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Section 3 : Étude spéciale

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L’année 2008 en revue

par Philip Cross 1 

Chaque année est unique, mais la situation économique de 2008 ne ressemble à aucune autre observée dans un passé récent. Analytiquement, l’année se divise facilement en deux. Au cours des sept premiers mois de 2008, lesquels suivaient immédiatement la perturbation initiale des marchés du crédit, tard en 2007, les prix des produits de base ont atteint des niveaux records dans un contexte de croissance lente en Amérique du Nord et de progression régulière en Asie. Ensuite, à la fin de l’été, la demande mondiale et les prix des produits de base ont commencé à vaciller et ont chuté abruptement après la paralysie des marchés du crédit à la mi-septembre. Les retombées sur la production et l’emploi dans l’économie réelle ont été rapides.

L’un des aspects du repli actuel de l’économie qui a fait couler beaucoup d’encre est la vitesse de sa manifestation et de sa propagation à travers le monde. Le début de 2008 a été dominé par des préoccupations au sujet de pénuries de nourriture et d’émeutes en Afrique et en Asie 2  , et pendant presque toute la première moitié de l’année, l’inflation a fait les manchettes, alors que le Canada a enregistré des excédents commerciaux records. En revanche, à la fin de l’année, la production était à la baisse et les prix chutaient dans de nombreux pays membres de l’OCDÉ, tandis que la croissance avait ralenti considérablement en Chine et en Inde. Des crises financières se sont déclenchées un peu partout, de la Russie et d’une grande partie de l’Europe de l’Est à des pays aussi divers que le Brésil, le Pakistan et l’Islande, habituellement en raison de leur situation d’endettement.

La revue de 2008 s’écarte des moyennes annuelles parce que l’économie a totalement changé son cours entre le début et la fin de l’année. Elle examine plutôt les répercussions de la turbulence des marchés financiers américains sur l’économie du Canada durant la deuxième moitié de l’année et les raisons pour lesquelles elles ont été si rapides au Canada et ailleurs.

L’économie réelle

Durant la première moitié de 2008, la plupart des pays, y compris les États-Unis et les pays de l’Union européenne, ont réussi à maintenir une croissance du PIB peut-être lente, mais encore positive. Le PIB réel du Canada a rebondi après le creux du premier trimestre, lequel avait été aggravé par des perturbations de l’offre (y compris des chutes de neige records, un nouveau jour férié en février dans certaines provinces et des travaux d’entretien non planifiés dans les champs pétrolifères). La croissance de l’emploi a ralenti, mais est restée positive au Canada durant les trois premiers trimestres de 2008, enregistrant même une poussée record en septembre 2008. En revanche, au quatrième trimestre, le PIB s’est contracté fortement en raison du repli de la demande mondiale.

Le repli au Canada a commencé avec une baisse soudaine des exportations. Les recettes d’exportation avaient déjà commencé à fléchir durant l’été de 2008, à mesure que les prix des produits de base baissaient, mais le déclin s’est transformé en débâcle au cours des trois mois qui ont suivi octobre, la baisse des exportations ayant atteint un taux record de 25 %. L’emploi et le PIB se sont stabilisés en octobre, avant d’entrer définitivement dans une phase descendante en novembre et décembre. En novembre, tant les exportations que les importations ont diminué rapidement, les échanges internationaux à travers le monde se contractant à l’unisson. Les fluctuations quotidiennes sur les marchés financiers et le nombre croissant de mises à pied ont fait que les ménages, inquiets, ont cessé soudainement d’acheter des logements en octobre et des automobiles en novembre, en dépit du fait que le revenu du travail a augmenté régulièrement jusqu’à la fin de l’année.

