Hypothèses et scénarios de projection

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Hypothèses

Comme c’est le cas dans tout exercice de nature prospective, les présentes projections démographiques ont été effectuées sur la base d’hypothèses relatives aux composantes de l’accroissement. Des hypothèses ont été formulées non seulement pour les populations autochtones, mais également pour les populations non autochtones, qui font elles aussi partie des projections. Elles ont été sélectionnées de manière à répondre aux deux objectifs suivants : 1) permettre la constitution de scénarios présentant une fourchette plausible d’évolution des populations autochtones d’ici 2036; 2) permettre d’estimer la sensibilité de l’accroissement des populations autochtones et du pourcentage de la population totale qu’elles sont susceptibles de représenter aux composantes-clés que sont la fécondité, la mobilité ethnique intragénérationnelle et la migration interne.

Les hypothèses ont été développées par Statistique Canada en consultation avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) sur la base d’une analyse des données les plus récentes, de la littérature existante et de consultations menées par Statistique Canada. Elles ont en outre été soumises à l’attention du comité scientifique de Demosim qui, formé de chercheurs et d’experts indépendants de l’équipe de Demosim, a pour mandat d’émettre des recommandations sur les méthodes, les sources de données et le contenu du modèle de même que sur le développement de ses produits.

En raison de la quantité de composantes projetées, un nombre important d’hypothèses ont dû être développées. Par conséquent, l’accent est ici mis sur la description des hypothèses touchant plus spécifiquement les populations autochtones; les autres hypothèses ne seront présentées que succinctement.

Hypothèses touchant plus spécifiquement les Autochtones

Cette section présente les hypothèses touchant plus spécifiquement les populations autochtones ainsi que les raisons pour lesquelles elles ont été sélectionnées. Il s’agit des hypothèses quant à la fécondité, la transmission intergénérationnelle du groupe autochtone et du statut d’Indien inscrit (incluant la catégorie d’inscription), la mortalité, la migration interne, la migration internationale, la mobilité ethnique intragénérationnelle, l’inscription au Registre des Indiens au cours de la vie et les taux de chefs de ménagesNote 5. Elles sont résumées au tableau 3.

Fécondité

La fécondité des Autochtones a connu une baisse au cours de la seconde moitié du 20e siècle, tant au sein de la population d’ascendance autochtone que de la population ayant le statut d’Indien inscrit (Ram 2004; Guimond et Robitaille 2009; Maynard et Kerr 2007; Loh et George 2003). Malgré cette baisse que nous révèlent ces analyses à plus long terme, la fécondité des Autochtones demeure globalement plus élevée que celle des non-Autochtones, bien que la situation soit contrastée d’un groupe d’identité autochtone à l’autre (tableau 4). Ainsi, l’indice synthétique de fécondité de la population d’identité autochtone dans son ensemble était en 2011 de 2,2 enfants par femme, comparativement à 1,6 chez les non-Autochtones. Au sein des groupes spécifiques, les Inuits et les Indiens inscrits présentaient la fécondité la plus élevée, à 2,8 et 2,7 enfants par femme, respectivement. L’indice synthétique de fécondité des Métis n’était que très légèrement supérieur à celui des non-Autochtones, à 1,8 enfant par femme, alors qu’il est désormais plus faible chez les Indiens non inscrits, à 1,5 en 2011. Si l’on excepte les Indiens non inscrits (dont la fécondité a augmenté entre 2001 et 2006 puis significativement diminué entre 2006 et 2011), la période récente aura été marquée par une relative stabilité de la fécondité des Autochtones (Morency et Caron-Malenfant 2014; Statistique Canada 2011; Amorevieta-Gentil et al. 2013Note 6). Certains auteurs (Suwal et Trovato 1998; Ram 2004) croient cependant que la fécondité des Autochtones est appelée à converger avec celle du reste de la population. Pour Suwal et Trovato (1998), c’est par le biais de l’intégration des populations autochtones au reste de la société, en raison notamment de la mixité des unions, que pourrait s’opérer cette convergence.

