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Utilisation par les pères des congés parentaux payés

par Katherine Marshall

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Bien que les objectifs des programmes de congé payé varient d'un pays à l'autre, ceux-ci ont un but commun : aider les familles à concilier travail et responsabilités familiales en vue d'accroître le bien-être des enfants. Pour ce faire, on s'est employé à prolonger la durée des congés et à favoriser l'engagement du père. Les recherches montrent que l'engagement du père a un effet positif sur la coparentalité et les relations entre les partenaires, le développement personnel, ainsi que sur le développement social, affectif, physique et cognitif des enfants (Allen et Daly, 2007). Même les congés payés de courte durée dont se prévalent les pères sont associés à des résultats positifs pouvant préparer la voie à un engagement à plus long terme (Moss et O'Brien, 2006).

À l'instar de plusieurs autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada a profondément modifié ses politiques en matière de congés parentaux payés au cours des dernières années. Le Programme de prestations parentales (PPP) du gouvernement fédéral a subi deux changements importants en 2001 : l'augmentation du nombre de semaines de prestations payées pouvant être partagées par les conjoints, qui est passé de 10 à 35, et l'élimination de la seconde période d'attente non payée de deux semaines. En 2006, le Québec a commencé à administrer son propre régime de prestations, le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), qui se caractérise notamment par des taux de prestations plus élevés, l'absence de périodes d'attente non payées et un congé de paternité non transférable de cinq semaines.

Cet article utilise les résultats de l'Enquête sur la couverture de l'assurance-emploi (ECAE) de 2006 pour examiner l'utilisation par les pères des congés parentaux payés au Québec et dans les autres provinces. Des modifications récentes au questionnaire permettent de cerner le partage des congés parentaux par les conjoints, le nombre de semaines de congé payé prises par les pères et les raisons évoquées pour ne pas demander de prestations de congé parental (voir la section Sources de données et définitions).

Plusieurs programmes européens encouragent activement la participation des parents

La participation des pères aux programmes de congés parentaux et la durée des congés pris se sont imposées comme des questions de premier plan dans les débats et dans l'élaboration des politiques publiques au sein de nombreux pays de l'OCDE (Moss et O'Brien, 2006). Certains pays se sont appuyés sur les dispositions législatives pour accroître le taux de participation des pères aux programmes de congés parentaux. Ces mesures ont principalement pris la forme de périodes de congé individuel, non transférable, pour chacun des parents, de même que de congés supplémentaires pouvant être pris par l'un ou l'autre des parents (voir la section intitulée Comparaisons internationales). Parmi les pays s'étant dotés de tels programmes figurent la Belgique, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège et la Suède. Dans d'autres pays (notamment en Autriche, en Finlande, en Allemagne et en Italie), le congé parental dans sa totalité peut être pris par l'un des parents ou par les deux, mais des semaines supplémentaires de congé payé sont offertes si le père prend une partie du congé.

Il n'est pas surprenant de constater que les pays affichant les taux de participation des pères les plus élevés sont ceux offrant des programmes de congés non transférables assortis de taux élevés de remplacement du salaire. Il s'agit surtout de pays nordiques — la Suède (taux de participation de 90 %), la Norvège (89 %) et l'Islande (84 %). Les taux de participation aux programmes de congés parentaux sont plus bas, pour les pères et les mères, dans les pays proposant de faibles taux de remplacement du revenu, peu importe le type de programme de congé — la Belgique enregistre un taux de participation des pères de moins de 7 %, l'Autriche, un taux de 2 %, et la France, un taux de 1 %. En d'autres mots, dans la mesure où la plupart des pays ne remplacent pas intégralement le revenu des parents en congé, et dans la mesure où les hommes touchent, en moyenne, un revenu supérieur à celui des femmes, les familles peuvent être dissuadées de se prévaloir d'un congé de paternité en raison du fardeau financier plus important que cela imposerait (Moss et O'Brien, 2006). Toutefois, on reconnaît parallèlement que la stabilité économique de la famille constitue un autre facteur déterminant du bien-être des enfants.