Graphique 3.1

Fait plus important encore pour le Canada, l’essor pendant sept ans dans les cours des produits de base a pris fin, ceux de l’énergie et des métaux atteignant rapidement des creux pluriannuels (quoique la plupart des cours demeurent bien supérieurs aux creux respectifs enregistrés avant l’essor récent ayant débuté à la fin de 2002). D’autres industries d’exportations ont affiché des reculs importants, notamment celles des véhicules automobiles et du bois d’oeuvre, qui vacillaient déjà après un ralentissement des ventes durant depuis un peu plus d’un an aux États-Unis.

Les prix des produits de base ont baissé fortement durant la deuxième moitié de 2008. Entraînés par une chute de plus de 100 $ le baril du prix du pétrole brut, les prix des produits de base ont diminué de plus de la moitié en cinq mois seulement. La gravité et la vitesse de la chute des prix des produits de base, après leur hausse record au cours des cinq années précédentes, représentaient un nouveau record de volatilité dans ce secteur qui a toujours été cyclique.

La valeur des exportations de ressources naturelles a fortement baissé après juillet 2008, mais les deux tiers du recul sont imputables aux prix plus faibles. Le volume des exportations de ressources a été moins touché, car certaines sont indispensables (notamment les aliments et l’énergie, secteurs dans lesquels le volume des exportations a, en fait, augmenté légèrement). Le volume des exportations d’autres produits, comme le bois d’oeuvre et les métaux, a fortement fléchi, ce qui fait entrer ces produits dans la même catégorie que les automobiles.

Les données du bilan des ménages révèlent clairement l’effet du boom des secteurs des ressources naturelles et du logement qui ont fait monter en flèche les avoirs des ménages avant 2008, et les baisses durant la deuxième moitié de 2008 qui ont effacé une partie de ces gains, mais certainement pas tous. De 2002 au deuxième trimestre de 2008, la valeur nette des ménages a augmenté de 56 % ou de 2,1 billions de dollars. Les deux tiers (1,2 billion de dollars) provenaient des investissements liés à l’ascension du marché boursier et environ le tiers (0,8 billion de dollars), de la hausse de la valeur des habitations. Durant la deuxième moitié de 2008, l’effondrement des marchés boursiers et du prix des habitations a réduit de 7,3 % la valeur nette des ménages – perte douloureuse, mais loin d’être comparable à la réduction de 20 % observée aux États-Unis depuis le milieu de 2007 (quand le marché américain du logement et des actions a commencé à vaciller). Par conséquent, depuis 2002, les avoirs des ménages ont augmenté près de deux fois plus rapidement au Canada qu’aux États-Unis (45 % contre 27 %).

Le profil de prêt net par secteur au Canada montre que le quatrième trimestre représentait une discontinuité et non pas une prolongation de l’évolution observée en 2008. Durant les trois premiers trimestres de 2008, les sociétés, les administrations publiques et le secteur extérieur ont tous enregistré des excédents plus importants (maintenant une tendance qui a débuté tôt cette décennie), tandis que le secteur des ménages a emprunté davantage depuis la fin de 2007. Ces tendances se sont toutes renversées abruptement au quatrième trimestre : le secteur des administrations publiques et le secteur extérieur se sont retrouvés en déficit (pour la première fois depuis 2003 et 1999, respectivement); les sociétés ont affiché leur excédent le plus faible depuis le début du boom des produits de base, tandis que les ménages, devenus soudainement prudents, ont réduit leur emprunt net à son niveau le plus faible depuis 2005 (dans la figure 4, le prêt net dans le secteur des non-résidents est la mesure de la balance commerciale extérieure).

Graphique 3.4

Au Canada, les investisseurs ont rapidement changé leurs stratégies pour réagir à la crise financière des marchés mondiaux. Après avoir fait progresser leurs investissements de portefeuille à l’étranger (en grande partie en actions et en obligations) durant 29 années consécutives, ils les ont fait soudainement chuter en 2008, alors que les fonds ont été rapatriés dans des actifs sécuritaires au Canada.

