Les jeunes et le marché du travail Jeannine Usalcas
Durant la plus grande partie des années 1990, les possibilités d’emploi pour les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) étaient rares. La récession qui a marqué le début de la décennie a eu un effet durable sur le marché du travail des jeunes. En 1989, les taux d’emploi et d’activité des jeunes ont atteint des sommets, mais en 1997, après des années de mises à pied et de recrutement faible, les résultats des jeunes sur le marché du travail étaient à leur niveau le plus bas en 21 ans.
Depuis, toutefois, les jeunes sont revenus sur le marché du travail grâce à la reprise économique. Bien que le taux ait ralenti dernièrement, l’emploi chez les jeunes au cours de la période allant de 1997 à 2004 a crû à un rythme plus rapide que l’emploi des hommes et des femmes âgés de 25 ans et plus.
Cette croissance a été plus forte dans le cas des femmes que des hommes, ce qui a donné lieu à une proportion plus élevée de jeunes femmes occupant un emploi. Cette situation est sans précédent, les jeunes hommes ayant généralement un taux d’emploi supérieur à celui des femmes en période de croissance de l’emploi. La tendance était particulièrement marquée chez les jeunes de 15 à 19 ans. Le présent article, fondé sur l’Enquête sur la population active, porte sur les industries et les professions qui ont alimenté la croissance entre 1997 et 2004 (voir Source des données et définitions).
Croissance vigoureuse de l’emploi chez les jeunes
Après avoir baissé entre les années 1980 et le milieu des années 1990, la population des jeunes de 15 à 24 ans est de nouveau à la hausse, passant de 4,0 millions en 1997 à 4,4 millions en 2004. L’emploi chez les jeunes a également crû, mais à un rythme beaucoup plus soutenu, augmentant de 428 000 emplois ou 21,1 % entre 1997 et 2004, hausse nettement supérieure à celle de 7,8 % de la population des jeunes. La croissance de l’emploi chez les personnes âgées de 25 ans et plus s’est établie, quant à elle, à 15,8 % au cours de cette période.
En 2004, plus de 58 % des jeunes avaient un emploi, ce qui représente une hausse de près de 7 points de pourcentage par rapport à 1997 (graphique A). Malgré cette augmentation importante, le taux d’emploi des jeunes n’a pas encore rattrapé le sommet de 63,3 % atteint en 1989. Toutefois, étant donné le plus grand nombre de jeunes entrés sur le marché du travail, leur taux d’activité est remonté, passant d’un creux record de 61,5 % en 1997 à 67,0 % en 2004. En outre, leur taux de chômage a baissé de 2,9 points de pourcentage pour s’établir à 13,4 %.
Croissance la plus forte chez les jeunes femmes et les adolescents
Les nouveaux emplois n’étaient pas répartis de façon égale (tableau 1). Les jeunes femmes ont obtenu 240 000 des 428 000 emplois créés durant la période de 1997 à 2004 (hausse de 24,7 %), comparativement à 188 000 emplois dans le cas des jeunes hommes (hausse de 17,7 %). En outre, les taux de croissance de l’emploi étaient plus élevés chez les adolescents (26,1 % ou 192 000 emplois) que chez les jeunes plus âgés (18,2 % ou 236 000 emplois).
Les jeunes de sexe féminin ont affiché de meilleurs résultats que leurs homologues de sexe masculin. Les niveaux d’emploi des adolescentes (de 15 à 19 ans) ont augmenté de 31,0 % (110 000 emplois) de 1997 à 2004, comparativement à une hausse de 21,5 % (81 000) pour les adolescents. Les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans ont connu une hausse de 21,1 % (130 000 emplois), contre 15,6 % (107 000) pour les hommes du même âge.
La plus forte croissance de l’emploi chez les jeunes femmes a influé sur les taux d’emploi selon une perspective âgesexe (tableau 2). Dans le cas des jeunes plus âgés, l’écart entre les sexes s’est rétréci. En 2004, 71,7 % des hommes âgés de 20 à 24 ans étaient occupés, comparativement à 70,0 % de leurs homologues de sexe féminin, ce qui représente un écart de 1,7 point de pourcentage. En 1997, l’écart était de 5,0 points de pourcentage (68,5 % des jeunes hommes étaient occupés contre 63,5 % des jeunes femmes).