Les programmes canadiens ont également évolué

Depuis 1971, les mères qui ont accumulé suffisamment de semaines d'emploi assurables peuvent obtenir jusqu'à 15 semaines de congé de maternité payé considérées comme des prestations spéciales en vertu du Programme d'assurance-emploi (AE) actuel. Depuis 1990, le Programme de prestations parentales (PPP) offre un congé payé de 10 semaines pouvant être partagées par les parents admissibles pour leur permettre de prendre soin de leur nouveau-né. D'autres modifications de la Loi sur l'assurance-emploi (le 31 décembre 2000) sont entrées en vigueur en 2001 : prolongation de la période de prestations du PPP à 35 semaines, élimination de la seconde période de carence de deux semaines lorsque les deux parents partagent le congé, réduction du nombre annuel d'heures d'emploi requis de 700 à 600 et taux de rémunération autorisé pouvant atteindre 25 % des prestations par semaine sans pénalité1. Le PPP est considéré comme un volet fondamental du Plan d'action national pour les enfants et, à l'instar des programmes d'autres pays, il vise à « favoriser le développement de l'enfant » et à aider les parents à « concilier les obligations professionnelles et les besoins des très jeunes enfants » (RHDSC, 2005). Une évaluation de ces modifications a révélé des résultats positifs quant aux objectifs susmentionnés, notamment en ce qui a trait à la durée du congé, à la durée de la période d'allaitement et à la qualité de l'interaction entre les parents et l'enfant (RHDSC, 2005).

Un autre objectif social2 du PPP bonifié est de « favoriser l'égalité entre les sexes » par l'augmentation du taux de participation des pères et par le partage des prestations entre les conjoints (HRSDC, 2005). Un recours accru par les pères aux congés parentaux payés contribuera, croit-on, à briser les stéréotypes et à faciliter du coup l'égalité entre les sexes. Ainsi, l'idée que seules les mères se prévalent des congés parentaux « peut favoriser la discrimination contre les femmes en matière de recrutement et de promotion au travail » et, parallèlement, compliquer la vie aux pères qui voudraient prendre un congé parental parce qu'un tel congé « irait à l'encontre de la culture du travail et des attentes quant au comportement approprié des hommes » (Anxo et autres, 2007). La modification apportée au PPP afin d'éliminer la seconde période de carence de deux semaines lorsque les deux parents partagent le congé vise à élargir les choix qui s'offrent aux parents et à favoriser le partage des responsabilités professionnelles et familiales. Cette modification permet aussi « un allègement appréciable du fardeau imposé aux hommes qui voudraient obtenir uniquement quelques semaines de prestations » (Phipps, 2006). En effet, les recherches révèlent une augmentation du partage des prestations depuis la dernière révision du PPP (RHDSC, 2005; Marshall, 2003).

En mars 2005, le Québec a conclu avec le gouvernement fédéral une entente lui permettant d'administrer son propre programme de congé parental qui est nettement différent du programme fédéral. Une des principales différences entre les deux programmes est l'inclusion dans le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) d'un congé de paternité individuel et non transférable de cinq semaines assorti d'un remplacement du revenu correspondant à 70 % des gains antérieurs. Parmi les autres différences importantes du RQAP, qui sont entrées en vigueur en janvier 2006, figurent la couverture des travailleurs indépendants, des taux supérieurs de prestations pour les congés parentaux et de maternité et l'élimination du nombre minimum d'heures pour assurer l'admissibilité au congé (voir la section Description du PPP et du RQAP).

Un père sur cinq demande des prestations

La proportion des pères qui s'absentent du travail et qui prennent un congé parental payé a considérablement augmenté, passant de 3 % en 2000 à 20 % en 2006 (graphique A). La proportion observée en 2006 grimpe, en fait, à près d'un sur quatre (23 %) si l'on fait abstraction des pères non admissibles (ceux qui n'ont pas accumulé suffisamment d'heures de travail rémunéré et les travailleurs indépendants à l'extérieur du Québec)3. Néanmoins, la plupart des pères prennent un congé du travail, qu'il soit payé ou non, à la naissance de leur enfant. Selon des recherches récentes, 55 % des pères s'absentent du travail au moment de la naissance de leur enfant, bon nombre d'entre eux utilisant pour cela des vacances annuelles de courte durée (21 %) ou un congé non payé (11 %) (Beaupré et Cloutier, 2007).

