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Réagrément et professions des médecins et ingénieurs immigrants

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par Monica Boyd et Grant Schellenberg

Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude
L'étude et l'exercice de la médecine
En moyenne, les médecins formés à l'étranger se trouvent au Canada depuis environ 11 ans
Le lieu de naissance est le facteur qui influe le plus sur la probabilité de travailler comme médecin au Canada
Les ingénieurs formés à l'étranger sont plus âgés et plus instruits
Les ingénieurs formés en Occident réussissent mieux à décrocher un emploi correspondant à leur domaine d'études
Comment le fait d'être né dans un autre pays peut influer sur la concordance de l'emploi avec le domaine d'études au Canada
Résumé

Dans bon nombre de pays, les politiques d'immigration soulignent qu'il est important d'avoir des travailleurs très scolarisés qui soient en mesure de fournir un bon rendement dans une économie fondée sur le savoir. Dans ce contexte, elles favorisent l'admission d'immigrants ayant reçu une formation professionnelle. Cependant, à leur arrivée, les professionnels formés à l'étranger ont bien souvent de la difficulté à décrocher un emploi dans la carrière qu'ils ont choisie.

Le Canada n'est à cet égard pas différent de beaucoup d'autres pays de destination des immigrants, et cela pour un bon nombre de raisons semblables. Beaucoup de nouveaux immigrants connaissent mal la structure des marchés du travail local et national. Ils n'ont pas nécessairement les réseaux sociaux qui pourraient les soutenir dans leur recherche d'emploi, ils ont souvent une faible maîtrise de la langue et ils ne possèdent pas d'expérience de travail au Canada. Bien souvent, les professionnels sont confrontés à un obstacle supplémentaire dans leur recherche d'un emploi convenable dans leur domaine d'expertise, à savoir que s'ils désirent exercer une profession réglementée (le droit, le génie, les professions du domaine de la santé et certains métiers, par exemple), ils doivent détenir un certificat et/ou un permis délivré par une association professionnelle, laquelle exerce habituellement ses activités en vertu de lois gouvernementales.

Le but de l'agrément est d'assurer la santé et la sécurité du public. Cependant, si les professionnels formés au Canada ont suivi des programmes d'études reconnus, ont une expérience de travail validée et maîtrisent très bien la langue dans laquelle s'exerce les emplois, les professionnels immigrants peuvent quant à eux être confrontés à des difficultés au moment de faire reconnaître leurs grades, leurs antécédents de travail et/ou leurs connaissances linguistiques1. L'opposition entre les politiques nationales d'immigration et les normes d'agrément professionnel crée de ce fait un paradoxe : bien que l'on recrute des immigrants très scolarisés en fonction d'une éventuelle contribution professionnelle à la société canadienne, les exigences auxquelles ils doivent se conformer en matière de réagrément font bien souvent obstacle à une utilisation complète de leurs compétences.

Ces dernières années, les médias ont mis en évidence les difficultés particulières que vivent les médecins formés à l'étranger, incapables d'exercer la médecine au Canada. Les ingénieurs formés à l'étranger constituent un autre groupe professionnel en butte à des difficultés comparables dans l'exercice de leur profession. Faisant usage des données du Recensement de la population de 2001, le présent article traite de la mesure dans laquelle les médecins et ingénieurs formés à l'étranger ne travaillent pas dans les professions pour lesquelles ils ont été formés.

Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude

Dans la présente étude, on analyse les données du Recensement de la population de 20011. La population observée se limite aux personnes qui avaient entre 32 et 54 ans au moment du recensement (mai 2001) et qui vivaient dans des ménages privés. On a retenu ce groupe d'âge parce que les personnes de 32 à 54 ans sont pour la plupart dans la période la plus productive de leur vie, une période où elles sont d'ordinaire bien établies dans leur carrière. La limitation de l'âge a aussi pour effet d'exclure les personnes qui ont pris une retraite hâtive. Les personnes qui étudiaient durant les huit mois précédant le Recensement de 2001 ont aussi été exclues. Cette restriction permet d'éliminer celles qui n'auraient pas terminé leurs études et qui ne seraient pas encore aptes à travailler dans la profession de leur choix.

