Rapports sur la santé
La consommation d’aliments ultratransformés au Canada

par Jane Y. Polsky, Jean-Claude Moubarac et Didier Garriguet

Date de diffusion : le 18 novembre 2020

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202001100001-fra

Les aliments et boissons ultratransformés (AUT) dominent désormais l’approvisionnement alimentaire dans les nations à revenu élevé, dont le Canada. Leur vente et leur consommation augmentent de manière constante dans les pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure et les pays à revenu intermédiaireNote 1Note 2Note 3Note 4. En 2016, les ventes par habitant d’AUT ont été évaluées à 275 kg par année au Canada. Il s’agit du quatrième volume en importance parmi 80 paysNote 4. Lancé il y a une dizaine d’années par des chercheurs de l’Université du Brésil à São Paulo, le concept d’AUT renvoie à des aliments et à des boissons qui sont des formulations industrielles de sources, en grande partie, peu coûteuses d’énergie et de nutriments alimentaires, en plus de compter des additifs. Ces produits sont fabriqués au moyen d’une série de transformations (ce qui explique le terme « ultratransformés »), et renferment peu d’aliments entiers s’il y a lieuNote 5Note 6. Parmi les exemples typiques, mentionnons les boissons gazeuses et d’autres boissons sucrées, des collations emballées sucrées et salées, des pains industriels produits en série, des produits de viande, comme les burgers et les hot dogs, ainsi que les repas-minute et les plats surgelés. Ensemble, ces produits sont caractérisés par la commodité (produits durables et prêts à être consommés), leur appétibilité accrue, leur emballage attrayant et un marketing dynamiqueNote 3Note 6.

Les régimes alimentaires à forte teneur en AUT renferment, de manière générale, une grande quantité de nutriments préoccupants, dont l’apport énergétique total, les sucres libres, les gras saturés et le sodium, et sont faibles en fibres, en protéines et en micronutrimentsNote 7Note 8Note 9Note 10Note 11Note 12Note 13. De plus en plus de preuves tirées d’études prospectives à grande échelle réalisées dans un certain nombre de pays ont trouvé un lien entre une consommation élevée d’AUT et un risque élevé de nombreuses maladies chroniquesNote 7Note 14, dont les maladies cardiovasculairesNote 15Note 16 et le diabète de type 2Note 17, ainsi que les décès prématurésNote 18. Un essai clinique randomisé réalisé récemment a conclu qu’un régime alimentaire fortement axé sur les aliments ultratransformés était associé à un apport énergétique significativement plus élevé et à une prise de poids au cours d’une période de deux semaines, par rapport à un régime sans aliments ultratransformésNote 19. En 2019, le Guide alimentaire canadien révisé a formulé des recommandations visant à limiter la consommation d’aliments et de boissons hautement transformés (c’est-à-dire des aliments ou boissons transformés ou préparés qui constituent un apport excessif en sodium, en sucres ou en gras saturés dans le régime alimentaire), parce qu’ils ne font pas partie de saines habitudes alimentairesNote 20.

Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition de 2004, la consommation des AUT représentait un peu moins de la moitié de l’apport énergétique quotidien total dans le régime des CanadiensNote 9. On ne peut pas affirmer avec certitude que la consommation d’AUT a changé au cours des dix années suivantes. Cette étude avait pour objectif de caractériser la consommation d’AUT par les Canadiens en 2015, en ce qui concerne l’apport en AUT moyen et la répartition de l’apport en AUT habituel. Cette étude se fondait sur les données nationales sur l’alimentation les plus récentes accessibles, et visait à comparer les résultats avec les estimations de 2004.

Données et méthodes

Source des données et échantillon analytique

Les données ayant servi à cette étude proviennent de deux enquêtes transversales représentatives de la population menées par Statistique Canada : l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition de 2004 (cycle 2,2) et l’ESCC – Nutrition de 2015. Les résidents de ménages canadiens de tout âge (2004) et ceux âgés de 1 an et plus (2015) qui vivent dans les 10 provinces canadiennes faisaient partie de la population cible de chaque enquêteNote 21Note 22. Les deux enquêtes excluaient les membres à temps plein des Forces canadiennes, ainsi que les personnes qui vivaient dans une réserve ou dans un autre établissement autochtone, dans certaines régions éloignées ou dans les établissements institutionnels. Lors de chaque enquête, on a demandé aux répondants de se souvenir de tout ce qu’ils avaient mangé et bu entre minuit et minuit le jour précédent, et de décrire, de manière détaillée, les aliments et les quantités consommées. L’Automated Multiple-Pass Method, adaptée au contexte canadien, a servi lors des deux enquêtes afin de permettre aux participants d’optimiser leurs souvenirs des aliments et des boissons consommés. Environ 30 % des répondants ont été sélectionnés pour participer à un deuxième rappel alimentaire de 24 heures de 3 à 10 jours après l’interview initial. Les données ont été recueillies principalement en personne dans le premier rappel, et par téléphone lors du second rappel.

