Rapports sur la santé
Le cancer chez les Premières Nations en Ontario, Canada : incidence et mortalité, 1991 à 2010

par Sehar Jamal, Carmen Jones, Jennifer Walker, Maegan Mazereeuw, Amanda J. Sheppard, David Henry et Loraine D. Marrett

Date de diffusion : le 16 juin 2021

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100600002-fra

Il existe trois groupes autochtones distincts au Canada : les Premières Nations, les Inuits et les Métis (PNIM)Note 1. Ces trois groupes distincts ont leur propre histoire ainsi que leurs propres langues, pratiques culturelles et croyances. Les Premières Nations constituent le plus grand de ces groupes, comptant plus de 230 000 personnes résidant en Ontario (environ 2 % de la population provinciale et environ 24 % de la population nationale des Premières Nations)Note 2. De nombreuses personnes des Premières Nations sont confrontées à des obstacles importants pour rester en bonne santé, qui découlent en partie du colonialisme, du racisme et de l’exclusion socialeNote 3. Par conséquent, bon nombre d’entre elles souffrent d’une mauvaise santé comparativement à la population en général (p. ex. une espérance de vie plus faible, une mortalité évitable plus élevée)Note 4. D’autres facteurs peuvent également contribuer à de moins bons résultats en matière de santé, y compris des défis géographiques qui limitent l’accès aux services de santé, à des aliments abordables et à l’éducationNote 3.

Le cancer est l’une des principales causes de décès chez les Premières NationsNote 5. Toutefois, un manque d’identificateurs autochtones dans les bases de données administratives sur la santé, y compris les registres du cancer, a limité la mesure des résultats en matière de santé des Premières Nations et a nécessité la réalisation d’études spéciales. Grâce au couplage d’enregistrements, des données probantes accumulées récemment ont démontré des tendances différentes en ce qui concerne l’incidence du cancer parmi les populations autochtones par rapport aux populations non autochtones. Au Canada, il a été démontré que les Premières Nations ont une incidence plus élevée de cancers du côlon et du rectum, du rein, du col de l’utérus et du foie et une incidence plus faible de cancers de la prostate, du sein, de la vessie, de l’utérus et du cerveau, ainsi que de lymphomes non hodgkiniens, de la leucémie et du mélanomeNote 6Note 7Note 8.

En Ontario, la province la plus peuplée du Canada, les données disponibles étaient tout à fait désuètes; la couverture la plus récente datait de 1991Note 7. Ces données ont montré une augmentation des taux d’incidence du cancer chez les Premières Nations de l’Ontario, particulièrement pour les cancers du poumon et colorectauxNote 7. Cette étude a pour but de présenter des renseignements actualisés sur le fardeau du cancer pour les Premières Nations vivant en Ontario et d’examiner les tendances au fil du temps, particulièrement en ce qui concerne les taux de cancer qui sont ciblés par des programmes de dépistage (cervical, du sein, colorectal) ou les interventions de santé publique (tabagisme).

Données et méthodes

Conformément au mandat donné par l’Assemblée des chefs des Premières Nations de l’Ontario en 2009, trois organismes (Chiefs of Ontario, l’IRSS et Santé Ontario [Action Cancer Ontario]) ont collaboré à l’élaboration d’une stratégie visant à estimer le fardeau du cancer chez les Premières Nations de l’Ontario. Chiefs of Ontario (Chiefs of Ontario) est le secrétariat des 133 collectivités des Premières Nations de l’Ontario et a dirigé les efforts visant à obtenir l’accès au Registre des Indiens (RI) fédéral. L’IRSS est un organisme indépendant de recherche sur les données en Ontario qui détient, maintient et utilise le RI sous l’autorité de Chiefs of Ontario. Santé Ontario (Action Cancer Ontario) est le conseiller du gouvernement en matière de cancer et était chargé d’analyser et d’interpréter les données sur le cancer.

La stratégie du projet consistait à coupler plusieurs bases de données pour créer une cohorte des Premières Nations, à élaborer des ententes de gouvernance et de partage de données qui précisent de quelle façon les organismes collaboreraient pour gérer les données en vertu des principes de souveraineté des données des Premières Nations, à savoir la propriété, le contrôle, l’accès et la possession (PCAP®)Note 9Note 10. Le Groupe de travail sur la surveillance du cancer a été formé pour guider l’élaboration et la mise en œuvre du projet. Les résultats ont été initialement fournis aux collectivités des Premières Nations de l’Ontario au moyen d’un cadre d’application et d’échange des connaissances avec le soutien d’un spécialiste de l’application des connaissances des Premières Nations.

