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L'emploi et le revenu en perspective - Décembre 2007

Stress au travail et rendement

Jungwee Park

Le stress au travail est défini comme les réactions physiques et émotives nocives qui se déclenchent lorsque les exigences de l'emploi ne correspondent pas aux capacités, aux ressources et aux besoins du travailleur (National Institute for Occupational Safety and Health, 1999). C'est une réalité qui est reconnue partout dans le monde comme un grave problème pour la santé physique et mentale des personnes et pour la santé des organisations (OIT, 1986). Les travailleurs stressés sont aussi plus susceptibles d'être en mauvaise santé, peu motivés, moins productifs et moins prudents au travail. En outre, leurs organisations sont moins susceptibles de réussir sur un marché compétitif. Selon certaines estimations, le stress lié au travail coûte à l'économie nationale un montant exorbitant en indemnités pour cause de maladie, en perte de productivité, en soins de santé et en frais de litige (Palmer et autres, 2004).

Le stress au travail peut être déclenché par diverses sources, et toucher chaque personne de façon différente. Même si le lien entre les aspects psychosociaux de l'emploi et la santé et le bien-être des travailleurs a été bien documenté (Dollard et Metzer, 1999), peu de recherches ont été faites sur les effets qu'ont certains facteurs stressants sur le rendement au travail. En outre, divers facteurs de protection peuvent prévenir ou réduire les effets du stress au travail, et peu de recherches ont été effectuées pour comprendre ces facteurs individuels et organisationnels atténuants.

Les tensions et contraintes au travail sont une importante source de stress au travail. Selon le modèle exigences-contrôle du travail effectué (Karasek, 1979), les tensions et contraintes au travail sont déterminées par les interactions entre les exigences psychologiques et la latitude pour décider (voir Le stress au travail). La première dimension, soit les exigences psychologiques sur le travailleur, a trait au rythme et à l'intensité, aux compétences requises et à la capacité de suivre ses collègues. La deuxième dimension a trait au degré de créativité par rapport à la répétition, ainsi qu'au degré de liberté et de responsabilité lorsqu'il s'agit de décider des mesures à prendre et du moment où les prendre (Lindström, 2005). Quatre milieux de travail peuvent alors être définis : emplois ayant de fortes tensions et contraintes, emplois actifs, emplois ayant de faibles tensions et contraintes (décontractés) et emplois passifs (voir Modèle exigences psychologiques-latitude pour décider).

Même si une simple identification des emplois comportant de fortes ou de faibles tensions et contraintes peut être importante, il faut conserver la distinction entre le contrôle sur le travail effectué et les exigences psychologiques, car chaque catégorie peut avoir des effets différents sur les travailleurs et leurs organisations. Par exemple, lorsque le contrôle sur le travail est élevé et que les exigences psychologiques le sont également, on s'attend à ce qu'il en découle un apprentissage et une croissance sur le plan du comportement. Une bonne partie de l'énergie que génèrent les défis professionnels peut se concrétiser dans des mesures immédiates — un règlement efficace des problèmes — avec très peu de tensions et contraintes. La croissance et l'apprentissage contribuent à augmenter la productivité. Par ailleurs, de faibles exigences et un faible contrôle se traduisent par un climat de travail très peu motivant, qui, à son tour, entraîne une perte graduelle des compétences déjà acquises (Karasek, 1998).

Les tensions et contraintes au travail figurent parmi plusieurs autres facteurs stressants avec lesquels peuvent devoir composer les travailleurs en milieu de travail. L'effort physique et l'insécurité d'emploi peuvent également engendrer du stress. Même à une époque où l'on voit apparaître de plus en plus d'industries de l'information de pointe, les exigences physiques du travail sont encore pertinentes et importantes pour de nombreux travailleurs. Une grave inquiétude au sujet de l'effort physique à exercer au travail peut devenir un facteur stressant. Ce facteur stressant tient à des préoccupations au sujet des dangers physiques et des blessures au travail. Il ne fait aucun doute qu'une sécurité d'emploi précaire et la crainte d'être mis à pied constituent également une source importance de stress psychologique pour certains, surtout pendant des périodes de contraction économique (Williams, 2003).

En outre, la satisfaction au travail et l'autoperception du niveau de stress peuvent démontrer des aspects différents, mais importants, du stress au travail. Quoique ces deux éléments n'indiquent peut-être pas de sources précises de stress au travail, ils montrent la mesure dans laquelle des travailleurs sont insatisfaits de leur emploi et perçoivent leur travail quotidien comme étant stressant. Par conséquent, il est possible de déterminer de nombreuses sources et dimensions distinctes du stress au travail qui pourraient avoir des effets négatifs sur certains travailleurs. Dans le présent article, on examine les niveaux, les sources et les effets du stress au travail pour divers groupes sociodémographiques et professionnels.

On utilise les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2002 et de divers cycles de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) pour examiner le stress au travail et ses effets sur les travailleurs canadiens (voir Sources des données). On présente tout d'abord les niveaux de stress au travail des personnes occupées âgées de 15 à 75 ans, selon certaines caractéristiques. On examine ensuite au moyen d'analyses transversales et longitudinales la façon dont les facteurs de stress au travail sont associés à la productivité courante et à long terme pour ce qui est de la réduction des activités professionnelles, des jours d'incapacité, des absences du travail ou de la cessation d'emploi. Des techniques d'analyse à plusieurs variables sont employées pour tenir compte des caractéristiques de l'emploi et des facteurs de protection comme le soutien social et le comportement d'adaptation de chacun (voir Variables liées au travail ainsi que Soutien social et comportements d'adaptation). Le soutien social peut provenir de collègues et de superviseurs, ainsi que de sources personnelles. Les mécanismes d'adaptation personnels peuvent jouer un rôle important dans le contrôle des effets du stress au travail.