Suivant des procédures appliquées dans le cadre d'études antérieures2, on a groupé les personnes appartenant à la population observée dans trois catégories mutuellement exclusives : (1) les personnes nées au Canada, (2) les personnes nées à l'étranger qui ont immigré avant leur 19e anniversaire, et (3) les personnes nées à l'étranger qui ont immigré après leur 28e anniversaire et qui sont arrivées au Canada avant 1997. On a supposé que les personnes des deux premiers groupes ont obtenu leur plus haut grade au Canada, et que celles du troisième groupe ont reçu leur plus haut grade ailleurs qu'au Canada et qu'elles avaient résidé au Canada pendant au moins quatre ans en date de décembre 2000. Les données concernant les personnes qui sont nées à l'étranger mais qui ont immigré dans leur enfance sont incluses dans les tableaux et les diagrammes, mais par souci de clarté, on ne traite pas d'elles dans le texte. Ces personnes représentent 11 % de la population étudiée de médecins (3 800 personnes) et 9 % de la population étudiée d'ingénieurs (11 700 personnes).

Personnes nées au Canada : Membres de la population observée qui sont nés au Canada et dont on suppose qu'ils ont reçu leur plus haut grade d'un établissement canadien.
Personnes instruites ou formées à l'étranger : Membres de la population observée qui ont immigré à l'âge adulte (28 ans et plus) et dont on suppose qu'ils ont reçu leur plus haut grade d'un établissement étranger.
Docteurs en médecine / personnes formées en médecine : Personnes qui ont étudié pendant au moins six ans dans une université (ou au moins cinq ans dans une université au Québec), qui ont décroché un grade dans le domaine médical et dont le plus haut grade est dans le domaine de la médecine.
Ingénieurs / personnes formées en génie : Personnes qui ont étudié pendant au moins quatre ans dans une université (ou au moins trois ans dans une université au Québec), qui ont décroché un baccalauréat ou un grade supérieur et dont le plus haut grade est dans le domaine du génie.
Note : Ces critères correspondent aux attentes minimales et protocoles qui, au Canada, s'appliquent aux nouveaux arrivants sur le marché du travail (qu'ils soient canadiens ou nés à l'étranger) aux fins de la formation professionnelle en médecine et en génie. En excluant de l'analyse les personnes qui ont accumulé moins d'années d'études suivant les normes canadiennes et qui, de ce fait, pourraient avoir davantage de difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétence, nous pouvons nous prononcer avec une marge de sécurité suffisante sur ce qui arrive aux professionnels formés à l'étranger sur le marché du travail canadien.
Par souci de commodité, dans le présent article, nous appelons « médecins » et « ingénieurs » les membres de la population observée, mais cela ne signifie pas nécessairement que ces personnes ont obtenu un permis ou un agrément leur permettant d'exercer leur profession au Canada.

Médecins : Omnipraticiens et médecins de famille, médecins spécialistes.
Autres professions du secteur de la santé : Dentistes, vétérinaires, optométristes et personnes exerçant d'autres professions et emplois techniques liés aux soins de santé; inclut les cadres supérieurs et les gestionnaires.
Ingénieurs : Ingénieurs, notamment dans les domaines mécanique, électrique, informatique, chimique, civil, minier et aérospatial.
Emplois en gestion : Cadres supérieurs et gestionnaires (bien souvent, les ingénieurs se voient promus à des postes de gestion qu'ils obtiennent en raison de leurs titres de compétence en génie; par conséquent, on a inclus cette catégorie professionnelle comme étant analogue à celle d'un ingénieur).

