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Transitions différées des jeunes adultes

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par Warren Clark

La population de jeunes adultes en bref
Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude
Le rythme de chaque transition est plus lent qu'en 1971
Les femmes font leurs transitions plus tôt que les hommes
Demeurer aux études diffère la plupart des transitions
Les femmes quittent encore la maison à un plus jeune âge que les hommes
Plus de femmes mais moins d'hommes font une transition à un travail à plein temps toute l'année
Unions conjugales différées
La plupart des jeunes adultes remettent maintenant à plus tard la décision d'avoir des enfants
Pourquoi les transitions sont‑elles différées?
Résumé

La transition à l'âge adulte est souvent perçue comme une période où les jeunes franchissent les étapes une à une. Après l'âge de 18 ans, ils ont la possibilité de devenir de plus en plus indépendants de leurs parents. Pendant cette période de transition, les jeunes prennent toutes sortes de décisions, c'est-à-dire où ils vivront et avec qui, de quelle façon ils poursuivront leurs études, quel genre de travail les intéresse et s'ils se marieront et auront des enfants.

Ces dernières années, les spécialistes des sciences sociales ont constaté que la transition à l'âge adulte est plus longue qu'auparavant. Les jeunes vivent avec leurs parents plus longtemps1, font plus d'études et fréquentent l'école plus longtemps que leurs parents. L'âge du mariage a augmenté, les taux de fécondité sont en chute et l'âge auquel les femmes ont leur premier enfant a augmenté2.

Dans le présent article, on traite des transitions des jeunes adultes. À l'aide des données des recensements de 1971 à 2001, on explique de quelle façon le moment des transitions a changé et a été différé. On établit le profil des jeunes adultes âgés de 18 à 34 ans et examine les cinq transitions importantes qu'un grand nombre de jeunes font pour acquérir leur indépendance : terminer leurs études, quitter la maison de leurs parents, avoir un emploi à plein temps toute l'année, entrer dans une relation conjugale et avoir des enfants.

La population de jeunes adultes en bref

Selon le Recensement de 2001, il y avait approximativement 6,7 millions de jeunes adultes de 18 à 34 ans vivant dans des ménages privés cette année-là. Environ 41 % d'entre eux avaient moins de 25 ans, soit la période pendant laquelle ils effectuent les changements les plus rapides. Les jeunes adultes formaient aussi un groupe très hétérogène, reflétant ainsi l'évolution rapide de la diversité ethnique au Canada ces 30 dernières années. En effet, près de 1 sur 5 est né à l'étranger et 1 sur 6 est membre d'une minorité visible (tableau 1).

Les jeunes adultes représentent le groupe le plus mobile de la population — environ 1 personne sur 4 avait déménagé au cours de l'année précédant le Recensement de 2001. Ils cherchent activement de nouvelles possibilités d'études et d'emploi et veulent former leur propre ménage. Ils sont également plus susceptibles de vivre dans une des plus grandes villes canadiennes, où les possibilités d'emploi et d'études ont tendance à être plus abondantes.

Tableau 1 Les jeunes adultes d'aujourd'hui âgés de 18 à 34 ans diffèrent considérablement de ceux d'il y a 30 ans. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Les jeunes adultes d'aujourd'hui âgés de 18 à 34 ans diffèrent considérablement de ceux d'il y a 30 ans

Ce qu'il faut savoir au sujet de la présente étude

Habituellement, on analyse les transitions du cycle de vie grâce à des données longitudinales permettant de suivre les mêmes personnes pendant une certaine période. Dans le présent article, on a plutôt effectué une analyse comparative de quatre cohortes de jeunes âgés de 18 à 34 ans dans les ménages privés des recensements de la population de 1971, 1981, 1991 et 2001. Cinq indicateurs de la transition à l'âge adulte sont examinés : quitter l'école, quitter la maison, travailler à plein temps toute l'année, trouver un conjoint et avoir des enfants.

