Aperçus économiques
Données mensuelles sur les ouvertures et fermetures d’entreprises : séries expérimentales pour le Canada, les provinces et territoires et les régions métropolitaines de recensement

Le début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020, a mené à des restrictions sur l’activité économique. Ces restrictions ont entraîné la fermeture généralisée d’entreprises dans les secteurs touchés. Ce sont le commerce de détail et les services d’hébergement et de restauration qui ont été les plus affectés. La réouverture des entreprises aura des répercussions importantes sur la rapidité et l’ampleur de la relance économique à la suite de la pandémie de COVID-19.

Ces estimations expérimentales sur les ouvertures et les fermetures mensuelles viennent compléter les données annuelles et trimestrielles produites par Statistique Canada sur les créations et les disparitions d’entreprises. Même si les données sur les ouvertures et les fermetures sont plus opportunes, elles diffèrent sur le plan conceptuel des données sur les créations et les disparitions. Alors qu’une entreprise peut fermer et rouvrir au cours de l’année, elle ne peut disparaître ou être créée qu’une seule fois. Le concept de création et de disparition vise à rendre compte des changements permanents plutôt que transitoires.

À titre d’exemple, pour être classée comme une entreprise qui ferme en mars 2020, une entreprise doit compter des employés rémunérés en février 2020, mais aucun en mars 2020. Pour être classée comme une entreprise disparue au premier trimestre de 2020, une entreprise ne doit pas compter d’employés rémunérés au cours des trimestres subséquents de 2020 ou au cours d’aucun trimestre de 2021. De même, pour être classée comme une entreprise qui ouvre en mars 2020, une entreprise doit compter des employés rémunérés en mars 2020, mais aucun en février 2020. Par contre, pour qu’une entreprise soit considérée comme ayant été créée au premier trimestre de 2020, elle doit compter des employés rémunérés au cours de ce trimestre, mais aucun au cours des trimestres de l’année précédente.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité de recueillir les deux types de renseignements. Il importe de savoir combien d’entreprises ont été immédiatement touchées par l’arrêt des activités lié à la COVID-19 et de faire le suivi du nombre qui est en train de rouvrir. Les nouvelles données expérimentales sur les ouvertures et les fermetures permettent de combler cet écart. Toutefois, il est également nécessaire de savoir combien parmi ces fermetures sont permanentes (et sont donc des disparitions) et combien de nouvelles créations viennent remplacer ces fermetures permanentes, car cela fournira des renseignements sur l’incidence à long terme de la pandémie.

Les résultats montrent que la pandémie de COVID-19 a entraîné une hausse marquée du nombre de fermetures d’entreprises et un recul du nombre d’ouvertures d’entreprises. En avril 2020, on a enregistré 88 187 fermetures d’entreprises, soit plus du double du niveau observé en avril 2019. L’augmentation du nombre de fermetures d’entreprises était généralisée à l’échelle des provinces et territoires, mais elle était particulièrement élevée en Ontario et au Québec. Les industries les plus touchées étaient celles des services d’hébergement et de restauration, des autres services (à l’exclusion des administrations publiques) et du commerce de détail, où le nombre de fermetures d’entreprises a plus que doublé par rapport à l’année précédente. Le nombre d’ouvertures d’entreprises a diminué en avril, mais pas dans la même mesure que le nombre de fermetures a augmenté au cours du même mois. En avril 2020, il y a eu 32 803 ouvertures d’entreprises, ce qui représente une baisse de 18,3 % par rapport à avril 2019.

Définition et mesure de la dynamique des entreprises à court terme

La mesure de la dynamique des entreprises à court terme exige un ensemble de définitions pour reconnaître les changements infra-annuels de l’activité des entreprises, de même qu’une source de données qui fournit des estimations numériques fondées sur ces définitions.

Les mesures de base de la dynamique des entreprises à court terme sont le nombre mensuel d’ouvertures, de fermetures, d’entreprises en exploitation continue et d’entreprises actives. On parle d’ouverture d’entreprise lorsqu’une entreprise compte des employés durant le mois en cours, mais aucun le mois précédent. À l’inverse, on parle de fermeture d’entreprise lorsqu’une entreprise comptait des employés au cours du mois précédent, mais aucun durant le mois en cours (tableau 1). Les entreprises en exploitation continue sont celles qui comptent des employés au cours des deux mois, et la population active pour un mois donné représente le nombre d’entreprises ouvertes et en exploitation continue au cours de ce mois.

