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    Série de documents de travail

    La santé des adultes chez les Premières Nations vivant hors réserve, les Inuits, et les Métis au Canada : l'incidence du statut socioéconomique sur les inégalités en matière de santé

    Introduction, résultats, et conclusion

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    Introduction

    Depuis un certain nombre d'années, la proportion d'Autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) au sein de la population canadienne s'est accrue. Selon le Recensement de 2006, les Autochtones représentaient 3,7 % de la population, comparativement à 2,8 % seulement dix ans auparavant1. Il s'avère que cette croissance a été dictée, non pas tant par la hausse des taux de fécondité, mais plutôt par la mobilité ethnique, c'est-à-dire les changements au cours du temps de l'identité ethnique déclarée par les individus2. Autrement dit, une plus forte proportion de Canadiens que par le passé s'auto-identifient comme étant des Autochtones.

    En moyenne, la population autochtone est considérablement plus jeune que la population non autochtone. Près de la moitié (47 %) des Autochtones ont moins de 25 ans, comparativement à moins du tiers (30 %) des non-Autochtones (figure 1).

    Figure 1 Structure par âge des populations d'identité autochtone et d'identité non autochtone, Canada, 2006

    Bien que leur population soit plus jeune, les Autochtones du Canada jouissent généralement d'un moins bon état de santé et de bien-être que les Canadiens non autochtones. Ainsi, en 2001, l'espérance de vie des Autochtones vivant dans les régions du pays habitées par les Inuits était inférieure de plus de 12 ans à celle de la population canadienne dans son ensemble3, et ceux déclarant le statut d'Indiens inscrits présentaient des taux de mortalité significativement plus élevés que les personnes ne faisant pas cette déclaration4. Les membres des Premières Nations et les Métis adultes ont tendance à juger leur santé générale moins bonne, sont plus susceptibles de déclarer des problèmes de santé chronique, tels que le diabète, l'arthrite ou l'hypertension, et sont plus susceptibles de souffrir d'un problème de santé limitant leurs activités que les adultes non autochtones5-8.

    En plus des diverses inégalités en matière de santé, d'importantes inégalités en matière de ressources et de conditions socioéconomiques existent entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada. Selon le Recensement de 2006, les Canadiens non autochtones avaient un revenu personnel plus élevé, en moyenne, que les personnes qui s'auto-identifiaient comme étant Métis, Inuits ou membres des Premières Nations9. Il existe également d'importants écarts de niveaux de scolarité, les Autochtones étant moins susceptibles de terminer leurs études secondaires ou de poursuivre des études postsecondaires que les non-Autochtones7,10-12.

    De nombreuses études publiées révèlent un lien entre l'existence de conditions socioéconomiques défavorables et de moins bons résultats en matière de santé13-21. Étant donné cette association, il se pourrait que les inégalités en matière de santé observées chez les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes soient le résultat de la pauvreté et du désavantage socioéconomique. Inversement, les inégalités en matière de santé pourraient persister même en l'absence de différences socioéconomiques entre les Autochtones et les non-Autochtones.

    Objectifs de l'étude

    Afin d'aborder ce genre de questions, la présente étude poursuit trois objectifs :

    1. décrire la santé et le bien-être des adultes inuits, métis et membres des Premières Nations vivant hors réserve, et comparer ces caractéristiques à celles des adultes non autochtones;
    2. examiner la contribution des facteurs socioéconomiques et liés au mode de vie aux inégalités en matière de santé chez les adultes inuits, métis et membres des Premières Nations vivant hors réserve, comparativement aux adultes non autochtones;
    3. examiner l'effet des facteurs socioéconomiques et liés au mode de vie sur la santé des non-Autochtones, des membres des Premières Nations vivant hors réserve, des Métis et des Inuits adultes.

    Résultats

    Les Autochtones sont plus susceptibles de déclarer de moins bons résultats en matière de santé

    En général, les Autochtones étaient moins susceptibles que les non-Autochtones de déclarer que leur santé est optimale. Les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes étaient tous significativement moins susceptibles que les adultes non autochtones de juger leur santé excellente ou très bonne ou de déclarer n'avoir aucun problème de santé limitant leurs activités (tableau 1). Les adultes membres des Premières Nations et métis étaient également plus  susceptibles que les adultes non autochtones de déclarer qu'on avait diagnostiqué chez eux un problème de santé chronique. Par contre, cette proportion était significativement plus faible chez les adultes inuits (tableau 1).