Cependant, dans le cas des adolescentes, les gains d’emploi se sont traduits par un taux d’emploi supérieur à celui de leurs homologues de sexe masculin (graphique B). Après avoir été très semblables depuis les années 1980, les taux d’emploi des adolescents et des adolescentes affichent maintenant un écart. En 2004, le taux d’emploi était de 46,1 % pour les filles, soit un taux nettement supérieur à celui de 43,3 % pour les garçons.
Le commerce de détail et les services de restauration : les éléments moteurs
Le secteur du commerce de détail, le plus grand employeur d’adolescents, a été le moteur de la création d’emplois pour les jeunes âgés de 15 à 19 ans (tableau 3). De 1997 à 2004, le nombre d’emplois chez les adolescents s’est accru de 192 000, la moitié de cette hausse (97 000) s’étant produite dans le secteur du commerce de détail. Un nombre beaucoup plus élevé de ces nouveaux emplois dans le secteur du commerce de détail sont allés à des filles (60 000) plutôt qu’à des garçons (37 000).
En 2004, 35 % des adolescentes travaillaient dans le secteur du commerce de détail, ce qui représente une hausse de 6 points de pourcentage par rapport à 1997. Les plus fortes augmentations s’observaient dans les magasins d’alimentation, de vêtements et d’accessoires vestimentaires, ainsi que de produits de santé et de soins personnels, où elles ont trouvé des emplois de caissières ou de vendeuses. Dans le cas des adolescents, 30 % de ceux occupant un emploi travaillaient dans le secteur du commerce de détail en 2004, ce qui constitue une hausse de 3 points seulement par rapport à 1997. La croissance s’observait principalement dans les magasins d’alimentation et de fournitures de tout genre, où ils travaillaient comme commis d’épicerie, garnisseurs de tablettes ou vendeurs.
Le secteur de l’hébergement et des services de restauration s’est classé au deuxième rang comme employeur et comme secteur de croissance de l’emploi pour les adolescents; 61 000 nouveaux emplois pour adolescents y ont été créés entre 1997 et 2004. Comme dans le commerce de détail, un plus grand nombre d’emplois sont allés aux adolescentes (38 000) qu’aux adolescents (22 000) durant cette période. En 2004, 29 % de l’ensemble des adolescentes travaillaient dans le secteur de l’hébergement et des services de restauration, comparativement à 21 % des garçons. La majorité de ces jeunes travaillaient dans des établissements de restauration et des débits de boissons, où toute la croissance s’est produite. Ils travaillaient principalement comme serveurs d’aliments et de boissons et comme cuisiniers.
En 2004, la plupart des adolescents (82 %) fréquentaient l’école, à temps plein ou à temps partiel. Étant donné la nécessité pour eux de composer avec leur horaire scolaire, il n’est pas étonnant qu’entre 1997 et 2004, la plus grande partie (67 %) des nouveaux emplois créés durant l’année scolaire étaient des emplois à temps partiel. Les emplois de caissiers, de vendeurs et de serveurs d’aliments et de boissons sont souvent à temps partiel et exigent relativement peu d’expérience, alors que les heures de travail sont souvent le soir, la fin de semaine et les jours fériés. Généralement, le roulement est élevé dans ces professions, de nombreuses personnes trouvant d’autres emplois mieux rémunérés, de sorte que ces postes deviennent vacants périodiquement. Toutes ces caractéristiques répondent tout à fait aux besoins des adolescents qui fréquentent l’école.
Qu’estce qui explique une telle croissance dans le commerce de détail et les services de restauration?
Les dépenses de consommation ont joué un rôle majeur dans la récente croissance économique. Par conséquent, les secteurs du commerce de gros et du commerce de détail ont été parmi ceux qui ont connu la croissance la plus rapide. Les détaillants ont vendu pour environ 346,7 milliards de dollars de biens et services en 2004, ce qui représente une hausse de 21 % par rapport à 1997 (après correction pour l’inflation). Les ventes ont affiché une forte croissance dans bon nombre des industries du commerce de détail qui ont tendance à embaucher des jeunes, comme les magasins d’alimentation, les grands magasins et ceux de fournitures de tout genre, les magasins de vêtements et d’accessoires vestimentaires, ainsi que ceux de produits de santé et de soins personnels. Le nombre de restaurants, de tavernes et de traiteurs a également augmenté, les ventes dans le secteur des services de restauration affichant une hausse de 27 % pour s’établir à 36,6 milliards de dollars en 2004 (graphique C).
Pourquoi un plus grand nombre d’emplois pour les adolescentes?
