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Un coup d'œil sur l'agriculture canadienne
L'engraissement des sols nourrit la population
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Par Erik Dorff et Martin S. Beaulieu, Division de l'agriculture
- L'utilisation d'engrais chimiques est en hausse
- Où les engrais chimiques et la chaux sont-ils utilisés?
- Le fumier : un engrais naturel
- La gestion des coûts des éléments nutritifs des cultures : une question d'équilibre
- Plan de gestion des éléments nutritifs
- Nourrir les cultures, c'est se nourrir soi-même
À mesure que les cultures poussent, elles épuisent la fertilité des sols en y absorbant les éléments nutritifs. Ces éléments nutritifs doivent ensuite être reconstitués afin qu'il y ait quelque chose dans les sols pour les cultures de l'année suivante. L'agriculture canadienne dépend beaucoup des engrais chimiques et du fumier pour reconstituer les éléments nutritifs du sol. Le présent article examine la manière dont les agriculteurs fournissent à leurs cultures les éléments nutritifs dont ils ont besoin pour pousser et la manière dont ces pratiques agricoles ont évolué au fil du temps.
L'utilisation d'engrais chimiques est en hausse
De 1971 à 2011, les expéditions d'engrais vers le marché agricole canadien ont considérablement augmenté. En 2010-2011, les agriculteurs canadiens ont utilisé deux fois plus d'azote provenant d'engrais chimiques que 30 ans plus tôt, en 1980-1981. Au cours de la même période, les quantités de phosphateNote 1 et de potasse ont peu évolué (graphique 1).
L'augmentation de l'utilisation d'engrais, en particulier l'azote, n'était pas liée à une hausse du nombre de fermes ayant déclaré recourir aux engrais chimiques. En fait, ce taux a diminué presque de moitié, passant de 188 726 fermes en 1980 à 99 599 fermes en 2010.
La proportion de fermes ayant déclaré utiliser des engrais chimiques a également fléchi, passant de 64,7 % en 1980-1981 à 57,1 % en 2010-2011.
De fait, la croissance observée était liée à plusieurs facteurs. Le total des terres en culture s'est accru de 14,2 % de 1981 à 2011, passant de 31 millions d'hectares à 35,4 millions d'hectares. Les terres fertilisées aux engrais chimiques se sont également accrues de 7,6 %, passant de 18,5 millions d'hectares à 24,9 millions d'hectares (graphique 2).
L'utilisation d'engrais par les grandes fermes s'est également intensifiée (une plus grande quantité d'engrais a été appliquée par hectare de superficie fertilisée). Le graphique 3 montre que l'utilisation d'engrais chimique s'est accrue dans les plus grandes fermes : en 1980-1981, 62,0 % des terres en culture y étaient traitées aux engrais, alors qu'en 2010-2011, ce taux est passé à 75,9 %. Cependant, cette croissance a été neutralisée en partie par les petites fermes, qui ont utilisé relativement moins d'engrais chimiques pendant la même période. La combinaison des deux scénarios explique un peu pourquoi l'intensité générale de l'utilisation d'engrais chimiques semble s'être stabilisée aux alentours de 70 % de l'ensemble des terres en culture.
Où les engrais chimiques et la chaux sont-ils utilisés?
Le Recensement de l'agriculture de 2011 nous a appris que des engrais chimiques ont été épandus sur 24,9 millions d'hectares de terres en 2010 et que moins de 100 000 fermes ont déclaré utiliser des engrais chimiques. Les provinces des Prairies, considérées comme le grenier du Canada parce qu'elles récoltent la majorité des céréales du pays, ont déclaré la majeure partie des superficies fertilisées en 2010, c'est-à-dire 84,5 % du total des superficies fertilisées aux engrais chimiques. La Saskatchewan avait la plus forte proportion (42,1 %) de terres fertilisées aux engrais chimiques, suivie de l'Alberta (28,5 %).
L'acidité des sols a une incidence sur la disponibilité des éléments nutritifs. La chaux, qui sert à contrôler l'acidité des sols, a été épandue sur 384 482 hectares en 2010. La chaux a été épandue principalement dans l'Est du Canada, qui représentait 79,8 % de la superficie où elle a été utilisée. La pratique du chaulage est moins courante dans les provinces à l'ouest du Québec, où les sols sont généralement moins acides. Environ 37,0 % des terres traitées à la chaux se trouvaient au Québec, suivi de l'Ontario (27,7 %). Saskatchewan se classait au troisième rang des provinces, représentant 9,4 % des terres traitées à la chaux au pays (graphique 4).