Emplois techniques : Analystes des systèmes d'information, programmeurs, technologues et techniciens en génie, chimie, biologie, foresterie et géologie, inspecteurs et fonctionnaires chargés de la réglementation, et ainsi de suite.
Professions non reliées / ensemble des autres professions : Dans le cas des médecins, toutes les professions à l'exception de celle de docteur en médecine et des autres professions dans le domaine de la santé; dans le cas des ingénieurs, toutes les professions à l'exception des professions en génie ou en gestion ou des emplois techniques.
On trouvera une liste complète des professions incluses dans chaque catégorie dans les parties pertinentes du système de classification CNP-S de 2001.

Modèle
La principale question analytique qui est abordée dans le présent article concerne la mesure dans laquelle les médecins et ingénieurs formés à l'étranger ne travaillent pas dans la profession qu'ils ont choisie, comparativement à ceux qui ont reçu leur formation au Canada. Comme une variété de facteurs peuvent influer sur les résultats au regard de l'emploi, nous avons recours à des analyses à variables multiples pour tenir compte des effets de la répartition par sexe, de l'âge, du lieu de résidence, de l'appartenance à une minorité visible, de la langue parlée à la maison, de la fréquentation scolaire au cours de l'année précédente, du type de grade universitaire, du nombre d'années d'études universitaires et du domaine d'études. Les résultats seront présentés sous forme de probabilités prédites, qui correspondent au nombre hypothétique de chances sur 100 qu'une personne possédant certaines caractéristiques occupe un emploi d'une catégorie donnée.


  1. Les données de 2001 étaient les plus récentes au moment de la publication. Les données sur l'emploi provenant du Recensement de la population de 2006 seront disponibles en mars 2008.
  2. Boyd, M. 2001. « Asian Engineers in Canada », The International Migration of the Highly Skilled: Demand, Supply, and Development Consequences, La Jolla, Californie, Center for Comparative Immigration Studies, publié sous la direction de W.A. Cornelius et T. J. Espenshade; Boyd, M. et L. Kaida. 2005. « Foreign Trained and Female: The Double Negative at Work in Engineering Occupations », document présenté à la réunion annuelle de la Société canadienne de sociologie, Learned Societies, London, Ontario, 30 mai; Boyd, M. et D. Thomas. 2001. « Match or Mismatch? The Labour Market Performances of Foreign-Born Engineers », Population Research & Policy Review, no 20, p. 107 à 133; Boyd, M. et D. Thomas. 2002. « Skilled Immigrant Labour: Country of Origin and the Occupational Locations of Male Engineers », Canadian Studies in Population, vol. 29, no 1, p. 71 à 99.

L'étude et l'exercice de la médecine

Une personne qui désire travailler comme médecin au Canada doit détenir un permis délivré par l'organisme de réglementation provincial compétent. Les personnes qui ont fait leurs études à l'étranger doivent se soumettre à une évaluation de leurs connaissances médicales de base, ce qui signifie dans la plupart des cas qu'elles doivent réussir l'examen d'évaluation du Conseil médical du Canada (EECMC). Cet examen évalue les connaissances médicales générales du candidat par rapport à celles des diplômés des écoles canadiennes de médecine. Un candidat sera autorisé à faire l'examen uniquement s'il détient un grade en médecine figurant dans la liste de l'Organisation mondiale de la santé ou dans l'International Medical Education Directory.

Le fait qu'une personne réussisse à l'EECMC ne signifie pas nécessairement qu'elle sera autorisée à exercer la médecine. Dans la plupart des provinces, les diplômés des écoles de médecine étrangères doivent avoir fait deux années d'études supérieures en médecine dans une université canadienne pour pouvoir exercer leur profession à titre de généraliste, et quatre à cinq années d'études pour les autres spécialités. En outre, ils doivent réussir l'examen de certification pertinent du Collège des médecins de famille du Canada ou du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Les immigrants formés à l'étranger qui ont étudié en médecine sont confrontés à des obstacles dans l'obtention de permis en partie en raison du faible nombre de places de résidents disponibles pour les non-Canadiens. Les demandes des diplômés des écoles de médecine de l'extérieur du Canada sont traitées en conformité des politiques établies par chaque établissement d'enseignement en médecine, mais le nombre global de demandeurs dont la candidature est retenue est faible2.

