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    Croissance des salaires au cours des 30 dernières années : variations selon l'âge et le niveau de scolarité des travailleur

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    Croissance des salaires au cours des 30 dernières années : variations selon l'âge et le niveau de scolarité des travailleur

    Par René Morissette, Garnett Picot et Yuqian Lu

    Début de l'encadré

    Cet article de la série Aperçus économiques examine deux questions : 1) Quels groupes de travailleurs canadiens ont vu leur salaire réel augmenter relativement beaucoup au cours des trois dernières décennies? 2) Dans quelle mesure l'accroissement du niveau de scolarité, l'acquisition d'expérience générale sur le marché du travail, l'ancienneté au sein des entreprises ou le mouvement vers des professions et industries fortement ou faiblement rémunérées expliquent-ils les différences observées entre la croissance des salaires réels de groupes de travailleurs? L'article utilise des données provenant de différentes enquêtes réalisées par Statistique Canada pour examiner les salaires réels (horaires ou hebdomadaires) des travailleurs à temps plein. Il s'appuie sur des travaux de recherche effectués à Statistique Canada en vue de fournir de l'information sur l'évolution des taux de rémunération des travailleurs canadiens au cours des trois dernières décennies. Les salaires sont exprimés en dollars de 2010.

    Fin de l'encadré

    Depuis le début des années 1980, les salaires réels de divers groupes de travailleurs ont augmenté à des rythmes très différents au Canada et dans plusieurs pays occidentaux industrialisés. Les changements technologiques, l'intensification du commerce international, les changements dans des facteurs institutionnels (par exemple la baisse du taux de syndicalisation, les rajustements des salaires minimums et la variation de la fréquence de la rémunération au rendement), les variations dans l'offre de travail propres à certains groupes et les changements dans les normes sociales ont été proposés en tant que causes possibles de cette croissance différenciée des salaires. Afin de tenter d'éclairer cette question, cet article examine comment les salaires réels des travailleurs canadiens ont évolué selon certains groupes d'âge et niveaux de scolarité de 1981 à 2011.

    Croissance des salaires très différente d'un groupe d'âge à l'autre

    Au cours des trois dernières décennies, des périodes de croissance dissemblable des salaires se sont succédé au Canada. Les taux de rémunération moyens réels des travailleurs canadiens ont peu augmenté durant les années 1980 et 1990 puis ont crû à un rythme plus rapide durant les années 2000 (graphique 1). De 1981 à 1998, les salaires horaires moyens des travailleurs à temps plein âgés de 17 à 64 ans ont augmenté d'environ 4 % au total, soit moins de la moitié du taux de croissance de 10 % observé pendant la période plus courte allant de 1998 à 2011. Dans l'ensemble, les salaires horaires moyens des travailleurs à temps plein ont augmenté de 14 % de 1981 à 2011.

    Graphique 1 Salaires horaires réels des travailleurs à temps plein âgés de 17 à 64 ans, 1981 à 2011

    Une fois ces tendances générales considérées, on constate que les travailleurs de divers groupes d'âge ont vu leur salaire augmenter très différemment. Les taux de rémunération des employés âgés de 45 à 54 ans ont augmenté plus rapidement que ceux des travailleurs plus jeunes (âgés de 25 à 34 ans). De 1981 à 2011, les salaires horaires moyens ont augmenté de 17 % chez les hommes âgés de 45 à 54 ans, comparativement à seulement 1 % chez les hommes âgés de 25 à 34 ans. Les salaires horaires des femmes âgées de 45 à 54 ans ont crû de 33 %, soit plus du double du taux de 14 % observé chez les femmes plus jeunes.