Afin de tenir compte des effets du plan d'enquête, on a utilisé la technique bootstrap pour estimer les coefficients de variation et les valeurs p, ainsi que pour exécuter des tests d'hypothèse. Le seuil de signification a été fixé à 0,05.

Plus de stress au travail chez les femmes

Proportionnellement plus de femmes occupées que d'hommes ont déclaré un stress plus élevé au travail — 28 % tenaient un emploi ayant de fortes tensions et contraintes, et 17 %, un emploi ayant de faibles tensions et contraintes, contre 20 % et 24 % respectivement pour les hommes (graphique A). Les hommes étaient plus susceptibles que les femmes d'occuper un emploi actif. De petites différences, quoique significatives, ont aussi été observées au niveau de l'autoperception du niveau de stress au travail (graphique B). Le tiers des femmes se sentaient assez stressées ou extrêmement stressées pendant la plupart de leurs journées de travail, comparativement à 29 % des hommes. Selon une analyse à plusieurs variables, les femmes occupées étaient 1,2 fois plus susceptibles de déclarer qu'elles vivaient un niveau de stress élevé au travail, même après la prise en compte d'autres facteurs sociodémographiques ou liés à l'emploi (données non présentées).

Une plus forte proportion d'hommes ont déclaré que leur emploi exigeait beaucoup d'effort physique — 48 % contre 40 %. Toutefois, ces résultats n'étaient plus significatifs après la prise en compte d'autres variables socioéconomiques ou liées à l'emploi. Cela peut être attribuable aux emplois de col bleu chez les hommes. L'insécurité d'emploi était la même pour les hommes et pour les femmes : environ 15 % ont indiqué craindre sérieusement de perdre leur emploi. De même, leur niveau d'insatisfaction au travail était égal (environ 1 sur 10).

Différences selon l'âge

Comparativement aux travailleurs d'autres groupes d'âge, les travailleurs du principal groupe d'âge actif (âgés de 25 à 54 ans), qui sont les plus susceptibles d'être au sommet de leur carrière, étaient plus susceptibles d'occuper un emploi actif et moins susceptibles de tenir un emploi passif (tableau 1). Ceux âgés de 40 à 54 ans étaient les plus susceptibles de percevoir leur travail comme étant stressant.

Près de la moitié des jeunes travailleurs (âgés de 15 à 24 ans) occupaient un emploi passif, soit un taux nettement plus élevé que leurs homologues du principal groupe d'âge actif, même après la prise en compte d'autres facteurs, y compris le statut d'étudiant. Plus de la moitié des jeunes travailleurs ont aussi mentionné que leur emploi exigeait de l'effort physique. Fait intéressant, toutefois, ces travailleurs plus jeunes étaient moins susceptibles de percevoir leurs journées de travail comme étant stressantes. C'est peut-être parce qu'ils savent qu'ils ne feront pas carrière dans leur emploi actuel.

Environ le tiers des travailleurs âgés (65 ans ou plus) avaient tendance à occuper un emploi décontracté (faibles tensions et contraintes). De plus, moins de 4 % se sont dits insatisfaits de leur emploi. Il se pourrait que bon nombre d'entre eux soient des travailleurs semi-retraités ou à temps partiel qui réintègrent le marché du travail après un départ à la retraite.

Même après la prise en compte de facteurs connexes comme les heures de travail, le statut d'étudiant ou le travail par postes, la plupart de ces différences selon l'âge demeuraient significatives.

Questions liées au statut socioéconomique

Les travailleurs ayant un faible revenu personnel étaient plus susceptibles d'avoir un emploi comportant de fortes tensions et contraintes ou un emploi passif que les travailleurs touchant un revenu élevé. Presque la moitié des travailleurs ayant un revenu de moins de 20 000 $ occupaient un emploi passif comparativement à seulement un travailleur sur cinq environ ayant un revenu de 60 000 $ ou plus. Une proportion plus forte de personnes à faible revenu ont déclaré des niveaux plus élevés d'insécurité d'emploi et d'insatisfaction au travail. Cela tient peut-être en partie au fait qu'elles étaient moins susceptibles d'avoir un emploi permanent ou syndiqué1. Elles avaient aussi tendance à occuper un emploi exigeant plus d'effort physique que les personnes touchant un revenu plus élevé. Les personnes dans le groupe de revenu le plus élevé étaient plus susceptibles d'occuper un emploi actif et comportant de faibles tensions et contraintes en raison d'un plus grand contrôle sur le travail; toutefois, elles avaient tendance à percevoir leur travail comme étant plus stressant. Fait peu étonnant, les exigences psychologiques liées au travail étaient étroitement corrélées au niveau de stress autoperçu (r = 0,35). Toutefois, le contrôle sur le travail effectué et le niveau de stress autoperçu étaient également positivement associés — près de la moitié des travailleurs occupant un emploi actif ont déclaré qu'ils éprouvaient beaucoup de stress au travail, un taux plus élevé que celui des travailleurs exposés à de fortes tensions et contraintes (41 %) [données non présentées].

Des tendances semblables ont été constatées pour les niveaux de scolarité. Les personnes plus scolarisées étaient plus susceptibles que les travailleurs moins scolarisés d'avoir un emploi actif, comportant de faibles tensions et contraintes, et exigeant moins d'effort physique. Par exemple, un travailleur sur quatre ayant un grade universitaire était exposé à de faibles contraintes et tensions au travail comparativement à seulement un travailleur sur six sans diplôme d'études secondaires. Enfin, comme dans le cas du revenu, les travailleurs les plus scolarisés étaient plus susceptibles que les travailleurs moins scolarisés de percevoir leur travail comme étant plus stressant.

