Elles partagent leur vie : femmes, tendances relatives aux unions et scolarité

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par Laetitia Martin et Feng Hou

Introduction
Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude
Un aperçu des unions en 2006
Les études et le mariage au fil du temps
Les unions libres sont moins fréquentes chez les femmes possédant un diplôme universitaire
L'homogamie éducationnelle
Résumé

Introduction

La société évolue constamment. L'un des changements majeurs dans la deuxième moitié du XXe siècle a été l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail, en particulier au début des années 1970. En même temps que l'évolution du marché du travail faisait croître le besoin de main-d'oeuvre hautement qualifiée, le nombre d'étudiants universitaires augmentait. Cette croissance de la participation à des programmes universitaires a été plus rapide chez les femmes que chez les hommes, à un point tel qu'en 2006 une proportion plus considérable de femmes que d'hommes de 25 à 29 ans détenaient un diplôme universitaire, soit 33 % chez les femmes et 23 % chez les hommes.

Le prolongement de la scolarité chez les femmes a un impact sur le moment où elles effectuent des transitions dans leur vie, entre autres, sur le moment où elles forment une union1. En effet, le cheminement le plus courant est de terminer ses études, de trouver un emploi et ensuite de vivre en couple2. Dans ce contexte, des chercheurs se sont intéressés à la tendance des femmes possédant un niveau de scolarité plus élevé à reporter la fondation d'une famille ou tout simplement à y renoncer3. Qu'en est-il de l'évolution de la situation ces dernières années? Les femmes titulaires d'un grade universitaire demeurent-elles, comme il y a 25 ans, moins susceptibles d'être mariées que celles n'en ayant pas? Lorsque ces femmes sont mariées ou vivent en union libre, sont-elles plus portées qu'auparavant à vivre avec un homme ayant lui aussi un grade universitaire?

En nous appuyant sur les données des recensements de 1981 à 2006, nous nous intéressons à l'évolution de la propension des femmes de 25 à 49 ans à former une union (mariage ou union libre), selon qu'elles sont titulaires d'un grade universitaire ou non. Nous cherchons aussi à savoir si les diplômées universitaires étaient plus ou moins susceptibles de former une union avec des hommes ayant le même niveau de scolarité en 2006 qu'en 1981. (Consultez l'encadré « Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude »).

 

Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude

La présente étude est basée sur des données tirées des recensements de la population de 1981 à 2006. Nous centrons notre analyse sur les femmes de 25 à 49 ans, puisque la plupart des Canadiennes ont terminé leurs études à l'âge de 25 ans et que la proportion d'entre elles en union se stabilise à 49 ans. Nous nous intéressons à l'état matrimonial selon le plus haut niveau de scolarité atteint. Étant donné le faible nombre d'unions de même sexe et qu'aucunes données sur ces unions n'existent pour les années antérieures à 2001, la présente étude ne porte que sur les unions entre sexes opposés.

Définitions

Diplômé universitaire : titulaire d'un baccalauréat, d'une maîtrise ou d'un doctorat. N'inclut pas les titulaires d'un diplôme ou d'un certificat universitaire inférieur au baccalauréat.

Homogamie éducationnelle : conjoints ayant un niveau de scolarité similaire. Dans le cadre de cette étude, il y a homogamie éducationnelle lorsqu'une femme titulaire d'un grade universitaire forme une union (mariage ou union libre) avec un partenaire détenant lui aussi un grade universitaire. 

État matrimonial : situation conjugale d'une personne au moment du recensement. Combine le mariage et l'union libre. Sont considérées comme mariées toutes les personnes légalement mariées, non séparées et ne vivant pas en union libre avec une personne autre que leur époux ou épouse. Sont considérées comme étant en union libre toutes les personnes vivant en couple sans être légalement mariées l'une à l'autre. Les personnes en union libre peuvent être légalement célibataires, divorcées ou veuves. Aux recensements de 1981 et de 1986, les données sur l'union libre étaient tirées des réponses sur le lien entre les personnes. Une variable directe a été introduite au Recensement de 1991.

Mesure des unions dans le recensement : Le recensement permet de mesurer l'état matrimonial le jour du recensement. Les données ne permettent pas de distinguer s'il s'agit de la première union ou d'une union subséquente. Les unions précédant l'union au moment du recensement sont donc exclues du champ d'analyse.