L'évolution du taux de participation des pères au Programme de prestations parentales est étroitement liée aux règles régissant le programme. Peut-être à cause de la durée relativement courte du congé offert avant 2001 (10 semaines) et de la règle imposant à chacun des parents admissibles une période d'attente non payée de deux semaines, très peu de pères participaient au programme — seulement 3 % d'entre eux en 2000. Cependant, après la prolongation de la période de prestations à 35 semaines et l'application de la période de carence de deux semaines à un seul des parents, la proportion de pères présentant une demande de prestations parentales a bondi pour atteindre 10 % en 2001. Certes, la modification des règles a eu une incidence mais l'augmentation des taux de participation des pères peut également s'expliquer par un changement de culture qui se manifeste par la valorisation de la paternité et de l'engagement des pères à l'égard des enfants (Daly, 2004). Des analyses qualitatives poussées révèlent une transformation des rôles traditionnels de la maternité et de la paternité au Canada (Doucet, 2006). D'autres exemples illustrent ce virage : hausse sensible de la participation aux soins primaires prodigués aux enfants et au temps consacré à ces soins par les pères, et bond dans la proportion des pères au foyer dans les familles ne comptant qu'un seul soutien (Marshall, 2006). L'augmentation du nombre moyen de jours d'absence du travail en raison de responsabilités personnelles ou familiales représente un autre indicateur de l'évolution du rôle des pères au chapitre des soins prodigués aux enfants — ainsi, ces absences sont passées de 1,8 jour en 1997 pour les pères ayant des enfants d'âge préscolaire au sein du ménage à 6,3 jours en 2007 (Statistique Canada, 2008). Les chiffres correspondants pour les femmes sont de 4,1 et 4,8 jours.

La hausse marquée du taux de participation des pères au programme de congés parentaux en 2005 (15 %) et en 2006 (20 %) est principalement attribuable à la mise en œuvre du RQAP et à l'augmentation subséquente de la participation des pères du Québec au programme. En revanche, le taux de participation des mères est resté stable au cours des dernières années et s'établit à un peu plus de 60 %.

Plus de pères du Québec présentent des demandes de congé, mais pour des périodes plus courtes

De toute évidence, le RQAP a eu une influence profonde sur l'utilisation par les pères des congés payés au Québec. De fait, 56 % des pères admissibles au programme ont présenté une demande de prestations en 2006, en hausse par rapport au taux de 32 % observé en 2005 (tableau 1). Le taux de participation des pères à l'extérieur du Québec est resté stable au cours des trois années à l'étude, s'établissant à environ un sur dix4. Toutefois, même avant 2006, lorsque le programme de congés parentaux était uniforme partout au Canada, le Québec affichait systématiquement des proportions supérieures de pères présentant des demandes de prestations, ce qui dénote peut-être certaines différences culturelles.

En outre, on a observé au Québec une proportion supérieure à la moyenne de pères présentant une demande de prestations si leur partenaire était également prestataire (64 % contre 56 %), tandis que les pères hors du Québec étaient moins susceptibles de présenter une demande de prestations si leur partenaire recevait des prestations (8 % contre une moyenne globale de 11%). Bien que la taille de l'échantillon ne permette pas une analyse détaillée de la question, les diverses tendances qui se manifestent sont probablement liées aux raisons pour lesquelles les mères ne touchent pas de prestations. Il se peut que les femmes du Québec soient proportionnellement plus nombreuses que celles des autres provinces à toucher des prestations (77 % contre 62 %) en raison des critères différents d'admissibilité du PPP et du RQAP. Par exemple, les travailleurs indépendants sont couverts par le régime québécois, et ce dernier n'impose pas un nombre minimum de semaines de travail pour assurer l'admissibilité au programme (voir la section Description du PPP et du RQAP). Dans le cas des couples québécois n'ayant pas présenté de demande en 2006, il se peut que les deux conjoints n'aient pas été au courant du nouveau programme de congés de paternité. Ainsi, parmi les mères ayant déclaré, comme raison principale pour laquelle le conjoint n'a pas présenté de demande, que le père ignorait qu'il pouvait réclamer des prestations (soit 8 % de tous les couples où le père n'a pas présenté une demande), la grande majorité de ces mères (86 %) ne touchait pas de prestations.