Les travailleurs mariés étaient plus susceptibles que les travailleurs jamais mariés d'avoir un emploi actif et ayant de faibles tensions et contraintes. En outre, ils affichaient des taux nettement plus faibles d'insécurité d'emploi et d'insatisfaction au travail que ceux qui n'avaient jamais été mariés ou qui l'avaient déjà été. Pour certains aspects du stress au travail, toutefois, d'autres facteurs semblaient jouer un rôle plus important que le mariage. Par exemple, même si une proportion beaucoup plus élevée de femmes divorcées, séparées ou veuves que de femmes mariées ont déclaré qu'elles estimaient vivre beaucoup de stress au travail, la différence n'était pas statistiquement significative après la prise en compte d'autres facteurs.

Stress au travail et variables liées à l'emploi

Les travailleurs de postes étaient plus susceptibles que les autres travailleurs d'avoir un emploi comportant de fortes tensions et contraintes (29 % contre 22 %). Ils avaient des exigences psychologiques plus lourdes et des niveaux inférieurs de contrôle sur leur travail. En outre, comparativement aux travailleurs ayant un horaire de travail régulier, les travailleurs de postes étaient plus susceptibles d'avoir un emploi exigeant de l'effort physique (54 % contre 40 %) et moins satisfaisant (12 % contre 9 %). Ces résultats sont compatibles avec ceux des recherches antérieures qui ont révélé que les travailleurs de postes étaient en moins bonne santé et connaissaient des niveaux de stress au travail plus élevés (Harrington, 2001; Shields, 2006). Le stress chez les travailleurs de postes peut tenir à un manque de socialisation avec la famille et les amis, ainsi qu'à la difficulté de planifier en fonction des responsabilités familiales, de participer à des activités professionnelles régulières ou de se créer des programmes d'activités courantes (Centres de santé des travailleurs(ses) de l'Ontario, 2005). Il peut également découler des effets sur la santé que cause le travail par postes, comme la perturbation du rythme circadien, la réduction de la qualité et de la quantité du sommeil, la fatigue, l'anxiété, la dépression et l'accentuation des traits névrotiques (Harrington, 2001).

Être son propre patron devrait apporter le maximum de contrôle sur le travail effectué. En fait, les tensions et contraintes au travail étaient, de manière significative, moins courantes parmi les travailleurs autonomes : 14 % avaient un emploi ayant de fortes tensions et contraintes comparativement à 26 % des autres travailleurs. Près de 30 % occupaient un emploi actif. Plus d'un travailleur autonome sur trois avait un emploi comportant de faibles tensions et contraintes. Ils avaient également tendance à être satisfaits de leur travail — seulement 5 % ont déclaré être insatisfaits, un pourcentage nettement inférieur à celui des employés (11 %). Toutefois, près d'un travailleur autonome sur cinq estimait ne pas avoir de sécurité d'emploi. Contrairement aux employés, qui sont rémunérés même lorsque les affaires ralentissent, les travailleurs autonomes doivent faire connaître et vendre leurs services pour réaliser des gains. Ils sont tout particulièrement préoccupés par la sécurité d'emploi, car ils n'ont pas droit à des avantages sociaux, et ils ne bénéficient pas d'heures supplémentaires payées, de congés annuels payés ni d'une indemnité de départ.

Étant donné que les emplois à temps partiel comportent souvent des arrangements temporaires, précaires et d'une durée déterminée, il n'est pas trop étonnant de découvrir que les travailleurs à plein temps étaient beaucoup plus susceptibles que les travailleurs à temps partiel d'occuper un emploi actif (26 % contre 8 %). En effet, les travailleurs à plein temps avaient de plus grandes exigences psychologiques et un plus grand contrôle en milieu de travail. Plus de la moitié des travailleurs à temps partiel affichaient de faibles niveaux tant pour le contrôle que pour les exigences psychologiques (emplois passifs). Par contre, les travailleurs à plein temps étaient plus susceptibles de percevoir leurs journées de travail comme étant stressantes. Dans l'ensemble, ils étaient légèrement plus susceptibles d'avoir un emploi exigeant beaucoup d'effort physique2.

Une analyse plus détaillée des heures de travail a révélé que ceux qui travaillaient plus de 40 heures par semaine étaient moins susceptibles que les travailleurs réguliers ou à temps partiel d'être exposés à de fortes tensions et contraintes au travail et les plus susceptibles d'avoir un emploi actif3.

De façon générale, les cols blancs affichaient des niveaux nettement plus élevés que les autres groupes professionnels (travail manuel, et ventes et services) quant à la latitude pour décider. Plus du quart avaient un emploi ayant de faibles tensions et contraintes. En outre, les cols blancs étaient plus susceptibles d'occuper un emploi actif — plus du tiers comparativement au dixième environ des autres travailleurs. Étant donné qu'un grand nombre d'emplois de col bleu comportent du travail manuel, il n'est pas étonnant qu'une forte proportion de cols bleus (73 %) avaient un emploi exigeant beaucoup d'effort physique. Enfin, une proportion plus élevée de cols blancs se sont dits très satisfaits de leur travail comparativement aux autres travailleurs, mais ils étaient aussi plus susceptibles de percevoir leur travail comme étant stressant.

Analyse à plusieurs variables

Pour examiner la façon dont les facteurs de stress au travail sont associés à la productivité, on a procédé à des modèles de régression logistique à plusieurs variables. Des modèles ont été exécutés tout d'abord pour chacune des quatre conditions de stress au travail4, afin de vérifier s'il y avait des associations avec certains résultats quant au rendement au travail — réduction des activités au travail, au moins un jour d'incapacité pendant les deux semaines précédentes, et avoir été absent au cours de la semaine précédente. Ces modèles tenaient compte de variables confusionnelles possibles : profession, heures, travail par postes, travail autonome, âge, état matrimonial, niveau de scolarité et revenu. Au cours de la deuxième étape, les modèles ont été exécutés de nouveau pour inclure une série de facteurs atténuants qui pouvaient peut-être protéger contre les répercussions du stress au travail. Ces facteurs comprenaient le soutien des collègues, un soutien affectif, ainsi que des comportements d'adaptation positifs ou négatifs. Pour neutraliser les corrélations et interactions probables, des analyses de régression distinctes pour chaque source de stress au travail ont été exécutées pour les deux premières séries de modèles. Enfin, dans le troisième modèle, tous les facteurs de stress au travail ont été pris en compte simultanément, en plus de toutes les autres variables confusionnelles et de protection. Comme ces analyses à plusieurs variables étaient fondées sur des données transversales, on ne peut en tirer un ordre de causalité ni un ordre temporel.

