La santé physique et mentale des enfants inuits de mères adolescentes

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.








Par Anne Guèvremont et Dafna Kohen

Les caractéristiques démographiques des jeunes Inuits au Canada diffèrent de celles des jeunes non inuits. Les enfants de 0 à 4 ans représentent un pourcentage plus élevé de la population inuite (12 %) que de la population non autochtone (5 %)1. Chez les 15 à 19 ans, le taux de fécondité des Inuites est nettement supérieur aux taux nationaux. En 2009, 20 % des naissances au Nunavut (où 85 % des habitants se sont identifiés comme Inuits en 2006)  ont été le fait d'adolescentes de 15 à 19 ans, par rapport à 4 % des naissances dans l'ensemble du Canada2.

Il y a peu d'études portant plus particulièrement sur les enfants inuits nés de mères adolescentes. Archibald3 a interviewé 53 femmes et adolescentes inuites pour connaître leurs points de vue au sujet de la grossesse à l'adolescence. Tout en reconnaissant l'importance culturelle et sociale des enfants dans la société inuite, les personnes interrogées ont convenu que la situation des femmes inuites qui ont des enfants à un jeune âge peut être difficile3. Dans une étude fondée sur des données de recensement, Garner, Senécal et Guimond4 ont constaté que les femmes inuites qui ont eu leur premier enfant à l'adolescence avaient un revenu de famille plus faible et étaient plus susceptibles de vivre dans des logements surpeuplés et ayant besoin de réparations majeures, comparativement aux femmes inuites qui ont commencé à avoir des enfants à un âge plus avancé.

Des recherches canadiennes et américaines ont révélé que, de façon générale, les enfants de mères adolescentes ont tendance à avoir de moins bons résultats en matière de santé et de comportement que les enfants de mères plus âgées5-8. Toutefois, les enfants de mères adolescentes sont également plus susceptibles de vivre dans des familles monoparentales et à faible revenu et d'avoir une mère qui n'est pas titulaire d'un diplôme d'études secondaires9-11. Certaines études ont révélé que, lorsque ces facteurs sont pris en compte, les différences entre les résultats des enfants de mères adolescentes et ceux des enfants de mères plus âgées ne sont pas significatives12,13.

Dans le cas des enfants inuits, toutefois, le fait d'avoir une mère adolescente n'est pas toujours associé aux résultats négatifs en matière de santé. Dans les collectivités inuites, la grossesse à l'adolescence peut être perçue de façon différente qu'elle ne l'est dans les collectivités non inuites14,15.

Il importe d'examiner la santé des enfants inuits parce qu'il a été démontré que, comparativement à l'ensemble des enfants au Canada, ils courent le risque d'avoir divers problèmes de santé physique, comme des infections de l'oreille16, des infections respiratoires16 et des problèmes dentaires17. Les recherches sur leur santé mentale, particulièrement chez les enfants d'âge préscolaire, sont moins nombreuses.

Les fondements du bien-être émotionnel et des compétences sociales sont établis à l'âge préscolaire18,19. Les enfants qui ont de moins bons résultats en matière de comportement à cet âge peuvent courir le risque d'avoir à l'avenir des problèmes de comportement, de faibles habiletés sociales, de piètres relations avec les pairs, des difficultés d'adaptation à l'école et un mauvais rendement scolaire20-25.

La présente étude s'appuie sur les résultats de l'Enquête sur les enfants autochtones (EEA) de 200626 pour comparer les résultats en matière de santé physique et de comportement des enfants inuits de 2 à 5 ans nés de mères adolescentes (âgées de 12 à 19 ans au moment où elles ont commencé à avoir des enfants) et de mères plus âgées (25 ans ou plus à la naissance du premier enfant). Étant donné que les mères adolescentes (et leurs enfants) sont plus susceptibles de vivre dans des conditions socioéconomiques défavorisées4, il importe de prendre en considération le rôle de ces conditions dans l'association entre l'âge de la mère à la naissance du premier enfant et les résultats des enfants7,27. Ces renseignements permettent de déterminer si les différences en matière de santé physique et mentale entre les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées sont attribuables aux différences dans les conditions socioéconomiques.

Méthodes

Source des données

L'Enquête sur les enfants autochtones (EEA) de 200626 a permis de recueillir des renseignements sur le développement des jeunes enfants autochtones et les conditions socioéconomiques dans lesquelles ils grandissent et apprennent. L'EEA fournit des données exhaustives sur les enfants inuits, métis et des Premières nations vivant hors réserve qui ont moins de six ans et qui vivent en milieu urbain, rural et dans des collectivités du Nord au Canada.