Dans le cas des mères ne touchant pas de prestations dans le reste du Canada (38 %), un grand nombre occupent un emploi mais ne sont pas admissibles au programme parce qu'elles n'ont pas accumulé assez d'heures ou parce qu'elles travaillent à leur propre compte et les études montrent que les travailleuses indépendantes s'absentent moins du travail que les femmes occupant un emploi et ayant droit à des avantages sociaux (Marshall, 2003). Par conséquent, les pères se trouvant dans de tels couples peuvent être plus enclins à se prévaloir du PPP pour qu'au moins un des conjoints profite des prestations offertes. Par exemple, hors du Québec, un père sur cinq (18 %) a présenté une demande de prestations alors que sa conjointe ne l'a pas fait, pour une durée moyenne de 22 semaines.

Pour ce qui est de la durée des congés, la moyenne de semaines de prestations demandées par les pères au Québec s'est élevée à 13 en 2005 et à 7 en 2006. Bien que l'enquête ne permette pas d'établir une distinction entre les prestations de congés de paternité et les prestations de congés parentaux, il semble que, en 2006, la plupart des pères au Québec aient utilisé intégralement les prestations de paternité non transférables (maximum de cinq semaines), mais qu'une minorité d'entre eux seulement ont choisi d'utiliser une partie des 32 semaines supplémentaires offertes à l'un ou l'autre des parents. Parmi les pères admissibles qui ont présenté une demande au Québec, les trois quarts ont reçu des prestations pendant cinq semaines ou moins (graphique B). Le fait que les prestations des congés de paternité et celles des congés parentaux soient attribuées dans le cadre de programmes distincts explique peut-être la propension accrue des hommes au Québec à se prévaloir d'un seul programme. On observe une situation inverse à l'extérieur du Québec — parmi les pères qui ont présenté une demande, la durée moyenne du congé a en fait augmenté, passant de 11 semaines en 2005 à 17 semaines en 2006, ce qui représente près de la moitié de la durée des congés parentaux disponibles. Cette période relativement longue de congé est attribuable au fait que, hors du Québec, plus de la moitié des pères présentant une demande sont les seuls requérants du ménage.

Le soutien économique principal a aussi une influence sur la participation des pères

Bon nombre de facteurs peuvent avoir une incidence sur la décision des pères admissibles de prendre des congés parentaux disponibles. Une analyse visant 30 programmes européens a dégagé cinq grands déterminants des taux de participation des pères — le niveau des prestations (incidence financière), la culture organisationnelle et sociale (rôles attendus des hommes et des femmes), la souplesse du programme (quand et comment le congé peut être pris), le marché du travail (attitude de l'employeur et perceptions quant à l'avancement professionnel), et le niveau de scolarité des parents (Plantenga et Remery, 2005). Les données de la présente étude ont permis d'examiner les facteurs liés au niveau de scolarité et au revenu. Bien qu'elle ne puisse cerner les questions plus subtiles de la culture et de l'attitude des employeurs, l'enquête comprenait une question sur les raisons pour lesquelles le père n'a pas présenté de demande de prestations. Les caractéristiques des pères admissibles ayant pris un congé parental ont été examinées à l'aide d'un modèle de régression logistique. Les données visant les pères du Québec et ceux de l'extérieur du Québec ont été soumises à deux modèles distincts.

La participation au PPP fédéral a des conséquences financières potentiellement plus importantes pour les familles que la participation au RQAP de base, en raison des taux de remplacement du revenu des deux programmes — 55 % et 70 % respectivement. Bien que certains employeurs bonifient ces programmes pour compenser la réduction des gains, la majorité des parents en congé payé ne profitent pas de telles prestations. En 2006, 21 % des mères touchant des prestations parentales ont déclaré recevoir également des prestations complémentaires versées par l'employeur — 29 % au Québec et 17 % hors du Québec5. Les prestations de paternité non transférables plus généreuses au Québec expliquent probablement en partie pourquoi, selon les résultats de régression, les pères dans cette province sont 10 fois plus susceptibles de présenter des demandes de prestations que ne le sont les pères dans les autres provinces du pays (tableau 2).