Le graphique 5 indique l'importance relative de la superficie des terres traitées aux engrais chimiques et à la chaux par rapport aux terres en culture dans les provinces. La répartition variait largement d'une province à une autre. Par exemple, des engrais chimiques ont été épandus sur 79,4 % des terres en culture au Manitoba en 2010. En revanche, ils ont été épandus sur environ la moitié des terres en culture au Québec et en Colombie-Britannique. Ces écarts régionaux peuvent être attribués au mélange de cultures et au type de sol.
Par ailleurs, la répartition du chaulage variait beaucoup d'une province à une autre. La chaux a été utilisée sur seulement 1,1 % des terres en culture à l'échelle du pays en 2010 d'après le Recensement de l'agriculture de 2011. La pratique du chaulage était particulièrement courante dans les provinces de l'Atlantique et au Québec. En 2010, l'Île-du-Prince-Édouard a épandu de la chaux sur 20,2 % des terres en culture de la province, la plus forte proportion au pays. Terre-Neuve-et-Labrador se classait en deuxième place, ayant traité à la chaux 19,5 % de ses terres en culture, suivie du Nouveau-Brunswick (11,3 %). Le Québec et la Nouvelle-Écosse ont chacune chaulé 7,5 % de leurs terres en culture respectives.
Le fumier : un engrais naturel
Le fumier est un engrais naturel qui, entre autres avantages, ajoute des éléments nutritifs et des substances organiques aux sols et diminue le besoin de recourir aux engrais chimiques. Il améliore aussi la structure des sols, ce qui réduit les risques d'érosion, de ruissellement et d'infiltration de produits chimiques, de substances organiques ou d'agents pathogènes dans les eaux de surface et souterraines. Bien que les composants fertilisants individuels des engrais préparés puissent être modifiés et adaptés aux exigences nutritives d'une culture en particulier, la question d'équilibre est plus complexe dans le cas du fumier. Non seulement le volume de fumier varie-t-il en fonction du type de bétail, mais son profil nutritif varie aussi. Pour compliquer les choses encore plus, la manière dont le fumier a été entreposé et épandu a également une incidence sur les éléments nutritifs disponibles. Souvent, l'épandage de fumier à un rythme qui répondrait aux besoins de la culture pour un élément nutritif laisse une carence ou un excédent pour un autre élément nutritif.
D'après le Recensement de l'agriculture, près de la moitié (48,4 %) de toutes les fermes canadiennes ont épandu du fumier sur leurs terres en 2010. La plupart de ces fermes se situaient en Ontario (28,2 %), en Alberta (21,6 %) et au Québec (15,6 %). Ces trois provinces représentaient près des trois quarts (72,0 %) des recettes monétaires agricoles totales pour le bétail et les produits du bétail en 2010.Note 2
Le tableau 1 montre aussi les superficies traitées au fumier selon les différentes méthodes d'épandage. Plus du tiers (37,0 %) des terres traitées au fumier ou un peu plus de 1 million d'hectares ont été traitées au fumier solide incorporé dans le sol. La deuxième superficie en importance était traité au fumier solide, mais non incorporé dans le sol, et représentait 685 416 hectares (23,9 %), suivie de près des superficies où du fumier liquide a été injecté dans le sol (22,1 % ou 633 370 hectares).
