Endettement et types de familles au Canada

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par Matt Hurst

Introduction

Après plusieurs années d'une croissance impressionnante, le monde a dû faire face à un ralentis­sement de son économie en 2008. L'effondrement du marché de l'habitation aux États-Unis a suscité partout des inquiétudes au sujet de la viabilité de l'endettement actuel des ménages. L'économie canadienne s'en est mieux tirée que celle de bien d'autres pays, mais un endettement des ménages qui s'alourdit de plus en plus continue d'inquiéter.

Plusieurs raisons expliquent cette montée de l'endettement. Historiquement, la faiblesse des taux d'intérêt, combinée à d'autres facteurs, a concouru à l'endettement des ménages. Parmi ces facteurs, on note l'élévation du revenu des ménages par l'activité croissante des femmes sur le marché du travail; la tendance vers une culture de consommation; la demande grandissante des baby-boomers et des post-boomers sur le marché de l'habitation; l'accentuation de la concurrence et de la déréglementation sur le marché financier; l'innovation en produits financiers; et l'assouplissement des contraintes en matière de crédit1.

On a étudié l'endettement dans l'ensemble des ménages, mais en s'attachant peu au rapport entre l'endettement et le type de familles pour voir si certaines catégories de familles s'exposent davantage que d'autres à l'instabilité financière en raison de leur endettement. Dans la première partie du présent article, on donne un aperçu de la dette des ménages à l'aide des données du Système de comptabilité nationale du Canada. En seconde partie, on examine la structure familiale et les indicateurs de gestion de la dette au moyen des données de l'Enquête canadienne sur les capacités financières (ECCF) de 2009. Plus précisément, on regarde les valeurs d'endettement et les ratios dette-revenu et dette-actif par type de ménage. On considère également si les Canadiens ayant certaines caractéristiques sociodémographiques ou faisant partie d'un certain type de familles sont plus susceptibles que d'autres d'avoir un fardeau d'endettement, c'est-à-dire que le remboursement total de leur dette (intérêt et capital) correspond à 40 % ou plus de leur revenu du ménage avant impôt (pour plus de renseignements à ce sujet, voir « Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude »).

Début de l'encadré

Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude

En première partie du présent article, on emploie des données du Système des comptes économiques nationaux du Canada. Ce système brosse un tableau fidèle, complet et nuancé de notre économie dans ses structures, ses résultats et ses tendances. Il dresse le cadre comptable de l'analyse macroéconomique et procure à une diversité d'institutions et d'ordres de gouvernement les outils nécessaires au moment de soupeser toutes sortes de décisions économiques et stratégiques. Là où il y a lieu de le faire, on corrige les valeurs monétaires en fonction de l'inflation, puis on les divise par le nombre de ménages au Canada pour une année déterminée.

Dans la seconde partie du présent article, on se reporte aux données de la première Enquête canadienne sur les capacités financières (ECCF) de 2009, rendue nécessaire en raison de l'évolution des conditions économiques, de la diversité et de la complexité des produits financiers disponibles et du besoin de se doter de données de référence. L'ECCF a eu lieu de février à mai 2009.

On y a dénombré 15 519 répondants. L'échantillon final ayant servi à l'analyse par modèle (tableau 4), après les exclusions en fonction de l'âge et de la non-réponse, a été établi à 7 301 unités. Seize pour cent (valeur non pondérée) des répondants de l'échantillon initial n'ont pas indiqué le montant de l'endettement total du ménage et ont été retranchés de l'analyse.

On a fait une estimation de variance bootstrap pour tous les tests statistiques portant sur les données de l'ECCF.

Ratio de la dette au revenu du ménage : Il mesure ce que doit le ménage par rapport à ce qu'il gagne.

Ratio dette-actif : Il mesure la valeur de l'endettement du ménage par rapport à celle de son actif. On considère qu'un ratio de 80 % est élevé.

Ratio du remboursement total : Un paiement sur la dette totale (remboursement du capital et des intérêts d'un emprunt) est considéré comme élevé par la Banque du Canada s'il correspond à 40 % et plus du revenu du ménage avant impôt1. Les ménages présentant des ratios élevés de remboursement total sont financièrement plus vulnérables et plus susceptibles d'éprouver de la difficulté à s'acquitter des engagements contractés2.

