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Réductions de l’espérance de vie associées directement à la COVID-19 en 2020


Date de diffusion : le 1 juin 2021

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Introduction

L’espérance de vie est un indicateur largement utilisé pour mesurer la santé des populations. Il peut se définir comme le nombre moyen d’années vécues par des nouveau-nés qui seraient soumis tout au long de leurs vies aux conditions observées au cours d’une période donnée. Même si son calcul est relativement complexe, son interprétation est intuitive. Par ailleurs, cet indicateur se prête bien à des comparaisons dans le temps, permettant de saisir l’évolution des conditions de vie des populations.

Cette étude propose de mesurer la réduction de l’espérance de vie à la naissance (EVN) en conséquence directe de la pandémie, au pays et dans les provinces touchées. Pour ce faire, deux estimations de l’EVN sont produites et comparées, l’une reflétant une situation hypothétique sans pandémie, et l’autre tenant compte des décès attribués à la COVID-19 en 2020. Les résultats sont évalués à l’aune des variations de l’EVN observées au cours des dernières années.

Résultats

Plus de 15 000 décès attribués à la COVID-19 en 2020 au pays

Selon les données de surveillance produites par l’Agence de la santé publique du Canada, la COVID-19 a causé plus de 15 600 décès au pays en 2020, ce qui correspond à un Taux Brut de Mortalité attribuée à la COVID-19 (TBMC) de 0,41 pour mille (tableau 1). L’âge moyen des Canadiens décédés de la COVID-19 en 2020 s’élève à 83,8 ans. Par comparaison, l’âge moyen au décès au Canada en 2019 était de 76,5 ans.

Certaines provinces ont été touchées plus durement que d’autres. Avec plus de la moitié des décès attribuables à la COVID-19 au pays en 2020, le Québec affiche un TBMC de 0,96 pour mille, soit plus du double de la valeur canadienne. À l’inverse, le TBMC a atteint des valeurs inférieures à la moitié de la valeur canadienne en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Enfin, moins de dix décès COVID ont été comptés à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick ainsi que dans les territoires.


Tableau 1
Indicateurs de mortalité COVID et espérance de vie en 2019, Canada et provinces ayant compté au moins 10 décès attribués à la COVID-19
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Indicateurs de mortalité COVID et espérance de vie en 2019. Les données sont présentées selon Région (titres de rangée) et Décès attribuables à
la COVID-19, Âge moyen au décès, décès attribuables à la COVID-19, Taux brut de mortalité attribuable à la
COVID-19 et Espérance de vie
en 2019, calculées selon nombre, en année et pour mille unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Région Décès attribuables à
la COVID-19
Âge moyen au décès, décès attribuables à la COVID-19 Taux brut de mortalité attribuable à la
COVID-19
Espérance de vie
en 2019
nombre en année pour mille en année
Canada 15 651 83,8 0,41 82,1
Nouvelle-Écosse 65 81,5 0,07 80,39
Québec 8 226 84,2 0,96 82,86
Ontario 4 576 83 0,31 82,44
Manitoba 667 77,8 0,48 80,07
Saskatchewan 155 71,8 0,13 80,31
Alberta 1 046 82,9 0,24 81,62
Colombie-Britannique 901 84,4 0,18 82,36

Les décès attribuables à la COVID-19 contribuent à une réduction estimée de l’espérance de vie de 0,41 année en 2020 au Canada

L’espérance de vie à la naissance (EVN) en 2020 au Canada n’est pas encore connue, mais il est probable qu’elle connaisse un déclin par rapport aux années précédentes. En effet, les décès attribuables à la COVID-19 contribuent à une réduction estimée de l’EVN de 0,41 année en 2020. En comparaison à la valeur de 82,10 ans observée en 2019, un tel déclin ferait reculer l’EVN à sa valeur atteinte six ans plus tôt, soit en 2013 (81,68 ans).

Le graphique 1 montre les variations de l’EVN au Canada au cours des 20 dernières années ainsi que la variation associée à la COVID-19. L’EVN a cru de façon presque ininterrompue au cours de cette période, mais aussi, dans les faits, depuis au moins 1921Note . De 2000 à 2019, les gains ont été légèrement plus importants chez les hommes que chez les femmes. Plus importants au début de la période, les gains annuels ont été plus modestes par la suite. L’EVN a même connu une modeste baisse de 0,07 année en 2017, causée en grande partie par l’épidémie d’opioïdes qui sévit au CanadaNote . Au cours de la dernière décennie, l’EVN a grimpé de 0,13 an en moyenne. Par comparaison, la réduction estimée de l’EVN associée à la COVID-19 est trois fois plus importante.

