5Note *** | 17,1Note *** | 4,5 | 6,4Note * | 3,2 | 2,6 |
20 à 24 ans | 7,0Note * | 15,2Note *** | 2,0 | 5,8Note * | 8,9Note *** | 2,1 |
25 à 29 ans | 1,1 | 7,9Note *** | 1,8 | 4,9Note * | 5,1Note ** | 2,7 |
30 à 34 ans | 2,8 | 3,7Note * | 2,6 | 1,7 | 6,3Note *** | 1,6 |
35 à 49 ans (groupe de référence) | ||||||
50 à 64 ans | -7,7Note *** | -6,3Note *** | -3,8Note ** | -4,6Note *** | -6,9Note *** | -4,8Note *** |
Comptes de médias sociaux | ||||||
1 (groupe de référence) | ||||||
2 | 3,1Note * | 2,2 | 2,1 | 2,5Note * | 2,7Note * | 2,3Note * |
3 ou plus | 8,3Note *** | 7,2Note *** | 3,8Note * | 7,1Note *** | 6,2Note *** | 5,4Note *** |
Téléphone intelligent | ||||||
Utilisateur intensif | 10,5Note *** | 11,0Note *** | 10,4Note *** | 4,5Note *** | 6,3Note *** | 4,1Note *** |
Autre (groupe de référence) | ||||||
Suivre les activités des amis et des membres de la famille | 1,9 | 1,1 | 5,3Note ** | 1,0 | 5,8Note *** | 1,7 |
Partager du contenu avec les amis et les membres de la famille | 0,5 | 4,7Note ** | 5,7Note *** | 0,8 | 1,4 | 4,1Note *** |
Partager du contenu publiquement | 5,1Note ** | 1,6 | 4,1Note * | 5,2Note *** | 3,1Note * | 4,1Note ** |
Suivre les actualités | 3,6Note * | 5,7Note *** | 3,8Note * | 4,4Note *** | 3,3Note ** | 5,0Note *** |
... n'ayant pas lieu de figurer
|
Enfin, les quatre activités ci-dessus ont été remplacées dans le modèle par le nombre d’activités effectuées sur les médias sociaux déclarées par les répondants. Le nombre d’activités effectuées sur les médias sociaux était généralement en corrélation avec une probabilité accrue de déclarer chaque résultat; les utilisateurs des médias sociaux qui font l’ensemble des quatre activités étaient de 11 à 18 points de pourcentage plus susceptibles de déclarer chacun des résultats que les utilisateurs des médias sociaux qui ne font aucune de ces activités (tableau 6).
Ont perdu du sommeil | Ont eu de la difficulté à se concentrer | Ont fait moins d’activité physique | Se sont sentis anxieux ou déprimés | Se sont sentis envieux | Se sont sentis frustrés ou en colère | |
---|---|---|---|---|---|---|
différence en points de pourcentage par rapport au groupe de référence | ||||||
Nombre d’activités effectuées sur les médias sociaux | ||||||
Aucune (groupe de référence) | ... | ... | ... | ... | ... | ... |
Une | 0,9 | 4,6 | 1,2 | 2,6 | 7,2Note *** | 3,1 |
Deux | 3,6 | 7,3Note ** | 11,9Note *** | 4,1 | 8,5Note *** | 4,1Note * |
Trois | 5,1 | 13,3Note *** | 12,6Note *** | 6,6Note ** | 11,1Note *** | 10,8Note *** |
Quatre | 10,7Note *** | 13,6Note *** | 17,7Note *** | 12,1Note *** | 15,2Note *** | 14,2Note *** |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Dans l’ensemble, l’âge et l’intensité de l’utilisation des médias sociaux sont des thèmes qui se dégagent clairement de la documentation et des résultats présentés ci-dessus. L’incidence relativement élevée de la perte de sommeil et de la difficulté à se concentrer chez les personnes de moins de 25 ans ressort nettement, tout comme le fait de se sentir anxieux ou déprimé et le fait de se sentir envieux chez les personnes de moins de 35 ans (c.-à-d. les jeunes, définis de façon générale). D’autres résultats, plus précisément l’activité physique réduite et les sentiments de frustration et de colère, ne varient pas dans la plupart des groupes d’âge de la population des personnes qui ne sont pas des personnes âgées. En outre, la corrélation entre l’intensité de l’utilisation des médias sociaux et chacun des résultats est observée en ce qui a trait au nombre de comptes utilisés, au nombre d’activités effectuées et à la question de savoir si le répondant est un utilisateur intensif d’un téléphone intelligent.
Une question que cela soulève est celle de savoir s’il existe un effet d’interaction entre l’âge et l’intensité de l’utilisation. Autrement dit, la combinaison de l’utilisation intensive des médias sociaux et de la jeunesse permet-elle d’obtenir des corrélations particulièrement fortes avec chaque résultat? Pour examiner cette question, les utilisateurs des médias sociaux appartenant à chaque groupe d’âge ont été divisés en ceux qui étaient ou non des utilisateurs intensifs de téléphones intelligents. Les répondants de moins de 35 ans ont été regroupés dans des intervalles de 10 ans (c.-à-d. 15 à 24 ans et 25 à 34 ans) pour accroître la taille des échantillons et améliorer les estimations statistiques. Les proportions des personnes dans chaque groupe d’âge et d’intensité d’utilisation des téléphones intelligents ayant déclaré chacun des six résultats sont présentées dans les graphiques 1 et 2.