La présente étude porte plus particulièrement sur les enfants de 2 à 5 ans parce que les données de l'EEA sur les résultats comportementaux sont disponibles seulement pour les enfants de deux ans et plus. Les enfants inuits ont été sélectionnés aux fins de la présente analyse selon la réponse donnée à la question « Est-ce que ____ est Autochtone, c'est-à-dire un(e) Indien(ne) de l'Amérique du Nord, un(e) Métis(se) ou un(e) Inuk? » Si le parent a déclaré que l'enfant était Inuk (en répondant Inuk seulement, ou Inuk et une autre identité autochtone), l'enfant a été inclus dans la présente étude. Quatre mères sur cinq (83 %) d'enfants inuk de 2 à 5 ans se sont identifiées comme Inuk. Dans le cas de près de neuf enfants inuits de mères adolescentes sur dix (86 %), la mère a déclaré une identité inuite, comparativement à 66 % des enfants de mères qui avaient 25 ans ou plus à l'âge de la maternité. Des analyses exploratoires excluant les enfants inuits de mères non inuites ont donné des résultats comparables (disponibles auprès des auteures sur demande).

Les enfants inuits ont été inclus dans l'étude seulement si la personne qui a fourni les données de l'EEA était leur mère biologique, ce qui était le cas de 61 % des enfants inuits de 2 à 5 ans. Les enfants ont été exclus si la personne interrogée n'était pas leur mère biologique, étant donné que l'âge de la mère de l'enfant (et si elle était adolescente au moment où elle a donné naissance) était inconnu. Parmi les 39 % des cas qui n'ont pas été inclus, la personne interrogée était le père biologique (17 %), un parent adoptif (12 %), un grand-parent (4 %) ou un autre membre de la famille ou une personne non apparentée (5 %). L'échantillon utilisé aux fins de la présente analyse comprenait 774 enfants inuits de 2 à 5 ans pondérés de manière à représenter une population de 3 211 enfants.

Comparativement aux enfants inuits exclus de la présente étude, les enfants qui ont été inclus étaient moins susceptibles d'être des enfants pour qui la personne ayant fourni les données de l'EEA avait un diplôme d'études secondaires (20 % par rapport à 27 %) et était âgée de 25 ans et plus (74 % par rapport à 93 %), et ils étaient plus susceptibles de vivre dans un ménage situé dans le quartile de revenu inférieur (27 % par rapport à 20 %) et dans une famille monoparentale (29 % par rapport à 19 %).

La probabilité d'habiter dans l'Inuit Nunangat ne différait pas entre les enfants inclus et les enfants exclus. Le Recensement de 2006 a dénombré environ 7 000 enfants inuits de moins de six ans, dont 84 % vivaient dans l'une des quatre régions qui constituent l'Inuit Nunangat, ce qui signifie « terre natale des Inuits » dans la langue inuite. Ces régions sont le Nunatsiavut dans le Nord du Labrador, le Nunavik dans le Nord du Québec, le territoire du Nunavut et la région inuvialuite dans les Territoires du Nord-Ouest.

Âge de la mère à la naissance du premier enfant

L'âge de la mère de l'enfant à la naissance de son premier enfant a été calculé par la différence entre son âge actuel et l'âge de son enfant le plus âgé vivant dans le ménage (ou l'âge de l'enfant visé par l'enquête s'il était l'aîné). Si la différence était de moins de 20 ans, elle a été considérée comme une mère adolescente4,8. Si la différence était supérieure ou égale à 25 ans, elle a été considérée comme une mère « plus âgée ». Si la différence était de moins de 12 ans, l'enfant a été exclu de la présente étude. Les résultats pour les mères qui avaient entre 20 et 24 ans au moment de la naissance de leur premier enfant sont également indiqués dans les tableaux mais ne sont pas examinés dans le corps du texte.

L'âge de la mère au moment où elle a commencé à avoir des enfants ne reflète pas son âge au moment de l'EEA. Dans le cas d'environ la moitié (51 %) des enfants inclus dans l'étude dont la mère était adolescente au moment de la naissance de son premier enfant, la mère avait 25 ans et plus au moment de l'entrevue de l'EEA. On a utilisé aux fins de la présente étude l'âge de la mère au moment où elle a commencé à avoir des enfants, plutôt que son âge à la naissance de l'enfant visé par l'enquête, parce que les facteurs qui l'ont amenée à avoir son premier enfant à l'adolescence et l'expérience de la maternité à l'adolescence étaient susceptibles d'influer sur les enfants qui sont nés plus tard28,29.