    Tableau 1 Caractéristiques autodéclarées de la santé, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Si l'on considère certains problèmes de santé chroniques en particulier, dans presque tous les cas, les membres des Premières Nations et les Métis adultes étaient significativement plus susceptibles que les non-Autochtones adultes de déclarer qu'un médecin avait diagnostiqué chez eux le problème de santé (figure 2). En revanche, les Inuits adultes étaient, en général, moins ou aussi susceptibles que les non-Autochtones adultes d'avoir reçu le diagnostic d'un problème de santé particulier. Faisaient exception les troubles dus à un accident vasculaire cérébral et les ulcères à l'estomac ou à l'intestin, dont la prévalence était significativement plus élevée chez les Inuits adultes. (Voir le tableau A en annexe pour les taux de prévalence bruts et normalisés selon l'âge et le sexe des problèmes de santé chroniques autodéclarés.)

    Figure 2 Prévalence des problèmes de santé chroniques diagnostiqués, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Il convient de souligner que les questions sur l'existence de problèmes de santé chroniques posées dans le cadre de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et de l'Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) spécifient que le problème de santé chronique dont il est question doit avoir été diagnostiqué par un médecin ou un professionnel de la santé. Par conséquent, les résultats susmentionnés ne signifient pas nécessairement que les personnes visées par l'analyse ne souffraient pas des problèmes de santé chroniques étudiés, mais plutôt que ces problèmes n'avaient pas été diagnostiqués par un médecin ou un professionnel de la santé.

    Le cas du diabète

    Même s'il ne s'agissait pas du problème de santé chronique le plus souvent déclaré, le diabète était significativement plus fréquent chez les membres des Premières Nations (9,3 %) et les Métis (7,5 %) adultes que chez leurs homologues non autochtones (6,5 %) (tableau 2). Par contre, la prévalence du diabète était significativement plus faible chez les adultes inuits (4,9 %). Le diabète augmente le risque de diminution de la santé fonctionnelle, ainsi que de décès prématuré. Les complications du diabète peuvent également entraîner la cécité, l'amputation, la maladie cardiaque  ischémique, l'accident vasculaire cérébral et l'insuffisance rénale24.

    Tableau 2 Caractéristiques des personnes ayant reçu un diagnostic de diabète, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Le diabète est souvent réparti en deux catégories. Le diabète de type 1, parfois appelé diabète insulinodépendant ou diabète juvénile, est une maladie caractérisée par le fait que l'organisme ne produit que peu d'insuline, voire aucune, et est habituellement diagnostiquée chez les enfants ou les jeunes adultes. Le diabète de type 2, parfois appelé diabète non insulinodépendant ou diabète de l'adulte, est la forme la plus courante de la maladie et survient quand l'organisme est incapable d'utiliser correctement l'insuline qu'il produit ou de produire suffisamment d'insuline. Le diabète de type 2 est habituellement diagnostiqué à l'âge adulte, mais il peut se manifester durant l'enfance et son traitement comporte généralement un régime alimentaire et de l'exercice24. Le diabète gestationnel est diagnostiqué durant la grossesse, habituellement autour de la 24e semaine. Bien qu'il disparaisse après l'accouchement, environ 40 % de femmes chez lesquelles on le diagnostique développent un diabète de type 2 plus tard dans la vie25.

    L'EAPA de 2006 fournissait des données sur le type de diabète qui a été diagnostiqué, tandis que l'ESCC, pour la plupart, ne comprenait pas ce genre d'information. Cependant, le type de diabète a pu être attribué dans l'ESCC en utilisant d'autres renseignements déclarés (voir Méthodes). Comparativement aux diabétiques non autochtones, une proportion significativement plus élevée de diabétiques autochtones ont reçu un diagnostic de type 1, tandis qu'une proportion significativement plus faible ont reçu un diagnostic de type 2 (tableau 2). Le diabète gestationnel était aussi significativement plus fréquent chez les femmes membres des Premières Nations, métisses et inuites que chez les femmes non autochtones.