En moyenne, les médecins formés à l'étranger se trouvent au Canada depuis environ 11 ans

Selon les données du Recensement de 2001, on compte au Canada environ 5 400 personnes qui ont étudié la médecine dans un établissement d'enseignement étranger, qui étaient âgés de 28 ans et plus à leur arrivée et qui avaient entre 32 et 54 ans au moment du recensement. Ils représentaient 16 % de l'ensemble des médecins susceptibles d'être disponibles cette année-là, c'est-à-dire du bassin de personnes qui satisfaisaient aux exigences minimales en matière d'études pour exercer la médecine au Canada (consulter « Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude » pour avoir une description de ces exigences).

Les personnes ayant étudié dans un domaine médical à l'étranger ont une moyenne d'âge de 45,8 ans, soit environ deux ans et demi de plus que leurs homologues nés au Canada. Il s'agit d'immigrants assez récents, qui se trouvent au Canada depuis environ 10,8 ans. Ils sont plus susceptibles de vivre dans les villes qui exercent une forte attraction : plus de la moitié vivent à Toronto, à Montréal ou à Vancouver, comparativement à un peu plus d'un tiers des médecins nés au Canada. La moitié d'entre eux sont membres de groupes de minorité visible, ce qui représente une proportion quinze fois plus élevée que chez les médecins nés au Canada. Plus d'un tiers sont nés en Asie, et un quart, en Afrique. Compte tenu qu'ils viennent de régions aussi variées dans le monde, on ne sera pas surpris d'apprendre qu'environ la moitié seulement d'entre eux parlent l'anglais et/ou le français le plus souvent à la maison (tableau A.1).

Les personnes qui avaient étudié la médecine à l'étranger avaient moins d'années d'études universitaires, soit 8,3 années en moyenne, que les personnes nées au Canada (9,1 années). Tandis que 12 % des personnes formées à l'étranger étaient sans emploi lors du Recensement de 2001, cette proportion s'établissait à seulement 2 % chez les personnes nées au Canada.

Quoi qu'il en soit, les différences les plus marquées entre les deux groupes se sont manifestées lors de l'examen des professions que leurs membres exerçaient. Chez les personnes nées au Canada qui avaient étudié en médecine, au moins 90 % travaillaient comme médecins. Par contre, seulement 55 % des personnes formées à l'étranger travaillaient comme médecins; en outre, 33 % travaillaient dans des emplois qui n'avaient aucun lien avec la médecine ou avec les soins de santé en général (graphique 1).

Graphique 1 Un peu plus de la moitié des médecins formés à l'étranger travaillaient comme médecins en 2001. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 1
Un peu plus de la moitié des médecins formés à l'étranger travaillaient comme médecins en 2001

Le lieu de naissance est le facteur qui influe le plus sur la probabilité de travailler comme médecin au Canada

Comme le montre clairement ce profil succinct, les médecins formés à l'étranger constituent un groupe hautement hétérogène aux caractéristiques très variables. Ces caractéristiques peuvent influer de manière marquée sur la probabilité qu'une personne finisse par travailler dans la profession qu'elle a choisie.

Généralement, l'âge présente une corrélation avec les professions de niveau plus élevé parce que les travailleurs plus âgés ont habituellement plus d'expérience sur le marché du travail, ce qui peut accroître la probabilité qu'ils travaillent dans la profession qu'ils ont choisie. Par contre, la discrimination en fonction de l'âge dont font l'objet les travailleurs plus âgés peut aussi avoir des effets négatifs. Le lieu de résidence prend en compte les effets des marchés du travail régionaux et locaux; les grandes villes (RMR) ont des économies fondées sur le savoir plus développées que les villes de moindre taille, et on y offre probablement de meilleures possibilités d'emploi. La langue parlée à la maison fournit un indicateur indirect du degré de maîtrise des langues officielles du Canada, car la capacité d'utiliser efficacement l'anglais ou le français a non seulement pour effet d'élargir les possibilités d'emploi, mais elle correspond à une exigence pour l'obtention du réagrément médical au Canada.