Ces indicateurs de l'âge adulte tirés du recensement sont en fait des instantanés qui ont été pris aux dates de référence du recensement et ne représentent pas des changements sociaux terminés ou irréversibles. Les instantanés indiquent simplement à quelle étape de la transition les jeunes adultes étaient rendus à ces dates précises. S'ils avaient été interrogés à des moments différents, leur cheminement aurait pu prendre une nouvelle direction puisque les cinq indicateurs sont réversibles. Par exemple, les jeunes adultes qui quittent la maison à un certain point peuvent retourner vivre avec leurs parents plus tard; ceux qui ne fréquentent plus l'école pourraient par la suite y retourner; ceux qui détiennent un emploi à plein temps pourraient le perdre ou le quitter. Certains jeunes peuvent combiner les études et le travail, d'autres peuvent tenter le marché du travail puis retourner aux études. Certains peuvent commencer leur famille avant d'avoir terminé leurs études et d'entrer sur le marché du travail, tandis que d'autres peuvent se marier et avoir des enfants seulement après avoir établi une carrière1.

Néanmoins, ces indicateurs reflètent les principaux points d'entrée dans la vie adulte et sont donc toujours utiles pour comprendre cette période de transition.

Voici les cinq indicateurs de la transition à l'âge adulte :
A quitté l'école — n'a pas fréquenté l'école, le collège ou l'université, à plein temps ou à temps partiel, pendant la période de neuf mois entre septembre et mai.
A quitté le domicile parental — n'est pas un enfant d'une famille économique ni un enfant jamais marié dans une famille de recensement.
Travail à plein temps toute l'année — a travaillé au moins 49 semaines à plein temps au cours de la dernière année.
A déjà été dans une union conjugale — est marié(e), veuf(ve), séparé(e) ou divorcé(e) [c.­à­d. a déjà été marié(e)] ou vit actuellement en union libre. Dans le texte, ce concept est formulé de la façon suivante : « a déjà été dans une union conjugale ».
A des enfants — a des enfants qui n'ont jamais été mariés et qui vivent dans le même ménage.

1. Rumbant, R.G. 2004. « Young adults in the United States: A Profile », The Network on Transitions to Adulthood, Research Network, document de travail no 4, (site consulté le 29 janvier 2007).

Le rythme de chaque transition est plus lent qu'en 1971

Avoir 18 ans est souvent perçu comme une des étapes importantes à franchir dans la transition à l'âge adulte. Au Canada, 18 ans est l'âge légal pour voter. C'est l'âge auquel un grand nombre de jeunes adultes se préparent à quitter l'école secondaire et à explorer d'autres possibilités d'études ou de travail. À 18 ans, peu de jeunes adultes ont franchi l'une ou l'autre des cinq étapes traditionnelles menant à l'âge adulte : quitter l'école, quitter la maison, avoir un emploi à plein temps stable, être en union conjugale et avoir des enfants.

Le nombre de transitions qu'un jeune adulte a fait est un indicateur grossier de sa progression vers l'âge adulte entre 18 et 34 ans. À l'aide des indicateurs établis dans cet article, ce nombre peut varier entre 0 et 5. Fait peu surprenant, en moyenne, les jeunes adultes âgés de 18 ans ont effectué un moins grand nombre de transitions à l'âge adulte que ceux âgés de 34 ans (graphique 1). Toutefois, ce qui est plus important encore, c'est que les jeunes adultes en 2001 avaient fait moins de transitions que la cohorte de 1971 au même âge.

Graphique 1 Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont fait moins de transitions. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 1
Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont fait moins de transitions

En moyenne, un jeune adulte de 25 ans en 2001 avait fait le même nombre de transitions qu'un jeune adulte de 22 ans en 1971. Pour sa part, un jeune adulte de 30 ans en 2001 avait fait le même nombre de transitions qu'un jeune adulte de 25 ans en 1971. Cela signifie que le cheminement vers l'âge adulte n'est plus aussi direct qu'il ne l'était en 1971. En fait, vous pourriez dire que les transitions des jeunes adultes d'aujourd'hui sont non seulement différées mais également allongées : différées parce que les jeunes adultes prennent plus de temps pour terminer leur première grande transition (quitter l'école), repoussant ainsi toutes les transitions à venir, et allongées parce que chaque autre transition est plus longue et rallonge le processus de la fin de l'adolescence jusqu'au début de la trentaine (comme l'indique la pente beaucoup plus douce de la courbe associée à la cohorte de 2001 dans le graphique 1). En revanche, la cohorte de 1971 a plus de transitions à son actif dans les années allant de la fin de l'adolescence au milieu de la vingtaine et un moins grand nombre d'entre elles jusqu'au début de la trentaine.

