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Dans la plupart des études spécialisées sur l'évolution du revenu du travail et les progrès économiques des immigrants, on se reporte à un cadre de référence commode comme celui des gains — le revenu, le patrimoine, les taux d'emploi — des non-immigrants. Dans bien des cas, la comparaison est porteuse d'information, bien qu'un appariement des immigrants et des non- immigrants qui rende significative une telle comparaison ne soit pas toujours quelque chose de simple. Une façon tout à fait différente d'aborder la question du bien-être économique des immigrants — orientation que n'ont guère considérée jusqu'ici les auteurs spécialisés — est de regarder l'évolution temporelle de la répartition des gains des immigrants et, plus particulièrement, la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité du revenu du travail qui est propre aux immigrants. Comme l'enseigne la théorie économique, l'accentuation des inégalités de revenu est habituellement liée à une diminution du régime de bien-être social, mais on se doit d'examiner son incidence en relation avec les tendances du revenu du travail.

Cette étude fait plutôt appel à la théorie du revenu permanent ou de cycle de vie et aux notions de composantes permanentes et temporaires du revenu afin de différencier l'inégalité des gains des immigrants à court terme et à long terme comme le font les études récemment consacrées à l'inégalité et à l'instabilité du revenu du travail au Canada et aux États-Unis. Notre analyse descriptive démontre que l'inégalité des gains intervient relativement plus dans la dispersion du revenu du travail des immigrants que l'instabilité des gains; que l'inégalité est plus grande pour les cohortes plus récentes que pour celles qui sont arrivées au début des années 1980; et que l'instabilité est hautement procyclique, c'est-à-dire que les immigrants arrivés un peu avant ou pendant la récession du début des années 1990 ont connu plus d'instabilité relativement à leur revenu du travail que les immigrants des cohortes antérieures.

Une analyse de la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité des gains des immigrants peut être instructive en soi, mais ce sont leurs causes qui doivent nous intéresser en définitive. L'auteur relie en particulier l'inégalité et l'instabilité des gains à la scolarité, à la compétence linguistique et aux antécédents culturels des immigrants. Ce lien a d'autant plus d'intérêt que la plupart des immigrants au Canada passent par le programme de l'« immigration qualifiée » où on évalue les candidats à l'immigration par leur âge, leur niveau de scolarité, leur expérience professionnelle et leur compétence linguistique. Un autre aspect primordial dans notre étude sera donc de jauger les effets de ces variables sur l'inégalité et l'instabilité des gains des immigrants.

En général, la région d'origine est ce qui influe le plus sur l'inégalité, alors que l'incidence de la scolarisation à l'étranger et de la capacité de parler une langue officielle varie de cohorte en cohorte et selon les tranches d'âge d'arrivée. Bien que la prise en compte de la scolarité, de la langue et de l'origine ait pour effet de réduire l'inégalité des gains, l'effet est négligeable sur l'instabilité des gains. Ce qui est important, c'est que, même lorsqu'on tient compte de ces trois facteurs, une grande partie de l'inégalité des gains des immigrants demeure inexpliquée.

Le modèle économétrique polyvalent que nous avons adopté nous renseigne davantage sur la dynamique de l'inégalité et de l'instabilité des gains chez les immigrants. Il semblerait en particulier que d'abondants indices font voir des effets de cohorte dans l'inégalité des gains, ce qui s'accorde avec les résultats descriptifs révélant des effets de cohorte et des valeurs supérieures d'inégalité des gains pour les cohortes plus récentes. Si on les compare aux cohortes antérieures à 1992, les cohortes d'après 1992 présentent des valeurs d'inégalité nettement plus hautes la première année qui suit leur arrivée et qui le demeureront les quelques années qui suivent où on observe les cohortes en question. Les niveaux d'inégalité de toutes les cohortes antérieures à 1992 s'élèvent en 1990 et en 1991 pour ensuite s'abaisser de 1993 à 1995. Pour tous les immigrants de notre échantillon — à l'exception des cohortes d'arrivée des périodes de 1980 à 1982 et de 1998 à 2000 — la composante permanente de la variance est en hausse pendant les quatre premières années de la décennie en cours. À la différence des autres cohortes, les cohortes récentes semblent connaître une inégalité des gains en croissance lente mais sûre après une décroissance dans les premières années ayant suivi l'arrivée.

Dans la plupart des cohortes, l'instabilité du revenu du travail est particulièrement grande chez les immigrants qui entrent tout juste sur le marché du travail, mais s'atténue fortement les deux ou trois années qui suivent. Ce qui joue surtout dans la variance totale des gains les premières années qui suivent l'arrivée, c'est la composante temporaire, alors que la composante permanente en vient à prédominer à mesure que les immigrants s'établissent dans leur pays d'accueil. On ne s'étonnera donc pas que la récession du début des années 1990 ait plus influé sur toute la variance du revenu du travail pour les cohortes de 1989 à 1991 et de 1986 à 1988 que pour les autres cohortes. Dans le cas de ces cohortes d'arrivée récente, la composante temporaire a tenu une plus grande place dans toute la variance des gains.

L'incidence de la région d'origine des immigrants sur l'inégalité des gains s'accroît généralement les premières années et demeure marquante longtemps après l'entrée sur le marché du travail. Dans le cas des cohortes initiales qu'on observe pendant une plus longue période, on peut constater que cet effet est en réalité plus prononcé de 10 à 20 ans après l'arrivée que les toutes premières années. Enfin, on peut voir, comme pour la région d'origine, que l'effet de la scolarité est un peu plus faible pour les cohortes plus récentes, bien qu'étant d'une plus grande importance relative. Dans les cohortes les plus récentes, la scolarisation à l'étranger joue après plusieurs années un rôle aussi important que la région d'origine dans l'atténuation de l'inégalité des gains (il faut cependant considérer ce résultat avec circonspection, car il est impossible de distinguer les effets de la scolarité des effets de facteurs inobservés comme ceux de la motivation personnelle, de la discipline et de l'initiative). Somme toute, ce résultat semble indiquer que l'importance de la scolarisation à l'étranger — et des caractéristiques individuelles inobservées avec lesquelles elle peut être en corrélation — s'accroît à mesure que les immigrants s'adaptent aux exigences du marché du travail du pays.