Rapports économiques et sociaux
Différences entre les
sexes dans la mobilité professionnelle en début de carrière et la croissance
des salaires au Canada
par Zechuan Deng
DOI : https://doi.org/10.25318/36280001202100100002-fra
Résumé
Le présent article d’Aperçus traite des principales différences selon le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs au Canada et des effets possibles de ces différences sur la croissance des salaires au cours des 10 premières années de carrière. L’étude est fondée sur deux sources de données qui peuvent renseigner les chercheurs sur les différences selon le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs et sur l’incidence de ces différences sur la croissance des salaires. La population visée par la présente étude se compose des personnes occupées âgées de 25 à 34 ans en 2005, puisque les personnes appartenant à ce groupe d’âge sont plus susceptibles de ne pas fréquenter l’école et de travailler à temps plein.
Auteur
Zechuan Deng travaille à la Division de l’analyse stratégique, des publications et de la formation, Direction des études analytiques, de Statistique Canada.
Remerciements
La présente étude est financée par le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.
Introduction
Au cours des dernières décennies, de plus en plus de femmes ont délaissé leur rôle traditionnel de femme au foyer à temps plein pour entrer sur le marché du travail et exercer un emploi rémunéré à temps plein ou à temps partiel (ONU Femmes, 2017). Bien que les femmes aient réalisé de grands progrès au chapitre de l’activité sur le marché du travail, elles n’ont pas encore rattrapé les hommes sur le plan des salaires. Au Canada, l’écart de salaire horaire entre les hommes et les femmes de 25 à 54 ans occupant un emploi était de 13,3 % en 2018, et plus des deux tiers de cet écart n’ont pu être expliqués par des facteurs explicatifs standard, comme la scolarité, les caractéristiques de l’emploi, la profession et l’industrie, et des données démographiques (Pelletier, Patterson et Moyser, 2019). Il demeure donc nécessaire de poursuivre l’analyse dans ce domaine, afin de mieux comprendre la disparité salariale fondée sur le sexe.
Des études antérieures ont démontré que l’écart salarial entre les sexes est relativement mineur au moment où les travailleurs intègrent le marché du travail, mais qu’il s’élargit rapidement au cours des 5 à 10 premières années de carrière (Manning et Swaffield, 2008). Ce constat fait ressortir l’importance d’examiner les différences dans la mobilité professionnelle en début de carrière, y compris le type de cessation d’emploi (c.‑à‑d. la cessation temporaire ou la cessation permanente) et la raison de la cessation d’emploi. En outre, selon des études menées par Hirsch et Schnabel (2012) et Eryar et Tekgüç (2014) sur les marchés du travail européens, les hommes étaient plus susceptibles que les femmes de quitter un emploi pour un autre (c.-à-d. de changer d’employeur), tandis que les femmes étaient plus susceptibles de passer de l’emploi au chômage, généralement en raison d’un congé de maternité.
La situation au Canada demeure essentiellement floue, faute d’études pertinentes. Pour combler cette lacune, le présent article traite des principales différences selon le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs (âgés de 25 à 34 ans) au Canada et des effets possibles de ces différences sur la croissance des salaires au cours des 10 premières années de carrière d’un travailleur (entre 2005 et 2015).
La présente étude est fondée sur deux sources de données qui peuvent renseigner les chercheurs sur les différences selon le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs et sur l’incidence de ces différences sur la croissance des salairesNote . Premièrement, le Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre (FDLMO) de 2019 contient des renseignements sur la mobilité professionnelle, y compris le type de cessation d’emploi (temporaire ou permanente) et la raison de la cessation d’emploi (p. ex. une mise à pied, un départ volontaire), pour la même personne entre 1989 et 2016Note . Par souci de simplicité, seul l’emploi principal est conservé, à savoir l’emploi dont une personne a tiré le revenu le plus élevé selon le FDLMO au cours d’une année donnéeNote . Deuxièmement, les données des questionnaires détaillés du Recensement de la population de 2006 et du Recensement de 2016 fournissent un instantané de certains renseignements clés, tels que les semaines travaillées, qui ne se trouvent pas dans le FDLMONote . La population visée par la présente étude se compose des personnes occupées âgées de 25 à 34 ans en 2005, puisque les personnes appartenant à ce groupe d’âge sont plus susceptibles de ne pas fréquenter l’école et de travailler à temps pleinNote .