Figure 1 Variations annuelles de l'espérance de vie à la naissance de 1999 à 2019 et réduction causée par la COVID-19 selon le sexe, Canada

Tableau de données du figure 1 
Tableau pour le Graphique 1
Variations annuelles de l’espérance de vie à la naissance de 1999 à 2019 et réduction causée par la COVID-19 selon le sexe, Canada
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Variations annuelles de l’espérance de vie à la naissance de 1999 à 2019 et réduction causée par la COVID-19 selon le sexe. Les données sont présentées selon Année (titres de rangée) et Sexes réunis, Hommes et Femmes, calculées selon en années unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Année Sexes réunis Hommes Femmes
en années
2000 0,25 0,31 0,18
2001 0,25 0,31 0,19
2002 0,23 0,32 0,12
2003 0,17 0,22 0,13
2004 0,20 0,24 0,15
2005 0,19 0,21 0,17
2006 0,28 0,31 0,23
2007 0,18 0,20 0,16
2008 0,20 0,22 0,17
2009 0,18 0,22 0,15
2010 0,26 0,31 0,21
2011 0,26 0,31 0,21
2012 0,22 0,26 0,18
2013 0,15 0,20 0,12
2014 0,12 0,14 0,10
2015 0,08 0,10 0,06
2016 0,09 0,03 0,09
2017 -0,07 -0,01 -0,03
2018 0,04 0,03 0,06
2019 0,12 0,11 0,13
COVID -0,41 -0,39 -0,41
Marge d'erreur 0,04 0,06 0,06

Les provinces et territoires touchés de façon inégale

Le tableau 2 présente les variations annuelles de l’EVN au Canada au cours des 10 dernières années ainsi que la variation associée à la COVID-19 selon le sexe, pour le Canada et certaines provinces sélectionnées. Avec moins de dix décès attribués à la COVID-19 à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et dans les territoires, l’impact estimé sur l’EVN est marginal.

C’est au Québec que l’impact de la COVID-19 sur l’EVN a été le plus important, atteignant 0,84 année, soit le double de la valeur estimée pour le Canada. Le Manitoba, l’Ontario et l’Alberta suivent avec des réductions estimées de 0,60, 0,34 et 0,32 année, respectivement. Dans ces provinces, la réduction de l’EVN causée par la COVID-19 représente une variation relativement importante en comparaison avec les variations annuelles passées. En Colombie-Britannique, la réduction estimée de l’EVN est d’ampleur comparable à la diminution de l‘EVN observée entre 2016 et 2017, celle-là étant attribuable en grande partie à une augmentation des décès liés aux surdoses d’opioïdes.