    Ces différences entre groupes d'âge ont rendu apparente la croissance salariale beaucoup plus rapide des travailleurs âgés de 45 à 54 ans que celle des travailleurs plus jeunes pendant la période allant de 1981 à 1998. Durant cette période, les salaires horaires des hommes âgés de 45 à 54 ans ont augmenté de 14 % alors que ceux des jeunes hommes ont diminué de 8 % (graphique 2). Les salaires moyens des femmes âgées de 45 à 54 ans ont augmenté de 20 % alors que ceux des femmes plus jeunes ont peu changé.

    Graphique 2 Variation en pourcentage des salaires horaires moyens réels selon le sexe et l'âge, 1981 à 1998 et 1998 à 2011

    Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi la croissance des salaires des jeunes travailleurs entre 1981 et 1998 a été plus faible que celle des travailleurs âgés de 45 à 54 ans. Durant cette période, le taux de syndicalisation des hommes et femmes plus jeunes a fortement baissé ― d'au moins 12 points de pourcentage ―, alors que celui des hommes et des femmes âgés de 45 à 54 ans a soit diminué légèrement, soit augmenté1. Le niveau d'ancienneté moyen des travailleurs plus jeunes a diminué alors que celui des travailleurs plus âgés (tout particulièrement les femmes) a augmenté. Tandis que la présence des travailleurs plus âgés augmentait dans des secteurs hautement rémunérés tels que les services publics, celle des travailleurs plus jeunes diminuait dans ces secteurs. Enfin, la participation des travailleurs plus jeunes dans des professions hautement rémunérées (telles que celles reliées aux sciences naturelles et sociales) s'est accrue à un moindre rythme que celle des travailleurs plus âgés. Collectivement, ces facteurs expliquent environ 40 % de la différence entre la croissance des salaires des jeunes hommes et celle des hommes âgés de 45 à 54 ans observée de 1981 à 1998. Ces facteurs ont joué un rôle plus important chez les femmes en permettant d'expliquer environ les trois quarts de la différence observée entre la croissance des salaires des jeunes femmes et celle de leurs homologues plus âgées.

    La période allant de 1998 à 2011 a été marquée par un redressement des salaires des travailleurs plus jeunes. De 1998 à 2011, les salaires horaires moyens des jeunes hommes ont augmenté de 10 % et ceux des hommes âgés de 45 à 54 ans, de 3 %. Les chiffres correspondants pour les femmes s'établissaient respectivement à 14 % et 10 %.

    La croissance plus rapide des salaires des jeunes hommes observée après la fin des années 1990 est survenue dans une large mesure parce que les changements relatifs des taux de syndicalisation et du type d'emploi par industrie et profession ― qui ont été profitables aux hommes âgés de 45 à 54 ans entre 1981 et 1998 ― sont devenus plus profitables aux jeunes hommes par la suite. De 1998 à 2011, la situation des jeunes hommes était meilleure que celle des hommes âgés de 45 à 54 ans en termes de syndicalisation et de type de profession et d'industrie dans lesquelles ils ont travaillé. Alors que leur taux de syndicalisation a peu changé, celui des hommes âgés de 45 à 54 ans a chuté de 10 points de pourcentage. Les jeunes hommes se sont davantage dirigés vers des secteurs d'activité hautement rémunérés tels que la construction, les mines et l'extraction de pétrole et de gaz que les hommes âgés de 45 à 54 ans. Ils ont maintenu une part d'emploi stable dans les secteurs hautement rémunérés que sont la santé, l'éducation, l'aide sociale et l'administration publique. Par contre, les hommes âgés de 45 à 54 ans ont vu leur part d'emploi dans ces secteurs baisser de près de 6 points de pourcentage. Ces changements différenciés relatifs à la syndicalisation et au type d'industrie et de profession expliquent environ 60 % de la différence entre la croissance des salaires des jeunes hommes et des hommes âgés de 45 à 54 ans observée entre 1998 et 2011.

