3 Développement au Canada et évolution du secteur de la fabrication : 1900 à 1929

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Les comparaisons de la productivité du secteur canadien de la fabrication ont contribué à la perception générale selon laquelle ce secteur est le maillon faible dans le développement économique au Canada. Toutefois, certains historiens de l'économie n'ont pas souscrit à cette perception. Safarian (1959), écrivant au sujet de la Grande Crise des années 1930, affirme qu'en 1929 le secteur canadien de la fabrication s'était beaucoup développé. Dans son étude de base pour la Commission Rowell-Sirois, W.A. Mackintosh (1964) décrit ce secteur comme étant devenu plus spécialisé et davantage intégré entre 1900 et 1929 et il attribue ce changement à la croissance de la taille du marché intérieur qui a suivi la colonisation de l'Ouest canadien.

Ces deux auteurs ont été impressionnés par la croissance rapide de l'économie canadienne et la croissance concomitante du secteur canadien de la fabrication durant la première partie du XXe siècle. Durant les dernières décennies du XIXe siècle, la croissance économique au Canada a stagné. Au cours des vingt dernières années du XIXe siècle, la population canadienne a crû d'environ 11 % chaque décennie (Urquhart et Buckley, 1965, p. 14). Au cours des trois premières décennies du XXe siècle, le taux de croissance de la population était de 34 %, 22 % et 18 %, respectivement. Le PNB a également crû plus rapidement après 1900. M. C. Urquhart (1987, p. 32) calcule un taux de croissance de 92 % entre 1870 et 1900 et de 170 % entre 1900 et 1926.

La croissance dans le secteur de la fabrication au cours des 30 premières années du XXe siècle était parallèle à celle de l'économie dans son ensemble. Le PIB manufacturier s'est maintenu autour de 22 % du PIB total durant toute la période de 1900 à 1926 (Green et Urquhart, 1987). La part constante attribuable à la production manufacturière indique que ce secteur a connu à peu près le même taux de croissance que l'économie dans son ensemble. Ainsi, l'expansion spectaculaire de la production agricole entraînée par l'ouverture de l'Ouest s'est apparemment accompagnée d'une croissance également rapide de la production manufacturière.

Au cours de la période d'expansion rapide allant de 1900 à 1929, les facteurs à l'origine de la croissance ont changé. Au cours des vingt premières années, la croissance de la production réelle était attribuable à la colonisation des Prairies canadiennes. Durant la période qui a précédé la Première Guerre mondiale, cette croissance s'est accompagnée d'une forte hausse de l'investissement. La superficie ensemencée en blé a augmenté de 56 % entre 1891 et 1901, de 109 % et de 106 % au cours des deux décennies suivantes, mais de 37 % seulement entre 1921 et 1931 (Urquhart et Buckley, 1965, p. 362). Les kilomètres de voie ferrée principale ont suivi la même courbe, augmentant de 34 %, 40 %, 57 % et 8 % au cours des mêmes quatre décennies (Urquhart, 1987, p. 28).

Outre les retombées directes associées au boom du blé dans des industries comme celles de la mouture, du fer et de l'acier et des produits de transport, l'élargissement important du marché intérieur attribuable à la croissance rapide de la population a également favorisé l'expansion marquée d'industries de produits de consommation comme les textiles, les vêtements et le cuir. En outre, au cours de cette période, les exportations de métaux non ferreux ont augmenté considérablement et l'affinage de ces métaux a connu une forte expansion.

Entre 1914 et 1929, l'investissement a baissé et les exportations de blé et de farine, secteur dans lequel le Canada jouissait d'un avantage comparatif marqué, sont devenues une importante source de croissance du revenu. En outre, au cours de la période après 1914, le Canada, d'importateur net de capital, est devenu un exportateur net de capital (au cours des années 1920). Par conséquent, à compter de la Première Guerre mondiale, ce sont les producteurs nationaux de biens qui, de plus en plus, ont satisfait à la demande croissante.