La proportion de pères demandeurs de prestations parentales est plus élevée lorsque l'un ou l'autre des conjoints a fait des études collégiales ou de niveau supérieur. Cependant, une fois éliminé l'effet de divers facteurs comme le revenu du ménage avant la naissance de l'enfant, la perception par la mère de prestations de maternité ou de prestations parentales et le revenu de la mère par rapport à celui du père, il est démontré que la scolarité n'exerce pas une influence significative.

Le revenu moyen du ménage au cours du mois ayant précédé la naissance ou l'adoption ne semble pas, non plus, avoir une incidence, puisqu'on observe chez les ménages de toutes les catégories de revenu à peu près les mêmes taux de participation des pères. Il se peut que cette mesure particulière du revenu ne représente pas le véritable revenu mensuel habituel, certaines mères pouvant déjà avoir arrêté de travailler au cours du mois précédant la naissance. Toutefois, un autre résultat vient confirmer cette observation : on relève dans les ménages de toutes les catégories de revenu une proportion égale de pères qui n'ont pas présenté de demande de prestations principalement pour des raisons financières. Globalement, environ un ménage sur cinq dans chacune des catégories de revenu a évoqué les questions financières comme principale raison (les données ne sont pas présentées ici).

Le revenu perdu par la famille lorsque l'un des parents ou les deux choisissent de rester au foyer, avec ou sans prestations, constitue une autre considération financière. Le revenu de la plupart des familles diminue après la naissance de l'enfant, à moins que les travailleurs ne touchent des prestations supplémentaires de l'employeur ou qu'ils choisissent de ne pas prendre de congé6.

Dans les couples où la mère avait un revenu égal ou supérieur à celui du père et touchait des prestations, 37 % des pères ont présenté une demande de prestations parentales sous une forme ou une autre. Une fois éliminé l'effet du revenu du ménage et du niveau de scolarité, les pères dans ces familles étaient 2,5 fois plus susceptibles de demander des prestations que ne l'étaient ceux dans des familles où la mère touchait des prestations mais avait un revenu inférieur à celui du père. Ces résultats montrent assez clairement, d'une part, que certaines familles prennent en considération la réduction salariale la plus importante avant de décider lequel des conjoints présentera une demande de prestations, afin de réduire au minimum les pertes mais, d'autre part, que le revenu global du ménage n'a pas d'incidence. Si la perte de revenu est égale ou supérieure lorsque la mère reste au foyer, les couples sont plus enclins à partager les prestations. En d'autres mots, pour ce qui est de la participation des pères au PPP ou au RQAP, le revenu total de la famille n'est pas aussi important que la perte de revenu subie si le père plutôt que la mère reste au foyer. Les niveaux de signification de ces résultats s'établissent à 0,004 pour l'ensemble des couples, à 0,05 pour les couples du Québec et à 0,09 pour les couples hors du Québec.

Enfin, l'analyse de régression confirme que les pères à l'extérieur du Québec sont plus susceptibles de demander des prestations lorsque leurs partenaires n'en demandent pas. Une fois éliminé l'effet d'autres facteurs, les pères à l'extérieur du Québec étaient 3,4 fois plus susceptibles de présenter une demande de congé parental si leur partenaire ne l'avait pas fait que ne l'étaient les pères dont les partenaires avaient fait une demande et qui touchaient un revenu inférieur au leur.

Les facteurs sociaux sont aussi importants

Lorsqu'on leur a demandé pourquoi leurs partenaires admissibles n'ont pas réclamé de prestations parentales, 4 mères sur 10 ont répondu qu'il s'agissait là d'un choix de la mère ou de la famille (graphique C). Parmi les réponses les plus fréquentes dans cette catégorie, notons : la mère voulait prendre toutes les semaines; c'était plus pratique; la mère allaitait; c'était une décision personnelle. Les décisions fondées sur les préférences individuelles sont complexes et difficiles à prévoir dans la mesure où elles sont souvent conditionnées par les émotions, les attitudes et les attentes. Comme on peut le voir, les décisions des familles quant à la présentation par le père d'une demande de prestations parentales ne se basent pas uniquement sur des considérations relatives au revenu ou aux gains.