    Comme ce fut le cas pour les jeunes hommes, ces changements différenciés relatifs à la syndicalisation et au type d'industrie et de profession ont été profitables aux jeunes femmes après la fin des années 1990. De plus, les jeunes femmes ont accru leur niveau de scolarité plus rapidement que les femmes âgées de 45 à 54 ans. Collectivement, ces quatre facteurs expliquent entièrement la croissance plus rapide des salaires des jeunes femmes depuis la fin des années 1990, comparativement à leurs homologues âgées de 45 à 54 ans.

    Réduction des écarts salariaux selon les niveaux de scolarité durant les années 2000

    Alors que les entreprises canadiennes s'adaptaient à un environnement économique mondial en évolution rapide, les taux de rémunération selon les groupes d'âge et selon les niveaux de scolarité croissaient tous à un rythme différent. D'après les données du recensement, les salaires hebdomadaires moyens des hommes âgés de 17 à 64 ans travaillant à temps plein et titulaires un diplôme d'études secondaires ou un certificat d'une école de métiers ont peu changé de 1980 à 2000. Par contre, les salaires hebdomadaires moyens des hommes titulaires d'un baccalauréat ont augmenté de 16 %. Par conséquent, les différences salariales entre les hommes hautement scolarisés et leurs homologues moins scolarisés se sont accentuées considérablement de 1980 à 2000. Chez les individus ayant une expérience comparable sur le marché du travail, les différences de rémunération selon le niveau de scolarité ont augmenté, tout particulièrement chez les hommes (Boudarbat et coll., 2010).

    Cette situation s'est renversée durant les années 2000. Les données de l'Enquête sur la population active montrent que les salaires hebdomadaires moyens réels des hommes travaillant à temps plein et titulaires d'un certificat d'une école de métiers ont augmenté de 8 % de 2000 à 2011. Par contre, les salaires des hommes titulaires d'un baccalauréat ont augmenté de seulement 2 %. Par conséquent, l'écart salarial entre les hommes titulaires d'un baccalauréat et ceux titulaires d'un certificat d'une école de métiers s'est réduit durant les années 2000. L'écart salarial entre les hommes titulaires d'un baccalauréat et ceux titulaires d'un diplôme d'études secondaires s'est aussi réduit, mais dans une moindre mesure.

    Ce resserrement de l'écart salarial a été particulièrement visible chez les jeunes, la croissance des salaires ayant été relativement plus élevée chez les jeunes travailleurs moins scolarisés. Par exemple, les salaires hebdomadaires moyens des hommes âgés de 25 à 34 ans travaillant à temps plein ont, entre 2000 et 2011, augmenté de 14 % chez les titulaires d'un diplôme de métiers et de 7 % chez les titulaires d'un diplôme d'études secondaires. La croissance des salaires a été de 1 % chez les titulaires d'un baccalauréat.

    On observe aussi cette réduction récente des différences salariales entre les hommes d'après leur niveau de scolarité dans des résultats d'analyses multivariées qui tiennent compte de différences d'expérience potentielle de travail2 des individus, et dans ceux d'analyses qui utilisent les salaires horaires, au lieu des salaires hebdomadaires, comme mesure des taux de rémunération. On observe une réduction des différences de rémunération dans les résultats de ces analyses également chez les femmes. Néanmoins, les travailleurs hautement scolarisés gagnent présentement encore beaucoup plus que leurs homologues moins scolarisés. Après la prise en compte des différences d'expérience potentielle de travail, les salaires hebdomadaires moyens des hommes titulaires d'un baccalauréat étaient, en 2011, de 37 % supérieurs à ceux des hommes titulaires d'un diplôme d'études secondaires, comparativement à 45 % en 2000 (graphique 3)3. Le chiffre correspondant pour les femmes s'élevait à 55 % en 2011, en baisse comparativement à 62 % en 2000.