Tableau 2
Variations annuelles de l’espérance de vie à la naissance de 2010 à 2019 et réduction causée par la COVID-19, selon le sexe, Canada et provinces ayant compté au moins 10 décès attribués à la COVID-19
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Variations annuelles de l’espérance de vie à la naissance de 2010 à 2019 et réduction causée par la COVID-19. Les données sont présentées selon Région (titres de rangée) et Sexe, Indicateur, Année et COVID-19(figurant comme en-tête de colonne).
Région Sexe Indicateur Année COVID-19
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Canada Sexe réunis Variation 0,26 0,26 0,22 0,15 0,12 0,08 0,09 -0,07 0,04 0,12 -0,41
I.C. 0,22 à 0,30 0,22 à 0,30 0,18 à 0,26 0,11 à 0,19 0,08 à 0,16 0,04 à 0,12 0,05 à 0,13 -0,11 à -0,03 0,00 à 0,08 0,08 à 0,16
Femmes Variation 0,21 0,21 0,18 0,12 0,10 0,06 0,09 -0,03 0,06 0,13 -0,41
I.C. 0,15 à 0,27 0,15 à 0,27 0,12 à 0,24 0,06 à 0,18 0,04 à 0,16 0,00 à 0,12 0,03 à 0,15 -0,09 à 0,03 0,00 à 0,12 0,07 à 0,19
Hommes Variation 0,31 0,31 0,26 0,20 0,14 0,10 0,03 -0,01 0,03 0,11 -0,39
I.C. 0,25 à 0,37 0,25 à 0,37 0,20 à 0,32 0,14 à 0,26 0,08 à 0,20 0,04 à 0,16 -0,03 à 0,09 -0,07 à 0,05 -0,03 à 0,09 0,05 à 0,17
Nouvelle-Écosse Sexe réunis Variation 0,25 0,10 0,13 0,04 0,10 -0,13 0,07 -0,02 0,06 -0,08 -0,05
I.C. 0,02 à 0,48 -0,13 à 0,33 -0,10 à 0,36 -0,19 à 0,27 -0,13 à 0,33 -0,36 à 0,10 -0,16 à 0,30 -0,25 à 0,21 -0,17 à 0,29 -0,31 à 0,15
Femmes Variation 0,29 0,07 0,01 0,04 0,18 -0,16 0,12 -0,13 0,08 -0,19 -0,07
I.C. -0,04 à 0,62 -0,26 à 0,40 -0,32 à 0,34 -0,29 à 0,37 -0,15 à 0,51 -0,49 à 0,17 -0,21 à 0,45 -0,46 à 0,20 -0,25 à 0,41 -0,51 à 0,13
Hommes Variation 0,23 0,13 0,23 0,05 0,11 -0,11 0,05 0,01 0,04 0,07 -0,05
I.C. -0,08 à 0,54 -0,18 à 0,44 -0,08 à 0,54 -0,26 à 0,36 -0,20 à 0,42 -0,42 à 0,20 -0,26 à 0,36 -0,30 à 0,32 -0,27 à 0,35 -0,24 à 0,38
Québec Sexe réunis Variation 0,25 0,25 0,18 0,18 0,14 0,10 0,20 0,14 0,25 0,22 -0,84
I.C. 0,17 à 0,33 0,17 à 0,33 0,10 à 0,26 0,10 à 0,26 0,06 à 0,22 0,03 à 0,17 0,13 à 0,27 0,07 à 0,21 0,18 à 0,32 0,15 à 0,29
Femmes Variation 0,18 0,19 0,14 0,11 0,08 0,08 0,14 0,12 0,14 0,22 -0,84
I.C. 0,07 à 0,29 0,08 à 0,30 0,03 à 0,25 0,00 à 0,22 -0,03 à 0,19 -0,03 à 0,19 0,03 à 0,25 0,01 à 0,23 0,03 à 0,25 0,12 à 0,32
Hommes Variation 0,32 0,31 0,22 0,26 0,21 0,15 0,26 0,16 0,37 0,23 -0,80
I.C. 0,21 à 0,43 0,20 à 0,42 0,11 à 0,33 0,15 à 0,37 0,10 à 0,32 0,04 à 0,26 0,16 à 0,36 0,06 à 0,26 0,27 à 0,47 0,13 à 0,33
Ontario Sexe réunis Variation 0,25 0,27 0,25 0,19 0,10 0,08 0,05 -0,01 -0,03 0,06 -0,34
I.C. 0,19 à 0,31 0,21 à 0,33 0,19 à 0,31 0,13 à 0,25 0,04 à 0,16 0,02 à 0,14 -0,01 à 0,11 -0,07 à 0,05 -0,09 à 0,03 0,00 à 0,12
Femmes Variation 0,21 0,24 0,20 0,18 0,09 0,04 0,04 0,01 0,02 0,10 -0,32
I.C. 0,13 à 0,29 0,16 à 0,32 0,12 à 0,28 0,10 à 0,26 0,01 à 0,17 -0,04 à 0,12 -0,04 à 0,12 -0,07 à 0,09 -0,06 à 0,10 0,02 à 0,18