Cependant, abstraction faite des préférences, diverses raisons moins fréquentes ont été évoquées pour expliquer le fait que le père n'a pas demandé de prestations. La deuxième raison en importance est l'impossibilité de prendre congé du travail (22 %). Sans être explicite, cette réponse peut être l'expression de problèmes logistiques empêchant de prendre congé du travail, ou encore d'une perception que l'employeur ne permettrait pas un tel congé. Parmi les autres raisons principales évoquées, on retrouve les considérations financières (17 %), le fait de ne pas connaître le programme (8 %) et le manque d'intérêt (7 %).

Diversité des tendances en matière de demande de prestations

On a aussi recueilli dans le cadre de l'enquête des renseignements sur le moment de la demande de prestations du père par rapport à celle de la mère. Dans les couples où le père a présenté une demande de prestations, environ la moitié des conjoints ont fait une demande en un même temps, un quart l'ont présentée à des périodes différentes, et un quart des demandes ont été présentées uniquement par le père. La durée moyenne du congé du père était de 6 semaines dans les cas de partage des prestations entre les deux conjoints et de 22 semaines lorsque seul le père a présenté une demande (tableau 3). Cependant, la tendance générale masque des différences considérables entre le Québec et le reste du Canada.

Dans la majorité des couples au Québec (70 %), les pères ont demandé des prestations en même temps que les mères, pour une moyenne de 6 semaines; dans la majorité des couples hors du Québec (79 %), les pères n'ont pas présenté de demandes de prestations en même temps que les mères et ont demandé des congés d'une durée moyenne de 20 semaines. En fait, à l'extérieur du Québec, dans 55 % des cas où les pères ont demandé des prestations, la mère n'a pas présenté de demande de prestations.

Conclusion

Les programmes de congés payés visent à aider les parents à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. Outre la prolongation des congés, de nombreux pays voient dans l'engagement accru des pères un autre moyen d'atteindre cet objectif. Pour favoriser la participation des pères aux programmes de congés parentaux payés, certains pays ont assoupli les règles des programmes, offert des semaines supplémentaires comme incitatif ou proposé des congés de paternité non transférables.

En 2001, dans le cadre du Programme de prestations parentales du gouvernement fédéral, on a augmenté la durée des congés parentaux payés pouvant être partagés par les conjoints, celle-ci passant de 10 à 35 semaines, et on a éliminé la seconde période d'attente non payée de deux semaines lorsque les deux parents partagent les prestations. Des études ont démontré que ces modifications ont porté fruit peu après leur mise en œuvre : les mères sont restées au foyer plus longtemps et le taux global de participation des pères au programme a augmenté, celui-ci passant de 3 % en 2000 à 10 % en 2001 (Marshall, 2003).

En 2006, le Québec a mis en place son propre régime de prestations, le Régime québécois d'assurance parentale, qui se caractérise notamment par des taux de prestations plus élevés, l'absence de périodes d'attente non payées et un congé de paternité non transférable de cinq semaines. La mise en œuvre de ce programme s'est traduite par un bond dans la proportion des pères admissibles du Québec qui ont présenté une demande de prestations, celle-ci passant de 32 % en 2005 à 56 % en 2006, comparativement à 11 % seulement pour les pères hors du Québec.

Par contre, les pères au Québec réclamaient une moyenne de 13 semaines de prestations en 2005 et de 7 semaines en 2006, alors que chez les pères à l'extérieur du Québec, la durée des congés est passée de 11 à 17 semaines au cours de cette période. Les chiffres observés au Québec en 2006 sont manifestement liés à la forte hausse du nombre de pères qui ne participent qu'au programme de congé de paternité de 5 semaines. Les raisons qui expliquent l'augmentation du nombre de semaines de congé prises par les pères à l'extérieur du Québec sont moins claires.