Province | Épandage de fumier | Fumier solide incorporé dans le sol | Fumier solide non incorporé dans le sol | Fumier liquide injecté dans le sol | Fumier liquide laissé à la surface du sol | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
fermes | fermes | hectares | fermes | hectares | fermes | hectares | fermes | hectares | |
Canada | 99 573 | 38 664 | 1 061 393 | 27 988 | 685 416 | 9 312 | 633 730 | 9 612 | 487 471 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 231 | 98 | 718 | 70 | 835 | 13 | 633 | 30 | 1 892 |
Île-du-Prince-Édouard | 877 | 533 | 14 307 | 293 | 6 582 | 54 | 3 438 | 65 | 3 588 |
Nouvelle-Écosse | 1 799 | 767 | 11 105 | 757 | 13 065 | 87 | 4 325 | 179 | 11 404 |
Nouveau-Brunswick | 1 310 | 504 | 6 420 | 585 | 12 498 | 69 | 3 830 | 148 | 10 273 |
Québec | 15 535 | 5 968 | 167 328 | 5 608 | 169 363 | 3 831 | 207 045 | 5 690 | 288 455 |
Ontario | 28 071 | 13 736 | 279 266 | 9 431 | 149 421 | 3 079 | 179 967 | 2 436 | 110 634 |
Manitoba | 7 453 | 2 790 | 102 742 | 1 980 | 61 519 | 652 | 81 669 | 201 | 17 725 |
Saskatchewan | 13 324 | 4 110 | 176 746 | 3 260 | 120 791 | 405 | 59 259 | 66 | 5 496 |
Alberta | 21 494 | 6 835 | 275 724 | 4 049 | 129 813 | 721 | 80 602 | 249 | 20 179 |
Colombie-Britannique | 9 479 | 3 323 | 27 037 | 1 955 | 21 528 | 401 | 12 962 | 548 | 17 826 |
Note : Comprend les grandes cultures, le foin, les fruits, les légumes, le gazon et les pépinières mais exclut les superficies en arbres de Noël. Source : Statistique Canada, Recensement de l’agriculture, 2011 |
Les terres où du fumier solide a été incorporé dans le sol se situaient principalement en Ontario (26,3 %) et en Alberta (26,0 %), suivies de la Saskatchewan (16,7 %) et du Québec (15,8 %). Ces provinces sont de grandes productrices de bovins et de lait, représentant 83,8 % du total des bovins et des veaux dénombrés dans le Recensement de 2011.
La méthode consistant à injecter du fumier liquide dans le sol a été déclarée principalement au Québec, près du tiers du total de toutes les superficies ayant été traitées de cette manière (32,7 %), suivi de l'Ontario (28,4 %) et du Manitoba (12,9 %).
L'entreposage du fumier liquide est la méthode d'entreposage privilégiée pour les exploitations porcines. Ces trois provinces représentaient 79,1 % de tous les porcs en 2011. Le fumier liquide laissé à la surface était généralement utilisé dans deux provinces, le Québec et l'Ontario, qui représentaient collectivement 81,9 % de la totalité des terres traitées au fumier au moyen de cette méthode.
Le graphique 6 montre les variations du type de fumier et de la méthode d'épandage au fil du temps. Le Recensement de l'agriculture de 1996 était la première fois où des méthodes détaillées d'épandage du fumier ont été déclarées. En raison de l'intensification de la production de bétail (utilisation croissante du système d'entreposage de fumier liquide) et de la réglementation environnementale plus stricte (promotion de pratiques comme l'injection de fumier liquide dans le sol), on a observé entre 1995 et 2010, une transition vers une réduction de la superficie des terres traitées au fumier solide et une augmentation de la superficie des terres injectées au fumier liquide.
La gestion des coûts des éléments nutritifs des cultures : une question d'équilibre
L'épandage d'éléments nutritifs, que ce soit des engrais chimiques, de la chaux ou du fumier, peut être essentiel pour assurer une production de cultures soutenue, mais il n'est pas sans conséquence pour les agriculteurs. Bien qu'il soit plus difficile d'isoler le coût relatif à l'entreposage, à la manutention et à l'élimination du fumier, il est plus facile pour les agriculteurs de déclarer des dépenses relatives aux engrais chimiques et à la chaux. Ces deux postes de dépenses se chiffraient à 3,6 milliards de dollars en 2010 et, collectivement, ils représentaient 8,4 % du total des dépenses d'exploitation agricoles cette année-là, d'après le Recensement de l'agriculture de 2011. Ce poste de dépense représentait une plus forte proportion des dépenses agricoles dans les régions du pays productrices de céréales et de graines oléagineuses (les provinces des Prairies) et dans les régions productrices de pommes de terre, comme l'Île-du-Prince-Édouard (graphique 7).
Plan de gestion des éléments nutritifs
Selon l'Indice des prix des entrées dans l'agriculture de Statistique Canada, les prix des engrais ont augmenté, en moyenne, de 10,9 % par année de 2000 à 2007.Note 3 Si l'on divise ces engrais en produits individuels, on constate que les prix des engrais azotés se sont accrus de 12,7 % par année, ceux des engrais phosphorés ont augmenté de 7,4 % par année et ceux des engrais potassiques ont monté en moyenne de 8,4 % par année. Il ne faut donc pas s'étonner du fait que les agriculteurs s'efforcent de trouver un juste milieu entre les besoins nutritifs divergents des cultures et ce qui se trouve déjà dans le sol afin de dépenser plus efficacement leur budget pour les engrais. L'atteinte de niveaux adéquats de fertilité des champs en fonction de la production végétale est non seulement importante du point de vue économique, mais représente également un facteur clé du respect de la réglementation environnementale.