Création de la cohorte

Le Groupe de travail sur la surveillance du cancer a présenté une demande à Services aux Autochtones Canada demandant l’accès au RI pour les années 1991 à 2010 (« période à l’étude »). Le RI est le dossier officiel de tous les « Indiens inscrits » (les « Indiens » sont maintenant appelés « Premières Nations ») qui satisfont aux critères d’admissibilité définis en vertu de la Loi sur les Indiens fédéraleNote 11. Une copie du fichier contenant certaines variables du RI a été envoyée à l’IRSS, une entité prescrite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario, qui a légalement le droit de recevoir et de coupler des fichiers avec des renseignements permettant d’identifier une personne. L’IRSS a agi à titre d’administrateur des données au nom des Premières Nations de l’Ontario aux fins du présent projetNote 12. L’IRSS a créé une cohorte de membres inscrits des Premières Nations (âgés de 0 à 99 ans) vivant en Ontario (« cohorte des Premières Nations ») en couplant les données du fichier du RI à celles de la Base de données sur les personnes inscrites (BDPI) de l’Ontario; cette dernière comprend tous les résidents de l’Ontario qui ont droit à des soins de santé financés par des fonds publics depuis 1991Note 12. Les résidents de l’Ontario doivent mettre à jour leur carte de santé tous les cinq ans; la BDPI comprend des années précises de couverture de santé et, par conséquent, de résidence assumée dans la province. Le couplage a été effectué en employant une combinaison de méthodes déterministes et probabilistesNote 12. La cohorte des Premières Nations comprenait donc toutes les personnes des Premières Nations dans le RI (quel que soit l’emplacement de leur bande) qui figuraient également dans la BDPI de l’Ontario (et qui, par conséquent, étaient des résidents de l’Ontario) pendant au moins un an entre 1991 et 2010. Ces ensembles de données ont été couplés au moyen d’identificateurs codés uniques et analysés par l’IRSS. L’analyse a également été effectuée à Santé Ontario (Action Cancer Ontario).

Cas de cancer et décès attribuables au cancer

Le Registre des cas de cancer de l’Ontario (RCCO) contient des renseignements sur tous les diagnostics de cancer envahissant chez les résidents de l’Ontario depuis 1964, à l’exclusion des cancers de la peau sans présence de mélanomeNote 13. Les cancers étaient classés selon la Classification internationale des maladies pour l’oncologie, troisième éditionNote 14. Le statut vital et la cause du décès étaient disponibles dans le RCCO. Les décès étaient classés conformément à la Classification internationale des maladies, dixième versionNote 15. Les données de la cohorte des Premières Nations ont été couplées au RCCO en employant une combinaison de méthodes déterministes et probabilistes. Les membres de la cohorte qui étaient appariés au RCCO étaient des personnes des Premières Nations atteints d’un cancer ou en train d’en mourir; toutes les autres personnes atteintes d’un cancer ou en train d’en mourir (c.-à-d. les personnes non inscrites des Premières Nations, les autres Autochtones et les non-Autochtones) au cours de la même période ont été classées comme « autres personnes en Ontario ».

Analyse statistique

Les années-personnes à risque pour les Premières Nations ont été calculées à partir de la première année où une personne est apparue dans le fichier de cohorte des Premières Nations à la dernière année où elle a été identifiée comme résident de l’Ontario, l’année du diagnostic du cancer, l’année du décès ou la fin de la période de suivi (le 31 décembre 2010), selon la première éventualité. Les estimations annuelles de la population des Premières Nations de l’Ontario ont été établies à partir de la cohorte des Premières Nations, en fonction des années de résidence provinciale précises imputées à partir de la BDPI. Les années-personnes pour les autres personnes en Ontario ont été calculées en employant les recensements de Statistique Canada de 2001, de 2006 et de 2011; des estimations intercensitaires; et des projections du ministère des Finances de l’Ontario (automne 2014). Les estimations annuelles de la population pour les « autres personnes en Ontario » ont été établies en soustrayant le nombre de personnes dans la cohorte des Premières Nations des estimations annuelles de la population pour l’ensemble de l’Ontario. Les tailles de la population ont été estimées selon l’âge et le sexe, ainsi que par année civile.