L’échantillon analytique de cette étude comprend des répondants âgés de 2 ans et plus ayant un rappel alimentaire de 24 heures valide, et dont l’apport déclaré est supérieur à zéro calorie. Les enfants allaités ont été exclus, parce qu’il est impossible d’évaluer l’apport énergétique total pour ce groupe. Après les exclusions (n = 1 183 en 2004 et n = 407 en 2015), l’échantillon analytique définitif atteignait 33 924 répondants en 2004 et 20 080 répondants en 2015.

Système de classification NOVA

Tous les aliments et boissons mentionnés par les répondants ont été classés en fonction du système NOVA (il s’agit d’un nom, pas d’un acronyme), un système reconnu à l’échelle mondiale qui classe les aliments en fonction de l’envergure et de l’objectif de la transformation industrielle des alimentsNote 1Note 3Note 6Note 23. Le système NOVA classe les aliments en quatre groupes : (1) aliments non transformés ou transformés minimalement; (2) ingrédients culinaires transformés; (3) aliments transformés; (4) aliments ultratransformés (AUT). Le groupe 1 comprend les fruits et légumes frais, séchés et surgelés, le jus de fruits fraîchement pressé, la viande, la volaille et les fruits de mer frais, le lait et le yogourt nature, les œufs, les légumineuses, les pâtes, les céréales et la farine. Le groupe 2 renferme les ingrédients culinaires, comme le sucre, le sel, le beurre et les huiles végétales. Le groupe 3 renferme les aliments faits en ajoutant des ingrédients culinaires aux aliments du groupe 1, et comprend le fromage, les fruits et légumes en conserve, les viandes ou poissons salés, salaisonnés et en conserve, ainsi que les pains simples (comme le pain artisanal, le pita, le naan ou le bannock). Enfin, le groupe 4 renferme les aliments ultratransformés sur lesquels la présente étude mettait l’accent. Ces aliments ont été classés ensuite parmi les pains et petits pains industriels produits en série (y compris les céréales entières); les produits de viande reconstituée (comme les charcuteries, les hot dogs et les saucisses); les boissons gazeuses (y compris les boissons diètes); les jus de fruits et boissons aux fruits commerciales; les confiseries (chocolat, bonbons, desserts sucrés); les produits à base de lait ou de soya sucrés ou aromatisés (comme la crème glacée, les yogourts aromatisés); les gâteaux, biscuits et pâtisseries commerciaux; les croustilles, les craquelins et d’autres collations salées; les sauces, les tartinades et les vinaigrettes; la margarine; les céréales pour déjeuner sucrées; les soupes commerciales; les repas-minute et les plats surgelés.

Classification des aliments selon le système NOVA

La classification des aliments en groupes NOVA a été réalisée en deux étapes, de manière semblable aux protocoles publiés antérieurementNote 9Note 13Note 24. La figure 1 en fait un résumé. À l’étape initiale, tous les aliments et ingrédients de base du fichier Détails des aliments et ingrédients de l’ESCC – Nutrition ont été classés dans l’un des quatre groupes NOVA s’excluant mutuellement. Les aliments de base sont les aliments qui ne peuvent pas être séparés en d’autres aliments (comme une pomme ou du lait 2 %), ou des recettes dont les valeurs nutritives des ingrédients formant la recette ne sont pas accessibles (comme certaines barres granolas)Note 22. Les valeurs énergétiques (c.-à-d. les kilocalories) de chaque aliment se fondaient sur la quantité déclarée d’aliments convertie en poids par gramme, et ont été tirées du Fichier canadien sur les éléments nutritifs (FCEN) de 2015 dans le cas de l’ESCC – Nutrition de 2015, et de la version 2001b du FCEN dans le cas de l’ESCC – Nutrition de 2004. La classification des aliments en groupes et en sous-groupes du système NOVA a été réalisée en fonction de la description de l’aliment (au lieu du profil des nutriments) et respectait les spécifications publiées dans le passéNote 6. En 2015, les aliments ont été classés en premier; on a attribué automatiquement aux aliments identiques ou analogues de 2004 la classification NOVA de 2015, faisant en sorte que 650 aliments devaient être classés manuellement.