Réduction des activités au travail en raison de problèmes de santé de longue durée

Les travailleurs soumis à de fortes tensions et contraintes au travail étaient plus susceptibles que ceux occupant un emploi ayant de faibles tensions et contraintes de signaler une réduction de leurs activités au travail en raison d'un problème de santé de longue durée5. Le rapport de cotes pour les hommes était de 1,7; pour les femmes, il s'établissait à 1,6 (tableau 2). Dans le cas des hommes, un emploi actif était également associé à une réduction des activités au travail, alors que les emplois exigeant beaucoup d'effort physique ou précaires l'étaient pour les deux sexes. Toutefois, lorsqu'on tenait compte du soutien social et des facteurs d'adaptation, la plupart des associations avec la réduction des activités au travail n'étaient plus significatives, à l'exception de l'effort physique chez les femmes et du stress autoperçu pour les deux sexes. En d'autres mots, un climat positif aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du milieu de travail peut aider à prévenir la réduction des activités en atténuant les effets du stress lié au travail. Par ailleurs, ceux qui adoptent des mécanismes d'adaptation négatifs risquent de réduire leurs activités. Selon des résultats plus poussés, chez les hommes, un solide soutien social en milieu de travail était associé à une vraisemblance moindre de réduction des activités au travail, alors que pour les femmes, c'était un solide soutien émotif et informationnel. Pour les deux sexes, on observait un lien entre les comportements d'adaptation négatifs (par exemple, consommation d'alcool, usage de tabac ou consommation de drogue) et une réduction des activités au travail (voir Soutien social et comportements d'adaptation).

Jours d'incapacité au cours des deux semaines précédentes

Dans l'ESCC, les répondants occupés au moment de l'enquête comptaient un jour d'incapacité au cours des deux semaines précédentes s'ils avaient gardé le lit pendant toute la journée ou la plus grande partie de la journée (y compris les nuits à l'hôpital), s'ils avaient réduit leurs activités normales, ou s'ils avaient dû faire un effort supplémentaire dans leurs activités quotidiennes en raison d'une maladie ou d'une blessure.

Les hommes occupant un emploi actif ou ayant de fortes tensions et contraintes étaient 1,5 fois plus susceptibles que ceux tenant un emploi ayant de faibles tensions et contraintes de déclarer au moins un jour d'incapacité au cours des deux semaines précédentes (tableau 3). Il se peut que cette différence ne représente pas tout simplement différents niveaux d'exigences psychologiques. Dans une analyse plus détaillée où l'on a utilisé comme groupe de référence des travailleurs occupant un emploi actif, la vraisemblance que les hommes ayant un emploi actif prennent des jours d'incapacité était plus élevée que dans le cas des travailleurs passifs (données non présentées). Il existe un lien entre le fait d'être un travailleur actif ayant un emploi qui implique beaucoup de contrôle et d'exigences psychologiques, et de brèves interruptions de travail comme des jours d'incapacité. Après la prise en compte des facteurs de protection, cependant, les associations statistiquement significatives de certaines sources de stress au travail (effort physique pour les hommes et emplois comportant de fortes tensions et contraintes pour les femmes) avec les jours d'incapacité disparaissaient. Comme dans le cas de la réduction des activités au travail, les résultats de l'analyse détaillée ont révélé que des comportements d'adaptation négatifs avaient tendance à accroître la vraisemblance de la prise de jours d'incapacité, et ce, chez les deux sexes.

Un niveau de stress autoperçu comme étant élevé était étroitement associé à la prise de jours d'incapacité. Presque un homme ou une femme sur cinq qui percevaient leurs journées régulières de travail comme étant stressantes avait pris au moins un jour d'incapacité au cours des deux semaines précédentes. L'association est significative dans tous les modèles sauf un. Lorsqu'on incluait tous les indicateurs de stress au travail, l'association n'était plus significative pour les femmes. Ce résultat laisse entendre que les différentes sources de stress au travail ne surviennent pas en isolement mais qu'elles interagissent plutôt les unes avec les autres (Shields, 2006).

Absences du travail

Dans l'ESCC, on posait la question suivante : « La semaine dernière, aviez-vous un emploi ou une entreprise dont vous vous êtes absenté(e)? » Pour cette étude, les personnes qui déclaraient une absence du travail et indiquaient comme motif principal une maladie ou une blessure dont elles-mêmes avaient souffert étaient considérées comme étant absentes du travail en raison d'un problème de santé6.

Un emploi exigeant beaucoup d'effort physique s'est révélé être un important facteur d'absentéisme à la fois pour les hommes et pour les femmes. Ceux qui déclaraient faire beaucoup d'effort physique étaient à peu près deux fois plus susceptibles de s'absenter du travail. Par exemple, les hommes occupant un emploi physique étaient 2,2 fois plus susceptibles de compter une absence du travail que ceux tenant un emploi non physique; pour les femmes, le rapport de cotes était de 1,9 (tableau 4). Ce résultat est compatible avec les résultats des recherches antérieures indiquant des associations significatives entre l'absence-maladie et la charge de travail physique, et les facteurs de risque dans le milieu de travail (Lund et autres, 2006; von Thiele et autres, 2006).

Les femmes qui affirmaient éprouver beaucoup de stress au travail étaient plus susceptibles que celles qui n'étaient pas stressées de s'absenter du travail. Dans le cas des hommes, toutefois, on ne relevait pas d'association significative entre l'autoperception du stress au travail et l'absence du travail. Des analyses détaillées ont montré que le soutien social et des comportements d'adaptation positifs (résolution de problèmes, exercice physique, attitude positive, etc.) contribuaient effectivement à réduire la vraisemblance d'absentéisme pour les femmes, alors que des comportements négatifs (consommation d'alcool, tabagisme, usage de drogues, etc.) accroissaient la vraisemblance qu'elles s'absentent du travail.