Santé physique

Les quatre mesures suivantes de la santé physique de l'enfant, fondées sur les données déclarées par la mère, ont été examinées : 1) santé excellente/très bonne par rapport à bonne/passable/mauvaise; 2) présence d'un problème de santé chronique (asthme, bronchite chronique, tuberculose, diabète, hypoglycémie, maladie du cœur, maladie du rein, épilepsie, paralysie cérébrale, syndrome de Down, spina-bifida, déficit de l'attention ou hyperactivité, anxiété ou dépression, ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale, autisme, déficience auditive, déficience visuelle, difficultés de la parole ou du langage, anémie, tout autre problème de longue durée); 3) a déjà eu une infection de l'oreille; 4) a déjà eu des problèmes dentaires. L'échantillon de l'EEA était trop petit pour permettre d'examiner la présence de plusieurs problèmes de santé.

Santé mentale

Les comportements et les relations des enfants ont été évalués dans l'EEA au moyen du questionnaire de Goodman portant sur les points forts et les points faibles (Strength and Difficulties Questionnaire), un questionnaire rempli par le parent et comprenant 25 questions regroupées en 5 sous-échelles.

Le questionnaire et ses sous-échelles ont été validés aux fins de leur utilisation dans le cadre de l'EEA à l'égard des enfants métis et inuits et des enfants des Premières nations vivant hors réserve; quatre des cinq sous-échelles sont valides pour les enfants inuits (la sous-échelle des problèmes avec les pairs a été omise en raison de sa faible fiabilité)30. D'autres études ont fait état de résultats semblables31. Il y avait trois réponses possibles à chaque question, soit pas vrai (score 1), un peu vrai (score 2) et certainement vrai (score 3). Le libellé exact de toutes les questions figure au tableau A en annexe.

Tableau A Libellé des questions portant sur la santé mentaleTableau A Libellé des questions portant sur la santé mentale

Les quatre sous-échelles suivantes proposées par Oliver et coll.30 ont été utilisées aux fins de la présente analyse : le comportement prosocial (10 questions; p. ex. , dans quelle mesure l'enfant partage facilement avec les autres enfants); les symptômes émotifs (5 questions; p. ex. , s'inquiète souvent et est anxieux); les problèmes de conduite (10 questions; p. ex., se bagarre avec les autres enfants); et l'hyperactivité ou l'inattention (3 questions; p. ex. , est facilement distrait et ne tient pas en place). Si la mère a répondu à au moins 80 % des questions sur une sous-échelle, le score moyen a été calculé en fonction d'une fourchette de 1 à 3 pour chaque sous-échelle.

Variables socioéconomiques

On a examiné plusieurs facteurs socioéconomiques afin de déterminer dans quelle mesure les différences quant aux résultats entre les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées leur sont attribuables, à savoir : le niveau de scolarité de la mère (fréquente l'école, ne fréquente pas l'école et n'a pas de diplôme d'études secondaires, ou ne fréquente pas l'école et a au moins un diplôme d'études secondaires); le quartile de revenu du ménage (selon le Recensement de 2006 et corrigé en fonction de la taille du ménage); le nombre de personnes dans le ménage (selon le Recensement de 2006); et la structure de la famille (famille monoparentale ou biparentale).  Une famille monoparentale n'exclut pas la présence dans le ménage de grands-parents ou autres membres de la famille ou personnes non apparentées qui offrent du soutien à la famille.

Analyse

Des analyses descriptives (pourcentages et moyennes) ont été utilisées pour décrire les caractéristiques socioéconomiques et les résultats pour la santé physique et mentale des enfants inuits selon l'âge de la mère à la naissance de son premier enfant. Les différences entre les caractéristiques des enfants inuits de mères adolescentes et des enfants inuits de mères plus âgées ont été évaluées au moyen de tests t. Lorsque les résultats différaient pour les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées, on a recouru à la régression multiple pour examiner l'association entre l'âge de la mère à la naissance du premier enfant et chaque résultat, tout en tenant compte des effets des caractéristiques socioéconomiques. Les analyses s'appuient sur des données d'enquête qui ont été pondérées de manière à être représentatives des chiffres du Recensement de 2006 sur les enfants de moins de 6 ans au Canada selon différents groupes d'âge26. La méthode du bootstrap a été utilisée pour tenir compte du plan d'échantillonnage complexe de l'enquête32,33.

Résultats

Dans le cas d'environ les deux cinquièmes (40 %) des enfants inuits sur lesquels porte la présente étude, leur mère a eu son premier enfant à l'adolescence, ce qui est conforme aux résultats d'autres recherches4. Dans le cas d'un autre 38 % des enfants, la mère était âgée de 20 à 24 ans au moment de la naissance du premier enfant et dans le cas des 22 % restants, elle avait 25 ans ou plus lorsqu'elle a commencé à avoir des enfants.