Comme l'ECCF ne présente que des données agrégées, on a converti les données en valeur de remboursement de la dette. Dans le cas d'une hypothèque, il s'agirait du remboursement annuel de capital et d'intérêts du ménage. Comme la vaste majorité des dettes des ménages sont à caractère hypothécaire3, on s'est reporté au taux d'intérêt moyen pratiqué par les banques sur les prêts hypothécaires ordinaires de 2006 à 2010, soit une valeur de 6,45 %, pour calculer le montant de remboursement d'un ménage4. En ce sens, la définition est prudente, puisque les ménages ayant d'autres dettes, les auront contractées à des taux d'intérêt plus élevés. Les ménages sans dette ni revenu ont été exclus de l'analyse.

Type de familles : Bien que l'ECCF vise les ménages, on a établi des types de familles en regardant la composition des ménages. Voici les catégories retenues : familles biparentales sans enfants de moins de 25 ans, familles biparentales dont le plus jeune enfant a 24 ans ou moins, familles monoparentales dont le plus jeune enfant a 24 ans ou moins, autres familles, personnes seules.

Région métropolitaine de recensement (RMR) où les maisons sont chères : On s'est fondé sur les tendances du prix médian des maisons vendues dans les grandes RMR de 1997 à 2008 d'après les données de l'Enquête sur les dépenses des ménages. Ces RMR sont celles d'Halifax, d'Ottawa, de Toronto, de Saskatoon, de Calgary, d'Edmonton, de Vancouver et de Victoria.

Questionnaire sur les connaissances financières : Dans l'ECCF, on a posé 14 questions à choix multiples pour éprouver les connaissances des répondants sur divers aspects financiers.

Autoévaluation des connaissances financières : On a demandé aux répondants d'évaluer leur degré de connaissance (bonne, très bonne, etc.) d'un certain nombre d'aspects financiers. L'ensemble de ces questions ont servi à obtenir un résultat indiquant à quel point ils ont confiance en leurs connaissances financières.
  1. DEY, S., DJOUDAD, R. et TERAJIMA, Y. 2008. « Un outil d'évaluation de la vulnérabilité financière du secteur des ménages », Revue de la Banque du Canada.
  2. Pour un examen détaillé des ratios dette-revenu des ménages dans leurs effets possibles sur le système bancaire, voir BANQUE DU CANADA. 2009. Revue du système financier, décembre.
  3. En 2005, il n'y avait que 3,4 % de l'endettement qui était sur carte de crédit ou à tempérament. D'ordinaire, les taux d'intérêt sont bien plus élevés dans ces cas que dans celui du crédit hypothécaire. STATISTIQUE CANADA. 2006. Le patrimoine des Canadiens : un aperçu des résultats de l'Enquête sur la sécurité financière, 2005, publication no 13F0026MIF au catalogue de Statistique Canada.
  4. Les remboursements sont étalés sur 25 ans, et on se trouve effectivement à traiter la dette comme convertie en un nouvel emprunt hypothécaire. Quand le budget est grevé, un refinancement hypothécaire qui allège les paiements à effectuer est l'option raisonnable qui s'offre à ceux qui ne veulent pas tomber en défaut de paiement et saisie. Dans l'analyse, on tient déjà compte d'une telle mesure. Ainsi, les estimations du nombre et de la proportion de Canadiens fortement endettés demeurent prudentes.

Fin de l'encadré

Comprendre les mesures de l'endettement

Plusieurs indicateurs peuvent servir à l'examen de l'endettement des ménages. La mesure la plus fondamentale est celle de l'endettement moyen. En considérant cet indicateur dans le temps, on peut voir l'évolution du phénomène. Il reste que, dans cette mesure, on ne tient pas compte du revenu des ménages.

Un autre indicateur est le ratio de la dette au revenu des ménages. On mesure ainsi ce que doit un ménage par rapport à ce qu'il gagne. Mais ce ratio dette-revenu ne tient pas compte des intérêts payables sur la dette.

Avec le ratio du remboursement total, on voit dans quelle mesure le ménage est capable de prendre en charge sa dette ou de s'en acquitter. On regarde alors le remboursement total de capital et d'intérêts en proportion du revenu total pendant une certaine période. Un ménage affichant un ratio élevé de remboursement total se retrouve avec un fardeau d'endettement, ce qui peut indiquer que sa dette est inabordable.

Il y a enfin le ratio dette-actif qui met en parallèle la valeur de l'endettement du ménage et celle de ses avoirs. Un ratio élevé pourrait indiquer que l'actif ne suffit pas à la prise en charge de la dette. De plus, si la valeur de l'actif venait à diminuer en raison des fluctuations du marché, ce ratio augmenterait2.