Les fichiers PD7 (retenues sur la paie) de l’Agence du revenu du Canada et le Registre des entreprises sont les sources de données des estimations. Les fichiers PD7 fournissent le nombre d’employés pour chaque employeur au Canada. Ces enregistrements administratifs sont couplés aux entreprises et aux établissements inscrits au Registre des entreprises en vue d’obtenir des renseignements sur l’industrie et la région géographique^Note .

Les entreprises peuvent changer de région géographique et d’industrie avec le temps. Pour réduire la volatilité des estimations dues aux changements d’indicateurs d’industrie ou géographiques, et pour se concentrer sur les ouvertures et fermetures véritables associées aux changements de l’activité économique, la classification par industrie et région géographique d’une entreprise est maintenue constante pendant une certaine période. À titre d’exemple, pour les estimations de 2015, les estimations par région géographique et industrie seront maintenues fixes de décembre 2014 à janvier 2016.

Alors que la grande majorité des entreprises exercent leurs activités dans une seule région géographique et une seule industrie, les grandes entreprises peuvent avoir des activités dans plusieurs industries et régions géographiques. L’activité d’une grande entreprise dans une région géographique ou une industrie particulière peut contribuer de façon importante à cette région géographique ou à cette industrie, même si elle ne représente qu’une petite partie des activités de cette entreprise. Pour rendre compte de la nature complexe de ces grandes entreprises et de leurs effets dans l’ensemble des industries et des régions géographiques, elles peuvent être incluses plusieurs fois dans les chiffres.

Prenons l’exemple suivant à l’échelle nationale. Si un grand détaillant possède également des établissements de commerce de gros, il compterait alors comme une seule entreprise active dans l’industrie canadienne du commerce de détail et comme une entreprise active dans l’industrie canadienne du commerce de gros. Si l’entreprise fermait ses activités de commerce de gros, mais pas celles de commerce de détail, cela compterait comme une fermeture dans l’industrie du commerce de gros et une entreprise active dans le commerce de détail.

Ce concept s’applique également à l’échelon provincial et aux échelons inférieurs. Si une entreprise exerce des activités dans deux provinces, elle serait alors incluse dans les chiffres de ces deux provinces. Si l’entreprise possède des établissements dans plusieurs industries dans ces provinces, elle pourrait être incluse plus d’une fois dans les chiffres d’une même province.

Même si le traitement d’entreprises complexes décrit ci-dessus présente des avantages, il crée également un problème pour l’agrégation, car il traite essentiellement toutes les combinaisons région géographique-industrie comme des groupes distincts et tente d’évaluer le nombre d’entreprises actives pour chacune d’entre elles. Ainsi, la somme des données désagrégées sera supérieure aux données publiées pour un niveau d’agrégation plus élevé. Par conséquent, les estimations qui en résultent conviennent pour l’examen de la dynamique des entreprises dans le temps, entre les groupes industrie-région géographique, et à l’intérieur de ceux-ci. Toutefois, il faut faire preuve de prudence lorsque l’on effectue une analyse qui repose sur des mesures conçues pour fonctionner dans un schéma d’agrégation, comme les contributions à la croissance ou l’analyse des parts.

Évolution récente des ouvertures et des fermetures mensuelles d’entreprises

Hausse marquée du nombre de fermetures d’entreprises dans le secteur des entreprises au Canada en avril 2020

Les fermetures d’entreprises surviennent pour diverses raisons, comme le manque de liquidités ou de financement pour maintenir les activités de l’entreprise, et la concurrence qui peut faire disparaître les entreprises les plus faibles. Depuis le début de la série des estimations mensuelles sur les ouvertures et les fermetures en 2015, environ 39 000 entreprises ont fermé chaque mois dans le secteur des entreprises au Canada. En avril 2020, 88 187 entreprises ont fermé leurs portes (tableau 2), un niveau qui n’a pas été observé depuis le début de la série et qui représente plus du double du niveau de fermetures enregistré en avril 2019 (graphique 1). Le grand nombre de fermetures d’entreprises en avril 2020 reflète l’incidence de la pandémie de COVID-19, qui a obligé de nombreuses entreprises à cesser leurs activités. Il convient de souligner que le nombre de fermetures a augmenté depuis novembre 2019, ce qui peut aussi être attribué aux événements survenus au début de 2020, notamment la forte baisse des prix du pétrole et les barrages ferroviaires. Il est possible que ces événements antérieurs aient également contribué au niveau élevé de fermetures observé plus tard dans l’année.