Chez les personnes ayant immigré à l'âge adulte, on pourrait s'attendre à ce que la période d'arrivée et le lieu de naissance constituent les facteurs les plus importants pour déterminer s'il parviendront ou non à se trouver un emploi comme médecins. Les raisons en sont fort simples : les médecins formés à l'étranger qui sont nés dans des pays où l'anglais ou le français est beaucoup parlé ou enseigné (États-Unis, Royaume-Uni et pays d'Europe du Nord et d'Europe de l'Ouest, par exemple) devraient avoir une meilleure maîtrise des langues officielles du Canada. De même, les médecins qui sont arrivés récemment au Canada peuvent ne pas être autorisés à travailler comme médecins parce qu'il faut du temps pour faire les examens et pour suivre toute formation nouvelle requise en vue du réagrément. Enfin, le marché du travail a été moins favorable aux immigrants dans les années 1990 que dans les décennies précédentes, ce qui pourrait avoir eu une incidence sur la concordance entre les titres de compétences et la profession exercée.

De fait, une régression à plusieurs variables montre que ces caractéristiques personnelles sont associées de façon significative à la probabilité qu'une personne ayant étudié la médecine à l'étranger exerce dans les faits la médecine (on trouvera à la partie « Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude » une description plus complète de la technique). Lorsqu'on prend en compte toutes les autres variables du modèle, il ressort clairement que les personnes nées dans certaines régions ont de meilleures chances de décrocher un emploi de médecin.

Un médecin né au Canada, dont on supposera qu'il a reçu sa formation dans un établissement d'enseignement canadien, avait une probabilité prédite de travailler comme médecin de 92 %. Quand on tient compte de toutes les autres variables, ses homologues formés à l'étranger et étant nés en Afrique ou en Asie du Sud auraient également de bonnes chances de travailler comme médecins, la probabilité étant estimée à 85 % et 87 % respectivement. À l'opposé, un médecin formé à l'étranger et étant né dans d'autres régions de l'Asie ou en Europe de l'Est présentait la plus faible probabilité (moins de 66 chances sur 100) de travailler dans la profession qu'il avait choisie (tableau 1).

Tableau 1 Les médecins formés à l'étranger et récemment immigrés ont une probabilité prédite bien moindre de travailler dans leur domaine. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Les médecins formés à l'étranger et récemment immigrés ont une probabilité prédite bien moindre de travailler dans leur domaine

L'effet de la période d'arrivée n'est pas aussi fortement associé à la probabilité de travailler comme médecin. La probabilité de travailler comme médecin était très semblable chez les médecins formés à l'étranger et étant arrivés avant 1980 et chez les personnes nées au Canada et ayant étudié la médecine, soit de 95 % et 92 % respectivement, une fois les autres facteurs pris en compte. Cependant, la probabilité prédite de trouver un emploi dans la profession de son choix était plus faible chez les personnes arrivées plus récemment. Un médecin formé à l'étranger qui était arrivé au début des années 1980 avait une probabilité prédite de travailler comme médecin de 86 %, mais cette proportion n'était que de 70 % chez ceux qui étaient arrivés au Canada au début des années 1990. En général, les immigrants arrivés durant les années 1990 et après ont éprouvé plus de difficultés sur le marché du travail que ceux arrivés durant les décennies précédentes.