Au regard de la relative stabilité de la fécondité des Autochtones au cours des dernières années, il est difficile d’anticiper si – et quand – celle-ci pourrait converger avec celle des non-Autochtones. En raison de l’incertitude liée à cette question, et de l’importance de la fécondité comme composante de l’accroissement des populations autochtones, trois hypothèses ont été retenues. Une première suppose un maintien jusqu’en 2036 des probabilités de donner naissance à un enfant telles qu’estimées au moyen de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011Note 7. Une seconde suppose une convergence modérée et progressive de ces probabilités avec celles des non-Autochtones menant, en 2036, au comblement de la moitié de l’écart qui sépare à cet égard les populations autochtones de la population non autochtone. La troisième hypothèse suppose une convergence complète, atteinte progressivement, de la fécondité des Autochtones d’ici 2036, celle-ci devenant identique à celle des non-Autochtones en fin de projection.

Transmission du groupe autochtone de la mère à l’enfant

Liée en grande partie aux unions mixtes (Boucher et al. 2009; Robitaille et Guimond 2003), la propension des parents à déclarer pour leurs enfants un groupe différent du leur (aussi appelée mobilité ethnique intergénérationnelle) diffère d’un groupe autochtone à l’autre. Ainsi, selon les données ajustées de l’ENM de 2011, 95 % des enfants de moins d’un an dont la mère est inuite sont eux aussi d’identité inuite. Ces proportions étaient de 91 % chez le groupe autochtone des Premières Nations et de 69 % chez celui des Métis. La comparaison de ces estimations à celles obtenues lors de l’exercice précédent de projections (Statistique Canada 2011) révèle une grande stabilité du phénomène au cours de la période récente. Pour cette raison, une seule hypothèse a été retenue pour cette composante, soit celle d’un maintien, jusqu’en 2036, des taux de mobilité ethnique intergénérationnelle au niveau observé en 2011.

Transmission du statut d’Indien inscrit et de la catégorie d’inscription de la mère à l’enfant

La transmission intergénérationnelle du statut d’Indien inscrit et de la catégorie d’inscription relève de règles établies par la Loi sur les Indiens de 1985 (voir la section « Concepts »). Les enfants éligibles à l’inscription ne sont cependant pas inscrits automatiquement à leur naissance, l’inscription nécessitant que les parents entreprennent des démarches auprès du ministère responsable du Registre des Indiens (AADNC). Les données ajustées de l’ENM de 2011 montrent qu’environ 71 % des enfants de moins d’un an ayant au moins un parent qui a le statut d’Indien inscritNote 8 ont eux aussi le statut d’Indien inscrit. Cette proportion varie selon le statut d’Indien inscrit des parents et le fait que l’enfant soit ou non d’un groupe autochtone (tableau 5), notamment. Elle est la plus élevée lorsque les deux parents ont le statut d’Indien inscrit, que l’enfant soit d’un groupe autochtone ou non, et presque nulle lorsqu’aucun des parents n’est inscrit. Elle se trouve dans une situation intermédiaire lorsqu’un seul des parents est inscrit (unions mixtes), les proportions étant dans ce cas peu sensibles au sexe du parent inscrit. Elle est, pour chacun des types d’unions et de statut d’Indien inscrit de la mèreNote 9, plus élevée lorsque l’enfant appartient à un groupe autochtone, cette dernière caractéristique étant bien entendu fonction du groupe autochtone de la mère. Les analyses menées dans le cadre des présentes projections révèlent par ailleurs que la propension à être en union mixte était, parmi les femmes en union ayant donné naissance à un enfant entre 2010 et 2011, plus élevée hors des réserves indiennes chez les femmes inscrites et dans les réserves indiennes chez les femmes non inscrites, notamment. Cette propension a connu de légères variations de 2001 à 2011, à la hausse chez les femmes inscrites vivant hors réserve et à la baisse chez les femmes, inscrites ou non, vivant dans les réserves indiennes.

Si le caractère objectif et légal des règles de transmission du statut d’Indien inscrit peut être considéré comme garant d’une certaine stabilité dans la propension à la transmission intergénérationnelle du statut d’Indien inscrit, l’évolution de celle-ci au cours des années à venir relèvera sans doute principalement de l’évolution de la propension des femmes à contracter des unions avec un conjoint ayant un statut différent d’elles. Pour cela, l’hypothèse retenue suppose un maintien à leur niveau de 2011 des taux de transmission de la mère à l’enfant du statut d’Indien Inscrit jusqu’en 2036 et un ralentissement progressif des tendances relatives aux unions mixtes au cours des 25 prochaines années.