Un aperçu des unions en 2006

D'après les données du Recensement de 2006, plus de la moitié des Canadiennes de 25 à 29 ans étaient en union (mariage ou union libre) cette année-là. La proportion d'unions augmente avec l'âge, chez les femmes âgées de 45 à 49 ans, cette proportion s'élevait à près de trois sur quatre.

Au sein de tous les groupes d'âge, le mariage est plus populaire que l'union libre. Cependant, les femmes plus jeunes avaient plus tendance à vivre en union libre (23 %) que les femmes plus âgées (11 %). Inversement, les femmes de 45 à 49 ans étaient presque deux fois plus susceptibles d'être mariées que les femmes de 25 à 29 ans (respectivement 62 % et 32 %).

Les études et le mariage au fil du temps

En Amérique du Nord, les diplômées universitaires nées avant les années 1960 avaient moins tendance à se marier que les femmes moins scolarisées4. Ce n'est plus le cas, du moins pour le Canada. On constate même, à partir de 2006, l'apparition d'une relation positive entre le fait d'avoir poursuivi les études universitaires et d'être mariée. En effet, les femmes de 25 à 49 ans titulaires d'un diplôme universitaire sont maintenant plus susceptibles d'être mariées que les moins scolarisées (respectivement 57 % et 53 %) (tableau 1).

Tableau 1 Les femmes de 25 à 49 ans, selon l'état matrimonial, le niveau de scolarité et la région de résidenceTableau 1  Les femmes de 25 à 49 ans, selon l'état matrimonial, le niveau de scolarité et la région de résidence

Ce renversement s'observe aussi chez les femmes plus âgées (graphique 1). En 1981, les Canadiennes de 45 à 49 ans détenant un diplôme universitaire étaient moins susceptibles d'être mariées (66 %) que les autres femmes du même groupe d'âge (80 %). Toutefois, au fil du temps, cet écart s'est atténué de sorte qu'en 2001 le pourcentage de femmes mariées était à peu près le même pour les diplômées universitaires que pour les autres (environ 65 %). Finalement, en 2006, une proportion légèrement supérieure de femmes de 45 à 49 ans possédant un diplôme universitaire étaient mariées par rapport aux autres femmes (65 % par rapport à 61 %) (graphique 1).

Graphique 1 Peu importe l'âge, les femmes titulaires d'un grade universitaire étaient aussi susceptibles que les femmes moins scolarisées d'être mariées en 2006Graphique 1  Peu importe l'âge, les femmes titulaires d'un grade universitaire étaient aussi susceptibles que les femmes moins scolarisées d'être mariées en 2006

Chez les 25 à 29 ans, l'écart entre les titulaires d'un grade universitaire et celles n'en détenant pas, en ce qui a trait à la proportion de femmes mariées, s'est amenuisé au fil des années (graphique 1). Malgré tout, en 2006, les plus scolarisées demeuraient légèrement moins susceptibles d'être mariées que les autres (respectivement 31 % et 32 %).

Les unions libres sont moins fréquentes chez les femmes possédant un diplôme universitaire

Depuis 1981, les unions libres sont devenues de plus en plus courantes. La proportion de personnes de 25 à 49 ans vivant en union libre a quadruplé au Canada, augmentant de 4 % en 1981 à 16 % en 2006. Dans la plupart des cas, les unions libres semblent marquer le point de départ de la vie conjugale plutôt qu'être une situation à long terme5. Toutefois, d'après de récentes études, les unions libres en viennent à se substituer au mariage et ce, plus particulièrement au Québec6. En 2006, 31 % des femmes de 25 à 49 ans qui résidaient au Québec vivaient en union libre, tandis que c'était le cas de 11 % des femmes ailleurs au Canada (tableau 1).

En 2006, les femmes ayant fait des études universitaires avaient moins tendance à vivre dans ce type de relation que les moins scolarisées. Au Québec, 30 % des diplômées universitaires vivaient en union libre, une proportion légèrement inférieure à celle des femmes moins scolarisées (32 %). Ailleurs au Canada, la différence était plus marquée, 12 % des femmes moins scolarisées comparativement à 8 % des diplômées universitaires vivaient en union libre.

Graphique 2 Les unions libres sont moins courantes chez les femmes ayant un grade universitaire, particulièrement celles de 25 à 29 ansGraphique 2  Les unions libres sont moins courantes chez les femmes ayant un grade universitaire, particulièrement celles de 25 à 29 ans

L'écart entre les diplômées universitaires et les autres, en ce qui a trait à la propension à vivre en union libre, semble s'être accentué avec le temps. Cette accentuation était observable autant chez les 25 à 29 ans que chez les 45 à 49 ans (graphique 2).