    Parmi les diabétiques, le diagnostic de la maladie avait été posé à un âge significativement plus jeune chez les adultes autochtones que chez les adultes non autochtones (tableau 2). Après leur répartition en plus petits groupes d'âge, les Métis étaient significativement plus susceptibles que les non-Autochtones de déclarer que le diabète avait été diagnostiqué chez eux avant l'âge de 20 ans (8,9 % c. 5,2 %) ou entre 20 et 39 ans (21,1 % c. 14 %) (figure 3). En outre, le diagnostic avait été posé entre 20 et 39 ans chez près du tiers des membres adultes des Premières Nations vivant hors réserve. En revanche, alors que près du tiers (31,1 %) des non-Autochtones adultes diabétiques avaient reçu le diagnostic de la maladie à 60 ans ou après, une proportion significativement plus faible d'Autochtones diabétiques adultes avait reçu le diagnostic à un âge avancé.

    Figure 3 Répartition en pourcentage de l'âge au moment du diagnostic du diabète, selon le groupe d'âge et le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    La proportion d'adultes prenant de l'insuline pour traiter le diabète était plus élevée chez les Métis (27,8 %) que chez les non-Autochtones (20,9 %) (tableau 2). La majorité des personnes interrogées ont déclaré utiliser d'autres formes de médicaments pour traiter leur diabète, mais les proportions étaient significativement plus élevées chez les adultes membres des Premières Nations (81,9 %) et métis (82,1 %) souffrant de diabète que chez les adultes non autochtones atteints de la maladie (72,4 %) (tableau 2).

    Accès aux professionnels de la santé

    Alors que plus des trois quarts des participants autochtones et non autochtones aux enquêtes ont indiqué qu'ils avaient rencontré ou consulté par téléphone un médecin ou une infirmière l'année précédente, les proportions étaient significativement plus faibles chez les adultes membres des Premières Nations, métis et inuits que chez les adultes non autochtones (tableau 3). Bien qu'il s'agisse de niveaux relativement élevés de contacts avec les médecins ou les infirmières, les sources de soins diffèrent considérablement. Les Inuits, les Métis et les membres des Premières Nations vivant hors réserve étaient significativement moins susceptibles d'avoir rencontré ou consulté par téléphone un médecin de famille l'année précédente, mais significativement plus susceptibles d'avoir rencontré ou consulté par téléphone une infirmière que les non-Autochtones (tableau 3). L'écart était particulièrement marqué pour les Inuits, dont 55 % avaient rencontré ou consulté par téléphone un médecin et 64 % avaient rencontré ou consulté par téléphone une infirmière l'année précédente comparativement à 77 % et à 11 %, respectivement, de non-Autochtones (tableau 3). Ces données ne permettent pas de discerner si la consultation d'un professionnel de la santé a eu lieu en personne ou par téléphone.

    Tableau 3 Accès aux professionnels de la santé et absence du domicile à cause d'une maladie, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Quand des services de soins de santé particuliers ne sont pas disponibles dans une communauté, une personne doit parfois être transportée à un autre endroit afin d'avoir accès aux services dont elle a besoin. Dans le cadre de l'EAPA, on a demandé aux participants s'ils avaient été absents de leur domicile pendant une période d'un mois ou plus et, dans l'affirmative, quelle était la raison de cette absence. En tout, 3 %  de membres adultes des Premières Nations, 2 % de Métis adultes et plus de 5 % d'Inuits adultes ont indiqué qu'ils avaient été absents de leur domicile pendant un mois ou plus au cours des 12 mois précédents à cause d'une maladie (tableau 3).

    Les caractéristiques socioéconomiques et démographiques diffèrent

    Alors que les inégalités en matière de santé sont grandes, il existe d'autres différences importantes entre les adultes membres des Premières Nations, métis et inuits et les adultes non autochtones au Canada. En général, les Autochtones étaient plus jeunes, plus susceptibles de ne pas avoir terminé leurs études secondaires et plus susceptibles d'avoir un revenu personnel faible que les non-Autochtones (tableau 4). Alors que 2 adultes non autochtones sur 5 ont déclaré avoir un revenu personnel égal ou supérieur à 40 000 $ par année, une proportion comparable de Métis adultes et plus de la moitié des membres des Premières Nations et des Inuits adultes ont déclaré un revenu personnel inférieur à 20 000 $ par année (tableau 4). De surcroît, alors que près de 60 % d'adultes non autochtones ont déclaré posséder un diplôme d'études postsecondaires, la proportion était significativement plus faible pour les adultes membres des Premières Nations (39,5 %), métis (44,3 %) et inuits (27,8 %).