Lors de la deuxième étape, le fichier Niveau recette a été consulté pour déterminer les repas surgelés, les cartons repas et les plats ultratransformés, afin de classer à nouveau leurs ingrédients parmi les aliments ultratransformés (figure 1). Tout d’abord, une recherche par mot-clé a été réalisée pour les plats ultratransformés les plus fréquents (comme les burgers, la pizza et les sandwiches) (tableau 1). Cette liste n’est pas exhaustive et représente les plats les plus fréquemment consommés dans un contexte de service rapide, en fonction des données de l’enquête. Ensuite, les renseignements sur l’emplacement où les plats désignés ont été consommés ou préparés ont été passés en revue. En 2015, on a demandé précisément aux répondants d’indiquer où ils avaient consommé les alimentsNote 22. Si un plat désigné avait été consommé dans un contexte de service rapide, tous ses ingrédients étaient classés à nouveau dans la catégorie des repas-minute et des plats surgelés. En 2004, on a demandé aux répondants de faire état de l’emplacement où les aliments avaient été préparés s’ils l’avaient été ailleurs qu’à la maison. Cependant, certains répondants ont fait état de l’emplacement où les aliments avaient été consommés, pas préparés. C’est pourquoi cette variable représente un ensemble des deux conceptsNote 22. Dans le cas des données de 2004, une approche analogue à celle de 2015 a été appliquée en ce qui concerne les plats désignés préparés ou consommés dans un contexte de service rapide. Dans le cas des deux enquêtes, la classification initiale des ingrédients a été maintenue si un plat désigné avait été préparé ou consommé ailleurs (comme à la maison ou au travail). Par exemple, si un hamburger était préparé ou consommé dans un restaurant rapide, tous ses ingrédients, c’est- à-dire le pain, la galette de viande, la tomate, la laitue et les condiments, ont été reclassés pour les intégrer à la catégorie des aliments ultratransformés. Cependant, si le même hamburger avait été préparé ou consommé à la maison, la classification initiale était maintenue, c’est-à-dire le pain et les condiments faisaient partie des AUT, et la viande et les légumes faisaient partie des aliments non transformés ou transformés minimalement. Les ingrédients des cartons repas et des plats surgelés ont été à nouveau classés parmi les repas-minute et les plats surgelés, sans égard au lieu de consommation ou de préparation.

Deux coauteurs (J. Polsky et J.-C. Moubarac) ont classé, de manière indépendante, les aliments en fonction du système NOVA; un petit nombre d’écarts ont été discutés et résolus.

Mesure de l’apport en AUT

La consommation d’AUT a été mesurée sous forme de contribution relative des AUT à l’apport énergétique quotidien total, exprimée en pourcentage des kilocalories quotidiennes totales des AUTNote 25. L’apport énergétique alimentaire de l’alcool a été exclu, parce que NOVA ne classe pas les boissons alcooliséesNote 6.

Analyse des données

Des statistiques descriptives ont servi à calculer la contribution énergétique moyenne des AUT dans leur ensemble et de chaque sous-groupe d’AUT au sein de la population canadienne et par groupe d’âge-sexe. Les groupes d’âge-sexe ont été définis en fonction des principales étapes des parcours de la vie : jeunes enfants (âgés de 2 à 5 ans), enfants (âgés de 6 à 12 ans), adolescentes et adolescents (âgés de 13 à 18 ans), femmes adultes et hommes adultes (âgés de 19 à 54 ans) et femmes adultes plus âgées et hommes adultes plus âgés (âgés de 55 ans et plus). Seules les données du premier rappel ont servi à évaluer les apports moyens, qui correspondent à l’apport habituel moyen au sein de la populationNote 26.