Les taux d’incidence et de mortalité du cancer propres au sexe et au siège ont été calculés comme le nombre de cas et de décès respectifs pour 100 000 années-personnes, normalisés selon l’âge par rapport à la population normalisée mondialeNote 16. Les types de cancer ont été regroupés selon les recodages du Surveillance, Epidemiology and End Results ProgramNote 17. Les taux sont présentés pour les combinaisons d’âge, de sexe et de cancer avec 30 cas ou plus ou décès. Les trois types de cancer les plus courants pour chaque sexe ont été stratifiés de façon plus approfondie selon l’âge. Les estimations pour les Premières Nations et les autres personnes en Ontario ont été comparées à l’aide du ratio des taux normalisés selon l’âge, pour lequel 95 % des intervalles de confiance (IC) ont été calculésNote 18. On considérait que les taux entre les deux populations différaient de façon significative si les IC du rapport des taux (RT) excluaient 1. Ces analyses ont été effectuées en employant le logiciel SEER*Stat (version 8.3.2).

Les taux d’incidence des six types de cancer les plus courants pour chaque sexe ont également été estimés selon l’année de diagnostic. Pour les cancers du col de l’utérus et du rein, les taux d’incidence sont présentés en groupes de deux et trois ans, respectivement, en raison des petits nombres. Des lignes de tendance ont été produites, et les estimations de variations annuelles en pourcentage (VAP) et les IC à 95 % ont été calculés au moyen du logiciel Joinpoint (version 4.2). Le modèle recommandé par Joinpoint a été utilisé, avec un maximum de trois points de jonction.

Résultats

La cohorte des Premières Nations comptait 194 392 personnes, parmi lesquelles 6 859 cas de cancer ont été diagnostiqués pendant 3,1 millions d’années-personnes de suivi entre 1991 et 2010. Parmi les autres personnes en Ontario, 1 069 446 cas de cancer ont été diagnostiqués au cours de plus de 246 millions d’années-personnes à risque. La cohorte des Premières Nations était plus jeune que celle des autres personnes en Ontario. Seulement 15 % des personnes des Premières Nations étaient âgées de 50 ans ou plus, comparativement à plus de 25 % des autres personnes en Ontario. Le tableau 1 montre le nombre de nouveaux cas de cancer, le taux d’incidence normalisé selon l’âge (TINA) et le RT selon le type de cancer et le sexe.

L’incidence du cancer dans tous les sièges combinés était beaucoup plus élevée chez les femmes des Premières Nations que chez les autres femmes de l’Ontario (RT = 1,05, IC à 95 % : 1,02 à 1,09), bien que l’incidence soit considérablement plus faible chez les femmes de moins de 30 ans; il était beaucoup plus élevé chez les personnes âgées de 50 à 64 ans et de 65 à 74 ans (tableau 1). Le TINA pour tous les sièges pour les hommes des Premières Nations était semblable à celui des autres hommes de l’Ontario, bien qu’il soit beaucoup plus faible pour les groupes d’âge de moins de 50 ans.

Les cancers les plus courants chez les hommes des Premières Nations étaient les cancers de la prostate, colorectal, du poumon et du rein. Chez les femmes des Premières Nations, les cancers du sein, du poumon, colorectal, du col de l’utérus et du rein étaient les plus courants. Chez les hommes et les femmes des Premières Nations, l’incidence des cancers colorectaux, du poumon, du rein et du foie était considérablement plus élevée que chez d’autres personnes en Ontario. Les femmes des Premières Nations présentaient également une incidence considérablement plus élevée de cancers du col de l’utérus, du myélome, de l’estomac, de la vésicule biliaire et de la vulve. Les hommes des Premières Nations présentaient une incidence considérablement plus faible pour les cancers de la prostate, de la vessie et du cerveau, ainsi que de lymphomes non hodgkiniens, de leucémie et de mélanome de la peau. Les femmes des Premières Nations présentaient une incidence considérablement plus faible de cancers du sein, de l’utérus, de la thyroïde et du cerveau, ainsi que de mélanomes de la peau.