    Tableau 4 Caractéristiques démographiques et socioéconomiques, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Les caractéristiques résidentielles différaient aussi. Les adultes membres des Premières Nations vivant hors réserve étaient plus susceptibles d'habiter dans les provinces de l'Ouest que leurs homologues non autochtones (46,8 % c. 29,3 %). Les Métis étaient plus susceptibles de vivre dans les provinces des Prairies (47,6 %), tandis que les Inuits étaient plus susceptibles d'habiter les Territoires (53,3 %) et les régions du nord du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador qui comprennent les régions faisant l'objet des revendications territoriales des Inuits. En outre, alors que la majorité des non-Autochtones vivaient dans des régions urbaines (82,1 %), la proportion d'adultes autochtones vivant dans ces régions était significativement plus faible (tableau 4), surtout chez les Inuits, dont la majorité (78,5 %) vivait dans des communautés rurales ou arctiques.

    Ces différences géographiques pourraient être des déterminants importants de la santé en ce sens que la prestation des soins de santé peut varier considérablement selon la région. Ainsi, aucune des 52 communautés inuits établies dans le Nord n'a accès à des routes pendant toute l'année et quelques-unes seulement sont dotées d'hôpitaux12. En outre, de nombreuses communautés établies dans le Nord ou isolées ont de la difficulté à recruter des professionnels de la santé et à les garder26. De plus, les régions dont la densité de population est plus forte ont souvent un plus grand accès aux dispensateurs  de soins de santé et aux ressources médicales. Par conséquent, bon nombre de communautés établies dans le Nord et isolées ne bénéficient pas d'un accès adéquat aux soins de santé. En revanche, certaines provinces (Terre-Neuve-et-Labrador, Québec) fournissent plus de médecins et d'établissements médicaux par habitant que d'autres26. Ainsi, l'emplacement géographique peut être considéré comme un déterminant important de la santé en ce qui concerne l'accès aux services.

    D'autres aspects du milieu dans lequel vit une personne peuvent avoir une incidence significative sur la santé. Chez les Autochtones, 14 % d'adultes membres des Premières Nations vivant hors réserve estimaient que l'eau distribuée à leur domicile n'était pas potable. Comparativement, près de 12 % de Métis adultes et 15 % d'Inuits adultes pensaient la même chose (tableau 5). De plus, chez les adultes membres des Premières Nations vivant hors réserve (18,9 %) et chez les adultes métis (17,9 %), près d'un adulte sur cinq estimait que leur eau potable était contaminée durant certaines périodes de l'année. Ce chiffre passait à plus du tiers (35,9 %) chez les Inuits adultes.

    Tableau 5 Eau potable et conditions de logement, selon le groupe d'identité autochtone, population d'identité autochtone hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Tabagisme et indice de masse corporelle

    Le tabagisme et l'obésité sont d'autres facteurs reconnus de risque pour la santé. On sait que le tabagisme accroît la probabilité de développer de nombreux problèmes de santé chroniques, et qu'il réduit l'espérance de vie28,29. Dans la présente étude, la consommation quotidienne de tabac était significativement plus fréquente chez les adultes autochtones que chez leurs homologues non autochtones (tableau 6). La prévalence était particulièrement forte chez les Inuits, dont 60 % d'adultes ont déclaré fumer quotidiennement.

    Tableau 6 Consommation quotidienne de tabac et indice de masse corporelle, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    L'excès de poids est également associé à une moins bonne santé et à une réduction de l'espérance de vie30-34. L'indice de masse corporelle (IMC), qui est souvent utilisé comme indicateur de l'excès de poids, est classé en quatre catégories : i) poids insuffisant (IMC<18,5), ii) poids normal (18,5≤IMC<25), iii) excès de poids (25<IMC≤30) et iv) obésité (IMC>30). Sur la base du poids et de la taille autodéclarés, parmi la population canadienne adulte, les membres des Premières Nations (27,5 %), les Métis (27,6 %) et les Inuits (25,4 %) étaient significativement plus susceptibles d'être obèses que les non-Autochtones (16,9 %). Cependant, pour diverses raisons, l'application des seuils d'IMC susmentionnés aux populations autochtones pourrait ne pas être appropriée (voir la note du tableau 6).