Pour évaluer la répartition de la contribution énergétique habituelle des AUT, cette analyse a eu recours à la méthode univariée de l’Institut national du cancerNote 27Note 28. Dans le cadre de cette méthode, on utilise des données des rappels alimentaires, permettant une certaine variabilité intrasujet d’une journée à l’autre de l’apport alimentaireNote 26. Puisque presque tous les Canadiens avaient consommé des AUT au cours de la journée précédente, le modèle « quantité seulement » a été utilisé. Des modèles distincts ont été produits pour chaque groupe d’âge-sexe, les deux années d’enquête ayant été combinées pour générer des estimations plus stables des composantes de variance. Tous les modèles ont tenu compte de la journée du rappel (jour de semaine ou fin de semaine), de l’ordre du rappel (premier ou second), du cycle d’enquête et des covariables sociodémographiques suivantes : région du monde du lieu de naissance (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbes, Asie, Europe et autre), niveau de scolarité le plus élevé du ménage (diplôme d’études secondaires ou moins, certaines études postsecondaires, grade universitaire ou diplôme des cycles supérieurs), suffisance du revenu du ménage (quintiles du ratio de revenu du ménage ajusté en fonction du seuil de faible revenu) et situation de sécurité alimentaire du ménage (sécurité alimentaire, insécurité alimentaire modérée, insécurité alimentaire grave) comme mesure complémentaire de la vulnérabilité économique.

Des tests t ont servi à évaluer les différences entre les cycles d’enquête en ce qui concerne la proportion moyenne d’énergie offerte par les AUT. Des analyses ont été effectuées au moyen de la version 9.3 de SAS et du logiciel SUDAAN v.11.0.1 par SAS. Des poids d’échantillonnage ont été appliqués pour tenir compte du plan de sondage complexe et de la probabilité inégale de sélection. Des poids bootstrap appliqués à chaque année d’enquête ont servi au calcul d’erreurs types fiables. La désignation d’une signification statistique comporte trois niveaux : * pour p < 0,05, ** pour p < 0,001 et *** pour p < 0,0001.

Analyses de sensibilité

Pour tenir compte des changements apportés à la mesure de l’emplacement où les aliments ont été préparés ou consommés, de 2004 à 2015, une analyse de sensibilité a servi à comparer la contribution énergétique moyenne des AUT en fonction des années d’enquête, en se fondant uniquement sur l’étape initiale de la classification NOVA (c.-à-d. une procédure qui se fonde sur des données plus comparables d’un cycle à un autre). En outre, la proportion de Canadiens qui ont déclaré avoir consommé des plats ultratransformés courants sélectionnés (comme des hot dogs, des beignes, des hamburgers ou des frites) au cours de la journée précédente a été comparée au fil des ans, sans égard à l’endroit où le plat a été préparé ou consommé.

L’apport alimentaire autodéclaré peut faire l’objet de déclarations inexactes (c.-à-d. en surestimant ou en sous-estimant l’apport alimentaire). En effet, la sous-déclaration de l’énergie était supérieure dans l’ESCC – Nutrition de 2015Note 29. On se demande si les AUT peuvent faire l’objet d’une sous-déclaration différente en raison d’un biais dû à la désirabilité socialeNote 30. Comme solution potentielle pour améliorer la qualité des comparaisons de l’apport alimentaire au fil du temps, on suggère de faire des comparaisons au sein d’une catégorie comparable de déclarants (c’est-à-dire les personnes ayant déclaré un apport énergétique plausible)Note 29.C’est pourquoi les estimations moyennes d’apport en AUT ont également été produites en restreignant l’ensemble de l’échantillon aux personnes ayant déclaré un apport énergétique plausible (n=12 770 en 2004 et n=8 244 en 2015), au moyen d’une méthode décrite antérieurementNote 29.

Résultats

Apport énergétique selon le type de transformation alimentaire

Le tableau 2 présente les proportions moyennes d’apport énergétique quotidien selon les catégories NOVA de transformation alimentaire. À l’échelle nationale, les AUT ont représenté la part la plus importante de l’apport énergétique quotidien total pour les deux années (en moyenne, 47,8 % en 2004 et 45,7 % en 2015), suivis des aliments non transformés ou transformés minimalement. Les niveaux moyens de consommation d’AUT ont été les plus élevés chez les enfants et les adolescents, représentant plus de 50 % de l’apport énergétique quotidien total pour les deux années.