Hausse de l'endettement et baisse des taux d'intérêt hypothécaire depuis 1984

De 1984 à 2009, la dette réelle moyenne des ménages canadiens a plus que doublé, passant de 46 000 $ à 110 000 $ (graphique 1). Le grand responsable a été la dette hypothécaire. Pendant cette période, en général, l'endettement moyen des ménages a été inversement proportionnel à l'évolution des taux d'intérêt. À mesure qu'ont diminué les taux d'intérêt, la dette moyenne des ménages a augmenté, l'endettement étant devenu plus abordable. Depuis 2002, la croissance de la dette s'est accélérée.

Graphique 1 La croissance de l'endettement moyen des ménages s'est accélérée après 2002Graphique 1 La croissance de l'endettement moyen des ménages s'est accélérée après 2002

Le ratio dette-revenu a monté de plus de 55 points de pourcentage de 1990 à 2009

Le revenu des ménages est essentiel à la compréhension du phénomène de l'endettement. Par exemple, les données de la comptabilité nationale indiquent que, en moyenne, entre 1970 et 2009, le revenu disponible par ménage s'est accru de 37 % après inflation3, d'où la possibilité pour les ménages de s'endetter davantage.

Malgré la hausse du revenu disponible, le ratio dette-revenu a constamment augmenté de 1984 à 2009, la dette dépassant le revenu des ménages. À partir de 1994, le niveau d'endettement a excédé le niveau de revenu et, par conséquent, les ménages dépensaient plus qu'ils ne gagnaient. En 1990, par exemple, l'endettement total des particuliers et des entreprises individuelles correspondait à 93 % du revenu après impôt. En 2009, la dette totale se situait à 148 % du revenu (graphique 2). De récentes recherches font voir que, si les taux d'intérêt montent de trois points, le ratio dette-revenu doit baisser à un niveau variant de 125 % à 130 % pour que les paiements d'intérêts demeurent les mêmes sur la dette4.

Graphique 2 Le ratio de la dette au revenu après impôt a monté à 148 % en 2009Graphique 2 Le ratio de la dette au revenu après impôt a monté à 148 % en 2009

Stabilité du ratio dette-actif depuis 2008

Il n'y a pas que la capacité quoti­dienne de prendre la dette en charge par le revenu. Le ratio dette-actif est aussi un indicateur de l'insécurité financière des ménages. Avec ce ratio, on voit dans quelle mesure les ménages ont de quoi couvrir leur dette par leur actif. Lorsqu'il s'élève, cela signifie que plus de Canadiens peuvent avoir contracté des dettes sans avoir suffisamment d'actif en garantie. Si l'endettement des ménages s'est alourdi de 1990 à 2009, la valeur de l'actif des particuliers et des entreprises individuelles par ménage a presque doublé pendant la même période. Ainsi, ce ratio a été relativement stable de 1970 à 2007, oscillant autour de 16,7 % (graphique 3), mais en 2008 et 2009, il a monté à 19,6 %, atteignant son plus haut niveau en plus de 35 ans.

Graphique 3 En 2009, le ratio dette-actif est parvenu  à son plus haut niveau en 35 ansGraphique 3 En 2009, le ratio dette-actif est parvenu à son plus haut niveau en 35 ans

Les Canadiens plus âgés sont moins endettés

Il importe d'examiner non seulement les données économiques générales sur la dette, l'actif et le revenu, mais aussi si certains types de familles seraient plus endettés ou plus exposés à l'incertitude financière que d'autres. Dans l'ensemble, les données de l'Enquête canadienne sur les capacités financières de 2009 indiquent que 76 % des Canadiens avaient une dette de ménage (tableau 1). Chez ceux qui étaient endettés, la dette moyenne était d'environ 119 000 $.

Tableau 1 Proportion des gens endettés et endettement moyen, selon l'âge et le type de familles, 2009Tableau 1 Proportion des gens endettés et endettement moyen, selon l'âge et le type de familles, 2009

Les Canadiens plus jeunes (ceux de 19 à 34 ans et de 35 à 49 ans) étaient plus susceptibles d'être endettés que ceux de 50 à 64 ans. C'est une question de cycle de vie. Les ménages plus jeunes s'endettent tôt dans leur cycle de vie pour acheter une maison et les biens qui s'y rattachent et passent les années qui suivent à rembourser leur dette. Les tendances de l'endettement moyen s'accordent généralement avec ces constatations : les niveaux d'endettement étaient moins élevés pour les 50 à 64 ans, exception faite des pères et mères seuls de ce groupe d'âge.