    Le revenu et le niveau de scolarité expliquent une partie, mais non la totalité, des différences d'état de santé

    Étant donné les différences entre les caractéristiques socioéconomiques, on pourrait se demander si, en tenant compte de l'effet de ces différences, on minimiserait ou effacerait les inégalités en matière de santé entre les Autochtones et les non-Autochtones. Afin de répondre à cette question, nous avons utilisé des modèles de régression (logistique) pour examiner les différences entre les résultats en matière de santé chez les membres des Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits adultes comparativement aux non-Autochtones adultes, avant et après avoir neutralisé l'effet des divers facteurs socioéconomiques et liés au mode de vie.

    Modèles de régression  séquentielle pour l'état de santé général

    Le modèle non corrigé confirme les résultats de l'analyse descriptive, à savoir que chez les adultes, les membres des Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits étaient tous significativement moins susceptibles que les non-Autochtones de déclarer être en excellente ou en très bonne santé (figure 4, données non corrigées). Après avoir tenu compte des effets de l'âge et du sexe, cette différence en matière de santé était encore plus prononcée (figure 4, étape 1). Cette constatation est attribuable au fait que, si l'on considère les adultes autochtones et non autochtones d'un âge particulier, les Autochtones étaient significativement moins susceptibles de se dire en excellente ou en très bonne santé. Après correction pour tenir compte des effets du revenu et du niveau de scolarité (figure 4, étape 2), les rapports de cotes étaient plus proches de 1, mais encore significativement inférieurs à cette valeur. Cependant, d'autres facteurs pourraient également expliquer les différences d'état de santé. Après correction pour tenir compte de la consommation quotidienne de tabac et de l'indice de masse corporelle, la cote exprimant les chances d'être en excellente ou en très bonne santé était la même pour les Métis et les Inuits adultes que pour les non-Autochtones adultes, mais il n'en était pas ainsi pour les membres adultes des Premières Nations vivant hors réserve (figure 4, étape 3). La correction pour tenir compte du fait d'avoir rencontré ou consulté par téléphone un médecin ou une infirmière au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête a eu peu d'effet, voire aucun, sur l'écart entre les membres des Premières Nations vivant hors réserve et les adultes non autochtones (figure 4, étape 4), et le résultat était le même après avoir tenu compte de l'effet associé à la vie dans un centre urbain (figure 4, étape 5). Après toutes les corrections, les Métis et les Inuits adultes étaient aussi susceptibles que les non-Autochtones adultes de déclarer être en excellente ou en très bonne santé, tandis que les membres des Premières Nations adultes vivant hors réserve demeuraient significativement moins susceptibles de le faire. Donc, chez les membres de Premières Nations, d'autres facteurs doivent aussi être pris en compte pour expliquer les inégalités observées en matière de santé. Les coefficients des modèles de régression séquentielle figurent au tableau C en annexe.

    Figure 4 Rapports de cotes montrant les effets non corrigés et cumulés des facteurs socioéconomiques, liés au mode de vie et d'accès aux soins de santé sur la déclaration d'une santé excellente ou très bonne, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Modèles de régression séquentielle pour la probabilité d'avoir reçu le diagnostic d'au moins un problème de santé chronique

    Un profil un peu différent se dégage si nous examinons la probabilité qu'un médecin ait diagnostiqué au moins un parmi neuf problèmes de santé chroniques, à savoir l'arthrite, l'asthme, le cancer, le diabète, l'emphysème, les problèmes cardiaques, l'hypertension (pression artérielle élevée), les troubles dus à un accident vasculaire cérébral et les ulcères à l'estomac ou à l'intestin. Alors que la correction pour tenir compte de l'âge et du sexe exacerbe les inégalités entre les membres des Premières Nations adultes vivant hors réserve, les Métis adultes et les non-Autochtones adultes, cette correction permet de préciser que, parmi les adultes inuits et non-Autochtones du même âge, les adultes inuits sont significativement plus susceptibles que les non autochtones d'avoir reçu le diagnostic d'au moins un problème de santé chronique (figure 5, étape 1). Les statistiques descriptives simples, qui ne tenaient pas compte des différences entre les structures par âge de ces populations ne permettaient pas de tirer clairement cette conclusion (tableau 1). Une correction supplémentaire, à l'étape 2, pour tenir compte du revenu et du niveau de scolarité a rapproché chaque groupe autochtone de l'égalité avec la population non autochtone. En fait, cette correction a rendu statistiquement non significatives toutes les différences entre les probabilités de recevoir le diagnostic d'un des problèmes de santé chroniques calculées pour les adultes inuits et non autochtones. D'autres corrections pour tenir compte du tabagisme et de l'indice de masse corporelle (figure 5, étape 3), de la rencontre ou de la consultation par le téléphone d'un médecin ou d'une infirmière l'année qui a précédé l'enquête (figure 5, étape 4) ou de la vie en région urbaine (figure 5, étape 5) ont produit de petits rapprochements vers la parité avec les adultes non autochtones pour les membres des Premières Nations vivant hors réserve et les Métis adultes, quoique leur risque de recevoir le diagnostic d'un problème de santé chronique demeurait significativement plus élevé que celui des adultes non autochtones. Dans le cas des Inuits adultes, la correction pour tenir compte de ces facteurs a produit une cote exprimant le risque de recevoir le diagnostic d'un problème de santé chronique significativement plus faible que pour les adultes non autochtones. Comme nous l'avons mentionné plus haut, l'énoncé des questions sur les problèmes de santé chroniques analysés ici précisait que ces problèmes devaient avoir été diagnostiqués par un médecin. Par conséquent, la présente analyse n'indique pas que les personnes qui ne les ont pas déclarés ne souffrent pas de ces problèmes de santé, mais plutôt qu'ils n'avaient pas été diagnostiqués par un médecin. Les coefficients des modèles de régression séquentielle figurent au tableau E en annexe.