Les ingénieurs formés à l'étranger sont plus âgés et plus instruits

L'importance que le Canada accorde à l'admission de travailleurs hautement qualifiés est mise en évidence par le nombre d'ingénieurs formés à l'étranger qui ont été accueillis ici. Environ 34 100 ingénieurs appartenant à la population observée avaient immigré à l'âge adulte; ils représentaient plus du quart des ingénieurs de 32 à 54 ans se trouvant au Canada (tableau A.2).

Pour obtenir un permis d'ingénieur au Canada, une personne formée à l'étranger doit soumettre une demande officielle à l'organisme provincial compétent chargé de la délivrance des permis, acquitter les droits exigibles et satisfaire à toutes les exigences qui régissent l'admission. Notamment, elle doit subir avec succès un examen technique et un examen de déontologie. Elle doit fournir une preuve qu'elle a accumulé quatre années d'expérience, dont une année d'expérience de travail au Canada, et elle doit soumettre des références fournies par des ingénieurs canadiens.

Les ingénieurs formés à l'étranger sont un peu plus âgés que leurs homologues nés au Canada, leur moyenne d'âge étant de 44,5 ans, soit près de trois ans de plus que les ingénieurs nés au Canada. Près de 1 sur 5 sont des femmes, ce qui représente le double de la proportion observée chez les ingénieurs nés au Canada. Plus des deux tiers vivent à Toronto, Vancouver et Montréal. Près de la moitié sont originaires de pays de l'Asie, et plus du quart, de l'Europe de l'Est. Compte tenu de la diversité des pays dont ils sont originaires, les ingénieurs formés à l'étranger représentent une grande variété de cultures, et on ne sera pas surpris d'apprendre que plus des deux tiers parlent à la maison une langue autre que l'anglais ou le français. Plus de la moitié appartiennent à un groupe de minorité visible. Par contraste, seulement 3 % des ingénieurs nés au Canada sont membres d'une minorité visible.

La plupart des ingénieurs formés à l'étranger sont arrivés au Canada au cours des années 1990 ; ils se trouvent au Canada depuis environ 9 ans en moyenne. Contrairement aux médecins formés à l'étranger, les ingénieurs qui ont étudié à l'étranger ont tendance à être un peu plus instruits que leurs homologues nés au Canada. En effet, ils ont étudié 5,4 ans en moyenne avant d'obtenir leur titre de compétence, comparativement à 4,9 ans pour les ingénieurs nés au Canada.

Bien que les ingénieurs formés à l'étranger ne soient qu'un peu moins susceptibles d'avoir occupé un emploi au moment du Recensement de 2001, les catégories d'emploi qu'ils occupaient étaient sensiblement différentes de celles des ingénieurs nés au Canada. Seulement 26 % des ingénieurs formés à l'étranger occupaient un emploi dans le domaine du génie, comparativement à 41 % des ingénieurs nés au Canada. En outre, une plus faible proportion d'entre eux occupaient un poste de gestion, soit 17 %, comparativement à 28 % chez les ingénieurs nés au Canada (graphique 2).

Graphique 2 Plus de la moitié des ingénieurs formés à l'étranger travaillaient dans un emploi technique ou non relié au domaine du génie. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 2
Plus de la moitié des ingénieurs formés à l'étranger travaillaient dans un emploi technique ou non relié au domaine du génie

Les ingénieurs formés en Occident réussissent mieux à décrocher un emploi correspondant à leur domaine d'études

Quels facteurs sous-jacents expliquent les cheminements professionnels différents observés chez les personnes qui ont étudié en génie? Les caractéristiques personnelles jouent un rôle, mais comme dans le cas des médecins, la période d'arrivée au Canada et le lieu de naissance constituent les principaux facteurs explicatifs. Le lieu de naissance est un facteur particulièrement important dans le cas des ingénieurs parce que le Conseil canadien des ingénieurs3 a conclu des ententes de réciprocité reconnaissant les programmes agréés d'ingénierie de certains pays, soit par exemple les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et Hong-Kong. Ces ententes devraient limiter les obstacles au réagrément professionnel auxquels peuvent être confrontées les personnes qui ont fait leurs études dans ces pays.