Les moins susceptibles d'être endettés en 2009 étaient dans la catégorie des personnes seules et dans le type de familles « autres ». Une explication partielle en serait que les personnes seules sont moins susceptibles d'être propriétaires de leur maison et d'avoir à payer une hypothèque. Dans la population endettée, les personnes seules avaient une dette d'environ 69 000 $ comparativement à 102 000 $ pour les pères et mères seuls et à 147 000 $ pour les membres de familles biparentales avec enfants.

Le ratio dette-revenu est le plus élevé dans le cas des jeunes familles canadiennes

Les familles aux ratios dette-revenu supérieurs consacrent plus de leur revenu au remboursement de la dette et sont plus susceptibles d'avoir à se restreindre financièrement. Les familles plus jeunes étaient plus endettées en proportion du revenu du ménage avant impôt que les plus âgées. En 2009, par exemple, parmi les familles biparentales avec enfants, celles de parents de 19 à 34 ans présentaient un ratio dette-revenu de 180 % contre 125 % pour les parents de 50 à 64 ans (tableau 2).

Tableau 2 Ratio de la dette au revenu avant impôt des Canadiens, selon l'âge et le type de familles, 2009Tableau 2 Ratio de la dette au revenu avant impôt des Canadiens, selon l'âge et le type de familles, 2009

Parmi les types de familles, les familles monoparentales avec enfants avaient les plus élevés de ces ratios. Le ratio dette-revenu de ces familles était de 227 % comparativement à 170 % pour les familles biparentales avec enfants.

Les Canadiens appartenant à des familles monoparentales sont plus susceptibles de présenter des ratios dette-actif élevés

Un ratio dette-actif élevé indique que les gens sont lourdement endettés puisqu'ils n'ont pas suffisamment d'actifs pour garantir leurs prêts. Leur situation financière risque de devenir précaire en cas de choc économique comme une flambée de taux d'intérêt, une dévalorisation d'actif ou une contraction de revenu.

Chez les Canadiens de deux groupes d'âge, soit les 19 à 34 ans et les 35 à 49 ans, les ratios dette-actif élevés (80 %5 et plus) étaient plus fréquents parmi les familles monoparentales que parmi les familles biparentales avec ou sans enfants (graphique 4).

Graphique 4 Les familles monoparentales risquaient davantage de présenter des ratios dette-actif de 80 % et plusGraphique 4 Les familles monoparentales risquaient davantage de présenter des ratios dette-actif de 80 % et plus

Les Canadiens de 50 à 64 ans étaient les moins susceptibles, indépendamment de la structure familiale, d'avoir un ratio dette-actif de 80 % et plus. Comme leur dette s'appuie sur leurs avoirs, les risques financiers seront moindres en cas de montée des taux d'intérêt ou de perte d'emploi.

Les Canadiens appartenant à des familles monoparentales sont plus susceptibles de présenter un ratio de remboursement total de 40 % et plus

Lorsque les paiements sur la dette sont importants au regard du revenu des ménages avant impôt, les familles s'exposent à des difficultés financières en cas d'événements imprévus venant grever leur budget.

C'est en calculant un ratio de paiements sur la dette au revenu avant impôt que la Banque du Canada détermine dans quelle mesure les Canadiens sont capables de prendre en charge le remboursement de leurs dettes. En général, elle juge que les ménages sont plus exposés financièrement si le ratio de remboursement total équivaut à 40 % ou plus de leur revenu. Disons, par comparaison, que les institutions financières prennent souvent une proportion de 30 % ou moins pour estimer si elles doivent approuver un prêt hypothécaire.

De 2006 à 2010, le taux d'intérêt moyen sur les prêts hypothécaires ordinaires s'est établi à 6,45 %. Si on se reporte aux données sur les taux d'intérêt et les dettes de l'Enquête canadienne sur les capacités financières de 2009, on peut voir que 4,2 % de tous les ménages canadiens portaient une lourde charge annuelle d'endettement mesurée comme un ratio de remboursement total de 40 % ou plus (pour plus de renseignements sur les concepts et les définitions, voir « Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude »).

Parmi les types de familles, les familles monoparentales étaient proportionnellement les plus nombreuses à porter un fardeau d'endettement (9,6 %). Pour les Canadiens appartenant à des familles biparentales avec enfants, le taux correspondant était de 3,8 % (tableau 3).