Effets longitudinaux du stress au travail

L'analyse longitudinale est particulièrement utile dans le cas du stress au travail étant donné qu'elle pourrait révéler les effets cumulatifs à long terme du stress ainsi que des rapports de causalité plus clairs entre le stress et le rendement au travail. Comme certaines variables n'étaient pas disponibles, ou qu'elles avaient été mesurées de façon différente dans l'ENSP, les modèles longitudinaux diffèrent légèrement des modèles transversaux correspondants fondés sur l'ESCC. Par exemple, on a utilisé dans les modèles longitudinaux les variables relatives à l'usage du tabac, à la consommation d'alcool, à l'activité physique et à l'indice de masse corporelle comme des estimations très approximatives du comportement d'adaptation selon l'ESCC.

Les effets à long terme du stress professionnel sur le rendement au travail ont été examinés au moyen d'observations répétées réparties sur des périodes de deux ans. On a regroupé ces observations dans une analyse de régression logistique. Trois cohortes d'observations regroupées ont été utilisées, selon les années de référence 1994-1995 (cycle 1), 2000-2001 (cycle 4) et 2002-2003 (cycle 5). Chaque cycle comportait des questions sur le stress au travail. Pour chaque année de référence, des personnes occupées âgées de 15 à 75 ans (15 à 54 ans pour le modèle relatif aux personnes devenues inactives) ont été sélectionnées aux fins de l'analyse.

Réduction des activités au travail deux ans plus tard

Seuls les travailleurs ne déclarant aucune réduction des activités au travail pendant l'année de référence ont été inclus pour l'analyse. Dans l'ENSP, on demandait aux travailleurs en place : « À cause d'une incapacité physique ou mentale ou d'un problème de santé chronique, êtes-vous limité(e) d'une façon quelconque dans le genre ou dans le nombre d'activités que vous exercez au travail? » Ceux qui avaient répondu oui à l'enquête de suivi deux ans plus tard ont été considérés comme ayant réduit leurs activités au travail7.

Les travailleurs occupant un emploi actif étaient deux fois plus susceptibles que ceux exposés à de faibles tensions et contraintes au travail d'avoir réduit leurs activités au travail deux ans plus tard, même après la prise en compte de divers facteurs confusionnels, y compris le soutien social et les comportements d'adaptation (tableau 5). Ce résultat n'est pas compatible avec l'hypothèse selon laquelle les emplois actifs créent le contexte de croissance et d'apprentissage propice à une productivité élevée (Karasek, 1998). Avoir un emploi actif peut faire augmenter la productivité courante, mais avoir de grandes exigences et responsabilités (contrôle) peut avoir des répercussions négatives sur la santé et la productivité des travailleurs plus tard.

En outre, l'effort physique semblait accroître la vraisemblance à long terme d'une réduction des activités au travail. Les hommes et les femmes qui occupaient un emploi exigeant beaucoup d'effort physique étaient environ 1,6 fois plus susceptibles que les travailleurs tenant d'autres emplois de réduire leurs activités au travail deux ans plus tard. Les hommes occupant un emploi passif ou ayant de fortes tensions et contraintes étaient plus susceptibles que les travailleurs tenant un emploi ayant de faibles tensions et contraintes de réduire leurs activités au travail deux ans plus tard, ce qui indique que ces types de stress au travail peuvent avoir entraîné des problèmes de santé de longue durée qui finissent par réduire la productivité.

Jours d'incapacité deux ans plus tard

Les hommes occupant un emploi dans lequel ils ont été exposés à de fortes tensions et contraintes pendant l'année de référence étaient plus susceptibles de prendre des jours d'incapacité deux ans plus tard8. Ils étaient deux fois plus susceptibles que les hommes tenant un emploi ayant de faibles tensions et contraintes de compter des jours d'incapacité, même après la prise en compte de facteurs liés aux caractéristiques sociodémographiques, à l'emploi et au soutien social (tableau 5).

Comme dans le cas de la réduction des activités au travail, les travailleurs les plus touchés par le stress au travail ont peut-être déjà quitté la population active, de sorte qu'ils n'ont pas été inclus dans l'analyse. Le nombre de jours d'incapacité peut être déterminé davantage par les conditions en place que par des conditions longitudinales, étant donné que le concept visait les effets à court terme, comme garder le lit, réduire ses activités normales, ou devoir faire un effort supplémentaire pour fonctionner dans le quotidien, alors que la réduction des activités au travail mesurait les résultats associés aux maladies de longue durée9.

Être inactif deux ans plus tard

Ceux qui travaillaient lors de l'enquête de référence mais non deux ans plus tard ont été considérés comme étant devenus inactifs. Pour réduire au minimum l'effet possible du départ à la retraite, l'analyse des travailleurs devenus inactifs a été limitée aux travailleurs âgés de 15 à 54 ans.

Fait peu étonnant, les travailleurs qui percevaient leur emploi comme étant plus précaire étaient plus susceptibles d'être inactifs deux ans plus tard. Les rapports de cotes étaient de 1,5 pour les hommes n'ayant pas de sécurité d'emploi et de 1,3 pour les femmes, après la prise en compte de divers facteurs confusionnels (tableau 5). Les hommes occupant un emploi actif étaient plus susceptibles de demeurer sur le marché du travail que les hommes ayant un emploi où les tensions et contraintes sont faibles. Quoique ces résultats soient généralement compatibles avec ceux des recherches antérieures indiquant que le stress au travail est un déterminant très important de l'intention de partir (Leontaridi et Ward, 2002), cette analyse ne pouvait fournir d'information sur les motifs du retrait du marché du travail.