Le nombre d’ouvertures d’entreprises dans le secteur des entreprises au Canada a également reculé depuis décembre 2019, ce qui peut être attribuable à une baisse du niveau de confiance des entreprises relativement aux nouvelles de la pandémie mondiale, et donc à un plus faible désir de lancer une nouvelle entreprise.

Le nombre de fermetures d’entreprises a plus que triplé dans l’industrie des services d’hébergement et de restauration par rapport à l’année précédente

Le nombre de fermetures d’entreprises a augmenté en avril 2020 dans toutes les industries, et certaines industries ont affiché beaucoup plus de fermetures d’entreprises que la moyenne. On a observé les plus fortes hausses du nombre de fermetures d’entreprises d’avril 2019 à avril 2020 dans les services d’hébergement et de restauration (6 719, soit 274,1 %), les autres services (6 814, soit 264,3 %) et le commerce de détail (6 133, soit 217,7 %) (graphique 2). En revanche, les industries de la finance et des assurances et de la gestion de sociétés et d’entreprises, ainsi que de l’extraction minière, l’exploitation en carrière et l’extraction de pétrole et de gaz ont enregistré les taux de croissance sur 12 mois les plus faibles en ce qui concerne les fermetures, dont le nombre a augmenté de 38,9 % et de 47,6 %, respectivement.

La pandémie de COVID-19 peut avoir eu une forte incidence négative sur les services d’hébergement et de restauration, sur les autres services (qui comprend les services personnels et les organismes religieux) et sur le commerce de détail, car ces industries ne sont pas considérées comme étant « essentielles » et n’ont pas été autorisées à exercer leurs activités. De plus, dans bien des cas, les employés de ces industries n’ont pas la possibilité de travailler à domicile. Comme nous l’avons mentionné, les industries de la finance et des assurances et de la gestion de sociétés et d’entreprises ont connu la plus faible baisse du nombre de fermetures d’entreprises (selon une croissance en pourcentage sur 12 mois), ce qui peut s’expliquer en partie par de plus grandes possibilités pour les employés de ces industries de travailler à domicile pendant la pandémie.

Comparativement à avril 2020, le nombre d’ouvertures d’entreprises a diminué dans toutes les industries. Toutefois, le recul du nombre d’ouvertures d’entreprises observé n’était pas aussi prononcé que la hausse enregistrée du nombre de fermetures d’entreprises. À titre d’exemple, pour les services d’hébergement et de restauration, le nombre d’ouvertures d’entreprises a baissé d’environ 400 entreprises (soit 17,8 %).

En avril 2020, les fermetures d’entreprises étaient généralisées dans l’ensemble des provinces et des territoires

Comparativement à avril 2019, dans de nombreuses provinces et de nombreux territoires, la proportion de fermetures a doublé. Les hausses les plus marquées en pourcentage ont été enregistrées en Ontario (149,7 %) (graphique 3), au Québec (134,6 %) et en Nouvelle-Écosse (127,7 %) (tableau 3).

Il n’est pas surprenant que les tendances des industries en matière de fermetures d’entreprises en avril 2020, à l’échelle nationale, soient généralement reflétées dans l’ensemble des provinces et des territoires, quoiqu’à des degrés divers. Le nombre de fermetures d’entreprises dans les autres services ainsi que dans les services d’hébergement et de restauration a quadruplé en Ontario et a triplé au Québec d’avril 2019 à avril 2020. En revanche, le nombre de fermetures dans les industries de la finance et des assurances et de la gestion de sociétés et d’entreprises a augmenté de 17 % en Colombie-Britannique et de 18 % en Alberta.

Le nombre d’ouvertures d’entreprises a reculé dans toutes les provinces et tous les territoires, sauf aux Territoires du Nord-Ouest (tableau 3). Selon le taux de croissance d’une année à l’autre, on a observé une diminution du nombre d’ouvertures d’entreprises relativement semblable partout au pays, celle-ci allant d’un recul de 1 326 (21,2 %) ouvertures d’entreprises au Québec et de 3 981 (24,3 %) en Ontario à une baisse de 79 (1,2 %) en Colombie-Britannique.

En avril 2020, on a par ailleurs enregistré une hausse prononcée du nombre de fermetures d’entreprises dans les trois plus grandes régions métropolitaines de recensement (RMR) du Canada, comparativement à un an plus tôt. L’augmentation la plus marquée a été observée à Toronto (13 771, soit 154,6 %), suivie de Montréal (4 812, soit 139,9 %) et de Vancouver (3 655, soit 92,6 %). Au cours de la même période, le nombre d’ouvertures d’entreprises a reculé à un rythme semblable dans les trois RMR, allant de 12,4 % à Vancouver à 23,1 % à Toronto.