Hommes Variation 0,30 0,31 0,29 0,20 0,12 0,13 0,07 -0,02 -0,06 0,03 -0,33
I.C. 0,22 à 0,38 0,23 à 0,39 0,21 à 0,37 0,12 à 0,28 0,04 à 0,20 0,05 à 0,21 -0,01 à 0,15 -0,10 à 0,06 -0,14 à 0,02 -0,05 à 0,11
Manitoba Sexe réunis Variation 0,26 0,16 0,20 0,13 0,03 0,00 -0,11 0,00 0,01 0,07 -0,60
I.C. 0,04 à 0,48 -0,05 à 0,37 -0,01 à 0,41 -0,08 à 0,34 -0,18 à 0,24 -0,21 à 0,21 -0,32 à 0,10 -0,21 à 0,21 -0,20 à 0,22 -0,14 à 0,28
Femmes Variation 0,15 0,06 0,16 0,21 0,05 -0,06 -0,15 -0,06 0,08 0,08 -0,49
I.C. -0,16 à 0,46 -0,25 à 0,37 -0,15 à 0,47 -0,10 à 0,52 -0,25 à 0,35 -0,36 à 0,24 -0,45 à 0,15 -0,36 à 0,24 -0,22 à 0,38 -0,22 à 0,38
Hommes Variation 0,40 0,25 0,23 0,08 0,02 0,06 -0,06 0,03 -0,02 0,06 -0,66
I.C. 0,10 à 0,70 -0,05 à 0,55 -0,07 à 0,53 -0,22 à 0,38 -0,28 à 0,32 -0,24 à 0,36 -0,36 à 0,24 -0,27 à 0,33 -0,32 à 0,28 -0,24 à 0,36
Saskatchewan Sexe réunis Variation 0,03 0,17 0,20 0,15 0,12 -0,03 0,08 0,07 0,03 0,06 -0,18
I.C. -0,21 à 0,27 -0,07 à 0,41 -0,04 à 0,44 -0,09 à 0,39 -0,11 à 0,35 -0,26 à 0,20 -0,15 à 0,31 -0,16 à 0,30 -0,20 à 0,26 -0,17 à 0,29
Femmes Variation 0,06 0,05 0,14 0,10 0,11 -0,01 0,13 0,08 -0,02 0,08 -0,04
I.C. -0,28 à 0,40 -0,29 à 0,39 -0,19 à 0,47 -0,23 à 0,43 -0,22 à 0,44 -0,34 à 0,32 -0,20 à 0,46 -0,25 à 0,41 -0,35 à 0,31 -0,25 à 0,41
Hommes Variation -0,02 0,25 0,29 0,20 0,15 -0,06 0,07 0,07 0,10 0,03 -0,29
I.C. -0,35 à 0,31 -0,08 à 0,58 -0,04 à 0,62 -0,13 à 0,53 -0,18 à 0,48 -0,38 à 0,26 -0,24 à 0,38 -0,24 à 0,38 -0,22 à 0,42 -0,30 à 0,36
Alberta Sexe réunis Variation 0,27 0,36 0,20 0,04 0,01 0,01 0,05 -0,02 0,03 0,17 -0,32
I.C. 0,14 à 0,40 0,23 à 0,49 0,07 à 0,33 -0,09 à 0,17 -0,12 à 0,14 -0,12 à 0,14 -0,08 à 0,18 -0,15 à 0,11 -0,10 à 0,16 0,05 à 0,29
Femmes Variation 0,28 0,31 0,19 -0,03 -0,04 0,03 0,12 0,09 0,09 0,14 -0,29
I.C. 0,10 à 0,46 0,13 à 0,49 0,01 à 0,37 -0,21 à 0,15 -0,21 à 0,13 -0,14 à 0,20 -0,05 à 0,29 -0,08 à 0,26 -0,08 à 0,26 -0,03 à 0,31
Hommes Variation 0,27 0,41 0,21 0,12 0,06 -0,01 0,00 -0,10 -0,02 0,20 -0,33
I.C. 0,09 à 0,45 0,23 à 0,59 0,03 à 0,39 -0,05 à 0,29 -0,11 à 0,23 -0,18 à 0,16 -0,17 à 0,17 -0,27 à 0,07 -0,19 à 0,15 0,03 à 0,37
Colombie-Britannique Sexe réunis Variation 0,34 0,38 0,26 0,14 0,12 0,02 -0,07 -0,20 -0,13 0,15 -0,17
I.C. 0,23 à 0,45 0,27 à 0,49 0,15 à 0,37 0,03 à 0,25 0,01 à 0,23 -0,08 à 0,12 -0,17 à 0,03 -0,30 à -0,10 -0,23 à -0,03 0,05 à 0,25
Femmes Variation 0,25 0,37 0,25 0,17 0,15 0,03 -0,03 -0,07 0,04 0,16 -0,17
I.C. 0,09 à 0,41 0,21 à 0,53 0,09 à 0,41 0,01 à 0,33 -0,01 à 0,31 -0,13 à 0,19 -0,18 à 0,12 -0,21 à 0,07 -0,11 à 0,19 0,00 à 0,32
Hommes Variation 0,42 0,39 0,27 0,14 0,09 0,00 -0,12 -0,30 -0,26 0,15 -0,18
I.C. 0,28 à 0,56 0,25 à 0,53 0,13 à 0,41 0,00 à 0,28 -0,05 à 0,23 -0,14 à 0,14 -0,26 à 0,02 -0,44 à -0,16 -0,40 à -0,12 0,01 à 0,29