Depuis 2004, la proportion des AUT dans le régime alimentaire a baissé légèrement, mais de manière significative, dans son ensemble, et parmi la majorité des groupes d’âge-sexe, sauf les adultes âgés de 55 ans et plus (tableau 2). La baisse la plus importante a été observée chez les adolescentes, tandis que la baisse de l’apport énergétique moyen des AUT a atteint près de 7 points de pourcentage. L’accompagnait une contribution énergétique supérieure découlant de la consommation d’aliments non transformés ou transformés minimalement et d’aliments transformés. En revanche, les AUT ont représenté environ 3 points de pourcentage de plus en ce qui concerne l’apport énergétique total chez les adultes âgés de 55 ans et plus en 2015 par rapport à 2004, tandis que la contribution énergétique des aliments non transformés ou transformés minimalement a baissé d’environ 3 à 4 points de pourcentage.

Les trois sous-groupes des AUT affichant les différences absolues les plus importantes en ce qui concerne la contribution énergétique moyenne entre les années d’enquête se trouvent à la figure 2 dans le cas des enfants et des adolescents, et à la figure 3 dans le cas des adultes. Dans le cas des enfants et des adolescentes, les jus de fruits et les boissons aux fruits ont représenté un apport énergétique beaucoup plus significatif en 2015, tandis que les pains ultratransformés ont représenté un apport énergétique beaucoup plus élevé chez tous les enfants et adolescents (y compris les adolescentes, données non illustrées) (figure 2). En outre, la consommation de pain a été également beaucoup plus élevée chez les adultes de tous les âges (figure 3). En revanche, la contribution énergétique des repas-minute et des plats surgelés a baissé de 1,5 à 2,5 points de pourcentage chez les adultes âgés de 19 à 54 ans, mais a augmenté de 1,5 point de pourcentage chez les hommes âgés de 55 ans et plus. À l’échelle nationale, le pain a été la principale source d’AUT au cours des deux années, passant de 7,8 % (erreur-type, ET : 0,1 %) de l’apport énergétique quotidien total en 2004 à 10,1 % (ET : 0,1 %) en 2015 (p<0,0001). La contribution énergétique des autres sous-groupes d’AUT a baissé légèrement de 2004 à 2015; par exemple, la contribution énergétique des repas-minute et plats surgelés a baissé, passant de 5,0 % (ET : 0,2 %) de l’apport énergétique quotidien total à 3,6 % (ET : 0,2 %); dans le cas des boissons gazeuses, de 2,7 % (ET : 0,1 %) à 1,7 % (ET : 0,1 %); dans le cas des jus de fruits et des boissons aux fruits, de 4,9 % (ET : 0,1 %) à 3,6 % (ET : 0,1 %) (toutes les valeurs p pour les comparaisons <0,0001).

Consommation habituelle d’AUT

Parmi l’ensemble de la population canadienne, la contribution énergétique habituelle des AUT était, de manière constante, élevée au cours des deux années d’enquête, même si elle a baissé depuis 2004. Par exemple, la proportion médiane de l’apport énergétique habituel des AUT était de 47,0 % (ET : 0,2 %) en 2004, par rapport à 44,9 % (ET : 0,4 %) en 2015. Présentement, aucune ligne directrice n’est publiée sur les niveaux optimaux de consommation d’AUT. Selon le seuil arbitraire de 50 % de l’énergie totale venant des AUT au cours d’une journée typique, 59,7 % (ET : 0,8 %) des Canadiens affichaient une consommation inférieure à ce seuil en 2004 par rapport à 65,8 % (ET : 1,1 %) en 2015 (p<0,0001). Des tendances semblables en ce qui concerne une consommation habituelle inférieure d’AUT en 2015 ont été observées chez les enfants et les adolescents (figure 4) et les jeunes adultes (figure 5). Dans le cas des adultes âgés de 55 ans et plus, la répartition a affiché une hausse, indiquant une consommation habituelle supérieure d’AUT en 2015 (figure 5). Même si la consommation médiane d’AUT a été la plus basse chez les adultes âgés de 55 ans et plus en 2004 (dont l’apport représentait environ 42 % de l’apport énergétique habituel total), ce n’était plus le cas en 2015. En 2015, la consommation habituelle médiane d’AUT la plus basse a été observée chez les femmes âgées de 19 à 54 ans (représentant 41,4 % de l’apport énergétique habituel total, ET : 0,7 %).