Conclusion

Les répercussions défavorables du stress au travail sont reconnues comme un problème pour les employeurs et les travailleurs à la fois, les femmes, les jeunes, les travailleurs de postes, les travailleurs à temps partiel et les travailleurs autres que les cols blancs étant plus susceptibles d'avoir un emploi comportant de fortes tensions et contraintes. Les personnes occupant de tels emplois percevaient leur travail comme exigeant beaucoup d'effort physique et comme étant moins satisfaisant. De faibles revenus personnels ainsi que de faibles niveaux de scolarité étaient aussi associés à un niveau de stress plus élevé.

Le stress au travail peut être mesuré au moyen de plusieurs indicateurs. Par conséquent, certaines variables peuvent parfois indiquer des types différents d'associations pour divers groupes de population. En particulier, le stress autoperçu au travail avait souvent une relation apparemment inverse avec d'autres indicateurs de ce stress. Par exemple, les cols blancs étaient plus susceptibles que les autres travailleurs d'avoir de faibles tensions et contraintes et d'éprouver beaucoup de satisfaction au travail, mais ils croyaient également qu'ils avaient un niveau de stress plus élevé. Les groupes qui croyaient faire face à beaucoup de stress au travail comprenaient des travailleurs d'âge moyen, mariés, à revenu élevé ou très scolarisés. Il semble que les travailleurs étaient plus portés à juger que leur travail était stressant lorsqu'ils fondaient leur opinion sur les responsabilités perçues plutôt que sur les tensions et contraintes ou l'insatisfaction au travail.

Les facteurs liés au stress au travail ont des associations transversales et longitudinales significatives avec le rendement au travail. Par exemple, être exposé à de fortes tensions et contraintes au travail était associé à la réduction des activités au travail et à la prise d'au moins un jour d'incapacité pendant les deux semaines précédentes; les emplois actifs étaient aussi associés de façon positive avec la prise de jours d'incapacité; enfin, les emplois exigeant beaucoup d'effort physique étaient associés à des absences du travail pendant la semaine précédente. Ces derniers emplois étaient également associés à une réduction des activités deux ans plus tard; les emplois actifs étaient, quant à eux, associés à une réduction des activités au travail, alors que l'insécurité d'emploi perçue par le travailleur était associée à des périodes de non-emploi par la suite.

Le soutien social et les mécanismes d'adaptation positifs constituent des facteurs de protection pour les travailleurs. Bon nombre d'associations entre les indicateurs de stress au travail et le rendement au travail étaient atténuées par de tels facteurs. En revanche, des comportements d'adaptation négatifs étaient susceptibles de se traduire par une augmentation des incapacités au travail. Une promotion efficace des éléments de protection et la réduction des comportements négatifs, aussi bien en milieu de travail qu'à l'extérieur de ce milieu, pourraient aider à atténuer les effets du stress au travail sur la réduction des activités au travail, les jours d'incapacité et les absences du travail.


Le stress au travail

Dans le contexte de l'ESCC et de l'ENSP, on a utilisé une version abrégée du questionnaire de Karasek sur les spécifications de l'emploi pour mesurer le stress au travail (Karasek, 1985). L'ESCC a permis de mesurer le stress au travail des répondants occupant un emploi ou ayant une entreprise au cours des 12 mois précédents, alors que l'ENSP a servi à mesurer le stress au travail des personnes occupées au moment de l'enquête. Douze éléments du questionnaire sont utilisés pour mesurer le contrôle sur le travail effectué, les exigences psychologiques, l'insécurité d'emploi, l'effort physique et le soutien social en milieu de travail. Chaque élément est évalué en fonction d'une échelle de Likert à cinq points, soit de tout à fait d'accord à entièrement en désaccord (les éléments 4 et 7 sont cotés inversement) :

  1. Votre travail exigeait l'acquisition de nouvelles connaissances. (Sous-échelle - contrôle)
  2. Votre travail exigeait un niveau élevé de compétences. (contrôle)
  3. Vous étiez libre de décider de votre façon de travailler. (contrôle)
  4. Votre travail consistait à refaire toujours les mêmes choses. (contrôle)
  5. Vous aviez votre mot à dire sur l'évolution de votre travail. (contrôle)
  6. Votre travail était frénétique. (exigences)
  7. Vous n'aviez pas à répondre à des demandes conflictuelles. (exigences)
  8. Vous aviez une bonne sécurité d'emploi. (insécurité d'emploi)
  9. Votre travail exigeait beaucoup d'effort physique. (effort physique)
  10. Vous étiez exposé à l'hostilité ou aux conflits de vos collègues. (soutien social)
  11. Votre surveillant facilitait l'exécution du travail. (soutien social)
  12. Vos collègues facilitaient l'exécution du travail. (soutien social)

À partir des notes obtenues pour les éléments ayant trait aux exigences psychologiques et au contrôle du travail effectué, on définit quatre conditions de travail psychosociales : emploi actif (au-dessus de la médiane pour les exigences et le contrôle), emploi comportant de fortes tensions et contraintes (au-dessus de la médiane pour les exigences, en dessous de la médiane pour le contrôle), emploi comportant de faibles tensions et contraintes (en dessous de la médiane pour les exigences, au-dessus de la médiane pour le contrôle), et emploi passif (en dessous de la médiane aussi bien pour les exigences que pour le contrôle). Les répondants qui étaient en désaccord ou entièrement en désaccord avec l'énoncé sur la sécurité d'emploi ont été classés comme ayant peu de sécurité d'emploi. Les répondants qui étaient d'accord ou tout à fait d'accord avec l'énoncé sur l'effort physique ont été classés comme occupant un emploi exigeant beaucoup d'effort physique. Les répondants ont été classés comme ayant peu de soutien social dans leur milieu de travail s'ils répondaient qu'ils étaient d'accord ou tout à fait d'accord avec le premier énoncé sur le soutien social, en désaccord ou entièrement en désaccord avec le deuxième, ou en désaccord ou entièrement en désaccord avec le troisième.