De fait, la probabilité prédite qu'un ingénieur formé à l'étranger et né en Amérique du Nord, en Europe ou en Océanie occupe un emploi d'ingénieur est la même que chez les ingénieurs de souche canadienne (39 %, comparativement à 40 %). Une fois pris en compte tous les autres facteurs, cette probabilité est presque aussi élevée chez les ingénieurs nés en Asie du Sud, dans les Caraïbes ou en Amérique Latine. Par contre, la probabilité prédite est très faible, soit de seulement 15 %, chez les ingénieurs nés en Asie du Sud-Est (tableau 2).

Tableau 2 Le lieu de naissance a un effet significatif sur la probabilité qu'une personne occupe un poste d'ingénieur. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 2
Le lieu de naissance a un effet significatif sur la probabilité qu'une personne occupe un poste d'ingénieur

De même, la probabilité d'occuper un emploi d'ingénieur est moindre chez les personnes qui sont arrivées au Canada plus récemment, une fois pris en compte tous les autres facteurs. Un ingénieur formé à l'étranger et étant arrivé au Canada avant les années 1980 présentait une probabilité sensiblement plus élevée de travailler dans le domaine qu'il avait choisi qu'un ingénieur étant arrivé au début des années 1980 (47 %, comparativement à 37 %). Dix ans plus tard, soit au début des années 1990, la probabilité prédite s'établissait à seulement 31 %.

Comment le fait d'être né dans un autre pays peut influer sur la concordance de l'emploi avec le domaine d'études au Canada

Les caractéristiques personnelles d'un professionnel (niveau d'instruction, domaine d'études, maîtrise de la langue, proximité d'un marché du travail lié à une économie fondée sur le savoir, etc.) influent sur la probabilité de décrocher un emploi correspondant à ses compétences et à sa formation. Cependant, dans le cas d'un immigrant, et surtout d'un immigrant récent, les caractéristiques du pays d'origine peuvent également influer sur la réussite. Des perturbations politiques ou économiques pourront empêcher une personne de fournir une documentation suffisante à l'appui de l'agrément. C'est ce qui s'est produit par exemple dans les années 1990, quand le nombre d'immigrants admis au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire a augmenté.

Cependant, la chose la plus importante pour le professionnel qui demande un réagrément au Canada, ce sont les caractéristiques du système d'enseignement du pays d'origine, à savoir la durée de la scolarité et la qualité de l'enseignement4, y compris le contenu des grades professionnels, les exigences associées aux grades spécialisés et l'utilisation du français ou de l'anglais dans le système d'enseignement (ou dans les grands secteurs de l'économie).

Le modèle utilisé dans la présente étude prend en compte les différences de chacune des deux populations observées en neutralisant les caractéristiques et variations individuelles dans la structure de composition des groupes. Toutefois, ce modèle ne permet pas de tenir compte des différences qui existent entre les caractéristiques des pays sources et qui peuvent influer sur l'expérience vécue par l'immigrant au regard de la formation et de l'emploi. Quoi qu'il en soit, les conclusions de l'étude suggèrent bien que les différences sur le plan professionnel entre les personnes nées au Canada et les personnes nées à l'étranger sont reliées aux exigences en matière d'agrément, lesquelles peuvent ne pas placer les programmes d'études offerts dans les établissements étrangers sur un pied d'égalité avec ceux des établissements canadiens.

Résumé

Les données du Recensement de la population confirment que les médecins et ingénieurs formés à l'étranger sont moins susceptibles que leurs homologues nés au Canada de décrocher un emploi dans une profession concordant avec la formation professionnelle qu'ils ont reçue. Le sous-emploi se manifeste le plus fréquemment chez les immigrants formés à l'étranger qui sont nés en Asie du Sud-Est et en Asie de l'Est. À l'inverse, chez les personnes qui ont reçu une formation en médecine ou en génie à l'extérieur du Canada, celles qui sont nées en Asie du Sud ou dans les pays européens autres que ceux de l'Europe de l'Est sont les plus susceptibles de travailler comme médecins ou ingénieurs5. Ces constatations concordent avec les rapports qui soulignent que les exigences liées au réagrément constituent des facteurs importants eu égard à l'intégration au marché du travail des personnes formées à l'étranger.