L’augmentation des fermetures entraînera-t-elle une hausse des disparitions?

L’analyse de la dynamique des entreprises porte souvent sur la création d’entreprises et leur disparition du marché. Ce genre d’analyse amène la difficulté de faire la distinction entre une entreprise qui disparaît d’un marché lorsqu’elle cesse ses activités de façon permanente et d’autres qui cessent temporairement leurs activités. Dans les publications sur la dynamique des entreprises, on suppose généralement qu’une entreprise a disparu du marché si elle a cessé ses activités pendant au moins un an. De nombreuses raisons peuvent expliquer la fermeture d’une entreprise pendant une période relativement courte. Bon nombre d’entreprises, comme les entreprises de déneigement et d’aménagement paysager, sont saisonnières et n’exercent donc leurs activités qu’une partie de l’année. D’autres peuvent fermer pendant une courte période pour moderniser leurs installations ou restructurer leurs structures et leurs finances. Quelle qu’en soit la raison, certaines fermetures ne sont pas permanentes et ne devraient donc pas être considérées comme des disparitions.

Même s’il n’est pas nécessairement vrai que la fermeture d’une entreprise entraîne sa disparition, il est vrai qu’une entreprise qui disparaît ferme nécessairement. Pour cette raison, les disparitions et les fermetures d’entreprises ont tendance à être fortement liées. Cette relation solide peut être utile pour prévoir le nombre de disparitions au-delà du dernier trimestre pour lequel des données sur les créations et les disparitions sont accessibles. Généralement, les fermetures et les disparitions évoluent ensemble, reculant lorsque l’économie progresse, et progressant lorsqu’elle recule. Si la proportion de fermetures temporaires d’entreprises par rapport à l’ensemble des entreprises demeure relativement stable, les fermetures continueront de nous permettre de prédire relativement bien les disparitions.

La force de cette relation est démontrée au graphique 4, où les fermetures trimestrielles dans le secteur des entreprises ont servi à prévoir le nombre de disparitions d’entreprises dans le secteur au cours du même trimestre^Note .

Toutefois, rien ne garantit que cette relation entre fermeture et disparition s’applique à la situation actuelle. D’ailleurs, les mesures de soutien aux entreprises mises en place dans le cadre du plan d’intervention d’urgence du Canada pour répondre à la COVID-19 devraient permettre de réduire le nombre de disparitions prévues. En s’appuyant sur les fermetures pour prévoir les disparitions au cours de la pandémie de COVID-19, on obtient probablement une surestimation de l’incidence du ralentissement actuel par rapport aux estimations produites au cours de périodes moins extraordinaires d’expansion et de contraction économiques observées au Canada.

Conclusion

Cet article de la série Aperçus économiques présente les résultats de nouvelles séries de données sur les ouvertures et fermetures mensuelles d’entreprises, ainsi que sur les entreprises en exploitation continue et actives. Ces séries fournissent des mesures opportunes de la dynamique des entreprises pour le Canada, les provinces et les territoires, les régions métropolitaines et certaines industries.

La pandémie de COVID-19 a entraîné un recul marqué de l’activité économique, qui est reflété dans la nouvelle série de données. Les résultats montrent que le nombre de fermetures d’entreprises a fortement progressé dans le secteur des entreprises au Canada en avril 2020, le plus récent point de données accessible. La hausse était généralisée dans l’ensemble des provinces et des territoires, mais elle était particulièrement élevée en Ontario et au Québec. Les industries les plus touchées étaient les services d’hébergement et de restauration, les autres services (à l’exclusion des administrations publiques) et le commerce de détail, où le nombre de fermetures d’entreprises a plus que doublé par rapport à un an plus tôt. Le nombre d’ouvertures d’entreprises a baissé en avril, mais il était proportionnellement faible par rapport à l’augmentation du nombre de fermetures au cours du même mois.

Même si cette nouvelle série de données permet de mieux comprendre l’évolution de la population des entreprises en raison des créations et des disparitions, il y a une distinction importante entre une ouverture et une nouvelle création, et une fermeture et une disparition permanente. Puisqu’il s’agit du premier d’un ensemble d’articles de la série Aperçus économiques à être publié sur ce thème, les travaux à venir porteront sur l’examen et l’intégration d’autres sources de données en vue d’examiner de plus près la relation entre les ouvertures et les créations d’entreprises et les fermetures et les disparitions d’entreprises.