Les taux de cancer colorectal et du poumon étaient considérablement plus élevés chez les hommes des Premières Nations âgés de 50 ans ou plus que chez les autres hommes du même groupe d’âge en Ontario. Chez les femmes des Premières Nations, le cancer colorectal était considérablement plus élevé dans tous les groupes d’âge de moins de 75 ans, et le cancer du poumon était considérablement plus élevé dans tous les groupes d’âge, comparativement aux autres femmes de l’Ontario dans ces groupes d’âge respectifs. Les RT de cancer du rein étaient considérablement plus élevés chez les hommes et les femmes des Premières Nations de tous les groupes d’âge de moins de 75 ans comparativement aux autres hommes et femmes de l’Ontario de moins de 75 ans. Les taux de cancer du col de l’utérus étaient considérablement plus élevés pour tous les groupes d’âge chez les femmes des Premières Nations, à l’exclusion de celles âgées de 50 à 64 ans, comparativement aux autres femmes de l’Ontario.

Les figures 1 à 5 illustrent les tendances temporelles ajustées des taux d’incidence des cancers les plus courants de 1991 à 2010. Les taux de cancer du poumon chez les femmes des Premières Nations (p<0,05) ont augmenté de façon considérable, comparativement à ceux des autres femmes de l’Ontario, dont les taux sont demeurés relativement stables, ce qui a entraîné des écarts au fil du temps. Les taux de cancer du poumon ont diminué tant chez les hommes des Premières Nations que chez les autres hommes de l’Ontario. Les taux de cancer colorectal chez les femmes et les hommes des Premières Nations sont demeurés plus élevés que chez les autres personnes de l’Ontario, sans tendance à la hausse ou à la baisse significative. Bien que l’incidence du cancer du sein soit plus faible chez les femmes des Premières Nations, les taux ont augmenté de façon constante et se rapprochent de ceux des autres femmes en Ontario (VAP de 1,19; VAP de -0,09). Les taux de cancer de la prostate étaient stables chez les hommes des Premières Nations; les autres hommes de l’Ontario ont connu des taux croissants jusqu’en 2006.

Les taux de cancer du rein chez les femmes des Premières Nations ont augmenté de façon considérable au fil du temps par rapport aux autres femmes de l’Ontario (VAP de 17,43; VAP de 4,13). Les taux des hommes des Premières Nations étaient plus élevés que ceux des autres hommes en Ontario, mais ces taux ont diminué jusqu’en 2003 (VAP de -9,64), après quoi les taux ont augmenté rapidement par rapport aux hommes en Ontario, peut-être en raison de la petite taille de l’échantillon (VAP de 38,39; VAP de 3,26). L’incidence du cancer du col de l’utérus chez les femmes des Premières Nations a diminué de façon considérable (VAP de -9,53), se rapprochant du taux pour les autres femmes en Ontario.

Les taux de mortalité pour tous les sièges combinés étaient considérablement plus élevés chez les Premières Nations (surtout chez les femmes et les personnes âgées) que chez les autres personnes en Ontario (hommes : RT = 1,08, IC : de 1,03 à 1,14; femmes : RT = 1,23, IC = de 1,16 à 1,29) (tableau 2). Les taux de mortalité étaient considérablement plus élevés pour le cancer du poumon et le cancer colorectal chez les hommes et les femmes des Premières Nations âgés de 30 ans et plus et chez tous les âges pour le cancer du rein, comparativement aux autres personnes en Ontario. Les décès par cancer du col de l’utérus (30 ans ou plus) étaient presque trois fois plus élevés chez les femmes des Premières Nations que chez les autres femmes de l’Ontario.

Discussion

Pour plusieurs types de cancer, les taux d’incidence et de mortalité étaient plus élevés chez les Premières Nations que chez les autres personnes en Ontario. Des résultats semblables ont été rapportés pour les populations autochtones dans d’autres régions du Canada (Colombie-Britannique, Alberta, Québec) ainsi qu’aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-ZélandeNote 6Note 8Note 19Note 20. On a observé une augmentation des taux d’incidence des cancers du rein chez les hommes et les femmes des Premières Nations et des taux de cancer du poumon chez les femmes des Premières Nations. Les taux d’incidence du cancer du poumon chez les hommes des Premières Nations ont diminué avec le temps. Fait encourageant, on a aussi documenté une baisse de l’incidence du cancer du col de l’utérus, ce qui se traduit par un taux proche de celui des autres femmes de l’Ontario à la fin de la période à l’étude. Ces tendances positives peuvent découler des mesures prises pour réduire le tabagisme et encourager le dépistage du cancer du col de l’utérus dans les collectivités des Premières NationsNote 21.