Depuis toujours, plus de femmes que d’hommes ont tendance à accepter un emploi de caissier, de vendeur ou de serveur d’aliments et de boissons dans les secteurs du commerce de détail ainsi que de l’hébergement et des services de restauration. Ce sont les professions et les industries qui ont affiché des taux de croissance de l’ emploi supérieurs à la moyenne durant la période de 1997 à 2004.
La croissance de l’emploi chez les adolescents était inférieure durant cette période dans certaines des industries davantage dominées par les hommes, comme la fabrication, les ressources naturelles, l’agriculture, ainsi que le transport et l’entreposage. Même si les adolescents de sexe masculin ont trouvé des emplois dans le secteur de la construction, leur part dans les autres secteurs dominés par les hommes a baissé. En 2004, seulement 16 % des adolescents de sexe masculin occupaient un emploi dans les secteurs de la fabrication, des ressources naturelles, de l’agriculture, ainsi que du transport et de l’entreposage, contre 21 % en 1997.
Croissance plus diversifiée chez les jeunes adultes
Comme il est indiqué précédemment, l’emploi chez les jeunes de 20 à 24 ans a augmenté de 18 % entre 1997 et 2004, se traduisant par 236 000 emplois de plus. La tendance vers une plus forte croissance de l’emploi chez les femmes s’observait une fois de plus, les femmes de ce groupe d’âge occupant 130 000 nouveaux emplois, comparativement à 107 000 pour les hommes.
La croissance de l’emploi chez les personnes âgées de 20 à 24 ans se manifestait surtout du côté des emplois à temps plein (77 %) et était répartie dans plusieurs industries. Pour les femmes, elle a eu lieu principalement dans les secteurs des soins de santé et de l’assistance sociale, de l’information, de la culture et des loisirs, ainsi que des services d’enseignement. Pour les hommes, les secteurs qui ont affiché une croissance étaient ceux de la construction, des services aux entreprises, des services relatifs aux bâtiments et autres services de soutien, ainsi que de la finance, des assurances, de l’immobilier et de la location.
Une proportion élevée d’adolescents et de jeunes plus âgés occupent un emploi dans le secteur du commerce de détail et dans celui de l’hébergement et des services de restauration. Cependant, tandis que la part des emplois détenus par les adolescents par rapport à l’ensemble des emplois dans ces deux industries a augmenté de 1997 à 2004 (passant de 51 % à 57 %), la part des jeunes plus âgés a baissé (passant de 36 % à 34 %). Même si les jeunes plus âgés ont affiché des gains d’emploi dans ces secteurs, ces gains n’ont pas suivi la croissance globale de l’emploi.
Croissance provinciale
L’Alberta, le Québec et l’Ontario, où la croissance globale de l’emploi était supérieure à la moyenne nationale durant la période de 1997 à 2004, ont également affiché des taux de croissance de l’emploi chez les jeunes supérieurs à la moyenne (graphique D). Dans chacune de ces trois provinces, la croissance de l’emploi chez les jeunes a été importante dans les secteurs du commerce de détail, de l’hébergement et des services de restauration, de même que de la construction.
En 2004, la proportion de jeunes occupant un emploi était la plus élevée en Alberta (66 %), suivie du Manitoba (63 %) et de la Saskatchewan (61 %), et la plus faible à TerreNeuveetLabrador (43 %) et en Colombie Britannique (55 %). Fait intéressant, les provinces des Prairies ont affiché non seulement les taux d’emploi des jeunes les plus élevés, mais une proportion plus élevée de jeunes hommes occupant un emploi. L’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba comptaient les parts les plus importantes de jeunes hommes travaillant dans les secteurs producteurs de biens ainsi que dans celui du transport et de l’entreposage, qui, généralement, emploient plus d’hommes que de femmes.
Conclusion
Les jeunes ont fait de grands progrès sur le marché du travail durant cette récente période d’expansion économique. De 1997 à 2004, leur emploi a crû à un rythme plus rapide que celui des hommes et des femmes âgés de 25 ans et plus. En outre, les jeunes femmes, particulièrement les adolescentes, ont connu des augmentations plus importantes de leur taux d’emploi que les jeunes hommes, mettant fin à une tendance de longue durée. Habituellement, en période de croissance économique, les jeunes hommes affichent un taux d’emploi plus élevé que les jeunes femmes.