Circonstances socioéconomiques

Comparativement aux enfants inuits dont la mère avait 25 ans ou plus au moment de leur naissance, les enfants inuits nés de mères adolescentes étaient plus susceptibles d'avoir une mère qui fréquentait encore l'école ou qui avait quitté l'école avant d'avoir obtenu un diplôme d'études secondaires (tableau 1). Par exemple, dans le cas de 15 % des enfants inuits de mères adolescentes, la mère continuait de fréquenter l'école, comparativement à 5 % de ceux dont la mère avait 25 ans ou plus au moment de la naissance du premier enfant. En outre, les enfants inuits de mères adolescentes étaient plus susceptibles que ceux de mères plus âgées de vivre dans des familles monoparentales (31 % par rapport à 16 %) et moins susceptibles d'avoir une mère mariée (23 % par rapport à 45 %) ou de vivre dans un ménage se situant dans le quartile de revenu supérieur (20 % par rapport à 36 %).

Tableau 1 Répartition en pourcentage de certaines caractéristiques des enfants inuits de 2 à 5 ans, selon l'âge de la mère à la naissance du premier enfant, Canada, 2006Tableau 1 Répartition en pourcentage de certaines caractéristiques des enfants inuits de 2 à 5 ans, selon l'âge de la mère à la naissance du premier enfant, Canada, 2006

Santé physique

Les enfants inuits de mères adolescentes étaient moins susceptibles d'être considérés comme étant en excellente ou en très bonne santé, comparativement aux enfants inuits dont la mère avait 25 ans ou plus au moment de la naissance du premier enfant (tableau 2). Ils étaient également plus susceptibles d'avoir eu une infection de l'oreille et des problèmes dentaires. Toutefois, les enfants inuits de mères adolescentes n'étaient ni plus ni moins susceptibles que ceux de mères plus âgées d'être de ceux dont on a déclaré qu'ils avaient un problème de santé chronique.

Tableau 2 Résultats en matière de santé physique et de comportement des enfants inuits de 2 à 5 ans, selon l'âge de la mère à la naissance du premier enfant, Canada, 2006Tableau 2 Résultats en matière de santé physique et de comportement des enfants inuits de 2 à 5 ans, selon l'âge de la mère à la naissance du premier enfant, Canada, 2006

Lorsque des facteurs socioéconomiques tels que le niveau de scolarité de la mère et le revenu du ménage sont pris en compte, la différence quant à la probabilité d'être en excellente ou en très bonne santé entre les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées n'est pas significative (tableau 3). Toutefois, les enfants inuits de mères adolescentes demeurent plus susceptibles d'avoir eu une infection de l'oreille et des problèmes dentaires.

Tableau 3 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques aux résultats en matière de santé physique chez les enfants inuits de 2 à 5 ans, Canada, 2006Tableau 3 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques aux résultats en matière de santé physique chez les enfants inuits de 2 à 5 ans, Canada, 2006

Santé mentale

Les scores moyens attribués pour le comportement prosocial et les problèmes de conduite ne diffèrent pas entre les deux groupes d'enfants inuits, mais les enfants de mères adolescentes ont des scores moyens plus élevés au chapitre des symptômes émotifs et de l'inattention ou l'hyperactivité (tableau 2). Lorsque les différences socioéconomiques sont prises en compte, les scores moyens des enfants inuits de mères adolescentes et de ceux de mères plus âgées ne diffèrent pas pour les symptômes émotifs, mais des différences dans les scores pour l'inattention ou l'hyperactivité persistent (tableau 4).

Tableau 4 Rapports de cotes non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques aux résultats en matière de santé physique chez les enfants inuits de 2 à 5 ans, Canada, 2006Tableau 4 Coefficients de régression non corrigés et corrigés reliant certaines caractéristiques aux symptômes émotifs et à l'inattention ou l'hyperactivité chez les enfants inuits de 2 à 5 ans, Canada, 2006

Discussion

La présente étude s'appuie sur les données de l'Enquête sur les enfants autochtones de 2006, une enquête représentative de la population, pour comparer les résultats en matière de santé physique et mentale des enfants inuits de mères adolescentes et de ceux de mères plus âgées. Les deux groupes d'enfants inuits ne diffèrent pas en ce qui concerne la présence de problèmes de santé chroniques ou les scores moyens pour le comportement prosocial ou les problèmes de conduite. En outre, même si les enfants inuits de mères adolescentes sont moins susceptibles d'être déclarés en excellente ou en très bonne santé, cette association n'est pas significative lorsque les facteurs socioéconomiques sont pris en compte. Toutefois, même lorsqu'on prend en considération l'influence des différences socioéconomiques, les enfants inuits de mères adolescentes sont plus susceptibles que les enfants inuits de mères plus âgées d'avoir eu une infection de l'oreille et des problèmes dentaires. Les infections de l'oreille sont associées à une perte d'ouïe et à des difficultés de la parole et du langage34, et les problèmes dentaires sont associés à la douleur, aux infections et aux problèmes de comportement35.