Les femmes font leurs transitions plus tôt que les hommes

En général, les femmes passent par les grandes transitions à l'âge adulte plus tôt que les hommes. Elles sont plus susceptibles de quitter la maison, de se marier et d'avoir des enfants à un plus jeune âge. Par ailleurs, les hommes quittent l'école plus tôt et décrochent un emploi à plein temps toute l'année à un plus jeune âge. En 2001, à 18 ans, il n'y a pas de différence entre le nombre moyen de transitions que les jeunes femmes et les jeunes hommes ont fait (chacun déclarant 0,4 transition). Toutefois, étant donné que les femmes vivent un plus grand nombre de changements plus tôt que les hommes, l'écart entre les sexes augmente du début jusqu'au milieu de la vingtaine. Au moment où elles atteignent la trentaine, l'écart se referme (graphique 2).

Graphique 2 Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont fait moins de transitions. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 2
Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont fait moins de transitions

La situation est bien différente de celle de 1971, où les jeunes femmes avaient fait plus de transitions que les hommes à 18 ans et où l'écart entre les sexes s'était refermé à 27 ans. C'était à l'époque où il était encore peu courant pour les jeunes femmes de recevoir une formation postsecondaire. Plusieurs d'entre elles se trouvaient un emploi, et la plupart se mariaient et avaient des enfants après avoir terminé l'école secondaire. Dans le même ordre d'idées, les hommes de cette période étaient plus susceptibles d'être dans une relation conjugale et d'avoir des enfants, ce qui explique pourquoi ils sont devenus adultes plus rapidement que la cohorte de 2001.

Demeurer aux études diffère la plupart des transitions

Le rôle changeant des femmes dans la société a contribué aux progrès remarquables que ces dernières ont faits en ce qui a trait à leur niveau de scolarité au cours des 30 dernières années (graphique 3). Elles ont maintenant accès à un plus large éventail de possibilités de formation et d'emploi. Le pourcentage de jeunes femmes âgées de 30 à 34 ans qui sont diplômées d'université est quatre fois plus élevé. Il est passé de 7 % en 1971 à 29 % en 2001. La proportion a presque doublé pour les jeunes hommes, passant de 13 % à 25 %, sur la même période. Sur un grand nombre de campus universitaires, les femmes sont maintenant plus nombreuses que les hommes (bien que les hommes soient toujours majoritaires au niveau du doctorat)3.

Graphique 3 Les gains réalisés sur le plan de la scolarité... signifient qu'on est plus âgé à la fin des études. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 3
Les gains réalisés sur le plan de la scolarité... signifient qu'on est plus âgé à la fin des études

Résultat de ces changements, en ce qui a trait aux attentes et aux possibilités, les femmes et les hommes terminent leurs études à un âge de plus en plus avancé. En 1971, les trois quarts des jeunes adultes avaient quitté l'école à l'âge de 22 ans, tandis que seulement la moitié d'entre eux avaient quitté l'école à cet âge en 2001. Les étudiants au baccalauréat obtiennent aujourd'hui leur diplôme à l'âge de 23 ans, mais ils sont beaucoup plus susceptibles que la génération précédente de poursuivre un programme de maîtrise ou de doctorat, où l'âge médian de l'obtention du diplôme est de 29 et de 33 ans respectivement4. Étant donné que la plupart des jeunes ne veulent pas se marier ni avoir d'enfants avant d'avoir terminé leurs études, la période d'études prolongée qu'ils entreprennent met en suspens la plupart des autres transitions à l'âge adulte.