L’incidence de tous les cancers combinés était semblable chez les hommes des Premières Nations comparativement à celle des autres hommes en Ontario. Toutefois, les taux de tous les cancers étaient plus élevés chez les femmes des Premières Nations que chez les autres femmes en Ontario. Cette constatation, ainsi que l’observation de taux de mortalité attribuables au cancer plus élevés, met en évidence les vulnérabilités particulières des femmes des Premières Nations.

Le cancer du poumon était le cancer le plus fréquent chez les Premières Nations de l’Ontario, touchant 1 059 personnes des Premières Nations entre 1991 et 2010; l’incidence était considérablement élevée chez les deux sexes et dans la plupart des groupes d’âge. L’incidence du cancer du poumon était également plus élevée chez les populations autochtones de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis (Alaska) et du Queensland par rapport à leurs populations générales respectivesNote 19. Toutefois, l’incidence du cancer du poumon était plus faible chez les Premières Nations de la Colombie-Britannique et de l’Alberta que chez les personnes qui ne font pas partie des Premières NationsNote 6Note 19. Dans la présente étude, l’incidence du cancer du poumon a diminué chez les hommes des Premières Nations (ce qui correspond à la tendance des autres hommes de l’Ontario), mais a augmenté chez les femmes des Premières Nations. On peut s’attendre à ce que les taux de cancer du poumon chez les Premières Nations soient plus élevés à l’avenir, étant donné la prévalence élevée du tabagisme chez les jeunes des Premières Nations comparativement aux jeunes non autochtonesNote 21. Les programmes de renoncement au tabac et de prévention du tabagisme demeurent essentiels pour prévenir ou réduire la consommation de tabac à des fins commerciales chez les jeunes autochtones de l’Ontario. L’Unité des soins de cancérologie chez les peuples autochtones (USCPA) de Santé Ontario (Action Cancer Ontario) a mis au point un programme pour la lutte contre le tabagisme chez les peuples autochtones afin de collaborer avec les collectivités dans le but d’améliorer les connaissances et de renforcer les capacités grâce à des approches adaptées sur le plan culturel pour prévenir la consommation de tabac commercial et encourager l’abandon du tabagisme.

L’incidence du cancer colorectal était beaucoup plus élevée chez les Premières Nations que chez les autres personnes de l’Ontario. Une incidence plus élevée du cancer colorectal a aussi été observée chez les Premières Nations dans d’autres régions du CanadaNote 6Note 19. En revanche, l’incidence du cancer colorectal était plus faible chez les populations autochtones de Nouvelle-Zélande et d’Australie, quoique la mortalité soit considérablement plus élevée et que la survie soit plus faibleNote 22Note 23. L’une des principales constatations de cette étude est que le risque de cancer colorectal chez les groupes d’âge plus jeunes (de moins de 50 ans) était plus élevé chez les Premières Nations, mais que cette différence n’était statistiquement significative que chez les femmes. En Ontario, les lignes directrices sur le dépistage du cancer colorectal suggèrent un dépistage tous les deux ans pour les adultes de 50 à 74 ans qui sont à risque moyenNote 24. Toutefois, le niveau de risque plus élevé et l’âge plus précoce d’apparition chez les Premières Nations donnent à penser qu’il pourrait être nécessaire de revoir les lignes directrices sur le dépistage pour cette population. Cela a été fait pour les Afro-Américains et les Autochtones de l’Alaska par l’intermédiaire d’organismes aux États-UnisNote 25Note 26. Des recherches plus poussées sur l’âge apparemment plus jeune du diagnostic du cancer colorectal sont nécessaires dans les populations autochtonesNote 27. Les Premières Nations ont une prévalence plus élevée en matière d’obésité et une consommation plus faible de fruits et légumes comparativement aux non-Autochtones, ce qui constitue des facteurs de risque importants pour le cancer colorectalNote 21. Dans les enquêtes fondées sur l’autodéclaration auprès des personnes des Premières Nations d’âge admissible, 39 % des femmes et 53 % des hommes étaient sous-dépistés pour le cancer colorectalNote 21.