La Banque du Canada a offert une importante liquidité au quatrième trimestre de 2008. Alors que les investisseurs rapatriaient les fonds au Canada en vue d’acheter des bons et des obligations à court terme, la banque offrait davantage de liquidité au moyen d’un recours accru à des ententes d’achat et de reventes conclues avec les institutions financières, ainsi qu’au moyen de la vente de bons du Trésor. Le quatrième trimestre a été marqué par la plus importante hausse jamais enregistrée de titres adossés à des créances hypothécaires sous la Loi nationale sur l'habitation. Environ la moitié de cette hausse était liée au Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés par lequel le gouvernement a acquis de la part des institutions financières une quantité importante de titres adossés à des créances hypothécaires 3  . Ceci a amélioré le compte du bilan de ces sociétés en échangeant les actifs non liquides pour des actifs liquides.

Automobiles et logement

Les véhicules automobiles et le logement ont souvent été par le passé au coeur des contractions cycliques, et l’année 2008 n’a pas fait exception à cet égard. Étant donné l’importance qu’elles ont eue au cours du déclin des dernières années, nous examinerons plus attentivement dans cette section les répercussions des véhicules automobiles et du logement sur la production et les exportations.

Graphique 3.6

L’année a marqué un grand tournant pour l’industrie automobile. Le fort ralentissement de la production d’automobiles qui avait débuté en décembre 2007 s’est nettement accéléré au cours de 2008. Aux États-Unis, les ventes ont baissé régulièrement en 2008 pour atteindre leur plus bas niveau en 17 ans, ralenties durant la première moitié de l’année par la hausse record des prix de l’essence et durant la deuxième moitié, par la disparition du crédit et de la confiance des ménages. Par conséquent, à la fin de l’année, les ventes d’automobiles étaient inférieures de presque 50 % à leur sommet récent, les reculs les plus importants étant enregistrés pour les camions et les véhicules utilitaires sports, segments qui sont dominés par les trois producteurs ayant leur siège social à Detroit, et qui ont ensemble perdu des parts du marché pour la quinzième année de suite.

Nombre des fermetures généralisées d’usines de montage d’automobiles en Amérique du Nord résultaient de tendances à long terme concernant les préférences des consommateurs. Ce mouvement a propulsé la part de marché des marques importées à plus de la moitié du total des ventes au Canada pour la toute première fois. Alors que les marques importées gagnent en popularité, ces véhicules sont de plus en plus fréquemment construits en Amérique du Nord, ce qui maintient la part des ventes de véhicules produits en Amérique du Nord constante, autour de 80 %. La production automobile dans les 11 usines de montage au Canada a chuté de 20 % (ou l’équivalent de la production annuelle de deux usines) pour atteindre 2,0 millions de véhicules. Le Canada a vu sa part de la production nord-américaine se stabiliser à 16 % depuis 2000, tandis que sa part de l’investissement dans l’industrie automobile supérieure à la moyenne est de bon augure pour l’avenir à long terme, après que la restructuration en cours sera terminée 4  .

Graphique 3.7

La fin du boom des produits de base s’est reflétée dans un effondrement du marché de l’habitation dans l’Ouest du Canada. Après des années de croissance à deux chiffres, surtout en Colombie-Britannique et en Alberta, les prix des habitations ont fortement baissé à la fin de l’année, et ceci s’est traduit par une baisse des mises en chantier. En février 2009, le nombre de mises en chantier dans l’Ouest du Canada était inférieur de trois quarts au sommet atteint à l’automne 2007, alors que dans le reste du Canada, le recul était de moins de moitié.

Au Canada, les ventes d’habitations existantes ont atteint un sommet en juillet 2007, mois qui a précédé le début de la crise financière mondiale. Entre juillet 2007 et décembre 2008, les ventes ont affiché une baisse de 34 %, environ la moitié de celles-ci étant survenue avant octobre 2008 et l’autre moitié, au cours d’octobre, novembre et décembre seulement. Le recul le plus important a eu lieu en Colombie-Britannique (60 %) et en Alberta (47 %). En Colombie-Britannique, la majorité du revers a eu lieu avant septembre 2008, au coeur de pertes solides pour le bois d’oeuvre et les métaux, l’essor du marché de l’habitation s’étant défait régulièrement au cours de 2008. Par contre, en Alberta, près de la moitié du retrait est survenue durant les trois derniers mois de 2008, quand les prix de l’énergie ont chuté. Comparativement, les ventes n’ont diminué que de 36 % au centre du Canada.