Les femmes quittent encore la maison à un plus jeune âge que les hommes

Pour bien des parents, le fait qu'un enfant adulte quitte la maison est perçu comme une indication d'une transition réussie à l'âge adulte. Toutefois, cela prend plus de temps aujourd'hui pour atteindre cette étape. En 2001, par exemple, 60 % des hommes et 73 % des femmes âgés de 25 ans ne vivaient plus avec leurs parents, comparativement à 78 % pour les hommes et 89 % pour les femmes âgés de 25 ans en 1971 (graphique 4). Toutefois, la plupart des parents sont également d'avis que le fait de vivre à la maison pendant les études peut faire en sorte qu'il soit plus facile et moins dispendieux pour les jeunes de terminer leurs études et d'obtenir un emploi5. Ainsi, un plus grand nombre d'enfants adultes diffèrent leur départ du foyer familial jusqu'à ce qu'ils terminent leurs études et soient en mesure d'être autonomes sur le plan financier. Cependant, non seulement les jeunes adultes d'aujourd'hui quittent la maison plus tard que la génération de leurs parents, ils sont également plus susceptibles d'y revenir6.

Graphique 4 Les jeunes adultes quittent la maison plus tôt en 1971 qu'en 2001. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 4
Les jeunes adultes quittent la maison plus tôt en 1971 qu'en 2001

Dans chaque génération, les jeunes femmes ont toutefois tendance à quitter la maison plus tôt que les hommes. Cette différence entre les sexes reflète le fait que les femmes entrent dans une relation conjugale plus tôt que les hommes.

Les jeunes adultes d'aujourd'hui qui quittent la maison sont plus susceptibles de vivre seuls. C'est particulièrement le cas des jeunes adultes ayant une formation universitaire. Les jeunes hommes sont également plus susceptibles que les jeunes femmes de vivre seuls : le taux atteint un sommet à l'âge de 28 ans (13 %) et demeure relativement près de ce sommet jusqu'à l'âge de 34 ans. En revanche, le taux pour les femmes est le plus élevé à l'âge de 27 ans (9 %) et s'estompe par la suite. Cela signifie que, comparativement au passé, un plus grand nombre de jeunes hommes ont développé un style de vie de célibataire qui dure facilement jusque dans la trentaine.

Plus de femmes mais moins d'hommes font une transition à un travail à plein temps toute l'année

Comparativement à leurs homologues en 1971, les jeunes hommes sont moins susceptibles de travailler à plein temps toute l'année, tandis que les jeunes femmes âgées de 24 ans et plus sont plus susceptibles de le faire (graphique 5). Cette tendance indique clairement que les femmes d'aujourd'hui ont tendance à demeurer sur le marché du travail même après certaines transitions, comme celle d'avoir des enfants.

Graphique 5 Les jeunes femmes sont beaucoup plus susceptibles d'avoir un emploi à plein temps toute l'année que dans le passé. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 5
Les jeunes femmes sont beaucoup plus susceptibles d'avoir un emploi à plein temps toute l'année que dans le passé

En 1971, peu de mères d'enfants d'âge préscolaire avaient un travail à plein temps toute l'année (9 %), mais, en 2001, cette proportion a triplé pour atteindre 27 %. Dans la même veine, on a également constaté une augmentation du nombre d'emplois à plein temps toute l'année chez les femmes ayant des enfants plus vieux7. Par ailleurs, les femmes sans enfants ont déclaré peu de changements au cours de cette période, environ un tiers d'entre elles occupant un emploi à plein temps toute l'année en 1971 comme en 2001.

Unions conjugales différées

La situation des jeunes adultes dans le ménage a connu des changements radicaux au cours des 30 dernières années. Premièrement, se marier et avoir des enfants est devenu moins courant (graphique 6). Deuxièmement, cohabiter et avoir des enfants dans une union libre a gagné en popularité, ce qui signifie que pour certains, la cohabitation a pu se substituer au mariage, les deux partenaires partageant leur rôle parental, les travaux ménagers et les ressources. La troisième grande tendance est la popularité croissante de demeurer au foyer familial (discuté précédemment) et possiblement de le quitter et d'y revenir plusieurs fois.