Cette période d’accroissement de l’emploi diffère également des autres sur le plan de la composition industrielle des secteurs en croissance. Stimulées par les dépenses de consommation, les industries qui ont enregistré une croissance importante sont celles qui sont les plus susceptibles d’embaucher des jeunes, comme le commerce de détail et le secteur de l’hébergement et des services de restauration. En revanche, certaines des industries habituellement plus susceptibles d’engager de jeunes hommes étaient moins prospères durant cette période. En effet, bien que les adolescents de sexe masculin aient pu trouver des emplois dans le secteur de la construction, leurs parts dans les secteurs de la fabrication, des ressources naturelles, de l’agriculture ainsi que du transport et de l’entreposage ont baissé.
Source des données et définitions
L’Enquête sur la population active (EPA) est une enquête mensuelle menée auprès des ménages pour recueillir des renseignements sur l’activité sur le marché du travail de la population civile âgée de 15 ans et plus, excluant les pensionnaires d’établissements institutionnels, les résidents des territoires et les personnes vivant dans les réserves indiennes. L’enquête est fondée sur un échantillon avec renouvellement qui comprend environ 54 000 ménages, chacun des ménages faisant partie de l’échantillon durant six mois consécutifs.
L’EPA répartit la population en âge de travailler en trois catégories qui s’excluent mutuellement : les personnes occupées, les chômeurs et les personnes inactives. Pour une liste et une description détaillées des variables de l’EPA, voir le Guide de l’Enquête sur la population active (no 71543GIF au catalogue de Statistique Canada).
Taux d’emploi : Nombre de personnes occupées exprimé en pourcentage de la population de 15 ans et plus. Le taux d’emploi d’un groupe particulier (par exemple, les jeunes âgés de 15 à 24 ans) correspond au nombre de personnes occupées dans ce groupe exprimé en pourcentage de l’effectif de ce groupe.
Taux de chômage : Nombre de chômeurs exprimé en pourcentage de la population active. Le taux de chômage pour un groupe donné correspond au nombre de chômeurs dans ce groupe exprimé en pourcentage de la population active dans ce groupe.
Taux d’activité : Pourcentage de la population active totale (les personnes occupées plus les chômeurs) par rapport à l’ensemble de la population de 15 ans et plus. Le taux d’activité pour un groupe donné correspond au pourcentage de la population active dans ce groupe par rapport à l’effectif de ce groupe. |
Tendances liées aux gains des jeunes
Entre 1997 et 2004, la croissance des gains des jeunes plus âgés a été supérieure à celle des adolescents. Les gains horaires ont augmenté de 4,6 % chez ceux âgés de 20 à 24 ans, passant de 11,37 $ en 1997 à 11,89 $ en moyenne en 2004 (après correction pour l’inflation). Toutefois, chez les adolescents, ces gains n’ont même pas suivi l’inflation, s’établissant en moyenne à 8,14 $ l’heure en 2004, légèrement en baisse par rapport à 8,33 $ en 1997.
Les gains hebdomadaires ont cependant crû à la fois chez les adolescents et les jeunes plus âgés. Dans le cas des jeunes plus âgés, ils ont grimpé de 5,1 % entre 1997 et 2004, comparativement à 3,4 % dans le cas des adultes et à 1,3 % dans celui des adolescents. En 2004, les gains hebdomadaires des jeunes adultes étaient de 399,00 $ contre 379,58 $ en 1997.
Les adolescents ont connu une légère augmentation de leurs gains hebdomadaires en raison de leur nombre accru d’heures de travail. En 2004, ils travaillaient en moyenne 21,2 heures, en hausse par rapport à 20,5 heures en 1997. Garçons et filles ont effectué plus d’heures, mais ces dernières ont fait grimper un peu plus leur moyenne. Elles ont travaillé 1,2 heure de plus en 2004 pour atteindre 19,2 heures, tandis que les garçons ont effectué 0,4 heure de plus, pour ainsi enregistrer 23,2 heures. Les adolescents ont gagné en moyenne 183,76 $ par semaine en 2004, soit un montant qui n’est que légèrement supérieur à celui de 181,46 $ observé en 1997.
La plus forte croissance des gains des jeunes plus âgés n’est pas étonnante, puisque l’amélioration de l’emploi chez ceuxci est en grande partie attribuable à des industries ou des professions offrant une meilleure rémunération et à des emplois généralement à temps plein. Les adolescents ont obtenu davantage d’emplois dans l’industrie du commerce de détail et celle de l’hébergement et des services de restauration, où nombre d’emplois sont à temps partiel et moins rémunérateurs. (Tendances liées aux gains des jeunes - Tableau) |
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Auteur
Jeannine Usalcas est au service de la Division de la statistique du travail. On peut la joindre au (613) 9514720 ou à perspective@statcan.gc.ca.
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