Chez les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 24 ans, les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents étaient 22 points de pourcentage plus susceptibles que les autres personnes dans ce groupe d’âge de déclarer avoir eu de la difficulté à dormir, les proportions s’établissant à 49 % et à 27 %, respectivement (graphique 1). Cette différence était beaucoup plus importante que celle observée chez les utilisateurs des médias sociaux de 25 à 34 ans et de 35 à 49 ans, s’établissant à 12 à 13 points de pourcentage. On observe des résultats semblables en ce qui a trait à la difficulté à se concentrer. Chez les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 24 ans, 47 % des utilisateurs intensifs de téléphones intelligents ont déclaré avoir eu de la difficulté à se concentrer, comparativement à 24 % des autres personnes dans le même groupe d’âge, soit une différence de 23 points de pourcentage. Cette différence était beaucoup moins grande chez les utilisateurs des médias sociaux de 35 à 49 ans, s’établissant à 11 points de pourcentage. On peut également observer l’interaction de l’âge et de l’intensité d’utilisation des téléphones intelligents pour ce qui est des sentiments d’envie. Chez les utilisateurs des médias sociaux de 15 à 24 ans, les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents étaient 14 points de pourcentage plus susceptibles que les autres personnes de déclarer s’être sentis envieux de la vie des autres, tandis que, chez les utilisateurs des médias sociaux de 35 à 49 ans, la différence entre ces groupes était de 8 points de pourcentage.
Tableau de données du graphique 1
Utilisateurs intensifs de téléphones intelligents | Autres | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Ont perdu du sommeil | ||
15 à 24 ans | 48,77 | 27,00 |
25 à 34 ans | 27,27 | 15,38 |
35 à 49 ans | 24,68 | 11,44 |
50 à 64 ans | 12,56 | 5,81 |
Ont eu de la difficulté à se concentrer | ||
15 à 24 ans | 47,25 | 23,88 |
25 à 34 ans | 30,10 | 14,62 |
35 à 49 ans | 19,77 | 8,69 |
50 à 64 ans | 12,00 | 3,39 |
Ont fait moins d’activité physique | ||
15 à 24 ans | 35,98 | 20,69 |
25 à 34 ans | 34,28 | 19,71 |
35 à 49 ans | 29,55 | 17,25 |
50 à 64 ans | 24,49 | 13,16 |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Tableau de données du graphique 2
Utilisateurs intensifs de téléphones intelligents | Autres | |
---|---|---|
pourcentage | ||
Se sont sentis anxieux ou déprimés | ||
15 à 24 ans | 25,46 | 19,28 |
25 à 34 ans | 21,98 | 13,33 |
35 à 49 ans | 16,49 | 9,07 |
50 à 64 ans | 11,35 | 4,74 |
Se sont sentis envieux | ||
15 à 24 ans | 28,62 | 14,87 |
25 à 34 ans | 24,45 | 14,94 |
35 à 49 ans | 15,74 | 8,27 |
50 à 64 ans | 8,10 | 2,51 |
Se sont sentis frustrés ou en colère | ||
15 à 24 ans | 21,53 | 13,54 |
25 à 34 ans | 20,84 | 12,10 |
35 à 49 ans | 15,60 | 9,69 |
50 à 64 ans | 9,79 | 4,86 |
Source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2018. |
Les autres résultats, soit l’activité physique réduite, le fait de se sentir anxieux ou déprimé et le fait de se sentir frustré ou en colère, ont été déclarés par des proportions plus grandes d’utilisateurs intensifs de téléphones intelligents que les autres personnes. Cependant, l’ampleur des différences entre les utilisateurs intensifs de téléphones intelligents et les autres personnes était en grande partie la même dans les groupes plus jeunes et plus âgés.
Dans l’ensemble, l’utilisation intensive d’un téléphone intelligent chez les jeunes permet d’obtenir des corrélations particulièrement fortes avec trois des six résultats pris en compte, c’est-à-dire la perte de sommeil, la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités et le fait de se sentir envieux de la vie des autres, la probabilité de ces résultats étant particulièrement élevée chez les utilisateurs de téléphones intelligents jeunes et très intensifs.