Dans l’ensemble, les femmes étaient légèrement moins susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi
Dans l’ensemble, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi, mais la différence était faible (graphique 1). Une cessation d’emploi s’entend du fait de cesser de travailler pour son employeur, que l’employé retourne ou pas chez son employeur pendant l’année de la cessation d’emploi ou l’année suivante. En général, on constate une tendance à la baisse des cessations d’emploi au fil du temps, tant chez les femmes que chez les hommes. Cette observation est conforme aux constatations issues d’études antérieures fondées sur le marché du travail américain selon lesquelles les travailleurs plus âgés sont moins susceptibles que les travailleurs plus jeunes de connaître des transitions d’emploi (Haltiwanger, Hyatt et McEntarfer, 2018).
Tableau de données du graphique 1
Travailleuses | Travailleurs de sexe masculin | |
---|---|---|
pourcentage | ||
2005 | 23,1 | 23,8 |
2006 | 23,5 | 23,2 |
2007 | 22,2 | 22,6 |
2008 | 19,4 | 19,6 |
2009 | 17,7 | 18,7 |
2010 | 17,2 | 18,2 |
2011 | 16,4 | 17,3 |
2012 | 15,4 | 16,0 |
2013 | 14,5 | 15,3 |
2014 | 14,4 | 15,2 |
2015 | 13,6 | 14,6 |
Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données des questionnaires détaillés du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Cessations d’emploi permanentes
Les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi permanente
Les différences entre les femmes et les hommes au chapitre des cessations d’emploi globales étaient mineures parmi les travailleurs ayant connu une cessation d’emploi entre 2005 et 2015, mais il reste que les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi permanente (c.-à-d. une cessation d’emploi où l’employé ne retourne pas chez son employeur pendant l’année de la cessation d’emploi ou l’année suivante) (graphique 2). La plupart des travaux publiés ne font pas de distinction entre les cessations d’emploi permanentes et les cessations d’emploi temporaires, mais ils traitent plutôt des transitions vers des emplois différents ou des passages de l’emploi au chômage. Il est donc difficile d’établir une comparaison directe avec d’autres études.
De façon générale, les études existantes fondées sur le marché du travail européen montrent que les femmes sont moins susceptibles de quitter un emploi pour un autre (Hirsch et Schnabel, 2012; Eryar et Tekgüç, 2014), ce qui est conforme à la tendance observée dans la présente étude. Plus précisément, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de rester chez le même employeur, même après la prise en compte du nombre de travailleurs qui sont passés de l’emploi au chômage. De nombreuses raisons peuvent expliquer ce phénomène, notamment des facteurs fondés sur le sexe comme les responsabilités familiales, dont les tâches ménagères et les soins aux enfants (Fuller, 2008; Bertrand, Goldin et Katz, 2010), ou d’autres caractéristiques propres à l’emploi, comme la syndicalisation (Hirsch et Schnabel, 2012).
Tableau de données du graphique 2
Travailleuses | Travailleurs de sexe masculin | |
---|---|---|
pourcentage | ||
2005 | 40,1 | 45,4 |
2006 | 40,0 | 44,1 |
2007 | 38,7 | 44,5 |
2008 | 37,2 | 42,5 |
2009 | 33,6 | 37,8 |
2010 | 33,8 | 40,2 |
2011 | 33,4 | 40,0 |
2012 | 32,7 | 39,7 |
2013 | 32,2 | 38,2 |
2014 | 34,3 | 39,7 |
2015 | 32,5 | 38,9 |
Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données des questionnaires détaillés du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Contrairement aux hommes, les femmes qui n’ont pas vécu de cessation d’emploi permanente entre 2005 et 2015 ont vu leur salaire croître plus que celui des femmes ayant connu une cessation d’emploi permanente
Des études antérieures fondées sur le marché du travail européen ont révélé que les femmes étaient plus pénalisées que les hommes pour une période d’inactivité sur le marché du travail (Manning et Swaffield, 2008). Les résultats de la présente étude corroborent cette conclusion (tableau 1). Chez les femmes (comparaison par colonne), en moyenne, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires était de 0,84 point de pourcentage plus élevé parmi celles qui n’ont pas connu de cessation d’emploi permanente comparativement à celles qui ont changé d’emploi. On a observé le contraire chez les hommes, sauf que la différence était de 0,47 point de pourcentage.