Analyses de sensibilité

Les analyses se fondant uniquement sur la classification initiale (première étape) des ingrédients et des aliments de base ont offert des résultats qui allaient étroitement de pair avec ceux de l’analyse principale. Au moyen de cette approche, selon les évaluations, la contribution énergétique moyenne des AUT au sein de la population dans son ensemble représente 45,6 % de l’apport énergétique quotidien total en 2004 et 44,1 % en 2015 (p=0,0003). Les tendances relatives à l’âge et au sexe allaient également de pair avec l’analyse principale, montrant une consommation légèrement inférieure d’AUT en 2015 par rapport à 2004 au sein de tous les groupes d’âge-sexe, à l’exception des adultes âgés de 55 ans et plus (données non illustrées). En outre, un nombre légèrement inférieur de Canadiens a déclaré avoir consommé des plats ultratransformés sélectionnés (comme des hot dogs, des burgers, des beignes et des frites) au cours de la journée précédente en 2015 par rapport à 2004, sans égard au lieu où ces aliments ont été préparés ou consommés. Il existe quelques exceptions chez les adultes plus âgés (données non illustrées). Enfin, les analyses restreintes aux personnes ayant déclaré un apport énergétique plausible ont fourni des résultats qui allaient étroitement de pair avec les résultats se fondant sur l’ensemble de l’échantillon (données non illustrées).

Discussion

Comme en 2004, la contribution énergétique des AUT dans le régime alimentaire des Canadiens est demeurée élevée en 2015. En moyenne en 2015, les AUT ont représenté 46 % de l’apport énergétique quotidien total de l’ensemble de la population, et plus de 50 % de celui des enfants et adolescents. Malgré ces niveaux constamment élevés de consommation d’AUT, la proportion de l’énergie totale venant des AUT a légèrement baissé depuis 2004 dans l’ensemble et chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Cependant, il existe une certaine variation parmi les sous-groupes d’AUT. En revanche, les AUT ont représenté une part plus importante de l’apport énergétique chez les adultes âgés de 55 ans ou plus. Ces tendances ne changeaient pas lorsque les analyses étaient restreintes à des personnes déclarant un apport énergétique plausible.

La légère baisse de la part des AUT dans le régime alimentaire de la plupart des groupes d’âge-sexe va de pair avec les tendances internationales en matière de vente d’aliments et de boissons. Ces tendances soulignent une baisse légère, mais significative, du volume des ventes d’AUT au Canada et dans d’autres nations à revenu élevé depuis le début des années 2000Note 1Note 4Note 31. Une diminution de la contribution énergétique des jus de fruits, des boissons aux fruits et des boissons gazeuses a contribué grandement à la baisse généralisée observée depuis 2004 en ce qui concerne la part énergétique des AUT enregistrée dans le cadre de la présente étude. Les tendances à la baisse en ce qui concerne la consommation de jus de fruits et d’autres boissons sucrées au cours de la dernière décennie, tout particulièrement chez les enfants et les jeunes adultes, ont été documentées dans le cadre de multiples analyses de données nationales sur l’apport alimentaireNote 31Note 32Note 33Note 34.

Malgré la légère baisse généralisée, la contribution énergétique de certains types d’AUT a augmenté. En particulier, la consommation de pains emballés produits en série (le principal AUT fournissant de l’énergie au cours des deux années) et, dans une moindre mesure, de collations salées, y compris les croustilles et les craquelins, a augmenté parmi certains groupes d’âge-sexe. La contribution accrue du pain à l’apport énergétique quotidien était uniforme à l’échelle des groupes d’âge-sexe. Les pains produits en série ont également fait partie des principales sources d’AUT déclarées aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. En outre, ils se sont classés au cinquième rang des principales sources de sucre ajouté dans le régime alimentaire des AméricainsNote 10Note 35Note 36. Les pains produits par le commerce font partie des principales sources d’énergie totale et de sodium dans le régime alimentaire des Canadiens.Note 37