Les scores moyens pour les symptômes émotifs et l'inattention ou l'hyperactivité sont plus élevés dans le cas des enfants inuits de mères adolescentes que de ceux de mères plus âgées, bien qu'il n'y avait pas de différences quant aux symptômes émotifs lorsque les facteurs socioéconomiques étaient pris en compte. L'inattention ou l'hyperactivité, particulièrement durant les années préscolaires, est associée négativement à l'alphabétisation précoce et au rendement scolaire ultérieur23,24.

Points forts et limites

Les points forts de la présente étude comprennent un échantillon représentatif de la population nationale d'enfants inuits vivant au Canada, un examen des résultats tant en matière de santé physique que mentale, des renseignements sur l'âge de la mère au moment où elle a commencé à avoir des enfants et l'inclusion de facteurs socioéconomiques. Tous les résultats sont fondés sur les données déclarées par la mère plutôt que sur des mesures créées pour des personnes non inuites ou évaluées par elles.

L'étude comporte plusieurs limites. L'âge de la mère à la naissance du premier enfant a été calculé selon l'âge de la sœur ou du frère le plus âgé dans le ménage. Cet enfant pourrait être une demi-sœur ou un demi-frère, une sœur ou un frère de par sa situation en famille d'accueil ou une sœur ou un frère adopté, et non une fille ou un fils biologique, ce qui pourrait entraîner une détermination incorrecte de l'âge de la mère au moment de la naissance du premier enfant. En outre, il se peut que la sœur ou le frère le plus âgé ne vive pas dans le ménage (p. ex., il ou elle pourrait vivre avec une autre personne apparentée), ce qui produirait également un calcul inexact de l'âge de la mère à la naissance de son premier enfant.

Les enfants ont été inclus dans la présente étude si la personne qui a fourni les données de l'enquête était la mère biologique, ce qui a été le cas de 61 % des enfants inuits. Dans le cas des enfants inuits d'autres personnes ayant fourni les données, l'âge de leur mère biologique au moment de la naissance du premier enfant n'était pas disponible dans l'EEA. En outre, leurs conditions socioéconomiques différaient de celles des enfants inclus dans l'étude.

Les résultats en matière de santé physique et mentale sont fondés sur les données déclarées par la mère. Les mères pouvaient être influencées par la façon dont elles croyaient devoir répondre, par leurs expériences ou par leur opinion subjective de leur enfant36. Ainsi, les différences entre les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées peuvent refléter les profils de déclaration des mères plutôt que des différences véritables sur le plan de la santé physique ou mentale des enfants. Néanmoins, les données déclarées par la mère représentent les perceptions d'une personne qui connaît bien l'enfant (contrairement à celles d'un observateur de l'extérieur) et elles ont été fournies tant par les mères plus jeunes que par celles plus âgées.

La présente analyse n'a pas permis d'examiner de nombreux autres facteurs qui ont peut-être contribué aux différences dans les résultats en matière de santé physique et mentale des enfants inuits, comme le comportement parental, la participation à des activités culturelles et la disponibilité de soutiens sociaux et autres y compris la participation du père et de membres de la famille élargie29,37-39.

Conclusion

L'analyse des données de l'Enquête sur les enfants autochtones de 2006 montre que les résultats en matière de santé physique et mentale des enfants inuits nés de mères qui étaient adolescentes lorsqu'elles ont commencé à avoir des enfants différaient des résultats des enfants inuits dont la mère avait 25 ans ou plus à la naissance du premier enfant. Certaines différences sont attribuables aux variables socioéconomiques, mais non toutes. Ces différences peuvent être liées à des facteurs qui n'ont pas été examinés dans le cadre de la présente étude. D'autres recherches qualitatives et quantitatives permettraient de mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent les différences dans les résultats entre les enfants inuits de mères adolescentes et ceux de mères plus âgées.

Remerciements

La présente étude a été financée par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Les auteurs remercient Sacha Senécal, Eric Guimond, Chris Penney et les représentants d'Inuit Tapiriit Kanatami de leurs commentaires éclairés lors de l'élaboration des différentes versions du manuscrit et Amanda Thompson pour son aide à la préparation de celui-ci.