Conclusion
Les sites de réseaux sociaux existent depuis plus de deux décennies, et leur utilisation s’est généralisée chez les jeunes au milieu des années 2000 (Boyd et Ellison, 2007). Cela a suscité l’intérêt tant chez les chercheurs qu’au sein de la population à l’égard de l’incidence des médias sociaux sur un éventail de résultats, une préoccupation particulière étant les répercussions pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Cette étude permet d’examiner les déclarations que font les personnes des effets négatifs de l’utilisation des sites ou des applications de réseaux sociaux dans leur vie. Les différences au chapitre de la prévalence de ces effets déclarés entre les utilisateurs des médias sociaux appartenant à différents groupes d’âge, en particulier chez les jeunes, présentent un intérêt particulier. Les résultats montrent que, comparativement aux utilisateurs des médias sociaux plus âgés, des proportions plus grandes de jeunes utilisateurs déclarent chacun des six résultats : la perte de sommeil, la difficulté à se concentrer sur des tâches ou des activités, le fait de faire moins d’activité physique, le fait de se sentir anxieux ou déprimé, le fait de se sentir envieux de la vie des autres et le fait de se sentir frustré ou en colère. Cela témoigne en partie de la plus grande intensité d’utilisation des médias sociaux chez les personnes plus jeunes, mesurée en fonction du nombre de comptes de médias sociaux, des activités effectuées sur les médias sociaux et de l’intensité de l’utilisation des téléphones intelligents. Pourtant, lorsque ces facteurs sont pris en compte, les utilisateurs plus jeunes des médias sociaux sont encore beaucoup plus susceptibles que leurs homologues plus âgés de déclarer quatre des six résultats négatifs.
Le fait de perdre du sommeil et le fait d’avoir de la difficulté à se concentrer en raison de l’utilisation des médias sociaux sont particulièrement fréquents chez les répondants de 15 à 24 ans. En effet, près de la moitié des utilisateurs des médias sociaux de 15 à 19 ans déclarent la perte de sommeil comme un effet négatif de leurs activités en ligne. La question de savoir si cela témoigne d’un manque d’autoréglementation, de la quantité de sommeil dont les adolescents ont besoin ou d’autres facteurs ne peut être évaluée, compte tenu des données tirées de l’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet (ECUI). Néanmoins, la prévalence de ces deux résultats, surtout chez les adolescents, concorde avec la documentation.
D’autres résultats négatifs attribués à l’utilisation des médias sociaux étaient également plus fréquents chez les jeunes, définis de façon générale comme les personnes de moins de 35 ans. Le fait de se sentir anxieux ou déprimé en raison de l’utilisation des médias sociaux était plus fréquent chez les personnes de moins de 30 ans que chez celles de 35 à 49 ans, et le fait de se sentir envieux de la vie des autres était plus fréquent chez les personnes de moins de 35 ans. Ces différences demeurent après la prise en compte des caractéristiques liées à l’utilisation des médias sociaux dans les différents groupes d’âge. On peut en déduire que les résultats négatifs attribués à l’utilisation des médias sociaux ne se limitent pas à ceux obtenus par les adolescents, mais qu’ils sont aussi évidents chez les personnes dans la vingtaine et le début de la trentaine. Les deux derniers résultats, soit l’activité physique réduite et les sentiments de frustration et de colère, ne variaient pas dans les différents groupes d’âge une fois que les caractéristiques liées à l’utilisation des médias sociaux étaient prises en compte.
Comme souligné précédemment, des études ont démontré que l’utilisation des médias sociaux était en corrélation avec des résultats positifs et négatifs. Une limite de la présente étude tient au fait que seuls les résultats négatifs sont examinés. Une autre limite est que l’utilisation des médias sociaux n’est pas évaluée en fonction de mesures plus générales du bien-être, comme la santé mentale et la satisfaction à l’égard de la vie autoévaluées. Ces limites témoignent du contenu disponible dans l’ECUI de 2018. En ce qui a trait aux itérations futures de l’enquête, l’ajout de mesures du bien-être donnera une plus grande latitude pour évaluer les relations entre l’utilisation des médias sociaux et les résultats tant positifs que négatifsNote . L’inclusion de questions supplémentaires sur les relations interpersonnelles en ligne et en personne, ainsi que la satisfaction du répondant à l’égard de ces relations, donnera un aperçu de la mesure dans laquelle les médias sociaux permettent d’avoir du soutien émotionnel et des liens sociaux, surtout lorsque les contacts en personne sont limités.
Il ne fait aucun doute que les rôles et les répercussions des médias sociaux pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19), ainsi que les répercussions à plus long terme de la pandémie sur la technologie et son utilisation, constitueront des enjeux importants. Par exemple, il se pourrait que les médias sociaux permettent aux gens d’entretenir des relations personnelles d’entraide en l’absence de contact en personne. Les appels vidéo avec les petits-enfants, s’ils ne sont pas aussi satisfaisants qu’une étreinte, peuvent assurément favoriser le bien-être. Une autre question est celle de savoir si la pandémie de COVID-19 fera en sorte d’accélérer l’adoption des technologies chez les groupes présentant des taux d’adoption plus faibles, comme les personnes âgées. On peut aussi penser à une foule d’autres questions ayant trait à des enjeux, comme le télétravail, l’apprentissage en ligne, la désinformation, la fraude, la solidarité sociale, la confiance et l’isolement.
Bibliographie
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