Tableau 3 Proportion de Canadiens qui appartiennent à des ménages présentant des ratios élevés de remboursement total, selon le type de familles, 2009 Tableau 3 Proportion de Canadiens qui appartiennent à des ménages présentant des ratios élevés de remboursement total, selon le type de familles, 2009

Facteurs contribuant aux ratios élevés d'endettement

Un grand nombre de facteurs autres que le type de familles peuvent être liés à des ratios élevés d'endettement (dette-revenu, remboursement total et dette-actif). À titre d'exemple, mentionnons que le fait d'appartenir à une famille monoparentale — et non pas à une famille biparentale avec enfants — paraît lié au phénomène de l'insécurité financière mesuré par les trois indicateurs énumérés. Il importe toutefois de voir si le type de familles demeure un prédicteur significatif une fois que d'autres facteurs comme l'âge, le revenu, la propriété de la maison et la situation d'emploi sont pris en compte.

C'est pourquoi on a employé des modèles de régression pour examiner la relation entre des ratios élevés d'endettement (dette-revenu, remboursement total et dette-actif) et le type de familles ainsi que plusieurs autres caractéristiques des ménages et des personnes (tableau 4).

Tableau 4 Facteurs liés à de hauts ratios de mesure de l'endettementTableau 4 Facteurs liés à de hauts ratios de mesure de l'endettement

D'après les résultats, le type de familles n'est plus un prédicteur significatif de ratios élevés de remboursement total et dette-actif une fois pris en compte les effets d'autres variables. En d'autres termes, une fois qu'on tient compte du revenu, de l'âge, de la situation d'emploi et d'autres facteurs, les familles monoparentales sont tout aussi susceptibles que les familles biparentales avec enfants de présenter un ratio de remboursement total de 40 % et plus ou un ratio dette-actif de 80 % et plus. Dans le cas du ratio dette-revenu, on ne relevait pas de différence significative entre les familles monoparentales et les familles biparentales avec enfants. Il reste que les couples sans enfants et les personnes seules présentaient des ratios dette-revenu significativement inférieurs à ceux des familles avec enfants une fois les autres facteurs pris en compte.

On ne s'étonnera pas que l'âge demeure un prédicteur significatif de l'insécurité financière mesurée par nos indicateurs d'endettement. Ainsi, les Canadiens de 50 à 64 ans risquaient significativement moins de présenter des ratios élevés de remboursement total et dette-actif que les gens de 19 à 34 ans après prise en compte d'autres facteurs comme le revenu et la scolarité. Les ratios dette-revenu diminuaient aussi avec l'âge.

L'insécurité financière liée à l'endettement décroit à mesure que croît le revenu

Le revenu était un prédicteur clé des ratios élevés d'endettement. Par rapport aux ménages de la catégorie de revenu 50 000 $ à 79 999 $, les ménages ayant moins de 50 000 $ de revenu avaient 6 fois plus de risques d'avoir des ratios élevés de remboursement total et 1,6 fois plus de risques de présenter de forts ratios dette-actif. Ajoutons que, après prise en compte des autres facteurs sociodémographiques, les ménages de la catégorie de moins de 50 000 $ présentaient un ratio dette-revenu de 162 points supérieur à ceux de la catégorie de 50 000 $ à 79 999 $.

Le fait d'habiter dans une région métropolitaine de recensement (RMR) où les maisons sont chères s'apparentait à de hauts ratios d'endettement pour nos trois indicateurs après prise en compte de la propriété d'une maison, du revenu et d'autres facteurs.

Les Canadiens de souche s'exposaient moins que les immigrants à porter un fardeau d'endettement

Les Canadiens de souche avaient 60 % moins de risques de présenter un haut ratio de remboursement total que les immigrants après prise en compte des effets du revenu, de la scolarité, de la région et de la propriété d'une maison. Leur ratio dette-revenu était inférieur de 43 points et les risques d'un fort ratio dette-actif étaient moindres dans une proportion de 38 %.

Les chômeurs avaient des risques semblables à ceux des personnes qui travaillaient et à ceux des personnes inactives d'avoir un haut ratio de remboursement total et d'avoir environ le même montant de dette (exprimé en pourcentage du revenu). Par contre, chez les chômeurs, les risques d'un haut ratio dette-actif étaient 1,39 fois plus élevés que chez ceux qui avaient déjà un emploi ou qui ne faisaient pas partie de la population active.

Posséder sa maison diminuait les risques d'un ratio dette-actif élevé

Les Canadiens demeurant dans une maison appartenant à un membre du ménage étaient beaucoup plus susceptibles — on ne s'en étonnera pas — d'avoir des paiements importants sur leur dette et un ratio dette-revenu élevé. En revanche, ils avaient environ le tiers moins de risques de présenter un haut ratio dette-actif, et ce, parce que la valeur de leur maison servait de garantie sur leur hypothèque.