Mortalité

La littérature sur la mortalité des populations autochtones au Canada montre que celles-ci présentent une mortalité supérieure à celle du reste de la population, bien que les groupes diffèrent les uns des autres à cet égard. Ainsi, de 1991 à 2006, les Indiens inscrits auraient présenté une espérance de vie à la naissance d’environ 5 années inférieure à l’ensemble de la population (Amorevieta-Gentil et al. 2014)Note 10, alors que dans les régions à forte concentration inuite, l’espérance de vie était, au cours de cette même période, inférieure de 9 à 11 années (Wilkins et al. 2008; Peters 2013). Les travaux de Tjepkema et Wilkins (2011) sur l’espérance de vie à 25 ans montrent que celle-ci est inférieure au reste de la population chez le groupe autochtone des Premières Nations, mais aussi chez celui des Métis, qui se situe à mi-chemin entre le groupe autochtone des Premières Nations et les non-Autochtones, même lorsque l’on contrôle l’effet d’autres variables comme la scolarité et le lieu de résidence. Malgré une hausse importante de l’espérance de vie au cours des dernières décennies pour les groupes pour lesquels nous disposons d’estimations (Maynard et Kerr 2007; Verma et al. 2004), ni les données de Amorevieta-Gentil et al. sur les Indiens inscrits, ni celles de Wilkins et al. et de Peters sur les régions inuites ne permettent de conclure à une convergence avec la mortalité du reste de la population au cours de la période récente. Les estimations effectuées dans le cadre des présentes projections montrent pour leur part qu’au sein des groupes d’identité autochtone, l’espérance de vie, tant chez les hommes que chez les femmes, serait la plus faible chez les Inuits, suivie des Indiens inscrits et non inscrits, puis des Métis, ce dernier groupe présentant celle la plus proche du reste de la population.

Est-il possible de croire que les écarts de mortalité entre les groupes se maintiendront au cours des années à venir, notamment en raison d’une plus grande prévalence de certaines causes de mortalité chez les Autochtones et de l’accès souvent moindre de ces populations aux services de santé lié à leur distribution géographique différente de celle du reste de la population? Ceux-ci sont-ils plutôt appelés à diminuer sous l’effet, par exemple, d’une convergence des conditions et/ou des habitudes de vie? S’il est difficile de répondre à cette question, il faut voir toutefois que l’impact de l’une ou l’autre de ces éventualités sur les populations projetées devrait être limité sur un horizon de 25 ans, car cette convergence ne se concrétiserait que sur une longue période. C’est que les Autochtones qui bénéficieraient d’un allongement de l’espérance de vie grâce à cette convergence sont appelés pour la plupart à décéder bien après la fin de ces projections. Pour cette raison, une seule hypothèse a été retenue. En vertu de cette hypothèse, les taux de mortalité selon l’âge et le sexe de l’ensemble de la population diminueront progressivement conformément à l’hypothèse centrale de mortalité des plus récentes projections nationales de Statistique Canada (Statistique Canada 2014), alors que les écarts entre Autochtones et non-Autochtones estimés dans le cadre de ces projections seront maintenus jusqu’en 2036 (figure 1).

Figure 1 Espérance de vie à la naissance projetée selon l'identité autochtone et le sexe, scénario de référence, Canada, 2011 à 2036

Description de la figure 1

Migration interne

Les études s’étant intéressées à la migration interne des populations autochtones sont relativement peu nombreuses. Parmi celles disponibles, celle de Dion et Coulombe (2008), qui analyse la migration au Recensement de 2006, a montré que les Autochtones étaient moins susceptibles que les non-Autochtones de choisir de s’établir à Toronto, Montréal et Vancouver lorsqu’ils effectuent une migration, choisissant plus fréquemment les régions rurales et les territoires comme destination. Clatworthy et Norris (2014), qui se sont eux aussi penchés sur la migration des Autochtones, ont souligné le caractère généralement marginal de la contribution des migrations aux changements dans la proportion d’Autochtones résidant dans certains types de régions, notamment les régions métropolitaines de recensement. Ils ont aussi montré que les réserves indiennes ont connu des gains nets d’Indiens inscrits par voie de migration interne lors de chacune des périodes de cinq ans de 1966-1971 à 2001-2006. Les analyses menées dans le cadre du précédent exercice de projections (Statistique Canada 2011) et du présent exercice montrent également un portrait de la migration distinct chez les Autochtones, notamment chez les Indiens inscrits, qui ont continué d’enregistrer des gains migratoires nets dans les réserves indiennes au cours de la période la plus récente. Malgré plusieurs régularités dans la relation entre cette composante et certaines caractéristiques (par exemple en ce qui a trait à la migration des Indiens inscrits vers les réserves, ou des jeunes vers les grands centres métropolitains) la migration interne n’en demeure pas moins une composante volatile, susceptible de varier au fil du temps, et par conséquent difficile à projeter (Smith 1986).