Le graphique 8 indique que 41 541 fermes ont déclaré la pratique de planification de la gestion des éléments nutritifs, d'après le Recensement de l'agriculture de 2011. Ces fermes représentaient 23,8 % de l'ensemble des fermes ayant déclaré des terres en culture en 2011. L'adoption d'un plan de gestion des éléments nutritifs variait d'une province à une autre. Cinq provinces se situaient au-dessus de la moyenne nationale. Le Québec avait le plus grand nombre de fermes ayant un plan de gestion des éléments nutritifs (36,9 %), suivi de l'Île-du-Prince-Édouard (34,2 %), la Nouvelle Écosse (31,1%), de l'Ontario (25,1 %) et du Manitoba (24,4 %).
Nourrir les cultures, c'est se nourrir soi-même
Pour avoir des cultures en santé, les agriculteurs doivent fournir des conditions nutritives équilibrées. En épandant de l'engrais et du fumier sur le sol, les agriculteurs comblent les carences et font donc en sorte que les cultures disposent des éléments nutritifs dont elles ont besoin pour pousser. Le présent article décrivait comment les agriculteurs canadiens ont utilisé des engrais, de la chaux et du fumier pour atteindre cet objectif.
Les engrais chimiques continuent de jouer un rôle important. On a observé une augmentation de l'utilisation d'engrais chimiques, mais l'utilisation semble s'être stabilisée au cours des derniers recensements, environ 70 % de la superficie des terres en culture étant traitée. La hausse des coûts des engrais a probablement donné lieu à un examen approfondi de l'utilisation de cet intrant agricole.
N-P-K et le reste : composition et rôle
Le corps humain a besoin d'une variété de groupes alimentaires pour obtenir le bon équilibre de glucides, de gras, de vitamines et de minéraux, en quantités suffisantes. Il en va de même pour les plantes, qui ont besoin d'une variété d'éléments nutritifs (tableau 2). Certains éléments nutritifs sont plus importants que d'autres, et ces exigences varient selon la culture. Pour ce qui est de la quantité, les principaux macronutriments (azote, phosphore et potassium) sont essentiels à la croissance des plantes et sont donc en grande demande. C'est pour cette raison que leurs symboles élémentaires (N pour azote, P pour phosphore et K pour potassium) sont affichés en évidence dans les annonces d'engrais. Parmi les macronutriments secondaires qui figurent au menu des plantes, mentionnons le calcium (Ca), le magnésium (Mg) et le soufre (S). Enfin, les micronutriments sont nécessaires en de bien plus petites quantités et comprennent le fer, le manganèse, le zinc, le cuivre, le bore, le molybdène, le nickel et le chlore. Les différentes pratiques de fertilisation (p. ex. épandage d'engrais synthétiques ou de fumier organique) sont donc des sources différentes des mêmes éléments clés de l'azote, du phosphore et du potassium.
Élément | Symbole | Rôle dans la croissance végétale |
---|---|---|
Azote | N | Responsable de la croissance végétale et de la production de protéines. |
Phosphore | P | Essentiel à la production de graines, de fruits et de fleurs. |
Potassium | K | Joue un rôle essentiel dans un grand nombre de processus physiologiques, y compris la photosynthèse, la formation de protéines et la consommation d'eau. |
Calcium | Ca | Composante importante des parois cellulaires des plantes. |
Magnésium | Mg | En tant que composante clé de la chlorophylle, joue un rôle important dans la photosynthèse. |
Soufre | S | Composante courante des protéines et des vitamines. |
Source : Institut canadien des engrais. |
S'il est vrai que certains éléments nutritifs sont considérés comme plus importants que d'autres, l'équilibre global des éléments nutritifs est le facteur essentiel qui influe sur la croissance végétale. Justus von Liebig (1803 à 1873), chimiste allemand reconnu comme le « père de la chimie agricole et de l'industrie de l'engrais », a inventé le concept de la « loi du minimum », qui stipule que « si un élément nutritif est insuffisant, la croissance végétale sera limitée, même si les tous les autres éléments nutritifs essentiels sont en quantité adéquate ». Cette loi s'applique encore aujourd'hui.
Notes
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