Toutefois, lorsque les résultats sont comparés selon le sexe (comparaison par rangée), on constate que, parmi les personnes qui n’ont pas vécu de cessation d’emploi permanente, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était de 0,70 point de pourcentage supérieur à celui des hommes. On a constaté le contraire chez les travailleurs qui ont connu une cessation d’emploi permanente. De plus, parmi les personnes qui ont vécu une cessation d’emploi permanente, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était de 0,61 point de pourcentage moins élevé que celui des hommes.
Ces résultats laissent entendre que les femmes étaient pénalisées pour des cessations d’emploi permanentes, alors que les hommes en étaient récompensés. L’une des raisons pouvant expliquer ces résultats est que les femmes sont moins enclines que les hommes à volontairement changer souvent d’emploi afin d’obtenir un salaire plus élevé (Hirsch et Schnabel, 2012).
Situation par rapport à la cessation d’emploi permanente | ||||
---|---|---|---|---|
Aucune cessation d’emploi | Au moins une cessation d’emploi | |||
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
pourcentage | ||||
Croissance des salaires hebdomadaires, travailleuses (logarithme) | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 5,95Note *** Tableau 1 Note §§ | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 5,11Tableau 1 Note §§ |
Croissance des salaires hebdomadaires, travailleurs de sexe masculin (logarithme) | 5,25Note * | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 5,72 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
... n'ayant pas lieu de figurer
† valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,10) § valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,05) §§§ valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,001) ‡ valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par colonne (groupe de référence = personnes ayant connu au moins une cessation d’emploi). Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence = hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Les départs volontaires et les mises à pied étaient les principales raisons des cessations d’emploi permanentes tant chez les femmes que chez les hommes
En plus du type de cessation d’emploi, la raison de la cessation d’emploi constitue un facteur important qui pourrait avoir une incidence sur l’écart salarial entre les sexes (Manning et Swaffield, 2008). Au Canada, parmi les personnes qui ont vécu une cessation d’emploi permanente entre 2005 et 2015, les principales raisons des cessations d’emploi tant chez les femmes que chez les hommes étaient les départs volontaires ou les mises à pied (tableau 2). Toutefois, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi permanente en raison d’une mise à pied ou d’un départ volontaire. En revanche, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi permanente en raison d’un congé parental ou de maternité.
Raison de la cessation d’emploi permanente | Part du nombre total de cessations d’emploi permanentes | |
---|---|---|
Femmes | Hommes | |
pourcentage | ||
Mise à pied | 7,75Note *** | 12,92 |
Départ volontaireTableau 2 Note 1 | 15,60Note *** | 17,93 |
Congé parental ou de maternité | 2,84Note *** | 0,19 |
AutreTableau 2 Note 2 | 7,48Note *** | 8,90 |
** valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,01) † valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence = hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Pour les raisons de la cessation d’emploi permanente déclarées, la croissance des salaires des femmes est inférieure à celle des hommes
Des études antérieures fondées sur l’Enquête sur l’activité de 1986 à 1987 ont révélé que, dans l’ensemble, tant les femmes que les hommes qui ont changé d’emploi en 1986 ont réalisé des gains salariaux à court terme. Toutefois, les femmes qui ont été mises à pied ou qui ont volontairement quitté leur emploi pour des raisons personnelles ont subi des pertes salariales beaucoup plus importantes que celles des hommes (Abbott et Beach, 1994). Les résultats de la présente étude appuient cette conclusion, d’après des données plus récentes (tableau 3).
Pour les raisons de la cessation d’emploi permanente déclarées dans les relevés d’emploi des travailleurs, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était inférieur à celui des hommes. Par exemple, pour les raisons « Mise à pied » et « Départ volontaire », le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était moins élevé que celui des hommes de 0,49 point de pourcentage et de 0,80 point de pourcentage, respectivement. De même, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes qui ont vécu une cessation d’emploi permanente en raison d’un congé parental ou de maternité était de 0,42 point de pourcentage inférieur à celui des hommes. Même si, comme le montre le tableau 2, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi permanente en raison d’une « mise à pied » ou d’un « départ volontaire », le logarithme de la croissance de leurs salaires hebdomadaires demeurait inférieur à celui de leurs homologues de sexe masculin. Cela signifie que les travailleuses au Canada étaient plus pénalisées que leurs homologues de sexe masculin pour une période d’inactivité sur le marché du travail, peu importe la raison de la cessation d’emploi.
