11 Effet de l'immigration sur la cohésion sociale au Canada

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Devant l'accroissement de l'immigration et de la diversité ethnique qui en découle, de nombreuses nations occidentales s'inquiètent de l'effet de l'immigration sur la cohésion sociale. Les gouvernements peuvent adopter deux orientations stratégiques (Soroka, Johnston et Banting, 2007). L'une d'elles consiste à célébrer la diversité, à respecter les différences culturelles et à permettre aux minorités d'exprimer leur culture. La seconde approche consiste à insister sur l'intégration et l'assimilation sociale et à tenter de bâtir une identité nationale commune. Ces démarches peuvent être suivies en parallèle, mais il arrive souvent que le pendule oscille entre les deux. Ces dernières années, des événements survenus dans de nombreux pays d'Europe ont amené ces derniers à se demander quelle approche serait la plus efficace pour maintenir la cohésion sociale devant l'accroissement de la diversité ethnique. Des manifestations et des affrontements violents ont suscité de grandes inquiétudes concernant la cohésion sociale dans certains pays d'Europe.

Cependant, le Canada n'a pas connu, du moins jusqu'à maintenant, de telles manifestations et des affrontements de ce genre entre des groupes minoritaires et l'État. La cohésion sociale semble peu menacée, malgré l'augmentation très rapide de la diversité ethnique et du pourcentage de la population que représentent les groupes de minorité visible. On observe quelques signes de préoccupation, comme le débat récent au Québec sur le concept d'« accommodement raisonnable » à l'endroit des groupes dont les antécédents culturels et religieux sont très différents. Toutefois, dans l'ensemble, le Canada a échappé à la fois aux signes manifestes d'antagonisme entre les groupes d'immigrants et la population née au Canada et aux longs débats sur cette question, situation qui peut s'expliquer par un certain nombre de facteurs. Statistique Canada n'a pour ainsi dire effectué aucune recherche sur la question, mais il peut être intéressant de se livrer à quelques spéculations.

  • Le Canada, contrairement à de nombreuses nations, n'a jamais cherché à développer une identité nationale unique. Lorsque le Canada est né en 1867, il comptait deux peuples fondateurs très différents sur le plan de la culture, de la religion, de l'histoire et de la langue : les Anglais en Ontario et les Français au Québec. Dès le début, le Canada a dû s'efforcer de considérer comme égaux des groupes très différents et, ce faisant, a instauré une tradition. En outre, la protection des droits des minorités, telles que la minorité anglaise au Québec et la minorité française hors Québec au moment de la création du Canada, est depuis longtemps un impératif, dont la manifestation la plus récente est l'adoption de la Charte canadienne desdroits et libertés . L'histoire a sans aucun doute influé sur la façon dont les gens de culture différente s'intègrent dans la société canadienne.
  • Après sa création — et même avant — le Canada est devenu une nation d'immigrants, et l'immigration a longtemps été considérée comme un élément naturel de la croissance du pays. La plupart des Canadiens sont fiers de la capacité de leur pays à accueillir des gens de différentes cultures, et ils s'attendent à ce que l'immigration contribue à l'essor de la nation, comme par le passé. En revanche, de nombreux pays d'Europe n'ont commencé que récemment à se voir comme des pays d'accueil. La population du Canada a donc une vision très différente de l'immigration et de ses effets.
  • Le très haut niveau d'instruction des immigrants — qui est de beaucoup supérieur à celui de la population née au Canada — encourage l'adaptation à une société moderne « fondée sur le savoir ». En outre, l'immigrant type n'est pas perçu comme une personne peu instruite n'ayant pas les compétences nécessaires pour réussir; au contraire, il est souvent vu comme une personne très instruite, ambitieuse et compétente qui peut apporter une contribution positive à la société canadienne. Le niveau d'instruction des immigrants qui viennent au Canada est plus élevé que celui des immigrants (légaux) qui s'établissent aux États-Unis et dans la plupart des pays d'Europe.
  • Au Canada, les politiciens de tous les ordres de gouvernement — fédéral, provincial et municipal — ont clairement affirmé qu'une immigration accrue est nécessaire à la santé économique de la nation (ou des villes). Les autorités des villes qui ne reçoivent pas leur « part » d'immigrants ont souvent recours à des incitatifs afin d'en attirer davantage. Ce message a été largement accepté par la population, et influe sur l'opinion de celle-ci quant à la valeur de l'immigration. La plupart de Canadiens voient l'immigration comme étant nécessaire pour maintenir la croissance démographique et la prospérité économique. Aucun parti politique n'a pris position contre l'immigration, de sorte qu'il n'y a aucune voix par laquelle pourrait s'exprimer l'éventuelle insatisfaction d'une partie de la population.
  • L'engagement politique et communautaire des minorités visibles, même s'il n'est pas aussi fort que celui de certains autres groupes, est considérable au Canada. Il envoie aux nouveaux immigrants le message que la participation au sein du système politique est possible, et au pays le message que les membres des minorités visibles jouent un rôle actifimportant au sein de l'État. Le taux de naturalisation des nouveaux venus au Canada, étape nécessaire pour participer à une démocratie, est parmi les plus élevés dans le monde (Banting, Courchene et Seidle, 2007). Bien que le taux de participation des électeurs soit plus faible chez les nouveaux immigrants que dans la population née au Canada, il est quand même important. En outre, de 15 à 20 députés fédéraux appartiennent à des minorités visibles, et on retrouve également des membres de ces groupes parmi les premiers ministres et députés provinciaux.
  • La très grande diversité raciale de la population immigrante peut contribuer au fait que l'incidence négative de l'immigration sur la cohésion sociale est relativement faible. Dans les pays où les immigrants appartiennent en majorité à un même groupe ethnique, les citoyens de naissance peuvent réagir aux valeurs et aux normes culturelles de ce groupe. Cependant, comme les immigrants qui viennent au Canada sont originaires d'un très grand nombre de pays et présentent une très grande diversité d'antécédents culturels et religieux, la conciliation des différences est devenue pratique courante.
  • Le fait que les immigrants illégaux sont très peu nombreux au Canada peut également contribuer à l'attitude relativement positive que la plupart des Canadiens entretiennent à l'égard des immigrants. L'immigration illégale est un enjeu important aux États-Unis et dans certains pays d'Europe, qui augmente chez certains citoyens le sentiment que certains immigrants ne respectent pas les règles et qu'ils profitent d'avantages auxquels ils n'ont pas droit. La situation est très différente au Canada, étant donné l'absence relative d'immigrants illégaux.