Résultats du système de justice pénale concernant les agressions sexuelles déclarées par la police au Canada, 2015 à 2019
Diffusion : 2024-11-06
Le processus de justice pénale peut être long, et il peut y avoir de nombreux points d'attrition entre le moment où un crime est commis et la décision finale des tribunaux. L'attrition désigne la façon dont, au fur et à mesure que les affaires progressent dans le système, le nombre de causes restantes ou retenues diminue tout au long du processus.
L'attrition peut se produire pour diverses raisons. Par exemple, certaines victimes peuvent choisir de ne pas signaler une affaire ou de ne pas participer au processus de justice pénale afin d'éviter la possibilité d'une nouvelle victimisation et un traumatisme supplémentaire. Dans d'autres cas, la police ou les tribunaux peuvent déterminer qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour porter des accusations ou obtenir une déclaration de culpabilité devant un tribunal de juridiction criminelle. De plus, un cas peut être traité à l'extérieur du tribunal, notamment au moyen d'une négociation de plaidoyer ou d'un renvoi à des mesures de rechange.
L'examen de l'attrition des agressions sexuelles au fil du temps et par rapport à d'autres types de crimes violents peut révéler des tendances importantes qui pourraient éclairer les politiques et les pratiques. Il est important de tenir compte de la nature particulièrement délicate des crimes sexuels, des obstacles uniques qui sont très présents pour les victimes d'agression sexuelle et des nombreux stéréotypes et mythes liés à la violence sexuelle.
L'article de Juristat intitulé « Décisions rendues à l'égard des agressions sexuelles dans le système de justice pénale au Canada, 2015 à 2019 », publié aujourd'hui, porte sur le cheminement des affaires d'agression sexuelle dans le système de justice pénale, de la police aux tribunaux. Il met l'accent sur les caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés associés à différents résultats à diverses étapes du processus.
La plupart des affaires d'agression sexuelle ne sont pas signalées à la police
Le premier et le plus important point potentiel d'attrition des agressions sexuelles est de savoir si elles sont signalées à la police. Des renseignements sur la mesure dans laquelle certains crimes sont portés à l'attention de la police sont disponibles au moyen des enquêtes-ménages, qui permettent de mesurer la prévalence de la victimisation au sein de la population en général et d'évaluer de précieux renseignements, comme le fait de déterminer si les expériences de victimisation sont signalées à la police. Bien qu'il ne soit pas possible de combiner directement les données autodéclarées avec les données déclarées par la police, les deux sources sont complémentaires et précisent le contexte.
Par exemple, selon les résultats de l'Enquête sociale générale de 2019 sur la sécurité des Canadiens ― la plus récente source disponible de données autodéclarées sur le sujet ―, 6 % de toutes les affaires d'agression sexuelle ont été signalées à la police, comparativement à 36 % des affaires de voies de fait.
Environ 1 agression sexuelle sur 3 déclarée par la police donne lieu au dépôt d'accusations
Dans les cas où les agressions sexuelles sont signalées à la police, les données administratives déclarées par la police permettent un examen plus approfondi des caractéristiques des victimes, des affaires et des auteurs présumés. De 2015 à 2019, les services de police au Canada ont déclaré 115 859 agressions sexuelles. Conformément aux tendances antérieures, la grande majorité (98 %) des agressions sexuelles déclarées par la police au cours de cette période ont été classées au niveau 1, c'est-à-dire qu'il s'agissait d'une agression de nature sexuelle pendant laquelle l'agresseur a violé l'intégrité sexuelle de la victime. Près de 9 victimes sur 10 (89 %) étaient des femmes et des filles.
Parmi toutes les agressions sexuelles déclarées par la police pendant cette période, environ le tiers (36 %) ont entraîné le dépôt ou la recommandation d'accusations par la police. De ce nombre, 61 % ont ensuite été portées devant les tribunaux. En revanche, lorsqu'on examine l'ensemble des infractions avec violence, une proportion plus élevée (77 %) des affaires ayant donné lieu au dépôt d'accusations ont été portées devant les tribunaux.
Un peu moins de la moitié des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes couplées à une affaire d'agression sexuelle aboutissent à un verdict de culpabilité
Un peu moins de la moitié (48 %) des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes couplées à une affaire d'agression sexuelle au cours de la période de 2015 à 2019 ont mené à un verdict de culpabilité. Cette proportion était identique à celle observée pour les causes couplées à une affaire de voies de fait qui ont abouti à un verdict de culpabilité (48 %), et légèrement inférieure à celle des causes couplées à une affaire de crime violent en général (52 %).
De 2015 à 2019, la peine la plus souvent imposée aux personnes reconnues coupables de toute accusation dans des causes couplées à une affaire d'agression sexuelle était l'emprisonnement (50 %). Une plus faible proportion (34 %) de personnes reconnues coupables dans des causes couplées à une affaire de voies de fait ont été condamnées à une peine d'emprisonnement.