Graphique 6 La situation des jeunes adultes dans le ménage a beaucoup changé. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 6
La situation des jeunes adultes dans le ménage a beaucoup changé

Depuis le milieu des années 1960, l'âge auquel les personnes se marient pour la première fois n'a connu qu'une hausse légère pour les hommes comme pour les femmes8. Tout comme ils quittent les études, la maison et se trouvent un emploi permanent plus tardivement, les jeunes adultes d'aujourd'hui se marient ou forment des unions libres aussi plus tard (graphique 7). En 1971, 65 % des hommes et 80 % des femmes étaient ou avaient été dans une relation conjugale avant l'âge de 25 ans. En 2001, ces pourcentages avaient chuté de presque la moitié, à 34 % et 49 % respectivement.

Graphique 7 Les unions conjugales sont reportées à la fois pour les hommes et pour les femmes. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 7
Les unions conjugales sont reportées à la fois pour les hommes et pour les femmes

Même si les cheminements vers l'âge adulte sont devenus de plus en plus diversifiés au cours de la dernière génération, le cheminement le plus courant semble toujours être le suivant : terminer les études, obtenir un emploi, quitter la maison puis se marier ou vivre en cohabitation9. Étant donné l'augmentation du niveau de scolarité qui prolonge le temps nécessaire pour terminer cette première étape, il n'est pas surprenant que la formation d'unions conjugales soit différée.

Les données du recensement révèlent que les jeunes adultes qui quittent l'école plus tôt sont plus susceptibles d'avoir une relation conjugale à un plus jeune âge. En 2001, près de la moitié (49 %) des jeunes adultes de 25 ans sans diplôme d'études secondaires étaient mariés ou vivaient en union libre, comparativement à 32 % pour leurs homologues diplômés d'université. Mais même dans le cas des personnes qui ont des niveaux de scolarité similaires, les jeunes adultes d'aujourd'hui sont moins susceptibles de vivre en couple comparativement à il y a plus de 30 ans.

La plupart du temps, les premières unions sont maintenant des cohabitations plutôt que des mariages. Selon les données de l'Enquête sociale générale, en 2001, 63 % des femmes âgées de 20 à 29 ans dans leur première union vivaient en union libre10. Les données du recensement révèlent que les unions libres étaient les plus courantes chez les jeunes adultes au milieu de la vingtaine (environ 20 %), mais à l'âge de 34 ans, seulement environ 16 % des adultes cohabitaient. La plus faible proportion d'adultes qui cohabitaient au début de la trentaine peut être attribuable au fait que certaines personnes qui vivaient ensemble auparavant étaient maintenant mariées ou, étant donné la plus grande instabilité des unions libres, plus de couples s'étaient séparés11.

La plupart des jeunes adultes remettent maintenant à plus tard la décision d'avoir des enfants

Bien qu'en général les taux de fécondité au Canada pour les femmes de moins de 30 ans aient diminué depuis le début des années 1970, les taux pour les femmes dans la trentaine ont augmenté12. Cette fécondité différée est généralement attribuable au niveau de scolarité plus élevé et à la situation d'activité de la femme. Les recherches révèlent que les femmes qui ont un statut social élevé sont plus susceptibles de terminer leurs études postsecondaires avant de devenir mères, tandis que les femmes dont le statut social est moins élevé ont tendance à avoir des enfants plus tôt et à contourner les études postsecondaires, un emploi régulier et le mariage13. La poursuite d'études supérieures, les aspirations de carrière et le caractère insaisissable de la conciliation travail-vie peuvent aujourd'hui retenir bien des femmes d'avoir des enfants au même âge que leurs mères (graphique 8).

Graphique 8 Les jeunes adultes d'aujourd'hui sont moins susceptibles d'avoir des enfants. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 8
Les jeunes adultes d'aujourd'hui sont moins susceptibles d'avoir des enfants

Toutefois, même si le fait de reporter le mariage et les enfants permet à bien des jeunes adultes de poursuivre leurs études postsecondaires et d'acquérir une expérience de travail et une certaine sécurité dans un marché du travail très compétitif14, on note que les jeunes adultes qui ne sont pas allés au‑delà des études secondaires ont aussi fait le choix de différer la venue des enfants.