Croissance des salaires hebdomadaires (logarithme) | ||
---|---|---|
Femmes | Hommes | |
pourcentage | ||
Raison de la cessation d’emploi permanente | ||
Mise à pied | 5,15Note * | 5,64 |
Départ volontaire | 5,08Note ** | 5,88 |
Congé parental ou de maternité | 3,74Note ** | 4,16 |
Autre | 4,85Note * | 5,35 |
Croissance globale des salaires | 5,11Note ** | 5,72 |
† valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence = hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Cessations d’emploi temporaires
Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi temporaire
Contrairement à ce qu’on observe pour la cessation d’emploi permanente, parmi les personnes qui ont connu une cessation d’emploi entre 2005 et 2015, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi temporaire (c.-à-d. une cessation d’emploi où l’employé retourne chez son employeur pendant l’année de la cessation d’emploi ou l’année suivante) (graphique 3). Plus précisément, comparativement aux hommes, les femmes étaient plus susceptibles de quitter leur employeur temporairement, mais de revenir dans la même année. Encore une fois, comme la plupart des travaux publiés ne font pas de distinction entre les cessations d’emploi permanentes et les cessations d’emploi temporaires, il est difficile de faire une comparaison directe avec d’autres études. Une comparaison est particulièrement difficile dans ce cas-ci puisque la définition de la cessation d’emploi temporaire fondée sur le FDLMO est particulière, en ce sens qu’elle rend compte de la mobilité au niveau de l’employeur (retour à l’ancien employeur ou pas) plutôt que des changements d’emploi volontaires qui pourraient être avantageux sur le plan de la croissance des salaires (Hirsch et Schnabel, 2012).
Tableau de données du graphique 3
Travailleuses | Travailleurs de sexe masculin | |
---|---|---|
pourcentage | ||
2005 | 62,3 | 58,3 |
2006 | 62,7 | 59,5 |
2007 | 64,0 | 59,4 |
2008 | 65,4 | 61,6 |
2009 | 69,0 | 66,2 |
2010 | 68,5 | 63,9 |
2011 | 68,7 | 63,3 |
2012 | 69,4 | 63,9 |
2013 | 70,1 | 65,1 |
2014 | 68,1 | 63,8 |
2015 | 70,0 | 64,8 |
Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données des questionnaires détaillés du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Les femmes qui n’ont pas connu de cessation d’emploi temporaire entre 2005 et 2015 ont vu leur salaire croître moins que celui des autres femmes, tandis que les différences entre les hommes n’étaient pas aussi importantes
Contrairement aux résultats concernant la cessation d’emploi permanente et la croissance des salaires, les femmes qui n’ont pas vécu de cessation d’emploi temporaire entre 2005 et 2015 ont vu leur salaire croître moins que celui des autres femmes (tableau 4). Plus précisément, chez les femmes (comparaison par colonne), en moyenne, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires était de 0,74 point de pourcentage moins élevé parmi celles qui n’ont pas connu de cessation d’emploi temporaire comparativement à celles qui en ont vécu une. On a observé la même chose chez les hommes, sauf que la différence était plus faible (0,10 point de pourcentage), quoique les différences ne soient pas statistiquement significatives. Lorsque les résultats sont comparés selon le sexe (comparaison par rangée), on constate que, chez les travailleurs qui n’ont pas connu de cessation d’emploi temporaire, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était de 0,76 point de pourcentage moins élevé que celui des hommes. On observe le même phénomène parmi les personnes qui ont vécu une cessation d’emploi temporaire. Ainsi, chez les travailleurs qui ont connu une cessation d’emploi temporaire, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était de 0,12 point de pourcentage inférieur à celui des hommes. Toutefois, contrairement à ce qu’on observe pour la cessation d’emploi permanente, les différences au chapitre de la croissance des salaires selon le sexe ne sont pas statistiquement significatives, ce qui donne à penser que la cessation d’emploi temporaire a peu ou pas d’incidence sur les différences constatées sur le plan de la croissance des salaires selon le sexe. En résumé, tant les femmes que les hommes étaient dans une situation légèrement meilleure par suite d’une cessation d’emploi temporaire, bien que les femmes en aient bénéficié un peu moins que les hommes.