Par rapport à 2004, cette étude faisait état d’une proportion supérieure d’énergie tirée des AUT chez les adultes âgés de 55 ans et plus en 2015, ainsi qu’une contribution énergétique inférieure des aliments non transformés ou transformés minimalement. Ces résultats sont inattendus, puisque les Canadiens plus âgés ont, sur le plan historique, adopté des régimes alimentaires de meilleure qualité que les jeunes adultesNote 38, y compris le fait de consommer moins de repas-minuteNote 39. Même s’il n’existe aucun rapport pour faire des comparaisons directes, des analyses récentes des données de l’ESCC – Nutrition ont montré que les adultes plus âgés faisaient partie du seul groupe d’âge qui consommait beaucoup plus de calories provenant d’aliments à haute teneur en matières grasses ou en sucre en 2015 par rapport à 2004Note 40, et du groupe affichant l’écart le plus important entre la consommation déclarée et la consommation recommandée de fruits et de légumesNote 34. Une analyse se fondant sur une mesure composite de la qualité du régime alimentaire a conclu que, même si la qualité des régimes alimentaires des enfants et adultes canadiens s’est améliorée dans son ensemble depuis 2004, cette tendance était inversée chez les femmes âgées de 55 à 64 ans et les hommes âgés de 65 à 74 ansNote 41. Ensemble, ces résultats mettent en évidence que la qualité du régime alimentaire chez les Canadiens plus âgés se détériore potentiellement. Un examen plus approfondi serait approprié.

Les niveaux élevés de consommation d’AUT évalués dans le cadre de la présente étude vont de pair avec les estimations fournies antérieurement qui se fondaient sur des données sur la nutrition représentatives de la population du Canada et d’autres nations à revenu élevé, qui vont de 42 % de l’apport énergétique total en Australie à 57 % au Royaume-Uni et à 58 % aux États-UnisNote 9Note 10Note 35Note 36. La consommation constamment élevée d’AUT parmi tous les groupes d’âge-sexe au Canada, plus particulièrement chez les enfants et les adolescents, est préoccupante, en raison des preuves de plus en plus nombreuses montrant qu’un régime alimentaire à forte teneur en AUT est associé à une mauvaise alimentationNote 7Note 8Note 9Note 10Note 11Note 12Note 13, à une prise de poidsNote 19, ainsi qu’à un risque accru de différentes maladies associées au régime alimentaireNote 7Note 14Note 15Note 16Note 17. Un essai clinique randomisé d’un mois récemment réalisé a comparé les répercussions des régimes à volonté d’aliments transformés minimalement et d’aliments ultratransformés, tout en veillant à ce que le nombre de calories, la densité énergétique et les macronutriments (sucre, matières grasses et protéines) soient les mêmes, tout comme la teneur en sodium et en fibresNote 19. Selon les résultats, les régimes axés sur les aliments ultratransformés entraînaient une prise de poids rapide, suggérant des effets allant au-delà de la composition des nutriments, même si les chercheurs n’ont pas pris en compte les types de nutriments (comme les sucres présents naturellement ou les sucres libres).

À part la composition des éléments nutritifs, les mécanismes exacts au moyen desquels les régimes alimentaires fortement axés sur la consommation d’AUT offrent des effets négatifs pour la santé n’ont pas encore été établis. Cependant, parmi ces mécanismes, on peut supposer le faible potentiel de satiété et la forte réponse glycémique des AUTNote 42, ainsi que les changements au microbiome intestinal qui perturbent l’équilibre énergétique et favorise l’inflammationNote 43Note 44. On a également conclu que les additifs cosmétiques couramment utilisés dans la production d’AUT (comme les saveurs, les émulsifiants et les épaississants) et les matériaux de contact provenant de l’emballage des aliments (comme les phtalates, le bisphénol A) ont des effets négatifs sur la santéNote 45Note 46Note 47. Des études additionnelles sont nécessaires pour évaluer les mécanismes d’action et les effets relatifs de différents aspects des AUT sur la santé (comme la composition des nutriments, les additifs et les matériaux d’emballage).

Forces et limites

Parmi les forces de cette étude, il y a l’utilisation de deux grandes enquêtes représentatives des 10 provinces canadiennes qui emploient une méthode et des plans de sondage semblables. Les données de l’ESCC – Nutrition sont les données les plus fiables et récentes accessibles sur le régime alimentaire des Canadiens. La classification des aliments en fonction du système NOVA a été rigoureuse et systématique, ce qui a optimisé la qualité des comparaisons des différents cycles. Contrairement aux études antérieures sur la consommation d’AUT au sein de la population, qui portaient principalement sur les données d’un seul rappel alimentaire, la présente étude utilise également des données tirées du second rappel alimentaire, afin de tenir compte de la variation intrasujet en ce qui concerne la consommation d’aliments d’une journée à l’autre. Cela a permis d’évaluer l’évolution de la répartition de la contribution énergétique habituelle des AUT au fil du temps, en plus des changements à la contribution énergétique moyenne des AUT.