L'importance relative des industries manufacturières a changé au cours des 30 premières années du siècle. La transformation peut être jugée par les variations du pourcentage de l'emploi représenté par chaque industrie manufacturière au niveau à deux chiffres (tableau 1).

Au cours des dix premières années du siècle, le fer et l'acier, le matériel de transport et le groupe des minéraux (non ferreux et non métalliques) ont affiché une hausse d'environ 8 points de pourcentage. Les industries des biens de consommation – textiles, vêtements, cuir et aliments – ont connu une baisse d'environ 8 points de pourcentage. Cette répartition reflète le rôle joué par les niveaux élevés de formation de capital sensible à la population. Cet investissement a entraîné une augmentation sensible de la demande de rails en acier, de locomotives et de ciment.

Les dix années allant de 1910 à 1920 ont subi non seulement les effets continus de l'expansion des Prairies, mais les effets perturbateurs de la Première Guerre mondiale. Le PNB réel a atteint un sommet en 1914 (Urquhart, 1987, tableau 9); en 1921, il était à peu au même niveau qu'en 1911 (Green et Urquhart, 1987, tableau 1). Par conséquent, la Première Guerre mondiale a été une période de faible croissance réelle de la production totale. Toutefois, elle a stimulé la croissance de la production de munitions et de denrées alimentaires destinées à l'exportation. Elle a également réduit la concurrence étrangère dans certaines industries de produits de consommation comme les textiles, où les perturbations des marchés européens et du transport outre-mer ont servi à augmenter la protection déjà fournie par les tarifs canadiens au tout nouveau secteur canadien de la fabrication.

Tableau 1
Emploi total et sa répartition par industrie canadienne de la fabrication au niveau à deux chiffres, 1900 à 1929

Entre 1910 et 1920, l'industrie des pâtes et papiers a commencé à devenir une importante nouvelle industrie, bien que la hausse de 3,7 points de pourcentage de l'emploi relatif dans ce secteur ait été largement compensée par la diminution de 10 points de pourcentage dans le secteur du bois. Le secteur de la fabrication devenait moins dépendant à l'égard du secteur forestier en général. L'importance relative des produits en acier et du secteur du transport a légèrement augmenté à cause tant de la colonisation qui s'est poursuivie dans les Prairies que de la stimulation artificielle de la demande en temps de guerre. La baisse du secteur du vêtement, qui s'était amorcée au cours des dix premières années du siècle, s'est accélérée au cours de cette période. Ce secteur a perdu environ 4 points de pourcentage d'emploi total. L'industrie du textile, en revanche, a connu une hausse d'environ 3 points de pourcentage, la Première Guerre mondiale ayant réduit la concurrence des pays d'Europe.

Plusieurs nouvelles industries ont vu le jour au cours de la décennie de la guerre. L'industrie des produits en caoutchouc, associée au début de la révolution automobile, a augmenté en importance, sa part de l'emploi total dans le secteur de la fabrication étant passée de 0,4 % à 2,6 % en 1920. La part de l'emploi total de l'industrie des machines électriques est passée de 1,3 % en 1910 à 2,4 % en 1920. Cette industrie a été associée à la croissance rapide de la production hydroélectrique10. Enfin, le pourcentage de l'emploi total représenté par l'industrie de l'impression et de l'édition est passé de 3,4 % à 5,1 % sous l'effet de la demande accrue de journaux résultant de l'urbanisation.