Certaines familles tiennent compte des pertes possibles de revenu du conjoint touchant le revenu le plus élevé avant de décider qui demandera les prestations. Dans l'ensemble du pays, les pères dont les conjointes touchaient des prestations et avaient un revenu égal ou supérieur au leur étaient 2,5 fois plus susceptibles de demander des prestations que ne l'étaient les pères dont les conjointes touchaient des prestations, mais avaient un revenu inférieur. Enfin, les pères hors du Québec étaient 3,4 fois plus susceptibles de demander des prestations lorsque leurs conjointes n'en demandaient pas, ce qui tend à indiquer que lorsque la famille risque de ne toucher aucune forme de prestations (ce qui est plus fréquent à l'extérieur du Québec), le taux de participation des pères augmente considérablement.

L'évolution des programmes de congés parentaux correspond à la transformation constante de l'emploi et de la société, comprenant l'augmentation du nombre de couples où les deux conjoints travaillent, les attentes accrues quant à l'engagement des hommes à l'égard des soins prodigués aux enfants et la valorisation de la qualité de vie hors du travail (Moss et O'Brien, 2006). En effet, les recherches au Canana démontrent que les conjoints partagent de plus en plus les responsabilités financières, domestiques et parentales (Marshall, 2006). Le fait qu'un père sur cinq prenne un congé parental payé montre également que les familles où les deux conjoints travaillent sont, de plus en plus, des familles où les deux parents s'occupent aussi des enfants.

Sources de données et définitions

L'Enquête sur la couverture de l'assurance-emploi (ECAE) est menée à titre de supplément annuel de l'Enquête sur la population active depuis 1997. Elle vise principalement à étudier la couverture du programme d'assurance-emploi. À l'occasion de la bonification du programme de congés parentaux le 31 décembre 2000, on a ajouté plusieurs questions pour recueillir, auprès des nouvelles mères, des renseignements sur l'accès et le recours aux congés parentaux. Le contenu de l'enquête sur les congés parentaux s'est enrichi de nouveau en 2004 et en 2005. Par exemple, la question sur le nombre de semaines que le conjoint (père) entend prendre n'a été introduite qu'en 2005. En 2006, on a modifié certaines questions en raison du changement des compétences en matière de prestations parentales au Québec.

Toutes les questions portant sur l'utilisation par le père des prestations parentales sont posées à la mère. Dans certains cas, le père n'a pas encore pris un congé mais entend le faire. Au moment de l'enquête, il n'est pas possible d'établir une distinction entre les pères qui ont déjà pris un congé, ceux qui sont en congé et ceux qui prendront congé. Pour faciliter la présentation, on décrit toutes ces situations comme celles des pères qui ont demandé et touché des prestations.

La population cible de l'étude est formée de toutes les mères vivant avec un conjoint et un enfant de moins de 13 mois en 2006. L'échantillon de quelque 1 130 mères représente 325 000 couples selon les estimations pondérées.

Les prestations parentales sont offertes aux parents admissibles ayant antérieurement occupé un emploi (voir la section Description du PPP et du RQAP). Aux fins de la présente étude, les termes « prestations parentales » et « prestations de paternité » sont employés indifféremment lorsque l'analyse porte sur le Québec. L'ECAE n'établit pas de distinction entre les différents types de prestations du RQAP versées aux pères.

Les pères admissibles sont des pères qui ont présenté une demande de prestations parentales ou des pères qui n'en ont pas présentée pour toute raison autre que l'inadmissibilité. On a demandé aux mères d'indiquer les raisons pour lesquelles leurs conjoints n'ont pas demandé de prestations, y compris l'inadmissibilité.

Le revenu mensuel avant la naissance de l'enfant a été établi à partir des réponses à une question directement posée à la mère et lui demandant d'indiquer le revenu total du ménage provenant de toutes les sources au cours du mois ayant précédé la naissance ou l'adoption de l'enfant.