    Figure 5 Rapports de cotes montrant les effets non corrigés et cumulés des facteurs socioéconomiques, liés au mode de vie et d'accès aux soins de santé sur le diagnostic d'au moins un problème de santé chronique, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Modèles de régression séquentielle pour le diabète, l'asthme et l'arthrite

    Au lieu d'examiner les cotes exprimant le risque de présenter un parmi plusieurs problèmes de santé chroniques, nous avons aussi examiné les cotes exprimant le risque que trois problèmes de santé chroniques particuliers, à savoir le diabète (figure 6), l'asthme (figure 7) et l'arthrite (figure 8), aient été diagnostiqués. Les taux de prévalence non corrigés de ces problèmes de santé indiquent que les diagnostics de diabète, d'asthme et d'arthrite étaient significativement plus susceptibles d'avoir été posés chez les membres des Premières Nations et les Métis adultes que chez les non-Autochtones adultes. En revanche, le diabète et l'arthrite étaient significativement moins susceptibles d'avoir été diagnostiqués chez les Inuits adultes que chez les non-Autochtones adultes, mais l'asthme était aussi susceptible de l'avoir été chez les uns que chez les autres. Après correction pour tenir compte des structures par âge différentes de ces populations (étape 1), la probabilité que le diabète soit diagnostiqué chez les Inuits était la même que pour les non-Autochtones (figure 6), tandis que la probabilité que l'arthrite soit diagnostiquée était plus élevée chez les Inuits que chez les non-Autochtones (figure 8). Dans le cas de chaque problème de santé étudié, la correction pour tenir compte des caractéristiques socioéconomiques (revenu et niveau de scolarité), du mode de vie (tabagisme et indice de masse corporelle), de l'accès aux professionnels de la santé (avoir rencontré ou consulté par téléphone un médecin ou une infirmière l'année précédente) et du lieu de résidence (région urbaine) élimine toute différence de probabilité que le problème de santé en question soit diagnostiqué entre les adultes non autochtones et les Inuits adultes, mais non les membres des Premières Nations et les Métis adultes, chez lesquels la probabilité que le problème de santé soit diagnostiqué demeurait significativement plus élevée. Les coefficients des modèles de régression séquentielle sont présentés aux tableaux G, I et K en annexe pour le diabète, l'asthme et l'arthrite, respectivement.

    Figure 6 Rapports de cotes montrant les effets non corrigés et cumulés des facteurs socioéconomiques, liés au mode de vie et d'accès aux soins de santé sur le diagnostic de diabète, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Figure 7 Rapports de cotes montrant les effets non corrigés et cumulés des facteurs socioéconomiques, liés au mode de vie et d'accès aux soins de santé sur le diagnostic d'asthme, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Figure 8 Rapports de cotes montrant les effets non corrigés et cumulés des facteurs socioéconomiques, liés au mode de vie et d'accès aux soins de santé sur le diagnostic d'arthrite, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Les facteurs associés aux résultats en matière de santé diffèrent chez les adultes autochtones et non autochtones