La baisse combinée de la demande intérieure et extérieure de logements a véritablement assommé l’industrie du bois d’oeuvre. Les ventes de bois manufacturé sont passées de 3,0 milliards de dollars au début de 2006 à moins de 1,5 milliard de dollars en 2008. Après avoir été l’un des principaux produits de base exportés du Canada pendant plus d’un siècle, le bois d’oeuvre représentait moins de 2 % des exportations en janvier 2009.

S’est ajoutée au malheur de l’industrie forestière la réduction de l’activité de l’industrie de la presse, qui a été la plus prononcée aux États-Unis. Plusieurs grandes chaînes de journaux ont déclaré faillite l’année dernière, tandis que d’autres ont réduit leur contenu. Ces événements ont accéléré la baisse récente de la consommation de papier journal, qui a réduit de moitié les exportations canadiennes de ce produit depuis 2001.

Graphique 3.8

Le ralentissement des exportations d’automobiles, de bois d’oeuvre et de papier journal a eu de profondes répercussions sur la structure des exportations au Canada. La part des automobiles et des produits forestiers, dont la baisse a débuté il y a une décennie, a continué de se contracter pour atteindre 17,7 % l’année dernière, soit sous la moitié du sommet le plus récent de 37,2 % enregistré il y a moins d’une décennie, en 1999. Les deux tiers de ce déclin sont imputables aux automobiles et le tiers, aux produits forestiers. Cependant, entre 2007 et 2008, la baisse de 5,3 points de la part des exportations de produits forestiers a dépassé la perte de 4,2 points enregistrée par le secteur automobile. Cette tendance s’est poursuivie au début de 2009, la part combinée des deux secteurs étant tombée à 14,9 % en janvier, à cause de l’accélération des pertes dans les secteurs de l’automobile et du bois d’oeuvre. La part des exportations à valeur ajoutée est passée à un niveau considérablement plus faible (probablement inférieur à 10 %), car le contenu importé des automobiles est important. La diminution de la part des exportations d’automobiles et de produits forestiers a été compensée par les progrès enregistrés pour d’autres ressources, notamment l’énergie et les métaux.

La récession aux États-Unis

Aux États-Unis, le ralentissement de la croissance du PIB réel observé au cours des trois premiers trimestres a été suivi par une baisse de 1,5 % au quatrième trimestre, soit le recul trimestriel le plus important depuis 1982. Les pertes d’emplois ont plus que triplé, pour passer d’une moyenne de 137 000 au cours des huit premiers mois de l’année à 469 000 durant les quatre mois suivants (et à presque 700 000 au cours des deux premiers mois de 2009). A été tout aussi significatif l’accroissement marqué du nombre de personnes obligées de travailler à temps partiel, lequel a été plus rapide que celui du nombre de chômeurs (2,1 millions versus contre 1,5 million entre août et décembre), alors que les emplois à temps plein disparaissaient rapidement. Ces variations ont coïncidé avec un changement prononcé de la source de la perte d’emplois : avant septembre, celle-ci était principalement due à une diminution du taux d’embauche, tandis que les mises à pied ont été l’élément dominant après septembre.

Aux États-Unis, le repli de 2008 a été le plus important observé depuis 1981-1982, et par conséquent, la plupart des comparaisons sont faites entre ces deux récessions. Bien que le PIB réel américain ait baissé d’environ 3 % durant la récession de 1974-1975, ainsi que celle de 1981-1982, la première pourrait être le meilleur modèle pour la récession de 2008-2009. À l’image du repli actuel, la récession de 1974 a débuté par une légère baisse qui a duré près d’un an dans un contexte de hausse des prix des produits de base. La baisse de la production a été si voilée, et les craintes persistantes de pénuries généralisées observées en 1973 ont été si fortes, que l’emploi a augmenté lentement, mais régulièrement, durant la phase initiale de ce retournement.