En raison de l’incertitude quant à l’évolution future de cette composante, deux hypothèses ont été retenues. La première suppose, d’une part, une contribution de la migration interne à l’accroissement démographique total des régions reflétant celle observée au cours des périodes 1996-2001, 2001-2006 et 2006-2011, puis d’autre part, une composition des flux migratoires, notamment à l’égard de l’identité autochtone, conforme à celle observée au cours des périodes 2000-2001, 2005-2006 et 2010-2011. Les deux segments de cette hypothèse ont été élaborés à l’aide des variables de mobilité un an et cinq ans des recensements de 2001 et 2006 et de l’ENM de 2011, soit la variable de mobilité cinq ans pour la détermination des schèmes migratoires interrégionaux, celle-ci étant jugée plus robuste vue sa plus longue couverture dans le temps, et la variable de mobilité un an pour ce qui est de la composition des flux migratoires, celle-ci étant plus apte à prendre la mesure des caractéristiques des migrantsNote 11. La seconde suppose qu’il n’y aurait aucune migration interne au cours de la période projetée. Cette seconde hypothèse permettra, par comparaison à la première, d’estimer la contribution globale de la migration interne à l’accroissement des populations autochtones, et d’établir la contribution conjointe des autres composantes à cet accroissement. Elle permettra notamment d’évaluer l’évolution de la population vivant dans les réserves si elle cessait de connaître des gains nets par voie migratoire.

Migrations internationales des Autochtones

Selon l’ENM de 2011, seulement 13 800 personnes d’identité autochtone étaient nées à l’extérieur du Canada, la grande majorité étant née aux États-Unis. Les données de l’American Community Survey, une enquête à grande échelle menée annuellement aux États-Unis, montrent pour leur part que la population des American Indians et Alaskan Natives nés en Amérique du Nord hors des États-Unis était estimée à 10 200 au cours de la période de 2010 à 2012Note 12. Si l’on fait l’hypothèse que la vaste majorité d’entre eux sont nés au CanadaNote 13 et que l’essentiel des Autochtones qui quittent le Canada pour l’étranger s’établissent aux États-Unis, on obtient un « solde » migratoire très faible, presque nul. Pour cette raison, une seule hypothèse a été retenue quant à cette composante, celle d’une immigration et d’une émigration nulle chez les populations autochtones et ce, pour l’ensemble de la période de projectionNote 14.

Mobilité ethnique intragénérationnelle

Les études sur les changements dans la déclaration du groupe autochtone au cours de la vie – ou mobilité ethnique intragénérationnelle – ont montré que cette composante a été responsable d’une part importante de l’accroissement des populations autochtones du Canada de 1986 à 2006 (Guimond 1999; Guimond et al. 2007; Lebel et al. 2011). Plus important chez le groupe autochtone des Métis que chez celui des Premières Nations, le phénomène n’a pu être observé de manière probante au cours de cette période chez les Inuits et les populations vivant dans les réserves indiennes. Le phénomène a aussi été constaté aux États-Unis (Passel 1996; Perez et Hirschman 2009), en Australie (Ross 1999; Australian Bureau of Statistics 2013) et en Nouvelle-Zélande (Brown et Gray 2009). Une étude récente, qui a analysé le phénomène au moyen d’un appariement entre les recensements du Canada de 2001 et de 2006 (Caron-Malenfant et al. 2014), a permis d’établir que les gains nets par voie de mobilité ethnique chez les groupes autochtones des Métis et des Premières Nations étaient en réalité la résultante de changements multidirectionnels entre ces deux groupes et les non-Autochtones, et que la mobilité ethnique ne constituait donc pas un phénomène à sens unique. Les analyses menées dans le cadre des présentes projections pour la période allant de 2006 à 2011 montrent une poursuite du phénomène. Cependant, le groupe autochtone des Premières Nations a bénéficié davantage que celui des Métis des changements de déclaration de l’identité au cours de cette période, ce qui constitue un renversement en comparaison des périodes précédentes. La mobilité ethnique aurait ainsi contribué à 64 % de l’accroissement de la population des Premières Nations, contre 52 % chez les Métis de 2006 à 2011. De plus, contrairement aux périodes passées, le phénomène aurait constitué un facteur d’accroissement non négligeable chez les Inuits, spécialement à l’extérieur de l’Inuit Nunangat. Il est possible que l’adoption de la Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au Registre des Indiens et la reconnaissance de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq en 2011 aient constitué un facteur favorable aux transferts vers les Premières NationsNote 15. Il est par ailleurs possible que les changements apportés au libellé de la question sur le groupe autochtone entre le Recensement de 2006 et l’ENM de 2011 aient contribué aux particularités observées à cet égard au cours de cette période, bien qu’il soit impossible de l’établir avec certitudeNote 16. Les différences dans la méthodologie de l’ENM de 2011 par rapport au Recensement de 2006 pourraient enfin expliquer une part de l’accroissement de la population inuite résidant à l’extérieur de l’Inuit NunangatNote 17.