Peu d'agressions sexuelles déclarées par la police entraînent une peine d'emprisonnement
Un peu plus de 1 affaire d'agression sexuelle sur 5 (22 %) déclarée par la police au cours de la période de 2015 à 2019 a été portée devant les tribunaux. De ce nombre, un peu moins de la moitié (48 %) ont donné lieu à un verdict de culpabilité et, parmi celles-ci, 50 % ont entraîné une peine d'emprisonnement. Au total, 5 % des agressions sexuelles signalées à la police ont mené à une peine d'emprisonnement.
En revanche, 2 affaires de voies de fait sur 5 (40 %) ont été portées devant les tribunaux, où un peu moins de la moitié (48 %) ont donné lieu à un verdict de culpabilité. Parmi les affaires ayant donné lieu à un verdict de culpabilité, 34 % ont mené à une peine d'emprisonnement. Ainsi, 6 % des affaires de voies de fait signalées à la police ont entraîné une peine d'emprisonnement.
Pour en savoir davantage à ce sujet, vous pouvez consulter la figure 1 dans l'article de Juristat « Décisions rendues à l'égard des agressions sexuelles dans le système de justice pénale au Canada, 2015 à 2019 ».
Les agressions sexuelles classées comme plus graves sont davantage susceptibles de mener à des accusations et à des peines d'emprisonnement
La gravité des agressions sexuelles avait une incidence considérable sur le cheminement des affaires dans le système de justice pénale, les taux d'attrition étant moins élevés dans les affaires classées comme des infractions plus graves (p. ex. l'agression sexuelle armée ou causant des lésions corporelles de niveau 2 ou l'agression sexuelle grave de niveau 3). Les différences entre les taux d'inculpation étaient particulièrement évidentes : environ 6 agressions sexuelles sur 10 de niveau 2 (59 %) ou de niveau 3 (62 %) ont donné lieu à une mise en accusation, comparativement à un peu plus du tiers (35 %) de celles de niveau 1.
Un autre écart a été observé en ce qui concerne la proportion de causes avec condamnation ayant donné lieu à une peine d'emprisonnement. Plus des trois quarts (78 %) des causes couplées à une affaire d'agression sexuelle de niveau 3 et 60 % des causes couplées à une affaire d'agression sexuelle de niveau 2 ont mené à une peine d'emprisonnement, comparativement à 50 % des causes couplées à une affaire d'agression sexuelle de niveau 1.
Les signalements tardifs des affaires à la police sont liés à une plus grande attrition de la police vers les tribunaux
Une analyse antérieure des données sur les agressions sexuelles déclarées par la police a révélé que, comparativement à d'autres types de crimes violents, il est plus probable qu'il y ait un délai entre la perpétration de l'infraction et son signalement à la police. Cet état de fait a été lié à de nombreux facteurs potentiels, comme le traumatisme émotionnel vécu par la victime, la crainte d'être blâmée et le sentiment de honte. Les données de la police et des tribunaux laissent entendre que les délais ont également d'importantes répercussions sur l'attrition.
De 2015 à 2019, près des deux tiers (64 %) des agressions sexuelles signalées le même jour ou le lendemain ont été portées devant les tribunaux. Toutefois, ce pourcentage diminuait pour se fixer à moins de la moitié (47 %) lorsque l'affaire a été signalée plus d'un an après l'infraction. Parmi les affaires qui ont été portées devant les tribunaux, les causes couplées à une affaire d'agression sexuelle signalée le même jour ou le lendemain affichaient la proportion la plus élevée de verdicts de culpabilité (51 %), comparativement à environ 4 affaires sur 10 pour lesquelles le délai a été plus long.
Le genre et le lien de l'auteur présumé avec la victime sont associés à des résultats différents au chapitre de la police et des tribunaux
Les caractéristiques des victimes ou des affaires d'agression sexuelle étaient également associées à des résultats différents. Par exemple, des accusations ont été portées ou recommandées plus souvent lorsque la victime était une femme ou une fille (38 %) que lorsque la victime était un homme ou un garçon (29 %).
Cependant, les résultats en matière de rétention par les tribunaux étaient beaucoup plus comparables entre les femmes et les filles (61 %) et les hommes et les garçons (60 %). Une fois devant les tribunaux, de plus faibles proportions de causes d'agression sexuelle dont les victimes étaient des femmes ou des filles ont donné lieu à une déclaration de culpabilité (48 % lorsque la victime était une femme ou une fille, par rapport à 51 % lorsque la victime était un homme ou un garçon) ou à une peine d'emprisonnement (51 % lorsque la victime était une femme ou une fille, par rapport à 56 % lorsque la victime était un homme ou un garçon).
Le lien de l'auteur présumé avec la victime était également associé à des différences dans les résultats à de multiples étapes. Par exemple, 54 % des agressions sexuelles commises par un partenaire intime ont mené au dépôt ou à la recommandation d'accusations, ce qui est plus élevé que tout autre type de lien de l'auteur présumé avec la victime. Cependant, à d'autres étapes (p. ex. cause portée devant les tribunaux, détermination de la peine), les résultats concernant l'agression sexuelle commise par un partenaire intime correspondaient davantage aux tendances générales.
En revanche, les agressions sexuelles commises par un étranger affichaient un taux d'inculpation moins élevé (28 %), mais elles étaient plus susceptibles d'être portées devant les tribunaux (69 %) et de mener à un verdict de culpabilité (56 %) que les agressions sexuelles dont l'auteur présumé était une personne connue de la victime.