Cependant, la récession de 1974 s’est empirée de façon marquée après que la Franklin National Bank, l’une des quatre grandes banques qui ont disparu durant la récession, est tombée en faillite en octobre 1974. L’économie réelle s’est effondrée rapidement. L’emploi a baissé de 2,8 % d’octobre 1974 à avril 1975, soit la pire période de six mois de l’après-guerre (surpassant la chute de 2,4 % enregistrée d’août 2008 à février 2009).

Comme nous l’avons mentionné dans l’article publié dans le numéro de L’OEC du mois dernier, la récession américaine de 1974-1975 a été tellement grave qu’elle a entraîné une baisse de 12 % du volume des exportations canadiennes, de loin la plus importante perte subie durant n’importe quelle récession américaine de l’après-guerre. Néanmoins, le Canada s’en est tiré avec une récession légère seulement, grâce aux progrès réguliers de la demande intérieure.

Cependant, contrairement à 1974-1975, en 2008, l’économie canadienne a été profondément touchée par le marasme grandissant aux États-Unis et partout ailleurs dans le monde. L’incidence plus importante aujourd’hui par rapport à celle observée en 1974-1975 reflète en grande partie le fait que le Canada, comme la plupart des pays, est maintenant plus inextricablement lié à l’économie mondiale. En part du PIB, les exportations en 2008 correspondaient à plus d’une fois et demie celle en 1975 (35 % versus 22 %). Les prix des marchandises ont aussi baissé plus rapidement en 2008.

Les marchés financiers

L’année a été dominée par le tumulte croissant sur les marchés financiers mondiaux. Après son début en août 2007, lorsque des fonds d’investissement ont révélé leur exposition aux prêts hypothécaires à risque, la crise s’est transformée en septembre 2008 en une aversion soudaine des investisseurs partout dans le monde envers de nombreux types de titres de créances non gouvernementaux.

Après 2002, l’abondance de crédit à bon marché a poussé tous les secteurs intérieurs de l’économie américaine à accroître leurs emprunts. Entre 2002 et le milieu de 2008, la dette des ménages, exprimée en parts du PIB, a augmenté de 10 points pour atteindre 97,3 %, alimentée par le boom de l’immobilier au milieu des années 2000. Quand la croissance de la dette hypothécaire s’est ralentie après 2005, les sociétés ont accru leur endettement encore plus rapidement, y compris les banques commerciales à l’intérieur du système financier. Et, évidemment, la dette des administrations publiques a augmenté régulièrement. Dans l’ensemble, aux États-Unis, l’endettement des ménages, des sociétés et des administrations publiques est passé de 269 % du PIB en 2002 à 329 % en 2008. Un élément encore plus important que la croissance de l’endettement ces dernières années a été l’érosion de la qualité des actifs que les bailleurs de fonds ont acceptée pour soutenir l’expansion 5 . En 2006, 34 % des nouveaux prêts hypothécaires aux États-Unis étaient devenus à risque.

En revanche, au Canada, l’endettement du secteur intérieur n’a pas connu la même croissance, sa valeur étant passée de 228 % à 255 % du PIB de 2002 à 2008 (et faisait moins de la moitié de la croissance de 60 points aux États-Unis). La dette des ménages a augmenté pour atteindre 85 % du PIB au cours des six dernières années, tandis que les sociétés non financières et les administrations publiques ont remboursé leurs dettes. En 2008, le système financier canadien avait une dette correspondant à 60 % du PIB, niveau deux fois moins élevé qu’aux États-Unis, et ne subissait pas l’effet corrosif des prêts hypothécaires à risque sur la qualité de la dette observé aux États-Unis. Au cours de la dernière décennie, par opposition aux États-Unis, le Canada a affiché systématiquement d’importants excédents commerciaux. Les Canadiens les ont investi en grande partie dans des placements directs à l’étranger, évitant ainsi de dépendre de l’investissement dans des instruments financiers opaques. Grâce à la série continue d’excédents commerciaux, à la fin de 2008, la dette extérieure nette du Canada était nulle pour la première fois depuis qu’on a commencé à compiler des statistiques en 1926.