L'homogamie éducationnelle

La scolarisation a toujours influé sur le choix des conjoints dans les sociétés occidentales modernes7. Les établissements scolaires et universitaires offrent aux jeunes gens un contexte où ils peuvent se rencontrer et échanger sur ce qu'ils attendent de la vie, sur leurs valeurs et sur leurs préférences culturelles. Les milieux de travail sont une autre source de rencontre d'éventuels époux. Les gens qui travaillent ensemble peuvent avoir des niveaux de scolarité similaires, ce qui pourrait faciliter les unions entre personnes ayant le même niveau de scolarité (homogamie éducationnelle)8.

En 2006, les femmes de 25 à 49 ans étaient plus susceptibles d'être hautement scolarisées que les hommes du même groupe d'âge : environ 1 543 000 d'entre elles, soit 27 %, avaient obtenu un baccalauréat ou un grade supérieur, comparativement à 23 % des hommes9. Pour 100 de ces femmes, seulement 84 hommes du même groupe d'âge possédaient un niveau de scolarité similaire. Il y a 25 ans, c'était le contraire. Pour 100 femmes ayant obtenu un baccalauréat ou un grade supérieur, 157 hommes avaient fait de même.

Étant donné la croissance du nombre de diplômées universitaires chez les femmes, les hommes titulaires d'un diplôme universitaire avaient plus de chances de trouver une conjointe détenant un tel diplôme en 2006 qu'en 1981. En 2006, 67 % des hommes mariés titulaires d'un diplôme universitaire avaient une épouse ayant atteint le même niveau de scolarité qu'eux alors que leur proportion était de 38 % en 1981 (graphique 3).

Graphique 3 L'homogamie éducationnelle est plus courante chez les femmes mariées que chez celles en union libreGraphique 3  L'homogamie éducationnelle est plus courante chez les femmes mariées que chez celles en union libre

Fait intéressant, en 2006, les femmes mariées titulaires d'un grade universitaire et âgées entre 25 et 49 ans avaient une tendance légèrement moins élevée à l'homogamie éducationnelle que 25 ans plus tôt. Par exemple, la proportion de femmes titulaires d'un grade universitaire ayant épousé des hommes ayant le même niveau de scolarité était de 64 %, comparativement à 67 % 25 ans plus tôt.

Cette légère diminution de l'homogamie éducationnelle des femmes et la forte hausse de l'homogamie éducationnelle chez les hommes pourraient s'expliquer par la hausse plus rapide du taux de diplomation universitaire des femmes. En effet, les femmes ayant fait des études universitaires trouveraient moins de partenaires de scolarité comparable à marier, tandis que ce serait le contraire pour les hommes.

De tels changements pourraient entraîner une hausse de la proportion de femmes diplômées d'une université qui épousent des hommes moins scolarisés qu'elles (un peu comme c'était le cas pour les hommes possédant un diplôme universitaire en 1981). Les observations faites ici incitent cependant à penser que la baisse relative du nombre d'hommes titulaires d'un grade universitaire n'a eu que de légères répercussions sur le taux d'homogamie éducationnelle de ces femmes, pour le moment.

Chez les femmes ayant une formation universitaire, le taux d'homogamie éducationnelle était plus faible parmi celles en union libre (48 % en 2006) que parmi celles qui étaient mariées (64 %). Le taux d'homogamie éducationnelle plus faible noté dans les unions libres peut témoigner d'un souci moindre des femmes à l'égard des gains de leurs partenaires que dans les couples mariés10, l'engagement des partenaires sur les plans juridique et économique étant souvent moins considérable dans les couples en union libre11. Certains chercheurs font remarquer que, malgré la popularité croissante des unions libres, le mariage reste très estimé et les attentes à son égard demeurent très élevées pour assurer la sécurité économique12. Alors que les couples en union libre sont plus enclins à opter pour des modèles non traditionnels en ce qui a trait aux rôles conférés à l'homme et à la femme, le mariage se distingue par une interdépendance économique plus élevée entre les époux13.

Résumé

Les femmes ont fait des gains substantiels en matière de scolarité aux cours des dernières décennies et sont maintenant plus susceptibles d'être titulaires d'un grade universitaire que les hommes. En 2006, pour 100 femmes âgées de 25 à 49 ans ayant obtenu un diplôme universitaire, 84 hommes du même groupe d'âge avaient fait de même. En comparaison, ce rapport s'établissait à 100 femmes pour 157 hommes en 1981.