De plus, on a demandé aux répondants s'ils étaient très satisfaits, plutôt satisfaits, pas trop satisfaits ou insatisfaits de leur emploi. Ceux qui n'étaient pas trop satisfaits ou qui étaient insatisfaits ont été classés comme étant insatisfaits relativement à leur travail. On a mesuré le stress autoperçu dans l'entreprise ou l'emploi principal au cours des 12 mois précédents en demandant : « Diriez-vous que la plupart de vos journées étaient : pas du tout stressantes? pas tellement stressantes? un peu stressantes? assez stressantes? extrêmement stressantes? » Les répondants qui ont déclaré assez ou extrêmement stressantes ont été classés comme affichant un niveau élevé de stress autoperçu au travail.


Sources des données


L'analyse transversale du stress au travail est fondée sur l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) : santé mentale et bien-être, qui a été lancée en mai 2002 et menée sur une période de huit mois. L'enquête a porté sur près de 37 000 personnes âgées de 15 ans ou plus habitant dans des logements privés dans les 10 provinces. La plupart des interviews (86 %) ont été réalisées en personne; le reste, par téléphone. Les répondants étaient tenus de fournir leurs propres renseignements — les réponses par personne interposée n'étaient pas acceptées. Le taux de réponse à l'enquête a été de 77 %.

L'analyse longitudinale est fondée sur l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP). L'ENSP, qui a été amorcée en 1994-1995, permet de recueillir tous les deux ans de l'information sur la santé des Canadiens. Elle englobe tous les résidents membres d'un ménage et les pensionnaires d'un établissement institutionnel de toutes les provinces et des Territoires. En 1994-1995, environ 20 000 répondants ont été sélectionnés pour le panel longitudinal. Le taux de réponse pour ce panel en 1994-1995 a été de 86,0 %. Des efforts ont été faits pour interviewer de nouveau ces répondants tous les deux ans. Les taux de réponse pour les cycles ultérieurs, fondés sur les premiers répondants, ont été de 92,8 % pour le cycle 2 (1996-1997), 88,3 % pour le cycle 3 (1998-1999), 84,8 % pour le cycle 4 (2000-2001), 80,5 % pour le cycle 5 (2002-2003), et 77,4 % pour le cycle 6 (2004-2005). La présente analyse fait appel au fichier carré longitudinal du cycle 6, qui renferme tous les répondants du panel initial peu importe
si l'information a été obtenue au cours de tous les autres cycles subséquents.


Variables liées au travail

Les emplois ont été classés en trois groupes : cols blancs (gestion; professionnel; technologue, technicien ou emploi technique; administration, finance ou travail de bureau), ventes ou services, et cols bleus (métiers, transport ou machinerie; agriculture, foresterie, pêche ou extraction minière; transformation, fabrication ou services publics).

Le travail par postes désigne un travail autre qu'un travail effectué selon un horaire de jour régulier (postes de soirée, de nuit, par roulement ou postes fractionnés).

Les travailleurs autonomes sont ceux qui travaillent principalement pour leur propre entreprise ou leur propre exploitation agricole, ou encore qui exercent une profession pour propre compte.

Ceux qui travaillaient au moins 30 heures par semaine à leur emploi principal ont été considérés comme des travailleurs à plein temps.

Dans le cas des répondants qui avaient plus d'un emploi, la classification était fondée sur l'emploi qui comportait le plus d'heures par semaine (emploi principal).


Soutien social et comportements d'adaptation

En ce qui concerne la variable relative au soutien émotif et informationnel dans l'ESCC de 2002, on a fait appel à une version abrégée des mesures figurant dans l'Étude des issues médicales. On a demandé aux répondants : « Dans quelle mesure avez-vous accès aux types de soutien suivants quand vous en avez besoin? Une personne :

  • qui vous écoute quand vous avez besoin de parler? »
  • qui vous conseille en situation de crise? »
  • pouvant vous renseigner afin de vous aider à comprendre les situations que vous traversez? »
  • à qui vous confier ou à qui parler de vous et de vos problèmes? »
  • dont vous recherchez vraiment les conseils? »
  • à qui confier vos inquiétudes et vos peurs les plus intimes? »
  • à qui demander des suggestions quand vous avez un problème d'ordre personnel? »
  • qui comprend vos problèmes? »

On a attribué à chaque réponse une note de 0 (jamais) à 4 (tout le temps). Le soutien social a été considéré comme une variable continue, avec une note variant de 0 à 32.

Dans l'ENSP, le soutien social émotif perçu a été mesuré par quatre questions « oui » ou « non » dans les cycles 1 et 2, et par les questions ci-dessus dans les cycles 3 à 5. Les questions des cycles 1 et 2 étaient les suivantes :

  • « Avez-vous un confident ou une confidente, c'est-à-dire quelqu'un à qui vous pouvez parler de vos sentiments ou préoccupations intimes? »
  • « Connaissez-vous quelqu'un sur qui vous pouvez vraiment compter en cas de crise? »
  • « Connaissez-vous quelqu'un sur qui vous pouvez vraiment compter pour des conseils lorsque vous devez prendre des décisions personnelles importantes? »
  • « Connaissez-vous quelqu'un qui vous donne le sentiment d'être aimé(e) et choyé(e)? »

Les répondants ont été classés comme ayant un faible soutien social émotif s'ils avaient répondu « non » à au moins une question. Dans les cycles 3 à 5, les répondants qui avaient répondu « jamais » ou « parfois » à l'une des huit questions ont été considérés comme ayant un faible soutien social ou émotif.