Ces changements dans le phénomène qui ont marqué la période 2006-2011 révèlent l’incertitude associée à l’évolution future de cette composante. On peut également se demander si une potentielle diminution du bassin de personnes susceptibles d’effectuer un transfert vers l’un ou l’autre des groupes autochtones viendra freiner le phénomène au cours des décennies à venir. En raison de ces incertitudes, deux hypothèses « extrêmes » ont été retenues. La première suppose un maintien jusqu’en 2036 des taux nets de mobilité ethnique intragénérationnelle observés en moyenne au cours de la période de 1996 à 2011 (tableau 6)Note 18, Note 19. Le fait que la mobilité ethnique n’ait pu être observée de manière concluante chez les Inuits avant 2006-2011 et que le phénomène ait pu être lié au cours de cette période aux changements apportés à l’ENM de 2011 nous a incliné à supposer nulle la mobilité ethnique pour ce groupe à partir de 2011. La seconde hypothèse suppose une mobilité ethnique nulle dès 2011 pour tous les groupes et ce, jusqu’en 2036Note 20.

Inscription au Registre des Indiens et reclassification de catégorie d’inscription au cours de la vie

Les changements qui ont été apportés à la Loi sur les Indiens au cours du temps (voir l’encadré 2) ont eu un impact non négligeable sur la population indienne inscrite. Clatworthy (2001) estime en effet que de 1985 à 1999, 174 500 personnes ont obtenu le droit à l’inscription en vertu de l’entrée en vigueur des modifications de 1985 à la Loi sur les Indiens (loi C-31) et que 114 700 d’entre elles étaient effectivement inscrites au Registre des Indiens en 1999. Bien que la plupart de ces inscriptions aient été enregistrées dans les années ayant immédiatement suivi l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, AADNC continue d’enregistrer un petit nombre de nouvelles inscriptions annuellement (600 en moyenne de 2007 à 2014). L’adoption de la Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au Registre des Indiens (loi C-3) en janvier 2011 a mené à 29 200 nouvelles inscriptions en date du 12 août 2014 et à 12 500 reclassifications des catégories d’inscription de 6(2) à 6(1) en date du 18 juillet 2014, la vaste majorité étant survenues en 2011 et 2012. Par ailleurs, en date du 12 août 2014, près de 24 000 personnes ont été inscrites au Registre des Indiens comme membres de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq, une bande qui a été créée le 22 septembre 2011. Cependant, le nombre total d’Indiens inscrits dans la Première Nation Qalipu Mi’kmaq pourrait changer étant donné que le gouvernement du Canada et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve ont conclu un accord supplémentaire en juin 2013, qui vise à résoudre les problèmes qui s’étaient présentés à la mise en œuvre du processus d’inscriptionNote 21. En vertu de l’accord supplémentaire, « toutes les demandes reçues pendant toutes les étapes du processus d’inscription, sauf celles qui ont été rejetées, seront évaluées ou réévaluées »Note 22. Enfin, d’autres personnes s’inscrivent tardivement chaque année au Registre des Indiens (les enfants dans les premières années suivant leur naissance en représentant une part importante) ou voient leur catégorie d’inscription modifiée pour des raisons diverses.