Monica Boyd est professeure au Département de sociologie de l'Université de Toronto et chercheure universitaire principale invitée à Statistique Canada. Grant Schellenberg est analyste de recherche principal à la Division de l'analyse des entreprises et du marché du travail de Statistique Canada.


Notes

  1. Tant dans le domaine médical que dans celui du génie, les associations exigent des preuves de maîtrise de la langue, pour des raisons de sécurité du public. Toutefois, on peut observer des différences marquées entre les associations qui délivrent des permis et entre les candidats concernant les niveaux de maîtrise de la langue considérés comme acceptables. Des études de cas ont révélé que des professionnels immigrants se font dire que leurs compétences linguistiques sont insuffisantes, alors qu'ils estiment en fait avoir une bonne maîtrise de la langue. Ce qui pourrait entrer en jeu ici, ce sont des perceptions divergentes à l'égard du nombre de mots dont on sait ou considère qu'il équivaut à un niveau satisfaisant de compétence linguistique, de la connaissance des termes techniques en usage au Canada et de l'accent.
  2. Entre 1996 et 1999, le nombre de diplômés étrangers en médecine acceptés à l'issue du premier tour de jumelage des résidents s'est établi entre 11 et 35. Leur nombre s'est accru par la suite, mais en 2005, seulement 80 jumelages ont été réalisés pour des diplômés étrangers en médecine placés dans des écoles canadiennes de médecine. Cela représentait 13 % du nombre total de demandeurs formés à l'étranger qui ont soumis leur candidature au Service canadien de jumelage des résidents cette année-là. Cette proportion est généralement plus élevée que ce que l'on observait au début des années 1990. (www.carms.ca/jsp/main.jsp?path=../content/statistics/report/re_2005#table23, consulté le 9 juin 2005; www.carms.ca/eng/operations_R1stat_2005_e.shtml#imgs2nd, consulté le 14 juin 2007). Lors du deuxième tour, les placements ont augmenté à 111 médecins formés à l'étranger en 2006, pour ensuite reculer à 69 en 2007. Cependant, à la suite d'une requête qui a été acceptée par l'Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), les diplômés étrangers en médecine qui satisfont aux critères d'admissibilité sont maintenant autorisés à présenter une demande lors du premier tour de jumelage dans six provinces sur huit (www.carms.ca/eng/r1_about_intro_e.shtml, consulté le 15 juin 2007).
  3. En février 2007, le Conseil canadien des ingénieurs a changé de nom. Il s'appelle maintenant Engineers Canada – Ingénieurs Canada.
  4. Boyd, M. et D. Thomas. 2001. « Match or Mismatch? The Labour Market Performances of Foreign-Born Engineers », Population Research & Policy Review, no 20, p. 107 à 133; Sweetman, A. 2004. Qualité de l'éducation des immigrants dans leur pays d'origine et résultats sur le marché du travail canadien, no 234, produit no 11F0019MIF au catalogue de Statistique Canada, Document de recherche.
  5. Alboim, N. et E. McIsaac. 2007. « Making the Connections: Ottawa's Role in Immigrant Employment », Choices, vol. 13, no 3 (mai), p. 2 à 24; Szafran, O., R. A. Crutcher, et S. R. Banner Mamoru Watanabe. 2005. « Canadian and immigrant international medical graduates », Le médecin de famille canadien, vol. 51, septembre, p. 1242 à 1243; Wanner, R.A. 1998. « Prejudice, profit or productivity: Explaining returns to human capital among male immigrants to Canada », Études ethniques au Canada, vol. 30, no 3, p. à 32.