Dans l'ESCC, on a posé à l'ensemble des répondants des questions sur leur façon de faire face au stress. On leur a également demandé à quelle fréquence (souvent, parfois, rarement ou jamais) ils utilisaient chacune des 14 méthodes suivantes :

  1. essayer de résoudre le problème
  2. parler aux autres
  3. éviter d'être en compagnie des gens
  4. consommer de l'alcool plus souvent qu'à l'habitude
  5. fumer plus de cigarettes qu'à l'habitude
  6. consommer des drogues ou des médicaments
  7. manger plus ou moins qu'à l'habitude
  8. dormir plus qu'à l'habitude
  9. prier ou chercher de l'aide spirituelle
  10. faire du jogging ou d'autres exercices
  11. essayer de se détendre en faisant quelque chose d'agréable
  12. se blâmer
  13. souhaiter que la situation disparaisse et qu'elle prenne fin d'une manière ou d'une autre
  14. essayer de regarder le bon côté des choses

Les comportements d'adaptation négatifs (3 à 8, 12, 13) et les comportements positifs (1, 2, 9 à 11, 14) ont été déterminés par une analyse factorielle exploratoire. Le coefficient alpha de Cronbach pour l'adaptation négative s'établissait à 0,60, et pour l'adaptation positive, à 0,51. Les réponses « souvent » ou « parfois » traduisaient un comportement d'adaptation.

L'ENSP a mesuré la consommation excessive d'alcool en demandant aux répondants combien de fois l'année précédente ils avaient consommé au moins cinq boissons alcoolisées à une seule occasion; l'avoir fait au moins une fois par mois (ou 12 fois ou plus pendant l'année précédente pour le cycle 1) était considéré comme une consommation mensuelle excessive.

Les fumeurs quotidiens étaient ceux qui fumaient des cigarettes tous les jours.

L'obésité était fondée sur un indice de masse corporelle (IMC) de 30 ou plus pour les personnes âgées de 18 ans ou plus. Des seuils âge-sexe bien précis ont été utilisés pour classer les IMC des personnes âgées de moins de 18 ans (Cole et autres, 2000).

On a déterminé le niveau d'activité physique en se fondant sur les dépenses énergétiques (DE) totales accumulées pendant les loisirs, calculées d'après la fréquence et la durée de toutes les activités physiques effectuées durant les loisirs et déclarées par les répondants pour les trois mois précédant l'interview et d'après la demande d'énergie métabolique (MET) de chaque activité, laquelle a été déterminée indépendamment (Statistique Canada, 1995; Stephens et autres, 1986).

DE = S(Ni*Di*METi / 365 jours), où

Ni = nombre d'occasions de l'activité i durant une année,

Di = durée moyenne en heures de l'activité i,

MET i = valeur constante représentant le coût énergétique métabolique de l'activité i.

Pour chaque répondant, la DE quotidienne était la somme des dépenses énergétiques consacrées à toutes les activités de loisir, exprimée comme le nombre total de kilocalories par kilogramme de poids corporel par jour (K/K/J). Une DE égale ou supérieure à 3 K/K/J a été définie comme étant élevée; de 1,5 à 2,9, comme modérée; et de moins de 1,5, comme faible (Statistique Canada, 1995). Les répondants dont la DE était élevée ou modérée étaient considérés comme physiquement actifs; ceux dont la DE était faible, comme inactifs.


Notes

  1. L'information sur l'appartenance syndicale et sur la permanence d'emploi n'était pas disponible dans l'ESCC de 2002 ni dans l'ENSP.
  2. Une analyse plus approfondie a fait ressortir une différence intéressante entre les hommes et les femmes dans le rapport entre les heures de travail et l'effort physique : chez les hommes, les travailleurs à plein temps étaient plus susceptibles de percevoir leur emploi comme exigeant beaucoup d'effort physique, alors que parmi les femmes, c'était le cas pour celles qui travaillaient à temps partiel (données non présentées).
  3. Ce résultat est incompatible avec les résultats des recherches antérieures qui ont démontré que des heures de travail prolongées accroissaient le stress, surtout si les travailleurs étaient des travailleurs de postes (NIOSH, 2004; Van Der Hulst et Geurts, 2001).
  4. L'insatisfaction au travail n'a pas été incluse dans les modèles de régression en raison de son association étroite avec le stress au travail autoperçu (voir Shields, 2006).
  5. La réduction des activités au travail dans l'ESCC était fondée sur les réponses « souvent » ou « parfois » (plutôt que « jamais ») à la question suivante : « Est-ce qu'un état physique ou un état mental ou un problème de santé de longue durée réduit la quantité ou le genre d'activités que vous pouvez faire au travail? »
  6. Compte tenu de cette définition spécifique, seulement 85 % de la population initialement à l'étude a été incluse : les personnes qui n'avaient pas travaillé en raison d'une incapacité permanente ou de l'absence d'un emploi (peut-être à cause d'une maladie ou d'une blessure) ont été exclues. En outre, étant donné que celles qui travaillaient, peu importe les heures ou le type de travail, étaient comptées comme étant présentes, un très faible taux d'absence (1,4 %) a été constaté. Par conséquent, il a été impossible de procéder à une analyse détaillée de certaines questions, et il se pourrait que d'autres constatations statistiquement significatives se seraient dégagées de l'analyse si l'échantillon avait été plus grand.
  7. Étant donné que cette analyse ne pouvait inclure les travailleurs qui, pendant les intervalles de l'enquête, avaient peut-être déjà quitté leur emploi en raison de graves effets du stress au travail, certains effets du stress au travail ne seraient pas saisis ici.
  8. Seuls les travailleurs qui n'avaient pas pris de jours d'incapacité pendant l'enquête de référence ont été inclus.
  9. Malheureusement, l'ENSP ne comporte pas d'indicateurs de l'incapacité avec une période de référence plus longue (p. ex., le nombre de jours d'incapacité pris pendant l'année précédente). Ces indicateurs pourraient être plus utiles pour mesurer les effets longitudinaux du stress au travail.

Documents consultés

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Auteur

Jungwee Park est au service de la Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail. On peut le joindre au 613-951-4598 ou à perspective@statcan.gc.ca.