Au Manitoba et en Saskatchewan, les valeurs estimées de la réduction de l’EVN due à la COVID-19 sont plus fortes chez les hommes que chez les femmes. Ailleurs, les écarts sont trop faibles pour conclure à des impacts différents selon le sexe.

Discussion

Au moment d’écrire ces lignes, la pandémie de COVID-19 avait déjà fait plus de 20 000 morts au paysNote . À titre comparatif, 17 600 décès ont été attribués à une surdose mortelle d’opioïdes entre janvier 2016 et juin 2020Note . De même, environ 18 300 personnes sont décédées du VIH au plus gros de l’épidémie au Canada, soit entre 1987 et 2011Note .

Malgré ces similitudes dans le nombre de victimes, la crise des opioïdes et l’épidémie de VIH ont des effets bien distincts de la COVID-19, et ce à plusieurs égards. D’abord, parce qu’elles touchent généralement des personnes de plus jeune âge, les jeunes adultes notamment. Par exemple, plus du quart (27 %) des personnes décédées d’une surdose d’opioïdes en 2017 étaient âgées de 30 à 39 ans au moment du décès. Par comparaison, ce sont seulement 0,15 % des décès causés par la COVID-19 en 2020 (et 1,6 % des décès toutes causes confondues en 2019) qui sont survenus dans cette tranche d’âge. Ensuite, comparativement à la crise des opioïdes et l’épidémie de VIH, les décès causés par la COVID-19 sont survenus sur une période beaucoup plus courte. Enfin, au-delà des décès proprement dits, la crise des opioïdes, l’épidémie de VIH et la COVID-19 diffèrent probablement quant à l’intensité des soins requis pour soigner les personnes atteintes ainsi que l’impact et les coûts des mesures de prévention.

Peu d’études ont estimé l’impact des épidémies de VIH et d’opioïdes sur l’EVN au Canada. Une étude a estimé la réduction de l’EVN causée par les surdoses d’opioïdes à 0,11 an chez les hommes et de 0,02 an chez les femmes au Canada en 2017Note , soit bien en-deçà des réductions de l’EVN associées à la pandémie de COVID-19 en 2020 chez les hommes (0,39) et chez les femmes (0,41). En Colombie-Britannique toutefois, où l’épidémie d’opioïdes a frappé plus sévèrement, la réduction de l’EVN en 2017 se chiffrait à 0,28 an chez les hommes, dépassant celle de 0,18 causée par les décès attribuables à la COVID-19 en 2020. Cela dit, les comparaisons sur la base d’une seule année sont bien imparfaites car l’épidémie d’opioïdes s’est étendue sur plusieurs années, et sur une plus longue période que la pandémie de COVID-19 jusqu’à maintenant.

Un avantage de la réduction de l’EVN est qu’il s’agit d’un indicateur sensible à l’âge au décès et donc au nombre d’années de vie perdues des personnes décédées. Elle constitue toutefois à elle seule une piètre mesure de l’ampleur d’une crise sanitaire, notamment parce qu’elle est relativement peu affectée par des changements survenant aux âges avancésNote , et parce qu’elle traduit mal les variations brusques dans le nombre de décès qui peuvent pourtant causer des problèmes importants sur la prestation des services de soins de santé et les institutions de santé publique en généralNote . En ce sens, la réduction de l’EVN est un indicateur qui en complémente d’autres, comme les fluctuations du nombre de décès quotidiens attribuables à la COVID-19 ou la surmortalité hebdomadaire.