Au cours du dernier quart de siècle, la situation conjugale des femmes titulaires d'un grade universitaire a considérablement changé. En 2006, ces femmes âgées entre 25 et 49 ans étaient plus susceptibles d'être mariées que les autres (respectivement 57 % et 53 %). En 1981, on observait un scénario inverse : 65 % des diplômées universitaires étaient mariées, comparativement à 76 % de celles ayant un niveau de scolarisation moins élevé.

La majorité des femmes ayant fait des études universitaires se marient avec des hommes ayant aussi fait des études universitaires. Cette tendance a légèrement décliné au cours du dernier quart de siècle. Une tendance similaire est observée pour les femmes vivant en union libre. À l'inverse, les hommes titulaires d'un diplôme universitaire sont de plus en plus susceptibles d'être mariés ou de vivre en union libre avec une femme ayant elle aussi un diplôme universitaire.

Laetitia Martin est analyste du domaine spécialisé à la Division de la statistique sociale et autochtone et Feng Hou est chercheur principal à la Division de l'analyse sociale de Statistique Canada.


Notes

  1. CLARK, Warren. 2007. « Transitions différées des jeunes adultes », Tendances sociales canadiennes, no 84, produit no 11-008-XIF au catalogue de Statistique Canada.
  2. SHAIENKS, Danielle, et Tomasz GLUSZYNSKI. 2009. « Transitions entre les études et le marché du travail chez les jeunes adultes », Série deDocuments de recherche de la division Culture, tourisme et Centre de la statistique de l'éducation, no 075, produit no 81-595-M au catalogue de Statistique Canada.
  3. SHAIENKS et GLUSZYNSKI. 2009
    GOLDSTEIN, Joshua R., et Catherine T. KENNEY. 2001. « Marriage delayed or marriage forgone? New cohort forecasts of first marriage for U.S. women », American Sociological Review, vol. 66, no 4, p. 506 à 519.
    CLARK. 2007.
  4. GOLDSTEIN et KENNEY. 2001.
  5. MILAN, Anne, et Josée NORMAND. 2003. « Accepteriez-vous de vivre en union libre? », Tendances sociales canadiennes, no 70, produit no11-008-XIF au catalogue de Statistique Canada.
    GOLDSTEIN et KENNEY. 2001
  6. LE BOURDAIS, Celine, et Evelyne LAPIERRE-ADAMCYK. 2004. « Changes in conjugal life in Canada: Is cohabiting progressively replacing marriage? » Journal of Marriage and Family, vol. 66, no 4, p. 929 à 942.
  7. HALPIN, Brendan, et Tak Wing CHAN. 2003. « Education homogamy in Ireland and Britain: trends and patterns », British Journal of Sociology, vol. 51, no 4, p. 473 à 496.
    KALMIJN, Matthijs. 1998. « Intermarriage and homogamy: Causes, patterns, trends », Annual Review of Sociology, vol. 24, p. 395 à 421.
  8. OPPENHEIMER, Valerie Kincade. 1994. « Women's rising employment and the future of the family in industrial societies », Population and Development Review, vol. 20, no 2, p. 293 à 342.
  9. L'avance des femmes était plus marquée dans les groupes plus jeunes en 2006 : elle était de 10 points de pourcentage dans le groupe des 25 à 29 ans, mais de 3 points de pourcentage dans celui de 35 à 39 ans; aucune différence n'avait été relevée dans la quarantaine.
  10. BLACKWELL, Debra, et Daniel T. LICHTER. 2000. « Mate selection among married and cohabiting couples », Journal of Family Issues, vol. 21, no 3, p. 275 à 301.
  11. AMBERT, Anne-Marie (2005). Union libre et mariage : y a-t-il des similitudes? Institut Vanier de la famille, Ottawa.
    BUMPASS, Larry, et Hsien-Hen LU. 2000. « Trends in cohabitation and implications for children's family contexts in the United States », Population Studies, vol. 54, no 1, p. 29 à 41.
  12. SELTZER, Judith A. 2004. « Cohabitation in the United States and Britain: Demography, kinship and the future », Journal of Marriage and Family, vol. 66, no 4, p. 921 à 928.
  13. KERR, Don, Melissa MOYSER et Roderic BEAUJOT. 2006. « Marriage and cohabitation: Demographic and socioeconomic differences in Quebec and Canada », Canadian Studies in Population, vol. 33, no 1, p. 83 à 117.