    Les modèles de régression séquentielle que nous venons de décrire nous ont permis de montrer que certaines inégalités en matière de santé entre les Autochtones et les non-Autochtones pourraient diminuer, mais pas nécessairement être éliminées, si l'on neutralisait l'effet de divers facteurs socioéconomiques et démographiques. Cependant, l'effet de ces facteurs pourrait ne pas être le même selon le groupe d'identité autochtone. Les analyses initiales ont révélé plusieurs interactions importantes de ces facteurs avec l'identité autochtone dans les modèles. Par conséquent, nous avons ajusté des modèles distincts pour chaque identité autochtone et comparé entre elles les estimations produites au moyen de ces modèles (pour la description technique de la méthode d'analyse, voir Notes techniques).

    Nous avons spécifié séparément pour chaque groupe d'identité autochtone (non-Autochtones, Premières Nations vivant hors réserve, Métis et Inuits) des modèles logistiques en vue d'estimer la probabilité que soit déclaré chacun des résultats en matière de santé examinés précédemment : santé générale excellente ou très bonne (tableau 7), au moins un problème de santé chronique diagnostiqué par un professionnel de la santé (tableau 8), diabète diagnostiqué par un professionnel de la santé (tableau 9), asthme diagnostiqué par un professionnel de la santé (tableau 10) et arthrite diagnostiquée par un professionnel de la santé (tableau 11).

    Tableau 7 Rapports de cotes corrigés reliant certains facteurs sociodémographiques et liés à la santé à la déclaration d'une santé excellente ou très bonne, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Tableau 8 Rapports de cotes corrigés reliant certains facteurs sociodémographiques et liés à la santé à la probabilité de recevoir le diagnostic d'au moins un problème de santé chronique, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Tableau 9 Rapports de cotes corrigés reliant certains facteurs sociodémographiques et liés à la santé à la probabilité de recevoir le diagnostic de diabète, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Tableau 10 Rapports de cotes corrigés reliant certains facteurs sociodémographiques et liés à la santé à la probabilité de recevoir le diagnostic d'asthme, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    Tableau 11 Rapports de cotes corrigés reliant certains facteurs sociodémographiques et liés à la santé à la probabilité de recevoir le diagnostic d'arthrite, selon le groupe d'identité autochtone, population hors réserve âgée de 20 ans et plus, Canada, 2006-2007

    La majorité des facteurs semble avoir des effets semblables dans tous les modèles pour chaque résultat en matière de santé. Cependant, quelques-uns se distinguent, ayant des effets différents selon le groupe d'identité autochtone. L'un de ces facteurs est le sexe. Chez les adultes non autochtones, les hommes étaient significativement moins susceptibles que les femmes (RC =0,9) de déclarer être en excellente ou en très bonne santé (tableau 7). En revanche, chez les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes, les hommes et les femmes étaient aussi susceptibles les uns que les autres de faire cette déclaration. Les estimations calculées pour les membres des Premières Nations et les Inuits adultes différaient de manière significative de celles produites par le modèle pour les adultes non autochtones (tableau 7). En outre, alors que les chances qu'un médecin ait diagnostiqué au moins un problème de santé chronique étaient les mêmes chez les hommes et les femmes non autochtones (RC=1,0), elles étaient significativement plus faibles chez les hommes que chez les femmes adultes membres des Premières Nations (RC=0,8), métis (RC=0,8) et inuits (RC=0,7) (tableau 8). Enfin, alors que les hommes non autochtones étaient significativement plus susceptibles que leurs homologues féminins d'avoir reçu un diagnostic de diabète, les femmes et les hommes adultes autochtones étaient aussi susceptibles les uns que les autres d'avoir reçu ce diagnostic, qu'il s'agisse des membres des Premières Nations (RC=1,0), des Métis (RC=1,2) ou des Inuits adultes (RC=0,9) (tableau 9).

    Si nous considérons les cinq résultats en matière de santé examinés, les catégories d'indice de masse corporelle avaient des effets différents selon le groupe d'identité autochtone pour trois d'entre eux, à savoir l'auto-évaluation de la santé (tableau 7), le diagnostic d'au moins un problème de santé chronique (tableau 8) et le diagnostic d'arthrite (tableau 11). Dans ces modèles, les effets de l'excès de poids et de l'obésité n'étaient pas les mêmes chez les adultes non autochtones que chez les adultes membres des Premières Nations et les adultes inuits, particulièrement chez les seconds. Ces résultats pourraient indiquer que les seuils d'IMC utilisés pour la population générale pourraient ne pas convenir pour les Premières Nations ou les Inuits, argument qui a déjà été avancé par d'autres35.