    Graphique 3 Écart salarial entre les titulaires d'un baccalauréat et les titulaires d'un diplôme d'études secondaires, 2000 à 2011 (compte tenu de l'expérience de travail potentielle)

    Résumé

    En moyenne, les salaires des travailleurs à temps plein canadiens ont augmenté plus rapidement pendant les années 2000 que durant les deux décennies précédentes. La croissance nette des salaires a toutefois été peu uniforme. De 1981 à 1998, les hommes et les femmes âgés de 45 à 54 ans ont vu leur salaire croître plus rapidement que celui de leurs homologues plus jeunes âgés de 25 à 34 ans. La situation s'est renversée de 1998 à 2011.

    Les salaires des hommes titulaires d'un baccalauréat ont augmenté plus rapidement que ceux des hommes titulaires d'un diplôme d'études secondaires ou d'un certificat d'une école de métiers de 1980 à 2000, mais plus lentement durant les années 2000. Chez les travailleurs ayant un niveau d'expérience comparable sur le marché du travail, les écarts salariaux d'un niveau de scolarité à l'autre se sont accentués durant les deux premières décennies puis se sont atténués durant les années 2000.

    Ce resserrement, depuis 2000, des écarts salariaux mesurés selon les niveaux de scolarité a coïncidé avec trois chocs économiques importants : une baisse marquée de l'emploi dans le secteur de l'informatique et des télécommunications entre 2001 et 2004, un secteur immobilier fort et une augmentation des prix du pétrole et d'autres produits canadiens sur les marchés mondiaux. Alors que le premier choc a possiblement limité les pressions à la hausse relatives à la demande de travailleurs titulaires d'un diplôme universitaire, les deux autres chocs ont soutenu la croissance de l'emploi dans les secteurs de la construction, des mines et de l'extraction de pétrole et de gaz, ce qui a potentiellement augmenté la demande d'autres travailleurs de la part des employeurs, malgré le déclin de l'emploi manufacturier depuis le milieu des années 2000. Des recherches additionnelles seraient requises pour confirmer ces hypothèses.

    Bibliographie

    Cet article de la série Aperçus économiques s'appuie sur un programme de recherche de la Division de l'analyse sociale sur les changements dans la structure des salaires au Canada. Pour plus d'information sur les tendances précédentes, veuillez consulter les ouvrages suivants :

    Boudarbat, B., T. Lemieux et W.C. Riddell. 2010. « The evolution of the returns to human capital in Canada, 1980 – 2005 ». Canadian Public Policy / Analyse de politiques.Vol. 36. No 1. p. 63 à 89. Résumé en français.

    Frenette, M., F. Hou, R. Morissette, T. Wannell et M. Webber. 2008. Gains et revenu des Canadiens durant le dernier quart de siècle, Recensement de 2006. Produit no 97-563-X au catalogue de Statistique Canada. Ottawa, Ontario. Revenus et gains, Recensement de 2006. No 1.

    Morissette, R. 2008. « Les gains au cours de la dernière décennie ». L'emploi et le revenu en perspective. Vol. 9. No 2. Produit no 75-001-X au catalogue de Statistique Canada. p. 12 à 25.

    Morissette, R., et A. Johnson. 2005. Les bons emplois disparaissent-ils au Canada? Produit no  11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa, Ontario. Direction des études analytiques : documents de recherche. No 239.

    Morissette, R., Y. Ostrovsky et G. Picot. 2004. Tendances des salaires relatifs des personnes très scolarisées dans une économie du savoir. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa, Ontario. Direction des études analytiques : documents de recherche. No 232.


    Notes :

    1. Environ un tiers de la baisse du taux de syndicalisation des hommes et femmes plus jeunes peut être expliquée par des changements de type de profession ou d'industrie dans lesquels ils ont travaillé.
    2. Tout comme le font Boudarbat et coll. (2010), cet article définit l'expérience potentielle de travail comme étant égale à l'âge de la personne moins le nombre d'années de scolarité complétées, moins six.
    3. Ces chiffres résultent d'analyses multivariées effectuées dans cette étude à partir de données sur les hommes âgés de 17 à 64 ans travaillant à temps plein.
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