Une seule hypothèse a été retenue pour chacune des dimensions de cette composante, complémentaire à la composante d’inscription à la naissance. Il est supposé que les inscriptions en vertu des modifications de 1985 de la Loi sur les Indiens, aujourd’hui peu nombreuses, continueront de décliner en cours de projection, au même rythme que celui observé de 2007 à 2014. Les inscriptions découlant de la loi C-3, dont l’essentiel semble avoir déjà eu lieu, suivront les projections d’AADNC, ce qui suppose qu’elles déclineront tout d’abord, pour ensuite se stabiliser avant d’être complétées en 2019-2020Note 23. On fait également l’hypothèse que le nombre de reclassifications de catégorie d’inscription de 6(2) à 6(1) liées à C-3 suivra les mêmes tendances que les inscriptions en vertu de cette même loi jusqu’en 2020. De plus, c’est le nombre observé d’inscriptions C-31 et C-3 et de reclassifications C-3 jusqu’en 2014 qui est utilisé en début de projection. L’incertitude est plus grande en ce qui concerne les inscriptions résultant de la reconnaissance légale de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq pour les raisons mentionnées précédemment. En l’absence d’estimation alternative, il a été décidé de baser l’hypothèse sur le seul nombre disponible, à savoir les quelque 24 000 personnes inscrites au Registre des Indiens comme Qalipu entre 2011 et 2013. Si des fluctuations potentielles autour de ce nombre sont peu susceptibles d’affecter de manière importante les résultats des projections au niveau national et dans la vaste majorité des régions, ce n’est pas le cas pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador, d’où proviennent la majorité de ces inscriptions. Le lecteur est par conséquent invité à la plus grande prudence dans l’interprétation des résultats des présentes projections pour cette provinceNote 24. Enfin, on suppose des taux constants d’inscription tardive des enfants, d’inscriptions tardives des adultes et de reclassifications de 6(2) à 6(1) pour raisons diversesNote 25 et ce, à leur niveau récent.

Ces inscriptions au Registre des Indiens au cours de la vie auront bien sûr un impact sur la population des Indiens inscrits, mais également sur la population des Indiens non inscrits puisque l’hypothèse est faite que les Indiens non inscrits seront les personnes les plus susceptibles de s’inscrire au cours de leur vie.

Encadré 2 – Lois et accords ayant un impact sur la population des Indiens inscrits

Le cadre législatif qui définit la population éligible à l’inscription au Registre des Indiens a connu plusieurs modifications depuis l’adoption de la Loi sur les Indiens, en 1876. Des accords spéciaux reconnaissant le droit à l’inscription de groupes particuliers ont également été conclus au fil du temps. Parmi ces changements législatifs et accords, ceux qui suivent sont pris explicitement en considération dans les présentes projections de population :

Modifications de 1985 à la Loi sur les Indiens (loi C-31)

Les amendements apportés le 17 avril 1985 à la Loi sur les Indiens sont connus sous le nom de « projet de loi C-31 ». Tel que le mentionne Clatworthy (2009), « ce texte législatif a accordé le statut d’Indien inscrit aux personnes radiées du Registre des Indiens en vertu de certaines règles des versions antérieures de la Loi, surtout des femmes, et a permis une « première » inscription de leurs enfants ». Par exemple, les femmes qui avaient perdu dans le passé leur statut d’Indiennes inscrites en épousant un homme n’ayant pas le statut d’Indien inscrit ont pu se réinscrire sous la loi C-31 et leurs descendants sont devenus éligibles à l’inscription.

Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au Registre des Indiens (loi C-3)

La Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au Registre des Indiens, mieux connue sous le nom de « projet de loi C-3 », est entrée en vigueur le 31 janvier 2011. Selon le site web d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, « le projet de loi modifie des dispositions de la Loi sur les Indiens jugées inconstitutionnelles par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans son jugement rendu dans l’affaire McIvor c. Canada. L’entrée en vigueur de la Loi fera en sorte que les petits-enfants admissibles des femmes qui ont perdu leur statut d’Indienne en raison de leur mariage avec un non-Indien seront admissibles à l’inscription (statut d’Indien)»Note 1. Cette loi accorde à ces petits-enfants la catégorie d’inscription 6(2), quelle que soit leur date de naissance, et reclasse de 6(2) à 6(1) un de leurs parents, lorsque ces derniers sont nés de femmes ayant perdu leur statut en épousant un homme non inscrit et qui ont eux-mêmes marié une personne non inscrite le 4 septembre 1951 ou après.