S’il est délicat de comparer l’impact de la COVID-19 à celle d’épidémies précédentes, qu’en est-il par rapport à la situation ailleurs dans le monde? Aux États-Unis, Andrasfay et GoldmanNote  ont estimé l’effet direct de la COVID-19 sur l’EVN à 1,26 année, soit le triple de la valeur de 0,41 an estimée au Canada. Dans une autre étude couvrant près de 200 pays, Heuveline et TzenNote  ont estimé un effet direct de la COVID-19 sur l’espérance de vie au Canada de 0,55 an. L’écart de 0,14 avec l’estimation proposée ici s’explique en grande partie par des différences dans les hypothèses relatives à la distribution des décès selon l’âge et l’actualité des données utilisées. Malgré ces divergences, les résultats de cette étude permettent de comparer la situation du Canada avec celle d’autres pays, montrant que la réduction de l’EVN au Canada est inférieure à celle de nombreux pays européens tels que l’Italie, l’Espagne, la France, la Suisse, la Suède, les Pays-Bas ou l’Autriche, mais supérieure à celle d’autres pays tels que l’Allemagne, du Danemark, de la Finlande, de la Norvège, de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande.

De toute évidence, la réduction de l’EVN causée directement par la COVID-19 n’offre qu’un portrait partiel de l’effet global de la pandémie au pays. Elle doit être interprétée strictement comme une mesure de l’impact estimé de la mortalité supplémentaire causée directement par la COVID-19, et ne saurait donc représenter le changement d’espérance de vie réel entre 2019 et 2020. D’autres facteurs sont susceptibles d’avoir un impact indirect, mais tout de même important sur la santé des Canadiens, tels que le report de soins médicaux dû à des changements de priorités dans la prestation des soins de santé, des répercussions associées aux mesures de distanciation sociale ou les contrecoups du ralentissement économique. Certains changements pourraient avoir un impact positif, comme la réduction des décès en raison de la réduction de la circulation automobile par exemple. Les effets indirects sont susceptibles d’affecter non seulement le nombre de décès, mais aussi l’âge au décès, ce qui peut avoir un impact sur les estimations de l’espérance de vie. La surmortalité observée chez les populations plus jeunes au cours des derniers mois de 2020 suggère une possible hausse des décès attribuables à d’autres causesNote .

Au Canada, il sera possible d’estimer l’espérance de vie observée au Canada en 2020 une fois que les données portant sur les décès auront atteint un niveau de complétude acceptable. Ces estimations présenteront alors un portrait de l’effet global, somme des effets directs et indirects de la COVID-19. Cela dit, les répercussions indirectes de mesures adoptées en 2020 pour faire face à la pandémie pourraient se manifester plus tard, au cours des années suivantes.

Ailleurs dans le monde, ainsi que dans la province de Québec, des estimations provisoires démontrent une baisse de l’espérance de vie observée en 2020 par rapport à l’année précédente. Par exemple, en France, l’espérance de vie a reculé de 0,5 an chez les hommes et de 0,4 an chez les femmesNote . Aux Pays-Bas, le recul atteint plutôt 0,8 an chez les hommes et 0,5 an chez les femmesNote . Aux États-Unis, des estimations pour la première moitié de l’année montrent une baisse de 1,2 an chez les hommes et de 0,9 an chez les femmesNote . Enfin, l’Institut de la statistique du Québec a aussi publié des estimations provisoires de l’EVN en 2020 affichant des baisses de 0,4 an chez les hommes et 0,7 an chez les femmesNote . Ces estimations pour le Québec sont inférieures à celles estimées dans la présente étude, surtout chez les hommes. Ces écarts pourraient être la conséquence d’effets indirects, comme une mortalité moins importante associée à d’autres causes. Des analyses du nombre de décès par causes permettront éventuellement de mieux comprendre les contributions des effets directs et indirects de la pandémie.

Méthodes

Estimation de la réduction de l’espérance de vie due à la COVID-19

L’estimation de l’espérance de vie nécessite deux éléments essentiels : des comptes de décès et des populations à risque par âge, ou groupe d’âge. Toutefois, pour évaluer l’effet direct de la pandémie de COVID-19 sur l’espérance de vie, il est nécessaire de comparer la situation observée en 2020 avec une situation hypothétique sans pandémie. Cela soulève deux défis importants.