Le ratio des gains correspond aux gains horaires moyens de la mère multipliés par le nombre moyen d'heures travaillées par celle-ci divisés par les gains horaires moyens du père multipliés par le nombre d'heures travaillées par celui-ci. Si le ratio est 1 ou plus que 1, on considère que la mère a un revenu égal ou supérieur à celui du père. Il n'a pas été possible de calculer ce ratio lorsque l'un ou l'autre des conjoints travaillait à son propre compte.

Comparaisons internationales

Il est difficile de trouver des données uniformes sur les pratiques internationales en matière de congés de paternité et de congés parentaux payés. Les méthodes de collecte, les règles des programmes et la présentation des résultats varient considérablement. Cependant, malgré ces défis, cette question suscite de plus en plus d'intérêt et des efforts concertés sont déployés depuis quelque temps pour faciliter les comparaisons internationales. Par exemple, l'International Network on Leave Policy and Research, créé en 2004, produit un rapport annuel sur les politiques en matière de congés de maternité, de paternité et parentaux dans plus de 20 pays. Les résultats de diverses recherches internationales sont présentés ci-dessous. Treize des vingt pays de l'OCDE à l'étude offrent aux pères des congés de paternité ou parentaux payés d'au moins deux semaines. Sept pays n'offrent pas de tels congés, et parmi ceux-ci figurent l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. La Belgique, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège et la Suède offrent des congés non transférables aux mères et aux pères. Le Danemark offrait aux pères un congé parental non transférable jusqu'en 2002, année où il a réintégré cette période de deux semaines au programme de prestations « familiales ». Au Canada, le Québec offre un congé de paternité non transférable d'une durée exceptionnellement longue de cinq semaines. (tableau)

Description du PPP et du RQAP

Le 1er janvier 2006, le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) a remplacé le Programme de prestations parentales (PPP) de l'assurance-emploi offert par le gouvernement fédéral pour l'administration des prestations versées aux parents du Québec lors de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Un sommaire des prestations et des règles des deux programmes en 2006 est présenté ci-dessous. (Des renseignements plus détaillés sur les deux programmes sont affichés sur les sites Web respectifs des deux gouvernements : www.rqap.gouv.qc.ca et www.rhdsc.gc.ca; voir aussi Phipps, 2006.) (tableau)

Notes

  1. Voir Phipps 2006 pour une description plus détaillée de l'évolution des programmes de congés de maternité et de congés parentaux au Canada.
  2. Outre ses objectifs sociaux, le PPP vise des objectifs économiques, soit de permettre aux entreprises de conserver leurs employés performants et expérimentés et de réaliser un investissement à court terme en vue d'un gain économique à long terme (RHDSC).
  3. Chiffres fondés sur la déclaration de la mère quant à l'inadmissibilité du conjoint (voir la section Sources de données et définitions). Le reste de l'article porte sur les pères admissibles.
  4. En 2006, le taux global de participation de l'ensemble des pères, admissibles ou non, s'établissait à 48 % au Québec et à 10 % hors du Québec.
  5. La perception par les mères de prestations complémentaires a été testée dans les modèles de régression et s'est révélée non significative. Aucune information sur les taux de prestations complémentaires versées par l'employeur n'a été recueillie pour les hommes.
  6. En 2006, parmi les couples où au moins un des parents a demandé des prestations après la naissance de l'enfant, 72 % ont déclaré une réduction du revenu mensuel, réduction s'élevant en moyenne à 1 300 $. Seulement 27 % des couples dans lesquels aucun parent n'a présenté une demande de prestations ont fait état d'une réduction du revenu, mais pour ceux qui ont déclaré une diminution, la perte du revenu a atteint 1 700 $ en moyenne. La plupart des familles n'ayant pas présenté de demande (73 %) n'ont pas subi de perte de revenu soit parce qu'elles ne faisaient pas partie de la population active avant la naissance de l'enfant, soit parce qu'elles travaillaient, mais n'étaient pas admissibles aux prestations et qu'elles étaient de ce fait moins enclines à prendre un congé. Toutefois, certaines familles prennent congé du travail même si elles ne sont pas admissibles, ce qui accroît d'autant le coût du congé.

Documents consultés

Auteur

Katherine Marshall est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut la joindre au 613-951-6890 ou à perspective@statcan.gc.ca.


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