Pourquoi les transitions sont‑elles différées?

De nombreux facteurs sociaux et économiques ont contribué au report des transitions à l'âge adulte. Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont avantage à continuer leurs études après les études secondaires pour des raisons économiques. Les personnes qui détiennent un diplôme universitaire ont des revenus beaucoup plus élevés et des taux de chômage considérablement plus bas que les diplômés de l'école secondaire. Par exemple, depuis 1990, le nombre d'emplois exigeant un diplôme a doublé, tandis que le nombre d'emplois demandant un diplôme d'études secondaires ou moins a diminué15. Aujourd'hui, il est nécessaire de prolonger ses études pour acquérir les compétences et la formation requises dans une économie axée sur la technique et l'information.

Le fait que l'on s'attende de plus en plus à ce que les jeunes adultes continuent leurs études est une autre raison importante. Par exemple, 95 % des parents qui ont des enfants âgés de moins de 19 ans croient que l'éducation après l'école secondaire est importante ou très importante16. Plus des deux tiers des jeunes âgés de 15 ans prévoient aller à l'université après avoir terminé leurs études secondaires, et un grand nombre d'entre eux (39 %) visent plus d'un diplôme17.

Il est évident que le fait de quitter l'école plus tard a une incidence sur d'autres transitions à l'âge adulte. Même si une meilleure scolarité améliore les chances de mariage, la scolarisation gêne la formation d'une première union, puisque la plupart des jeunes adultes attendent d'avoir terminé l'université ou le collège avant de commencer à penser au mariage et aux enfants. Les frais de scolarité augmentent plus rapidement que l'inflation depuis le début des années 199018 et le montant que les étudiants doivent aux programmes gouvernementaux de prêts étudiants est également de plus en plus élevé19. Le coût élevé des études postsecondaires dans de nombreux cas signifie que les étudiants doivent continuer de dépendre de leurs parents, faisant en sorte que ces jeunes adultes ne sentent peut‑être pas qu'ils sont suffisamment prêts pour le mariage20.

Les études sur les conditions du marché du travail des jeunes hommes au Canada révèlent que leurs revenus ont diminué, tandis que les bénéfices associés à l'éducation qu'ils avaient par rapport à leurs homologues plus vieux sont disparus21. Toutefois, la diminution du travail à plein temps toute l'année chez les jeunes hommes peut également refléter une qualité d'emploi moindre, puisque les jeunes hommes déclarent avoir des taux de participation à un régime de pension moins élevés, des taux de syndicalisation plus faibles et une plus grande instabilité du revenu, tandis que la participation à un régime de pension chez les jeunes femmes a légèrement augmenté22,23.

Les jeunes adultes d'aujourd'hui font face à un marché du travail auquel les cohortes des années passées n'étaient pas confrontées : un écart salarial de plus en plus grand entre les employés nouvellement embauchés et ceux qui ont plus d'expérience; un plus grand nombre d'emplois temporaires pour les travailleurs récemment embauchés et un nombre moins élevé d'employés de sexe masculin couverts par des régimes de pension agréés, ce qui signifie que les nouveaux employés sont entièrement responsables de préparer eux‑mêmes leur propre retraite sans le soutien d'un régime de pension d'employeur24.

L'instabilité de l'emploi est reflétée par la croissance beaucoup plus rapide de l'emploi à temps partiel. Le passage d'un emploi à vie à plein temps que bon nombre de jeunes adultes avaient il y a 30 ans à un environnement de travail offrant plus d'emplois à temps partiel et moins d'avantages a contribué à l'insécurité, en particulier chez les jeunes hommes, et explique les reports dans la constitution de familles25. D'autres chercheurs ont constaté que la formation d'unions nécessite de plus en plus le potentiel de rémunération des deux partenaires. Ainsi, les problèmes du marché du travail auxquels font face les jeunes hommes peuvent réduire ou différer la création des unions26.