Graphique 3.12
Graphique 3.13

La faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers le 15 septembre a été le catalyseur de l’approfondissement de la crise mondiale sur les marchés financiers et de la chute en vrille de l’économie réelle qui a suivi partout dans le monde. Cette crise reflétait la hausse très prononcée des taux d’intérêt payés par plusieurs ménages et entreprises, et le gel complet de certains marchés du crédit, alors que la peur d’une défaillance poussait les investisseurs à mettre rapidement leur argent à l’abri dans des bons et des obligations du gouvernement 6 . Au cours des deux mois suivants le 15 septembre, la bourse de Toronto a fait un plongeon jusqu’à 49 % sous son sommet, faisant écho à des reculs semblables, voire même plus prononcés, des marchés partout dans le monde. Entre-temps, les prix des produits de base ont dégringolé de presque 50 % et, à la fin de l’année, le cours du dollar canadien était passé de la quasi-parité avec le dollar américain à 80 cents (US).

La crise financière a changé le décor du système financier mondial. Le système financier américain a été complètement transformé. Fannie Mae et Freddie Mac, les deux plus grands émetteurs de prêts hypothécaires, ont été nationalisés au début de septembre. Chacune des cinq grandes banques d’investissement ayant disparu pour cause d’insolvabilité, a été absorbée par une des plus grandes banques possédant des dépôts stables, ou est devenue une société de portefeuille bancaire. Deux des six grandes banques qui existaient au début de l’année ont été contraintes de se fusionner avec d’autres banques par la Federal Deposit Insurance Corporation. En Europe, plusieurs banques ont également été rachetées par le gouvernement ou fusionnées à des banques plus puissantes 7  . Comparativement, au Canada, les banques étaient solides comme le roc.

La Réserve fédérale a réagi au tumulte financier en lançant de nombreux programmes en vue d’aider les marchés du crédit, en plus de ses coupures régulières des taux d’intérêt 8  . Avant septembre, les interventions de la Fed étaient limitées à la modification de la composition des actifs, mais non de leur niveau. Après septembre, tant la composition que le niveau ont changé radicalement alors que la Fed a accordé directement à de nombreuses sociétés financières et industrielles des prêts (précédemment, seulement les banques commerciales avaient accès à la Fed.) 9  . Le bilan de la Banque du Canada a aussi subi une importante transformation en taille et en composition après septembre.

Conclusion

Si la vitesse avec laquelle les marchés financiers mondiaux ont fait une forte impression sur l’économie réelle au Canada différait de celle des cycles passés, jusqu’à présent, le profil de la baisse de la production et des pertes d’emplois a été typique des ralentissements cycliques antérieurs. La récession a accéléré la baisse déjà en cours dans les secteurs de l’automobile et de la foresterie, tout en renversant l’important essor dans notre secteur des ressources naturelles. Le Canada jouissait depuis sept ans d’une envolée des prix des produits de base, et la dernière baisse de l’activité économique au Canada remontait à 16 ans, ce qui constituait un record. Par conséquent, une génération entière d’investisseurs et de travailleurs a fait pour la première fois l’expérience d’une récession.

Les administrations publiques et les sociétés ont engrangé d’importants excédents financiers au cours de la décennie écoulée, tandis que les ménages ont limité leur endettement. Les institutions financières au Canada ont bien résisté malgré le tumulte observé dans de nombreux autres pays. Par conséquent, le Canada est bien placé pour profiter d’une reprise de l’économie mondiale, quand celle-ci aura lieu.

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