Situation par rapport à la cessation d’emploi temporaire | ||||
---|---|---|---|---|
Aucune cessation d’emploi | Au moins une cessation d’emploi | |||
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
pourcentage | ||||
Croissance des salaires hebdomadaires, travailleuses (logarithme) | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 4,74Tableau 4 Note † | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 5,48 |
Croissance des salaires hebdomadaires, travailleurs de sexe masculin (logarithme) | 5,50 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer | 5,60 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
... n'ayant pas lieu de figurer
** valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,01) *** valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,001) § valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,05) §§ valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,01) §§§ valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,001) ‡ valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par rangée (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par colonne (groupe de référence = personnes ayant connu au moins une cessation d’emploi). Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence = hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Les mises à pied et les congés parentaux ou de maternité étaient les principales raisons des cessations d’emploi temporaires chez les femmes, tandis que les mises à pied et d’autres raisons étaient les principales raisons chez les hommes
Les mises à pied et les congés parentaux ou de maternité étaient les principales raisons des cessations d’emploi temporaires chez les femmes (tableau 5). Pour les hommes, les mises à pied et d’autres raisons étaient les principales raisons. Comparativement à ce qu’on observe pour les cessations d’emploi permanentes, les constatations relatives aux cessations d’emploi temporaires sont assez différentes. En particulier, le congé parental ou de maternité, et non le départ volontaire, était l’une des principales raisons de la cessation d’emploi chez les femmes. De plus, pour les hommes, d’« autres raisons » figuraient parmi les principales raisons de la cessation d’emploi, au lieu du départ volontaire. Lorsque les résultats sont comparés selon le sexe, on constate que les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi temporaire en raison d’une mise à pied ou pour d’autres raisons. Toutefois, les femmes étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi temporaire en raison d’un congé parental ou de maternité.
Raison de la cessation d’emploi temporaire | Part du nombre total de cessations d’emploi temporaires | |
---|---|---|
Femmes | Hommes | |
pourcentage | ||
Mise à pied | 23,17Note *** | 32,30 |
Départ volontaire | 4,52 | 4,35 |
Congé parental ou de maternité | 22,15Note *** | 2,42 |
Autre | 11,45Note *** | 21,33 |
** valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,01) † valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence : hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Parmi les travailleurs qui ont vécu une cessation d’emploi temporaire en raison d’une mise à pied ou d’un départ volontaire, les femmes ont vu leur salaire croître moins que celui des hommes
Contrairement à ce qu’on observe pour la cessation d’emploi permanente, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était inférieur à celui des hommes seulement pour les cessations d’emploi attribuables à une mise à pied ou à un départ volontaire (tableau 6). Le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était plus élevé que celui des hommes pour les cessations d’emploi attribuables à un congé parental ou de maternité ou survenues pour d’autres raisons. Par exemple, le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était de 0,75 point de pourcentage et de 0,02 point de pourcentage supérieur à celui des hommes pour le congé parental ou de maternité et d’autres raisons, respectivement. Comparativement aux cessations d’emploi permanentes, les cessations d’emploi temporaires attribuables à un congé parental ou de maternité ou survenues pour d’autres raisons ont eu de faibles effets positifs sur le logarithme de la croissance des salaires hebdomadaires des femmes par rapport à celui des hommes.
Même si, comme le montre le tableau 5, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi temporaire en raison d’un congé parental ou de maternité ou pour d’autres raisons, elles n’étaient pas pénalisées pour leur période d’inactivité sur le marché du travail. C’est le contraire de ce qui a été observé pour les cessations d’emploi permanentes. Toutefois, lorsque la cessation d’emploi était attribuable à une mise à pied ou à un départ volontaire, le niveau de croissance des salaires des femmes demeurait inférieur à celui des hommes, à l’instar de ce l’on a constaté pour les cessations d’emploi permanentes.