De plus, le prix des logements a augmenté plus rapidement que le revenu des jeunes hommes et malgré la baisse du taux d'intérêt des hypothèques, les jeunes hommes auraient tout de même à débourser une plus grande partie de leur revenu pour les versements hypothécaires en 2001 que ce qu'ils ont déboursé en 197127. Cela explique le besoin accru de deux revenus pour acheter une maison, contribuant davantage à l'insécurité économique que les jeunes adultes peuvent ressentir.

Un grand nombre de jeunes adultes continuent de vivre avec leurs parents pas seulement en raison du fardeau financier de payer pour leurs études postsecondaires, mais également parce qu'ils pourraient être sans emploi ou avoir un emploi précaire mal rémunéré. Par ailleurs, les facteurs culturels peuvent encourager la cohabitation continue avec les parents, étant donné que les écarts entre les générations rétrécissent et que les parents ont développé des relations plus égalitaires avec leurs enfants28.

Bien que le marché du travail ait changé et que la durée et le coût des études postsecondaires aient augmenté, d'autres facteurs sociaux ont également contribué au report des transitions. Les rôles de l'homme et de la femme dans le mariage ont changé. Au fur et à mesure que les femmes sont devenues plus scolarisées, leurs revenus ont augmenté et ces dernières ont commencé à dépendre moins de leur partenaire et davantage de leur propre capacité financière pour déterminer si elles devraient demeurer sur le marché du travail après le mariage et après avoir eu des enfants. En fait, avec des revenus plus élevés, avoir des enfants présentait des coûts de renonciation élevés pour les familles, incitant grandement les femmes à retourner sur le marché du travail après la naissance d'un enfant. Par conséquent, on a constaté de fortes augmentations du nombre d'emplois à plein temps toute l'année chez les femmes au fur et à mesure que leur niveau de scolarité augmentait. En 1971, les femmes entraient habituellement dans le marché du travail après l'école secondaire et demeuraient avec leurs parents jusqu'à l'arrivée d'un prétendant convenable. Au milieu de la vingtaine, bon nombre d'entre elles étaient mariées, avaient des enfants et avaient quitté le marché du travail pour prendre soin de leurs enfants.

Résumé

En 1971, les trois quarts des jeunes adultes de 22 ans avaient quitté l'école, près de la moitié étaient mariés et 1 sur 4 avait des enfants. En revanche, en 2001, la moitié des jeunes adultes de 22 ans fréquentaient encore l'école, seulement 1 sur 5 était dans une union conjugale (habituellement une union libre) et 1 sur 11 avait des enfants.

En 2001, les jeunes femmes avaient un niveau de scolarité plus élevé que les hommes et beaucoup plus de femmes au‑delà du début de la vingtaine avaient un emploi à plein temps toute l'année, comparativement aux jeunes femmes 30 ans plus tôt.

Dans l'ensemble, la transition à l'âge adulte est maintenant différée et allongée. Les jeunes adultes d'aujourd'hui prennent plus de temps pour atteindre leur autonomie : ils quittent l'école plus tard, demeurent plus longtemps avec leurs parents, entrent dans le marché du travail plus tard et reportent les unions conjugales et les enfants.

La plupart des jeunes de 18 à 34 ans ont franchi moins d'étapes dans la transition à l'âge adulte que les personnes du même âge 30 ans plus tôt. Toutefois, à 34 ans, les femmes d'aujourd'hui ont fait le même nombre de transitions que les femmes de 34 ans en 1971, bien que ces transitions étaient plus susceptibles d'inclure un travail à plein temps toute l'année et moins susceptibles d'inclure le mariage et les enfants.

En revanche, les hommes de 34 ans ont fait moins de transitions qu'il y a 30 ans. Cela peut être attribuable en partie aux changements économiques qui ont rendu le marché du travail plus dynamique. Par conséquent, les jeunes hommes sont moins susceptibles d'avoir un emploi à plein temps toute l'année que leurs pères il y a 30 ans. Tant les hommes que les femmes ont augmenté leur niveau de scolarité dans le but de tirer profit des avantages dont bénéficient les diplômés universitaires dans le marché du travail et cela a en soi différé d'autres transitions à l'âge adulte.

Warren Clark est analyste principal à Tendances sociales canadiennes.