Historiquement, et comme nous l’avons observé dans la présente étude, l’incidence du cancer du col de l’utérus était considérablement plus élevée chez les femmes des Premières Nations que dans la population non autochtoneNote 7. Toutefois, de 1991 à 2010, l’incidence a diminué et s’est rapprochée de celle de la population ontarienne. L’incidence du cancer du col de l’utérus était également plus élevée chez les populations autochtones d’autres provinces et territoires canadiens, ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans certaines régions des États-Unis (Alaska)Note 6Note 19. En se basant sur les données autodéclarées, les femmes des Premières Nations et les femmes non autochtones ont subi des tests Pap dans des proportions assez semblables au cours des dernières annéesNote 21, ce qui peut avoir contribué à la forte tendance à la baisse de l’incidence du cancer du col de l’utérus chez les femmes des Premières Nations et à sa convergence avec celle des autres femmes en Ontario.

L’incidence du cancer du sein a toujours été plus faible chez les femmes des Premières Nations au Canada, bien qu’elle ait augmenté depuis les années 1980Note 7Note 8. Une plus faible incidence du cancer du sein a également été observée chez la plupart des populations autochtones à l’extérieur du Canada, sauf chez les Autochtones de l’Alaska aux États-Unis et chez les femmes maories en Nouvelle-ZélandeNote 19. Bien que l’incidence du cancer du sein ait été plus faible chez les Premières Nations de l’Ontario de 1991 à 2010, elle a augmenté au fil du temps et s’approche de celle des autres femmes de l’Ontario. Cette augmentation peut être liée à des changements dans les facteurs de risque tels que le régime alimentaire et les niveaux d’activité physique, ou à des initiatives visant à améliorer le dépistage (p. ex. autobus ou autocar de dépistage mobile qui rend la mammographie plus accessible). Il est important de faire davantage de recherches afin de comprendre l’augmentation du cancer du sein chez les femmes des Premières Nations pour inverser sa hausse.

Le cancer du rein était le cinquième cancer le plus fréquent chez les Premières Nations. En revanche, il s’agissait du 12e cancer le plus fréquent chez les autres personnes en Ontario; cependant, il a augmenté au fil du temps dans les deux populations. Des taux élevés de cancer du rein ont également été observés chez les Autochtones de l’Alaska, qui sont plus susceptibles que les Blancs de recevoir un diagnostic de maladie à stade avancéNote 28. On a aussi observé une incidence plus élevée de cancer du rein chez les femmes des Premières Nations en Colombie-BritanniqueNote 6. Parmi les explications partielles pour l’augmentation de l’incidence du cancer du rein, mentionnons l’amélioration de l’imagerie diagnostique et la prévalence plus élevée des facteurs de risque, notamment le tabagisme, l’obésité, le diabète et l’hypertension. Aux États-Unis, plus de 40 % des hypernéphromes sont attribués à l’embonpoint et à l’obésitéNote 28. Il est urgent de faire des recherches de suivi, surtout en raison de la tendance croissante parmi les Premières Nations par rapport aux autres personnes en Ontario.

La mortalité attribuable au cancer dans l’ensemble était considérablement plus élevée chez les Premières Nations par rapport aux autres personnes en Ontario; la mortalité accrue des cancers du poumon, colorectaux, cervicaux et rénaux y a contribué. Des études antérieures portant sur une cohorte semblable, mais plus âgée, de 1968 à 1991, ainsi que sur des cohortes nationales au Canada, ont indiqué un taux de survie plus faible pour les Premières Nations pour de nombreux types de cancerNote 29Note 30. Cela s’explique peut-être par une prévalence plus élevée de la comorbidité et par la tendance de recevoir des diagnostics à des stades plus avancésNote 31. Un accès plus limité aux soins médicaux peut entraîner une présentation clinique tardive et une moins bonne réponse aux traitements.