Les années 1920 ont été une décennie de croissance rapide du revenu total et du revenu par habitant. La période a été marquée par d'importantes ventes externes de blé et de farine ainsi que de minéraux et de papier, produits pour lesquels le Canada jouissait d'un avantage comparatif. La décennie a été marquée moins par le boom initial de l'investissement associé à la colonisation de l'Ouest que par la croissance du marché intérieur attribuable aux cultivateurs établis dans l'Ouest et par l'émergence d'une société européenne industrielle dans l'Est. La diffusion de l'électricité a entraîné l'expansion de l'industrie des produits électriques (ligne 13, tableau 1) tandis que la croissance de la production automobile a comblé une partie de la lacune dans l'industrie du transport créée par le ralentissement de la construction ferroviaire. Ces nouvelles technologies, soit les automobiles et l'électricité, ont fait augmenter la demande de cuivre, de plomb et de zinc qui, de même que les exportations, a soutenu la croissance dans l'industrie des métaux non ferreux. Enfin, l'industrie des minéraux non métalliques a pris de l'expansion au fur et à mesure de la croissance de la demande de ciment et d'autres matériaux de construction résultant d'un boom de la construction, cette fois lié à la croissance des villes.

Ainsi, en 1929, le secteur canadien de la fabrication était de taille beaucoup plus grande qu'en 1900, mais l'économie nationale dans son ensemble avait pris de l'expansion également. Au niveau à deux chiffres de la production industrielle, on observe remarquablement peu de changements structurels par rapport à la décennie précédente. Les principaux domaines d'expansion relative étaient ceux des « nouveaux produits principaux », soit le cuivre, le plomb, le zinc et les pâtes et papiers. Les nombres des industries au niveau à deux chiffres masquent toutefois des changements survenus dans diverses industries dans certains secteurs industriels à l'intérieur du niveau à deux chiffres. Par exemple, les industries du transport se sont réorientées de la production de matériel ferroviaire roulant à celle d'automobiles, de camions et de tracteurs. La production de fer et d'acier s'est rajustée en fonction de ces demandes plus complexes.

La compétitivité des industries est évidente d'après leurs balances commerciales (niveau des exportations et des importations). Les ratios présentés aux colonnes 3 et 4 du tableau 2 mesurent le degré de pénétration des importations et l'importance des exportations, respectivement, pour diverses industries au niveau à deux chiffres. Les importations de textiles, de fer et d'acier et de matériel de transport étaient les plus importantes en termes absolus. Dans le cas de ces trois industries, les importations en pourcentage du marché intérieur (la production nationale plus les importations moins les exportations) étaient également élevées en 1929, s'établissant à 33,6 %, 28,9 % et 24,1 %, respectivement. C'était aussi dans le cas des métaux non ferreux. Les exportations en pourcentage du marché intérieur étaient les plus élevées dans le cas des pâtes et papiers (66,4 %). Les exportations étaient également élevées dans le cas du bois (23,2 %), des métaux non ferreux (66,4 %), des minéraux non métalliques (26,9 %) et des produits en caoutchouc (31,6 %). Les ratios des exportations étaient inférieurs mais non négligeables dans le cas des aliments et boissons (12,4 %), en raison des exportations de farine, de cuir (11,7 %), de matériel de transport (12,3 %) et de produits chimiques (13,6 %).

Pour résumer, les exportations importantes de pâtes et papiers, de produits en caoutchouc, de métaux non ferreux, de minéraux non métalliques et de produits du bois laissent supposer des industries vigoureuses capables de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Mesurées selon le pourcentage de l'emploi, ces industries, sauf dans le cas des produits du bois, ont augmenté aussi en importance au cours des 30 premières années du XXe siècle. En revanche, les importations étaient élevées mais les exportations étaient moins importantes dans le cas du fer et de l'acier, des textiles, du pétrole, de l'impression et du vêtement. Toutefois, seule cette dernière industrie a diminué en importance au cours de la période. Dans quatre industries, soit celles des aliments et boissons, du cuir, du transport et des produits chimiques, les échanges commerciaux étaient moins importants et de nature bidirectionnelle. Dans ce groupe, seule l'industrie du cuir a connu une diminution de son pourcentage de l'emploi au cours de cette période.

Tableau 2
Situation commerciale du secteur canadien de la fabrication par industrie au niveau à deux chiffres : 1929

 

10. En 1910, les turbines électriques produisaient 977,2 CVM; en 1920, elles produisaient 2 515,6 CVM et en 1930, 6 125,0 CVM (Urquhart et Buckley, 1965, p. 454).