Accord de 2008 pour la reconnaissance de la bande de la Première Nation Qalipu Mi’kmaq

La Première Nation Qalipu Mi’kmaq est une nouvelle bande indienne créée par décrit le 22 septembre 2011 sans l’attribution de terres de réserve. Les membres fondateurs ont droit à l’inscription sous le paragraphe 6(1)(b) de la Loi sur les Indiens.

Taux de chefs de ménages

Au Canada, les analyses existantes des taux de chefs de ménages autochtones se rattachent, pour l’essentiel, à des exercices passés de projections des populations autochtones (Clatworthy 2012 et 2006; Ng et Perreault 1998; Kerr et Kopustas 1995), et sont de ce fait peu nombreuses. Celles-ci ont cependant révélé que les taux de chefs de ménages autochtones sont, tel qu’attendu, inférieurs à ceux de l’ensemble de la population dans son ensemble, en conséquence de la taille en moyenne plus élevée des ménages autochtones. Elles ont également souligné la difficulté d’établir des tendances à cet égard puisque, comme le mentionne Clatworthy (2012), il est difficile de départager si les changements survenus dans les taux de chefs au fil du temps chez les différentes populations autochtones (particulièrement les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits et les Métis) sont dus à de réels changements de comportements ou sont simplement le fait de changements qui se sont opérés dans la composition de la population (comme par exemple la mobilité ethnique, les changements législatifs et les accords spécifiques qui font passer d’un groupe à l’autre un grand nombre de personnes qui n’ont pas nécessairement les mêmes comportements en termes de formation de ménage que leur groupe d’accueil).

L’analyse des tendances touchant l’évolution des taux de chefs de ménages de 2001 à 2011 effectuée dans le cadre du présent exercice de projection montre une légère hausse du taux de chefs de ménages au fil du temps. Toutefois, lorsque l’on standardise ces taux en tenant compte de l’âge du chef de ménage, du lieu de résidence, de l’identité autochtone, de l’état matrimonial et de la taille des ménages, les tendances observées entre 2001 et 2011 et entre 2006 et 2011 disparaissent presque complètement, montrant par là qu’elles relèvent largement d’effets de composition relatifs aux variables considérées par les présentes projections. Pour cette raison, les taux de chefs de ménages sont maintenus constants tout au long de la projection.

Autres hypothèses

Les autres hypothèses qui ont été développées aux fins des présentes projections se rapportent soit aux composantes qui sont d’un apport indirect à l’accroissement des populations autochtones (scolarité, état matrimonial), soit aux composantes touchant plus spécialement les populations non autochtones (migrations internationales). Chacune n’a été l’objet que d’une seule hypothèse. Ces hypothèses ont toutes été sélectionnées afin de refléter la situation et les tendances les plus récentes. Elles ont été élaborées avec le souci de présenter la plus grande cohérence possible avec deux autres ensembles de projections de Statistique Canada : 1) les Projections de la population pour le Canada (2013 à 2063), les provinces et les territoires (2013 à 2038) (Statistique Canada 2014), dont les hypothèses ont été soumises à une consultation étendueNote 26; 2) les Projections de la diversité de la population canadienne, 2006 à 2031 (Statistique Canada 2010), dont les hypothèses ont également été soumises à des consultations. Ces hypothèses se tiennent aussi près que possible du scénario de croissance moyenne M1 des Projections de la population pour le Canada (2013 à 2063), les provinces et les territoires (2013 à 2038) pour la migration internationale, la fécondité de l’ensemble de la population et la mortalité de l’ensemble de la population, puis du scénario de référence des Projections de la diversité de la population canadienne, 2006 à 2031 pour les autres composantes, dans une version actualisée à la lumière du contexte démographique récent.