L’incidence et la mortalité plus élevées pour certains cancers peuvent être attribuables à la prévalence plus élevée de certains facteurs de risque comportementaux (p. ex. tabagisme, obésité, plus faible consommation de fruits et de légumes) chez les Premières Nations de l’OntarioNote 21Note 32Note 33Note 34. Ces différences dans les facteurs de risque sont enracinées dans les déterminants de la santé des populations autochtones, qui comprennent également les traumatismes historiques, la marginalisation et un mauvais accès au système de santéNote 3. L’accès équitable à un environnement conçu de façon propice, à des aliments sains abordables et à un système de santé culturellement sécurisant et respectueux est important pour répondre aux différences dans l’expérience et le risque du cancer chez les Premières Nations comparativement aux personnes de l’Ontario. Les intervenants pivots pour les Autochtones aident les Premières Nations et les autres groupes autochtones de l’Ontario à se frayer un chemin dans le système de soins liés au cancer, en leur donnant accès à des guérisseurs autochtones et à des ressources de bien-être, ainsi qu’en participant à des rendez-vous médicauxNote 35.

Les politiques et les programmes doivent adopter une approche holistique pour modifier les environnements économiques, physiques et sociaux qui influent sur les comportements liés à la santéNote 4. Des recommandations pour de telles politiques en Ontario ont été formulées au moyen d’une sensibilisation et d’une mobilisation importantes auprès des collectivités des Premières NationsNote 36.

Points forts et limites

Le travail a nécessité une étroite collaboration entre Chiefs of Ontario, Santé Ontario (Action Cancer Ontario) et l’IRSS. Les travaux ont été menés par les Premières Nations et effectués conformément aux principes de PCAP® des Premières NationsNote 10. La cohorte des Premières Nations comprenait des renseignements sur tous les membres inscrits des Premières Nations en Ontario qui étaient couplés à la BDPI (une base de données qui indique les Ontariens qui ont eu accès aux soins de santé). Le couplage subséquent avec un registre du cancer axé sur la population (le RCCO) a fourni des détails sur les diagnostics de cancer entre 1991 et 2010. Cela a permis d’estimer l’incidence de plus de 15 types de cancer, avec des estimations relativement stables de l’incidence sur une période de 20 ans, y compris les tendances pour les cancers les plus courants. Le couplage des données a été effectué par du personnel expérimenté utilisant des méthodes tant déterministes que probabilistesNote 12. Cette étude a démontré que grâce au partenariat, il est possible de poursuivre la surveillance du cancer chez les Premières Nations en utilisant des données de haute qualité pour aider à éclairer les programmes de lutte contre le cancer et le financement pour les Premières Nations en Ontario.

La généralisation est limitée aux membres des Premières Nations qui sont inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens; selon le Recensement de 2016, au moins 36 % des personnes qui s’identifient comme Premières Nations en Ontario ne sont pas inscritesNote 37. Les résultats de cette étude ne reflètent pas la diversité des Premières Nations entre différentes collectivités de l’Ontario.

Conclusions et incidence

Dans l’ensemble, l’incidence et la mortalité du cancer colorectal et du rein chez les Premières Nations étaient nettement plus élevées que celles des autres personnes en Ontario. À l’inverse, l’incidence du cancer du poumon chez les hommes des Premières Nations et celle du cancer du col de l’utérus chez les femmes des Premières Nations ont diminué. La baisse de l’incidence démontre le succès des efforts visant à améliorer les politiques de prévention (p. ex. le renoncement au tabac) et les programmes (p. ex. le dépistage du cancer) dans les collectivités des Premières Nations. L’élaboration de programmes adaptés à la culture en collaboration avec les collectivités des Premières Nations peut être un moyen efficace de réduire la prévalence des facteurs de risque et d’améliorer le dépistage. L’USCPA de Santé Ontario a élaboré des recommandations stratégiques visant à réduire l’exposition à l’échelle de la population à quatre principaux facteurs de risque (le tabac, l’alcool, l’alimentation et l’activité physique), à renforcer la capacité de prévention des maladies chroniques et à œuvrer vers l’équité en matière de santéNote 36. Les programmes d’éducation et de prévention, la recherche et les changements de politiques appuyés par l’USCPA ont été élaborés grâce à des partenariats solides entre les collectivités et les organismes des Premières Nations. Des partenariats continus sont nécessaires pour tirer parti des données sur la santé des Premières Nations afin de mesurer l’ensemble du parcours face au cancer, y compris le dépistage et le suivi du cancer, dans le but de mieux comprendre et d’éclairer les décisions.

Références
Date de modification :