    De la même façon, d'autres caractéristiques ont des effets différents sur la santé des Autochtones et celle des non-Autochtones, ainsi que sur la santé des membres des Premières Nations, celle des Métis et celle des Inuits.

    Discussion et conclusion

    En général, la santé des adultes autochtones est moins bonne que celle de leurs homologues non autochtones. Les adultes inuits, métis et membres des Premières Nations vivant hors réserve étaient moins susceptibles de déclarer que leur santé était excellente ou très bonne et plus susceptibles de mentionner au moins une limitation des activités que les non-Autochtones adultes. Il existait également des différences en ce qui concerne la probabilité que soient diagnostiqués divers problèmes de santé chroniques ou des problèmes de santé chroniques particuliers. Ces différences en matière de santé sont encore plus accentuées si l'on tient compte de la structure par âge, en moyenne plus jeune, de la population autochtone.

    Cette inégalité en matière de santé diminue dans certains cas après avoir tenu compte des caractéristiques socioéconomiques, telles que le revenu et le niveau de scolarité. Cependant, dans la plupart des cas, les adultes inuits, métis et membres des Premières Nations vivant hors réserve demeuraient en moins bonne santé que les adultes non autochtones, même si l'on neutralisait l'effet des facteurs de risque socioéconomiques, d'accès aux soins de santé et de mode de vie.

    Le fait que des inégalités en matière de santé persistent entre les Canadiens autochtones et non autochtones indique que d'autres facteurs entrent en jeu. Quelques-uns ont soutenu que les facteurs proximaux, c'est-à-dire ceux qui ont un effet direct sur la santé, tels que les caractéristiques comportementales et socioéconomiques, n'expliquent qu'en partie les inégalités en matière de santé, et que des facteurs ayant un effet indirect sur la santé, tels que le système de soins de santé et, plus précisément en ce qui concerne la population autochtone au Canada, des facteurs de racisme et d'exclusion sociale, peuvent jouer un rôle important dans la création et le maintien des inégalités en matière de santé36,37. Ce genre de facteurs sont, cependant, difficiles à conceptualiser et à mesurer et n'ont, par conséquent, pas été examinés dans la présente étude.

    Le fait que les niveaux de revenu et de scolarité ne puissent pas expliquer entièrement les différences d'état de santé entre les adultes autochtones et non autochtones ne signifie pas que ces facteurs sont sans importance. La présente étude et d'autres19-21,38 ont montré que de faibles niveaux de revenu et de scolarité sont associés à de moins bons résultats en matière de santé. À un échelon très fondamental, le revenu reflète la capacité d'une personne à avoir accès aux ressources, et les personnes dont le revenu est élevé ont généralement accès à des ressources de meilleure qualité. Ces dernières peuvent englober un logement de haute qualité, des moyens de transport, une nutrition adéquate et l'accès à de l'eau non contaminée, facteurs qui peuvent tous avoir une incidence sur la santé. Les personnes qui atteignent un plus haut niveau de scolarité peuvent être mieux au courant des modes de vie sains et du système de soins de santé, ainsi que de la façon d'utiliser ce dernier.

    La présente étude a aussi démontré que les facteurs habituellement associés à la santé de la population générale n'agissent pas de la même façon chez les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes. Par exemple, chez la population non autochtone, il existe une association significative entre le sexe masculin et une prévalence élevée du diabète. Par contre, chez les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes, la probabilité d'un diagnostic de diabète est la même chez les hommes que chez les femmes. Il existait également des différences entre les Premières Nations, les Métis et les Inuits en ce qui concerne diverses mesures de la santé. Ces résultats témoignent de plusieurs choses.

    Premièrement, les facteurs associés à la santé chez les adultes non autochtones ne sont pas forcément ceux qui ont une incidence sur la santé des Autochtones, et leur effet sur la santé n'est pas nécessairement le même. Deuxièmement, il existe aussi d'importantes différences entre les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits adultes en ce qui a trait aux facteurs qui influent sur la santé, ce qui fait ressortir l'importance d'examiner séparément ces divers groupes et de ne pas utiliser une approche globale de l'étude de la santé des autochtones.

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