Notes

  1. Beaupré, P., P. Turcotte et A. Milan. 2006. « Quand fiston quittera-t-il la maison? Transition du domicile parental à l'indépendance », Tendances sociales canadiennes, no 82, produit no 11-008 au catalogue de Statistique Canada, p. 8 à 15; Boyd, M. et D. Norris. 1999. « Continuer de vivre chez les parents », Tendances sociales canadiennes, no 52, produit no 11-008 au catalogue de Statistique Canada, p. 2 à 6.
  2. Duchesne, D., F. Nault, H. Gilmour et R. Wilkins. 1999. Recueil de statistiques de l'état civil, 1996, produit no 84-214 au catalogue de Statistique Canada, p. 28.
  3. Statistique Canada. 2007. CANSIM Tableau 477-0013, Effectifs universitaires, selon le régime d'études, le niveau d'études, la classification des programmes d'enseignement, le regroupement principal (CPE_RP) et le sexe, données annuelles (nombre) (site consulté le 18 avril 2007).
  4. Tableaux non publiés de l'Enquête nationale de 2002 auprès des diplômés (la promotion de 2000).
  5. Boyd et Norris. 1999.
  6. Beaupré, P., P. Turcotte et A. Milan. 2006. « Fiston revient à la maison : tendances et indicateurs du retour au domicile parental », Tendances sociales canadiennes, no 82, produit no 11-008 au catalogue de Statistique Canada, p. 28 à 34.
  7. En 2001, 37 % des jeunes mères d'enfants de cinq ans et plus avaient un emploi à temps plein toute l'année, comparativement à 19 % d'entre elles en 1971.
  8. Ram, B. 1990. « Nouvelles tendances de la famille : Aspects démographiques », La Conjoncture démographique, produit no 91-535-F au catalogue de Statistique Canada, p. 82; Duchesne, D. et al. 1999. p. 10.
  9. Ravanera, Z.R., F. Rajulton et T.K. Burch. 2002. « The early life courses of Canadian men: Analysis of timing and sequences of events », Canadian Studies in Population, vol. 29, no 2, p. 293 à 312; Ravanera, Z.R., F. Rajulton et T.K. Burch. 2006. Inequality and the life course: Differentials in trajectories and timing of transitions of Canadian women, Population Studies Centre University of Western Ontario, document de travail no 06-03, (site consulté le 8 mars 2007).
  10. Statistique Canada. 2002. La diversification de la vie conjugale au Canada, produit no 89-576-XIF au catalogue de Statistique Canada.
  11. Le Bourdais, C., G. Neill et P. Turcotte. 2000. « L'évolution des liens conjugaux », Tendances sociales canadiennes, no 56, produit no 11-008 au catalogue de Statistique Canada, p. 15  à  18.
  12. Statistique Canada. 2006. Rapport sur l'état de la population du Canada – 2003 et 2004, publié sous la direction d'Alain Bélanger, produit no 91-209 au catalogue de Statistique Canada, p. 27.
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  26. Goldscheider, F., D. Hogan et P.Turcotte. 2006. « The other partner: The changing role of good provider for men's union formation in industrialized countries », Canadian Studies in Population, vol. 33, no 1, p. 25 à 48.
  27. Selon les données du Recensement de 2001, la valeur médiane d'un logement était de 134 000 $, tandis que le revenu annuel médian pour un jeune homme employé à temps plein toute l'année en 2000 était de 37 400 $. S'il avait à rembourser 75 % d'une hypothèque pour un logement de valeur médiane, cela signifierait qu'un jeune adulte devrait consacrer 25 % de son revenu à un paiement hypothécaire à taux fixe de cinq ans au taux du marché. En 1971, un jeune homme ayant travaillé à temps plein toute l'année et ayant acheté une maison de valeur médiane n'aurait consacré que 20 % de son revenu au paiement hypothécaire au taux du marché.
  28. Beaujot, R. 2004. « Retardement des transitions de la vie : tendances et conséquences », Tendances contemporaines de la famille, L'institut Vanier de la famille, (site consulté le 16 mars 2007).


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