Le premier défi concerne l’obtention des données pour l’année 2020 si peu de temps après la fin de l’année. Les comptes de décès par âge et sexe associés à la COVID-19 sont tirés de la Base canadienne de données sur les décès de la Statistique de l'état civil (BCDECD). En tout, 13 629 enregistrements de décès attribués à la COVID-19 et survenus au pays en 2020 ont été extraits de la BCDECDNote . Toutefois, les délais d’enregistrement des décès et surtout dans l’attribution des causes de décès font en sorte qu’il s’agit très probablement d’une sous-estimation. Pour corriger la situation, les comptes de décès par âge et sexe provenant de la BCDECD ont été gonflés de façon à correspondre aux chiffres totaux de décès provenant des données de surveillance produites par les autorités de la santé publique provinciales et territoriales et recueillies par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Selon ces données, moins détaillées mais plus actuelles, 15 651 décès attribuables à la COVID-19 sont survenus au Canada en 2020Note .

Il est à noter que les estimations du nombre total de décès attribuables à la COVID-19 provenant des données de surveillance de l’ASPC peuvent diverger des estimations officielles produites à l’aide de la BCDECD pour une même période donnée. En effet, les dates associées aux décès dans les données de l’ASPC ne reflètent pas toujours la date du décès mais parfois plutôt la date de l’enregistrement du décès. Par ailleurs, les données de l’ASPC reflètent les cas confirmés d’infection au virus de la COVID-19, et peuvent donc exclure les décès d’individus n’ayant pas été testés. Cela dit, en dépit de ces limites conceptuelles liées à la mesure des décès, les estimations de la surmortalité sont assez comparables avec le nombre de décès attribuables à la COVID-19Note .

Le second défi associé à la mesure de l’effet direct de la pandémie de COVID-19 sur l’espérance de vie est l’estimation d’une situation hypothétique pouvant servir de base de comparaison à l’année 2020. Pour ce faire, les décès qui seraient hypothétiquement survenus en 2020 en l’absence de la COVID-19 sont d’abord obtenus en appliquant les taux de mortalité provenant des plus récentes tables de mortalité de Statistique Canada, lesquelles couvrent la période 2017 à 2019Note , aux populations de 2020Note , ajustées de façon à soustraire l’impact de la pandémie. Des versions modifiées des tables 2017 à 2019 reflétant la mortalité supplémentaire causée par la COVID-19 sont ensuite produites en ajustant certains éléments de la table en fonction du ratio des décès ‘sans COVID-19’ aux décès totaux (comprenant les décès ‘sans COVID’ et les décès COVID estimés précédemment). La méthode, proposée par ChiangNote , présuppose ici que les effets de la COVID-19 au cours d’un intervalle d’âge sont proportionnels à ceux de l’ensemble des autres causes de décès. L’impact de la COVID-19 sur l’espérance de vie est calculé simplement en comparant les estimations produites à l'aide de deux tables de mortalité, avec et sans COVID-19. La méthode est décrite dans Preston et coll.Note  dans le contexte de l’estimation de l’impact d’une cause de mortalité donnée sur des conditions observées. Voir aussi Andrasfay et GoldmanNote  pour une application similaire à la présente étude aux États-Unis et Heuveline et TzenNote  pour une étude couvrant plusieurs pays et régions du monde.

Calcul des intervalles de confiance des estimations de variation de l’EVN

Dans les tables de mortalité de Statistique Canada, les marges d’erreur associées aux estimations d’espérance de vie reflètent les variations attendues au cours du temps du fait que la mortalité est un processus aléatoire (la variabilité naturelle), selon l’hypothèse que la distribution des décès suit une loi binomialeNote Note . Les intervalles de confiance à 95 % associés aux variations annuelles de l’EVN ont été calculés en additionnant les variances associées à deux estimations consécutives de l’EVNNote . L’approche sous-tend que ces variances sont indépendantes, ce qui est contre-intuitif compte tenu que les valeurs de l’EVN sont des moyennes de trois années, mais s’avère adéquat étant donné leur définition stricte.


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