Croissance des salaires hebdomadaires (logarithme) | ||
---|---|---|
Femmes | Hommes | |
pourcentage | ||
Raison de la cessation d’emploi temporaire | ||
Mise à pied | 5,25Note * | 5,46 |
Départ volontaire | 5,13Note * | 5,53 |
Congé parental ou de maternité | 5,51Note * | 4,76 |
Autre | 5,78Note * | 5,76 |
Croissance globale des salaires | 5,48Note * | 5,60 |
*** valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,001) † valeur significativement différente de l’estimation pour la catégorie de référence par colonne (p < 0,10) Note : Données présentées en pourcentage par rangée (groupe de référence = hommes). Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 2019 couplé aux données du questionnaire détaillé du Recensement de 2006 et du Recensement de 2016. |
Conclusion
Des études antérieures fondées sur le marché du travail européen font ressortir l’importance d’examiner les différences dans la mobilité professionnelle en début de carrière, y compris le type de cessation d’emploi et la raison de la cessation d’emploi. L’information sur les différences fondées sur le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs au Canada demeure essentiellement floue, faute d’études pertinentes. Pour combler cette lacune, le présent article traite des principales différences selon le sexe dans la mobilité professionnelle en début de carrière chez les jeunes travailleurs au Canada et des effets possibles de ces différences sur la croissance des salaires au cours des 10 premières années de carrière, selon le fichier de données couplées FDLMO-recensement.
Les résultats de la présente étude ont démontré que les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi permanente et plus susceptibles que les hommes de vivre une cessation d’emploi temporaire au cours de leurs 10 premières années de carrière. Ce constat est conforme aux conclusions des études existantes fondées sur les marchés du travail de l’Europe et des États-Unis. Toutefois, les femmes étaient pénalisées pour les cessations d’emploi permanentes, tandis que les hommes en étaient récompensés. Par exemple, parmi les travailleurs qui n’ont pas connu de cessation d’emploi permanente, la croissance des salaires hebdomadaires des femmes dépassait celle des hommes. En revanche, chez les travailleurs qui ont vécu une cessation d’emploi permanente, les femmes ont vu leur salaire hebdomadaire croître moins que celui des hommes. Tant les femmes que les hommes étaient dans une situation légèrement meilleure par suite d’une cessation d’emploi temporaire, bien que les femmes en aient bénéficié un peu moins que les hommes.
Enfin, les principales raisons des cessations d’emploi permanentes chez les femmes comme chez les hommes étaient les mises à pied et les départs volontaires. Les principales raisons des cessations d’emploi temporaires étaient les mises à pied et les congés parentaux ou de maternité pour les femmes, et les mises à pied et d’autres raisons pour les hommes. Comparativement aux hommes, les femmes étaient moins susceptibles de vivre une cessation d’emploi temporaire en raison d’une mise à pied ou pour d’autres raisons. Toutefois, les femmes étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de connaître une cessation d’emploi temporaire en raison d’un congé parental ou de maternité. Dans l’ensemble, la croissance des salaires hebdomadaires des femmes était inférieure à celle des hommes pour la majorité des raisons de la cessation d’emploi examinées, sauf pour les cessations d’emploi temporaires attribuables à un congé parental ou de maternité et survenues pour d’autres raisons. Ces résultats portent à croire qu’il existe un écart fondé sur le sexe dans la croissance des salaires en raison de différences au chapitre la mobilité professionnelle en début de carrière. Il pourrait s’agir d’un facteur qui, au bout du compte, contribue à la partie inexpliquée de la disparité salariale fondée sur le sexe qu’on observe au Canada.
Bibliographie
Abbott, M. G., et C. M. Beach. 1994. « Wage changes and job changes of Canadian women: Evidence from the 1986-87 Labour Market Activity Survey ». The Journal of Human Resources 29 (2) : 429 à 460.
Bertrand, M., C. Goldin et L. F. Katz. 2010. « Dynamics of the gender gap for young professionals in the financial and corporate sectors ». American Economic Journal: Applied Economics 2 (3) : 228 à 255.
Eryar, D., et H. Tekgüç. 2014. « Gender effect in explaining mobility patterns in the labor market: A case study of Turkey ». The Developing Economies 52 (4) : 322 à 350.
Fuller, S. 2008. « Job mobility and wage trajectories for men and women in the United States ». American Sociological Review 73 (1) : 158 à 183.
Haltiwanger, J., H. Hyatt et E. McEntarfer. 2018. « Who moves up the job ladder?» Journal of Labor Economics 36 (1) : 301 à 336.
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