Les principales hypothèses sont les suivantes :

  • Un taux annuel d’immigration de 7,5 pour mille et une composition de l’immigration selon le pays de naissance représentative de la période 2006-2011Note 27;
  • Un taux d’émigration nette constant au niveau observé de 2002-2003 à 2011-2012 et un maintien des différentiels d’émigration tels qu’observés de 1995 à 2010;
  • Un solde des résidents non permanents qui décline jusqu’à devenir nul en 2021-2022, et une composition de la population de nouveaux résidents non permanents représentative de celle de cette population dans l’ENM de 2011;
  • Une fécondité qui atteint 1,67 enfant par femme à l’échelon national en 2021 et un maintien des écarts entre les groupes projetésNote 28;
  • Une hausse modérée de l’espérance de vie à l’échelon national, suivant les tendances observées de 1981 à 2010, et un maintien des écarts entre les groupes projetés;
  • Un plafonnement progressif de la tendance à la hausse quant à la scolarisation de la population et un maintien des écarts entre les populations autochtones et non autochtones;
  • Un ralentissement progressif des tendances relatives à l’état matrimonial, tant chez les populations autochtones que non autochtones;
  • Un maintien jusqu’en 2036 des taux de mobilité religieuse intragénérationnelle estimés entre 2001 et 2011;
  • Un maintien jusqu’en 2036 des taux de mobilité linguistique intragénérationnelle estimés au moyen des appariements entre les recensements de 2001 et de 2006 puis de 2006 et de 2011;
  • Un maintien jusqu’en 2036 des taux de transmission intergénérationnelle de la religion, des langues et du groupe de minorités visibles estimés avec les données ajustées de l’ENM de 2011.

Scénarios de projection

Suivant les objectifs poursuivis par les présentes projections, cinq scénarios ont été retenus. Le scénario 1, dit de référence, combine les hypothèses de convergence complète de la fécondité en 2036 à celles d’une mobilité ethnique intragénérationnelle constante et de migrations internes conformes aux estimations ajustées des recensements de 2001 et 2006 et de l’ENM de 2011. Il est appelé scénario de référence car chacun des autres scénarios n’en diffère que par une seule composante, permettant ainsi l’analyse de l’effet distinct de la fécondité, de la mobilité ethnique et de la migration interne sur l’évolution future de la population autochtone. Le scénario 2, ou de convergence modérée de la fécondité, diffère du scénario de référence par son hypothèse de fécondité, qui propose une convergence de la fécondité des Autochtones vers celle des non-Autochtones de façon à combler la moitié de l’écart les séparant d’ici 2036. Le scénario 3, ou de fécondité constante, se distingue des deux précédents en ce qu’il ne suppose aucune convergence de la fécondité. Le scénario 4, ou de mobilité ethnique nulle, est identique au scénario de référence sauf en ce qu’il suppose un arrêt de la mobilité ethnique intragénérationnelle dès 2011. Enfin, le scénario 5, ou de migration interne nulle, ne se distingue du scénario de référence que par le fait qu’il suppose un arrêt des migrations internes à partir de 2011 (tableau 7).

Les scénarios 3 et 4 sont ceux qui vont générer respectivement les accroissements démographiques les plus forts et les plus faibles pour la population autochtone, du moins à l’échelon nationalNote 29. Ils fournissent une fourchette plausible d’accroissement des populations autochtones en regard des tendances passées qui se veut un reflet de l’incertitude touchant l’évolution future de la fécondité et de la mobilité ethnique des populations autochtones dont il a été question précédemment. L’utilisateur des projections est invité à prendre en considération cette fourchette de préférence à un scénario seul. À cet égard, il convient de noter que le choix du vocable de « scénario de référence » pour le scénario 1 ne signifie pas que nous considérions celui-ci comme plus probable que les autres. Tel que mentionné plus haut, il ne constitue une référence qu’en ce qu’il est le point de comparaison pour l’analyse de la sensibilité des résultats aux composantes qui sont modifiées une à une dans les autres scénarios.

Ajoutons que le fait de n’avoir sélectionné qu’une seule hypothèse pour chacune des composantes touchant les non-Autochtones ne signifie pas non plus que nous jugions l’évolution future des populations non autochtones comme exempte d’incertitude. Ce choix n’a été motivé que par la volonté d’estimer le pourcentage de la population totale que représenteraient les Autochtones selon ces cinq scénarios retenus, à accroissement égal du reste de la population. Il est possible de consulter les projections de Statistique Canada précédemment citées pour obtenir une idée des accroissements alternatifs possibles du reste de la population. D’autres projections issues de cette nouvelle version de Demosim viseront par ailleurs à présenter plus spécifiquement ce que pourrait être l’accroissement d’autres groupes composant le reste de la population et ce, selon des scénarios différents de ceux retenus ici.

Notes

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