Plusieurs limites doivent être mentionnées. Tout comme c’est le cas des données alimentaires autodéclarées, les répondants communiquent couramment de mauvais renseignements sur la consommation d’aliments et de boissons; la sous-déclaration est particulièrement courante. Pour améliorer la qualité des comparaisons des différents cycles d’enquête, des analyses ont été répétées pour un sous-échantillon de personnes ayant déclaré un apport énergétique plausible. Ces analyses ont révélé des résultats qui allaient étroitement de pair avec ceux de l’analyse principale. En outre, l’ESCC – Nutrition de 2015 utilisait un nouveau livret de modèle alimentaire qui illustrait des quantités normalisées plus petites dans leur ensemble que le livret utilisé en 20014, plus particulièrement en ce qui concerne les bols, les verres et les tassesNote 22. Ce changement peut avoir eu des répercussions sur la comparabilité des estimations des différentes années d’enquête, tout particulièrement dans le cas de certains types de boissonsNote 33. Cependant, ce ne sont pas toutes les boissons qui ont été déclarées au moyen du livret de modèle alimentaire. Une proportion significativement plus petite de Canadiens a déclaré avoir consommé des jus de fruits et des boissons gazeuses au cours de la journée précédente en 2015 par rapport à 2004Note 33. Présentement, il n’existe aucune approche normalisée quand vient le temps de quantifier les sous-estimations qui peuvent découler des changements de livret de modèle alimentaire.

La base de données du FCEN qui fournit les descriptions de codes d’aliments et les valeurs énergétiques a changé de 2004 à 2015, et peut fournir des profils nutritionnels différents pour certains aliments ou certaines boissons. Les changements au FCEN peuvent tenir compte de l’évolution des aliments offerts sur le marché (comme les nouvelles formules de produits) ou des changements apportés à la base de données (comme un regroupement de certains codes d’aliments). En outre, certains aliments peuvent avoir été mal classés en groupes NOVA en raison du manque de renseignements dans les descriptions de codes d’aliments sur la transformation, ainsi que du manque de renseignements propres à la marque.

Enfin, les estimations de consommation de repas-minute au cours des deux années d’enquête sont probablement sous-estimées, car les données de l’ESCC – Nutrition ne permettent pas de déterminer avec fiabilité les repas-minute consommés hors d’un contexte de service rapide (comme les commandes pour emporter ou la livraison). En raison des changements apportés au contenu sur l’emplacement de la consommation ou de la préparation des aliments dans l’enquête de 2015, il faut également faire preuve de prudence lorsqu’on compare la consommation de repas-minute entre les cycles d’enquête. Ces changements peuvent avoir entraîné une sous-estimation supérieure de la consommation de repas-minute hors des restaurants rapides dans les données de 2015 par rapport aux données de 2004. Malgré cette situation, les analyses de sensibilité qui se fondent uniquement sur des codes d’aliments désagrégés, ainsi qu’un examen de repas-minute sélectionnés, sans égard à l’endroit où ils ont été préparés ou consommés, ont révélé des tendances qui vont étroitement de pair avec celles des analyses principales.

Conclusion

Comme en 2004, l’apport alimentaire des AUT au Canada est demeuré élevé en 2015. Cependant, la consommation de certains AUT, tout particulièrement les boissons, a diminué. L’apport énergétique des AUT est demeuré le plus élevé chez les enfants et les adolescents, et a augmenté chez les adultes âgés de 55 ans et plus. Ces résultats fournissent des données utiles sur la consommation d’AUT par les Canadiens, plus particulièrement en raison des preuves croissantes montrant qu’une grande consommation d’AUT a des répercussions négatives sur la qualité du régime alimentaire et la santé. Même si, à l’heure actuelle, il n’existe aucune ligne directrice sur les niveaux optimaux (c.-à-d. les seuils) de consommation d’AUT, les répartitions de la consommation habituelle d’AUT évaluées dans le cadre de la présente étude peuvent servir à évaluer l’harmonisation avec toute ligne directrice future de ce type.

Références
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