1 Introduction

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Dans la plupart des études spécialisées sur l'évolution du revenu du travail et les progrès économiques des immigrants, on se reporte à un cadre de référence commode comme celui des gains — le revenu, le patrimoine, les taux d'emploi — des non-immigrants. Dans bien des cas, la comparaison est porteuse d'information, bien qu'un appariement des immigrants et des non- immigrants qui rende significative une telle comparaison ne soit pas toujours quelque chose de simple. En dehors des caractéristiques que peuvent partager les immigrants et les non- immigrants, les résultats économiques des immigrants peuvent dépendre de l'âge à l'immigration (Schaafsma et Sweetman, 2001; Ferrer, Green et Riddell, 2006), de la compétence linguistique (Dustmann et Van Soest, 2002), de l'importance relative de la scolarité et de l'expérience acquises à l'étranger dans tout le bagage d'études et d'antécédents professionnels (Chiswick, 1978; Betts et Lofstrom, 2000; Friedberg, 2000; Green et Worswick, 2004; Smith, 2006) et du pays d'origine (Jasso, Rosenzweig et Smith, 2000; Aydemir et Skuterud, 2005; Smith, 2006).

On peut mesurer la réussite des immigrants non seulement par rapport aux progrès économiques des non-immigrants, mais aussi par rapport à ceux des non-immigrants dans les pays d'origine des immigrants. Pour bien des travailleurs devant faire face à de sombres perspectives d'emploi ou de revenu du travail dans leur pays d'origine, tout emploi stable obtenu dans le pays d'accueil représente souvent un pas en avant, bien que ne correspondant pas entièrement aux compétences déjà acquises par les intéressés ou restant en deçà de ce que les non-immigrants jugeraient acceptable. Une telle comparaison paraît s'imposer, mais un problème évident se pose : d'avoir alors à obtenir des données sur les pays d'origine des immigrants. Dans le cas d'un pays d'accueil comme le Canada où la population immigrante est si diverse, c'est là une immense difficulté.

Une façon tout à fait différente d'aborder la question du bien-être économique des immigrants — orientation que n'ont guère considérée jusqu'ici les auteurs spécialisés — est de regarder l'évolution temporelle de la répartition des gains des immigrants et, plus particulièrement, la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité du revenu du travail qui est propre aux immigrants. Sortant du cadre habituel de comparaison des immigrants aux non-immigrants, on n'a pas besoin dans ce cas des non-immigrants comme point de référence. Cette étude fait plutôt appel à la théorie familière du revenu permanent ou de cycle de vie et aux notions de composantes permanente et temporaire du revenu. L'accentuation de l'inégalité du revenu a habituellement à voir avec une diminution du régime de bien-être social, mais on se doit d'examiner son incidence en relation avec les tendances du revenu du travail (Deaton, 1997, p. 136). Si les gains se font plus instables, l'incertitude peut s'accroître et la consommation peut diminuer, notamment s'il est coûteux ou impossible de « lisser » la consommation à cause de contraintes de liquidités (Browning et Lusardi, 1996; Browning et Crossley, 2001). Ainsi, l'analyse de l'inégalité et de l'instabilité des gains des immigrants devient un prolongement en soi de l'analyse des résultats de ces mêmes immigrants sur le marché du travail. Avec des études antérieures où on compare les résultats professionnels des immigrants à ceux des non-immigrants, une telle analyse d'inégalité et d'instabilité peut répandre un nouvel éclairage sur la dynamique du recours au régime de bien-être social par les immigrants et nous aider à juger de l'efficacité des politiques récentes en matière d'immigration.

Une grande caractéristique de notre étude est que nous faisons la distinction entre l'inégalité à court terme et l'inégalité à long terme de la manière dont peuvent le faire les études récemment consacrées à l'inégalité et à l'instabilité des gains au Canada et aux États-Unis (Gottschalk et Moffitt, 1994; Baker, 1997; Haider, 2001; Moffitt et Gottschalk, 2002; Baker et Solon, 2003; Beach, Finnie et Gray, 2003; Morissette et Ostrovsky, 2005). Ces études tiennent compte de plusieurs aspects des profils de cycle de vie des gains, qu'il s'agisse de l'hétérogénéité du revenu du travail en début d'emploi ou de ses taux de progression au fil des ans. Précisons qu'aucune ne porte en particulier sur les immigrants.

Une analyse de la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité des gains des immigrants peut être instructive en soi, mais ce sont leurs causes qui nous intéressent en définitive. On devrait en particulier faire le lien entre cette inégalité et cette instabilité, d'une part, et la scolarité, la compétence linguistique et les antécédents culturels des immigrants, d'autre part. Ce lien a d'autant plus d'intérêt que la plupart des immigrants au Canada passent par le programme de l'« immigration qualifiée » où on évalue les candidats à l'immigration par leur âge, leur niveau de scolarité, leur expérience professionnelle et leur compétence linguistique. Un autre aspect primordial dans notre étude sera donc de jauger les effets de ces variables sur l'inégalité et l'instabilité des gains des immigrants. Un ensemble de données tout à fait unique de Statistique Canada que nous allons décrire rend possible une telle analyse.

Entre autres grandes constatations, nous pouvons voir que les cohortes récentes d'immigrants connaissent plus d'inégalité des gains que celles qui sont arrivées au Canada au début des années 1980. Il y a certes une grande partie de l'inégalité qui tient à la scolarisation à l'étranger, à la capacité de parler une des langues officielles et à la région d'origine, mais il y a aussi une grande partie qui demeure inexpliquée par ces facteurs. La composante temporaire (instabilité) de la variance des gains des immigrants l'emporte sur la composante permanente (inégalité) les premières années qui suivent l'arrivée, mais les rôles s'inversent par la suite.

Nous commencerons par évoquer les tendances récentes de l'assimilation des immigrants au Canada (section 2). À la section 3, nous parlerons des modèles récemment appliqués de l'instabilité et de leur utilité pour notre propos. À la section 4, il sera question des méthodes d'estimation que nous employons. À la section 5, nous décrirons les données et la sélection de l'échantillon. Aux sections 6 et 7, nous livrerons respectivement les résultats descriptifs et les estimations et, à la section 8 enfin, nous dégagerons de grandes constatations et exposerons les conclusions possibles.