Deux indicateurs dans le modèle ont permis de mesurer les connaissances des Canadiens en matière financière. La mesure a été à la fois établie par auto­évaluation et par réponse à un question­naire. Les gens qui jugeaient, par autoévaluation, bien connaître les questions financières risquaient davantage d'être fortement endettés après la prise en compte d'autres facteurs. Toutefois, les connaissances financières évaluées par questionnaire n'étaient pas liées à une forte charge d'endettement ni à un ratio dette-actif élevé bien que de meilleurs connaissances autoévaluées en diminuaient les risques.

De meilleurs résultats à cette double mesure des connaissances financières étaient en corrélation avec des ratios dette-revenu plus élevés. Ainsi, ce ratio s'accroissait d'environ 50 points entre les résultats les plus bas (10e percentile) et les plus élevés (90e percentile) au questionnaire sur les connaissances financières. Les personnes ayant plus de connaissances financières recourent davantage à l'endettement (comme en témoigne la hausse du ratio dette-revenu), mais non au point d'accroître leurs risques d'avoir d'importants paiements sur la dette par rapport au revenu.

Résumé

La baisse des taux d'intérêt et la hausse du revenu des ménages depuis 1984 auront permis aux Canadiens de contracter plus de dettes. De 1984 à 2009, l'endettement des ménages a plus que doublé au Canada. C'est ainsi que, en 2009, le ratio de la dette au revenu après impôt avait atteint 148 % pour les ménages en général. Le ratio dette-actif a été relativement constant de 1990 à 2007, mais il s'est élevé de deux points à 19,6 % entre 2007 et 2008 pour atteindre son plus haut niveau en 35 ans.

Les données de l'Enquête cana­dienne sur les capacités financières de 2009 nous ont permis de pousser l'examen des indicateurs d'endet­tement selon le type de familles. Les Canadiens appartenant à des familles monoparentales avaient des ratios dette-revenu supérieurs et étaient plus susceptibles de présenter des ratios dette-actif élevés. Parmi ces familles, 9,6 % avaient des remboursements annuels correspondant à 40 % et plus de leur revenu.

Une analyse multidimensionnelle démontre que, une fois prise en compte l'incidence du revenu et des autres facteurs sociodémographiques, le type de familles était toujours lié à de forts ratios dette-revenu : les familles biparentales avec enfants et les personnes seules risquaient davantage de présenter des ratios dette-revenu élevés que les couples sans enfants. Toutefois, le type de familles n'avait plus de corrélation avec un haut ratio dette-actif ni avec un ratio de remboursement total de 40 % et plus.

Parmi les facteurs liés à un haut niveau d'endettement ou à un ratio dette-actif de 80 % et plus, on compte notamment le fait d'être né en dehors du Canada, d'avoir un revenu du ménage inférieur et de demeurer dans une RMR où les maisons sont chères. Fait qui n'étonnera personne, les gens de 50 à 64 ans risquaient moins de présenter de hauts ratios d'endettement, aux trois mesures, que les Canadiens plus jeunes.

Matt Hurst est analyste principal à la revue Tendances sociales canadiennes de la Division de la statistique sociale et autochtone.


Notes

  1. ALEXANDER, C., D. BURLETON, et D. PETRAMATA. 2010. « Endettement des ménages canadiens : faut-il s'inquiéter? », Groupe financier Banque TD. Étude spéciale des Services économiques TD.
  2. Dans certaines recherches, on a constaté que l'actif des ménages est devenu plus risqué, moins diversifié et moins liquide que par le passé. Voir ASSOCIATION DES COMPTABLES GÉNÉRAUX ACCRÉDITÉS DU CANADA. 2010. Où est l'argent aujourd'hui? L'endettement des ménages canadiens à l'aube de la reprise économique.
  3. STATISTIQUE CANADA. s.d. Tableau 380-0019, Comptes sectoriels, particuliers et entreprises individuelles, données annuelles (tableau), CANSIM (base de données), /cansim/pick-choisir;jsessionid=B786DE2BDD650C39617BACB84D817AB7?id=3800019&searchTypeByValue=1&lang=fra (site consulté le 29 juin 2010).
  4. ALEXANDER et al. 2010
  5. ALEXANDER et al. estiment que les prix des maisons sont surévalués de 10 % à 15 %.