Tendances en matière de décisions rendues à l'égard des agressions sexuelles dans le système de justice
En plus d'examiner le cheminement des agressions sexuelles déclarées par la police de 2015 à 2019 dans le système de justice pénale, on a comparé les constatations à la période quinquennale précédente (2010 à 2014).
Comparativement à la période de 2010 à 2014, les agressions sexuelles déclarées par la police de 2015 à 2019 étaient moins susceptibles de donner lieu au dépôt d'accusations, d'être portées devant les tribunaux, d'entraîner un verdict de culpabilité et de mener à une peine d'emprisonnement.
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Note aux lecteurs
Les agressions sexuelles déclarées par la police sont classées conformément au Code criminel, qui répartit l'agression sexuelle en trois catégories en fonction de la nature et de la gravité de l'agression. L'agression sexuelle de niveau 1 comprend toute agression de nature sexuelle pendant laquelle l'agresseur viole l'intégrité sexuelle d'une victime. L'agression sexuelle de niveau 2, considérée comme plus grave que celle de niveau 1, comprend les agressions sexuelles dans lesquelles il y a usage d'une arme, des menaces à une tierce personne ou l'infliction de lésions corporelles. L'agression sexuelle de niveau 3, considérée comme la plus grave, correspond à toute agression sexuelle qui blesse, mutile ou défigure la victime, ou qui met sa vie en danger.
Les données sur les agressions sexuelles autodéclarées et les niveaux de signalement à la police proviennent de l'Enquête sociale générale sur la sécurité des Canadiens (victimisation) de 2019. Pour obtenir plus de renseignements, voir Le Quotidien ― La victimisation criminelle au Canada, 2019.
Pour obtenir une analyse détaillée des tendances récentes de l'état de classement des agressions sexuelles à la suite des révisions apportées au Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC), voir Le Quotidien ― Tendances récentes en matière de classement des affaires d'agression sexuelle et d'autres crimes violents déclarés par la police au Canada, 2017 à 2022.
L'article de Juristat repose sur un fichier de données couplant les données déclarées par la police dans le cadre du Programme DUC avec les données administratives de l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC). Les affaires déclarées par la police après le 1er janvier 2010, dans lesquelles un auteur présumé a été identifié par la police, ont été considérées comme faisant partie du champ de l'enquête aux fins du couplage avec les données de l'EITJC jusqu'à la fin de l'exercice 2021-2022.
Ce ne sont pas tous les paliers de juridiction de l'ensemble des provinces et territoires du Canada qui déclarent actuellement des données dans le cadre de l'EITJC. De plus, au moment de la production de ce communiqué, le Québec n'avait pas encore déclaré de données dans le cadre de l'EITJC pour l'exercice 2021-2022.
Pour les données de l'EITJC, l'unité de dénombrement principale est la cause. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l'objet d'une décision finale. Elle regroupe toutes les accusations portées contre la même personne et dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l'infraction, date de l'introduction, date de la première comparution, date de la décision ou date de la détermination de la peine) en une seule cause.
Une cause qui comporte plus d'une accusation est représentée par « l'infraction la plus grave », qui est choisie selon les règles ci-après. On tient d'abord compte des décisions rendues par les tribunaux, et l'accusation ayant abouti à la décision la plus sévère est choisie. Les décisions sont classées de la plus sévère à la moins sévère, comme suit : 1) accusé reconnu coupable; 2) accusé reconnu coupable d'une infraction moindre; 3) accusé acquitté; 4) arrêt des procédures; 5) procédure retirée ou rejetée, ou accusé absous; 6) accusé non criminellement responsable; 7) autre; 8) cause renvoyée à un autre palier de juridiction. Ensuite, dans les cas où deux accusations ou plus ont entraîné la même décision la plus sévère (p. ex. accusé reconnu coupable), il faut tenir compte des peines imposées en vertu du Code criminel.
Certaines affaires qui n'ont pas été couplées avec succès à une accusation réglée peuvent encore se trouver devant les tribunaux, et cela semble être particulièrement le cas depuis les dernières années où les taux de couplage étaient nettement plus faibles. En outre, des retards, des fermetures ou des modifications aux processus des tribunaux de juridiction criminelle possiblement attribuables à la pandémie de COVID-19 et aux mesures connexes ont eu lieu au cours des dernières années. Comme les données de l'EITJC ne rendent compte que des accusations et des causes réglées, celles qui sont encore actives dans le système judiciaire ne sont pas comprises dans ce couplage. Pour cette raison, deux périodes distinctes ont été utilisées aux fins d'analyse, soit la période de 2010 à 2014 et la période de 2015 à 2019.
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L'article de Juristat intitulé « Décisions rendues à l'égard des agressions sexuelles dans le système de justice pénale au Canada, 2015 à 2019 » () est maintenant accessible. L'infographie intitulée « 85-002-XAffaires d'agression sexuelle au Canada : de la police aux tribunaux de juridiction criminelle » () est également diffusée aujourd'hui. 11-627-M
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